2012-2013 Message de la commissaire à l’information
À la même période l’an dernier, mon rapport annuel dénotait un certain optimisme. Pour la première fois en 10 ans, les institutions fédérales communiquaient plus rapidement des réponses aux demandes d’accès à l’information, ce qui constituait une amélioration légère mais perceptible.
Toutefois, ce progrès a été de courte durée. Alors que je publie mon dernier rapport annuel, il y a des signes indéniables de détérioration importante du système fédéral d’accès à l’information. En fait, en 2012-2013, j’ai constaté à de nombreuses reprises que des institutions fédérales manquaient à leurs obligations les plus fondamentales en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.
Un des organismes en cause manquait tellement de personnel qu’il ne pouvait accuser réception des demandes d’accès à l’information que des mois après les avoir reçues, et ne pouvait même pas indiquer quand il serait en mesure d’y donner suite. Un autre organisme a eu recours à une prorogation de plus de trois ans pour répondre à une demande d’accès à l’information. D’autres institutions fédérales n’ont pas réussi à respecter les dates d’engagement que mon bureau avait négociées avec celles-ci en vue de communiquer à des demandeurs des documents ayant trait à des dossiers dont le traitement accusait déjà un important retard. Aussi, certaines autres institutions n’ont pas récupéré et analysé les documents visés avant d’informer les demandeurs qu’ils ne pouvaient pas y avoir accès.
On prétextait habituellement que le resserrement budgétaire avait un effet direct et négatif sur les services que les institutions étaient en mesure d’offrir aux demandeurs.
De tels événements ont donné lieu à une augmentation considérable du nombre de plaintes reçues à mon bureau. Les plaintes ont augmenté de 9 % en 2012-2013 et ont fait un bond stupéfiant de 50 % au cours du premier trimestre de l’exercice financier 2013-2014. De surcroît, les plaintes administratives, qui sont clairement des indicateurs de manquements de base de la part des institutions fédérales, continuent d’augmenter, ce qui inverse une tendance à la baisse qui durait depuis trois ans.
Mon bureau continue également de prendre la pleine mesure des ramifications des nouvelles exemptions s’appliquant en propre à certaines institutions fédérales qui sont maintenant assujetties à la Loi sur l’accès à l’information en vertu de la Loi fédérale sur la responsabilité. En outre, la disparition et la fusion de plusieurs institutions ont nui aux enquêtes du Commissariat, puisqu’il était alors impossible de savoir avec précision comment et où les documents de ces institutions seraient dispersés ou préservés.
Pris dans leur ensemble, tous ces éléments m’indiquent clairement que l’intégrité du programme fédéral d’accès à l’information est grandement menacée.
Les statistiques montrent que les Canadiens exigent de plus en plus que leur gouvernement rende des comptes, car ils déposent un nombre sans cesse croissant de demandes d’accès à l’information chaque année. Par conséquent, il est impératif que les problèmes du système soient réglés, et ce, de manière adéquate et rapide. Comme l’a déclaré Winston Churchill : « Il ne sert à rien de dire “Nous avons fait de notre mieux”. Il faut réussir à faire ce qui est nécessaire. »
Ce qui est nécessaire c’est le leadership, surtout de la part du gouvernement et de chacune des institutions fédérales qui doivent répondre aux demandes d’accès à l’information.
Les ministres et les fonctionnaires de la haute direction doivent promouvoir fréquemment et avec vigueur l’intention et l’esprit de la Loi sur l’accès à l’information, encourager une culture d’ouverture au sein des institutions dont ils ont la charge et insister sur l’importance de s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Loi.
Toutefois, pour être vraiment efficace, le leadership doit se traduire en gestes concrets.
Les circonstances actuelles exigent l’affectation de ressources suffisantes pour la fonction d’accès aux institutions, et de crédits parlementaires adéquats pour mon bureau afin qu’il puisse effectuer son travail d’enquête.
Les lois qui guident l’accès à l’information à l’échelon de l’administration fédérale doivent être modernisées afin de refléter les progrès technologiques et législatifs qui ont été réalisés depuis la rédaction de la loi, il y a 30 ans. Les modifications administratives, bien qu’elles conviennent pour donner suite à certaines préoccupations, ne suffisent pas pour apporter une solution efficace aux problèmes urgents découlant des dispositions législatives. D’innombrables demandes de réforme ont été ignorées par plusieurs gouvernements tour à tour. Il faut mettre un terme à toutes ces années d’inaction, compte tenu de l’état précaire du système d’accès à l’information.
Les Canadiens ont également un rôle à jouer à cet égard. Ils doivent parler franchement de la nécessité d’avoir un système d’accès à l’information qui fonctionne correctement et de leur droit quasi constitutionnel à l’information concernant les décisions que le gouvernement prend en leur nom.
À l’heure actuelle, je suis d’avis que le gouvernement ne peut pas faire la sourde oreille à ces demandes. La Loi sur l’accès à l’information constitue la loi du pays. Par conséquent, le gouvernement a l’obligation juridique de la respecter.
De plus, l’accès à l’information est essentiel pour le système de gouvernement du Canada, puisqu’il s’agit d’un outil de premier plan qui facilite l’engagement des citoyens envers le processus en matière de politique publique. Lorsque le système d’accès à l’information vacille, non seulement la participation des Canadiens au gouvernement est contrecarrée, mais au bout du compte, la santé de la démocratie canadienne est en jeu.