Décision en vertu de l’article 6.1, 2024 CI 69

Date de la décision : octobre 2024

Sommaire

Une institution a demandé à la Commissaire à l’information l’autorisation de ne pas donner suite à 597 demandes d’accès en vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information. De l’avis de l’institution, les demandes d’accès constituent un abus de faire une demande de communication et sont vexatoires.

La Commissaire conclut que l’institution a établi que 550 des 597 demandes d’accès constituent un abus du droit de faire une demande de communication. Dans les circonstances, il est justifié qu’elle accorde à l’institution son autorisation de ne pas donner suite à ces demandes d’accès. Elle n’accorde pas son autorisation pour les 47 autres demandes d’accès. L’institution n’a pas démontré que celles-ci sont vexatoires ou constituent un abus du droit de faire une demande de communication.

La demande d’autorisation est partiellement acceptée.

Demande d’autorisation

En vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information, le responsable d’une institution fédérale peut demander à la Commissaire à l’information l’autorisation écrite de ne pas donner suite à une demande d’accès si, à son avis, la demande est l’une ou plusieurs des choses suivantes :

  • vexatoire;
  • entachée de mauvaise foi;
  • un abus du droit de faire une demande d’accès.

Les institutions ne peuvent pas refuser de donner suite à une demande d’accès pour la simple raison que les renseignements demandés ont déjà été publiés de manière proactive en vertu de la partie 2 de la Loi [paragraphe 6.1(1.1)].

Il incombe à l’institution de démontrer que la demande d’accès satisfait à l’un ou plusieurs des critères du paragraphe 6.1(1).

Si l’institution démontre que l’un ou plusieurs critères du paragraphe 6.1(1) s’appliquent, alors la Commissaire doit exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder ou non l’autorisation.

Dans l’exercice de ce pouvoir, la Commissaire considère toutes les circonstances et tous les facteurs pertinents, dont :

  • la nature quasi constitutionnelle du droit d’accès;
  • l’intérêt public à l’égard des documents demandés;
  • la question de savoir si l’institution s’est acquittée de ses obligations en vertu du paragraphe 4(2.1), soit de faire tous les efforts raisonnables pour prêter toute l’assistance indiquée à la personne qui a fait la demande d’accès.

Demandes d’accès en cause

Le 23 mars 2024, l’institution a demandé à la Commissaire l’autorisation de ne pas donner suite à 597 demandes d’accès qu’elle a reçues entre le 6 janvier 2022 et le 11 mars 2024. La structure de toutes les demandes d’accès était la suivante :

  • Tous les courriels de [nom du membre du personnel] du [date 1] au [date 2].

Chaque demande d’accès vise les courriels d’un membre du personnel en particulier sur une période de quelques mois. Selon l’institution, les demandes d’accès constituent un abus du droit de faire une demande de communication et sont vexatoires.

Les demandes constituent-elles un abus du droit de faire une demande de communication?

La Loi prévoit un important droit d’accès aux documents relevant des institutions fédérales. Cependant, tous les droits s’accompagnent de responsabilités. Il ne faut pas abuser de ce droit d’accès.

Il y a abus lorsqu’une personne qui fait une demande d’accès utilise son droit de manière abusive ou inappropriée.

C’est par exemple le cas lorsqu’une demande d’accès vise un objectif autre que la communication de documents ou de renseignements. C’est également le cas lorsqu’une demande d’accès est contraire à l’intérêt public parce qu’elle constitue un fardeau excessif pour l’institution, parce qu’elle empêche d’autres personnes de faire valoir leur droit d’accès et/ou parce qu’elle augmente indûment les coûts et le temps consacré par une institution au respect de ses obligations en vertu de la Loi.

La liste de facteurs ci-dessus n’est pas exhaustive; d’autres facteurs pertinents peuvent être pris en considération selon les circonstances propres à chaque cas. Il faut donc évaluer chaque demande d’accès au cas par cas pour établir s’il s’agit ou non d’un abus du droit de faire une demande de communication.

But des demandes

Le premier argument présenté par l’institution pour étayer son point de vue selon lequel les demandes d’accès constituent un abus du droit de faire une demande de communication concerne le but des demandes. L’institution soutient que la personne qui a fait les demandes d’accès admet ouvertement que celles-ci ne visent pas à obtenir la communication de documents ou de renseignements, mais à accroître les ressources affectées à la Direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) de l’institution et de faire augmenter l’inventaire de plaintes du Commissariat à l’information.

À l’appui de cet argument, l’institution a fourni un courriel daté du 3 octobre 2023, dans lequel l’analyste de l’AIPRP a écrit ce qui suit à la personne qui a fait les demandes d’accès [traduction] :

Oui, nous avons reçu vos demandes. Je voudrais cependant discuter avec vous, si possible. Nous avons 470 demandes ouvertes. Nous sommes submergés. MDR

Dans sa réponse, la personne qui a fait les demandes d’accès a indiqué ce qui suit [traduction] :

Ouais... nous avons discuté et je pense que vous avez un plan triennal. Faire croître l’inventaire. Faire croître l’inventaire du Commissariat. Les rapports annuels mentionneront les calendriers. Et puis... davantage de ressources seront affectées à votre unité. Si vous avez une meilleure façon de faire, n'hésitez pas à m’en faire part.

L’institution a également expliqué que la personne qui a fait les demandes d’accès avait demandé que chacune soit traitée en deux étapes :

  1. L’institution fournit une liste des objets de chaque courriel pertinent dans le cadre de la demande d’accès;
  2. L’institution fournit à la personne qui a fait la demande le contenu complet de certains courriels, y compris les pièces jointes, sur demande.

L’institution a mentionné que, jusqu’à présent, après avoir reçu une liste des objets de tous les courriels, la personne qui a fait les demandes n’a demandé, à l’étape 2, aucun courriel ou moins de cinq courriels sur des sujets divers et sans rapport. L’institution est d’avis que la personne qui a fait les demandes ne s’intéresse à aucun sujet en particulier et que son objectif, tel qu’elle l’a déclaré, est de faire croître l’inventaire de demandes d’accès de l’institution et l’inventaire de plaintes du Commissariat, afin que ces deux institutions n’aient plus le choix de se doter de davantage de ressources. Selon l’institution, les buts de la personne sont contraires à l’esprit de la Loi. Les demandes d’accès ne devraient pas et ne peuvent pas être faites ou utilisées comme moyen administratif et/ou politique pour exercer de la pression sur les institutions afin qu’elles se dotent de davantage de ressources.

Entrave et droit d’accès d’autres personnes

Le second argument principal présenté par l’institution est que répondre aux demandes d’accès entraverait de façon sérieuse la prestation de ses services essentiels, ce qui nuirait à sa capacité de répondre à d’autres demandes d’accès.

Pour appuyer ce point de vue, l’institution a expliqué que, afin de répondre à l’étape 1 du processus expliqué ci-dessus, elle demande l’aide d’une autre institution pour récupérer les courriels, afin de s’assurer que les documents sont sauvegardés. La totalité des demandes d’accès nécessite de collecter et de stocker un grand nombre de documents. En outre, le processus administratif et l’examen ont nécessité une quantité croissante de ressources humaines et techniques.

Selon l’institution, les listes d’objets de courriels varient de 50 à 800 pages. Selon son expérience du traitement de 15 de ces demandes d’accès, le traitement de l’étape 1 d’une demande nécessite environ 5 à 30 jours. À raison de 10 jours en moyenne par demande, l’institution estime que le traitement des 597 demandes prendrait au moins 5450 jours.

En outre, l’institution a mentionné que les demandes d’accès ont généralement été présentées à intervalles de 2 à 5 mois, et elle prévoit que des demandes similaires continueront d’être présentées dans un avenir rapproché. Dans ses échanges avec l’institution, la personne qui a fait les demandes a indiqué clairement qu’elle continuerait de présenter de telles demandes [traduction] : « Je répéterai les demandes visant des courriels au fil du temps. »

Enfin, l’institution a expliqué que la récupération et le traitement des documents à cette échelle entravent de façon sérieuse la prestation de ses services essentiels. Ses experts en la matière font des recherches et examinent un grand nombre de demandes d’accès, tout en exerçant leurs fonctions quotidiennes. Demander à ses experts en la matière de fournir des conseils sur de grands nombres de courriels ainsi que de participer au traitement de ces demandes d’accès aurait une incidence sur la capacité de l’institution de répondre à d’autres demandes, empêchant ainsi d’autres personnes d’exercer leur droit d’accès et le ministère de remplir ses obligations et responsabilités opérationnelles générales.

Discussion

La question de savoir si une demande d’accès constituerait un fardeau excessif pour une institution repose sur une évaluation objective des faits. Celle-ci dépend de la portée et de la nature de la demande d’accès ainsi que des efforts nécessaires pour y donner suite. Mais quand une personne impose un fardeau excessif à une institution avec ses demandes d’accès, elle empêche d’autres personnes d’exercer légitimement leur droit d’accès.

Après avoir considéré toutes les observations et les éléments de preuve présentés par l’institution, la Commissaire conclut que cette dernière n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour lui permettre de conclure raisonnablement que les 597 demandes d’accès constitueraient un fardeau excessif et qu’elles empêcheraient d’autres personnes de faire valoir leur droit d’accès.

L'affirmation de l’institution selon laquelle [traduction] « la récupération et le traitement des documents à cette échelle entrave de façon sérieuse la prestation de ses services essentiels » n’est pas suffisamment étayée par la preuve. La Commissaire reconnaît que le nombre de documents pourrait être élevé, mais il ne lui paraît pas comme un fardeau excessivement lourd. L’institution n’a pas fourni suffisamment d’information concernant la comparaison de la charge de travail et les priorités concurrentes pour justifier les délais de réponse prévus, à part pour affirmer qu’elle a calculé qu’il faudrait 5450 jours pour répondre aux demandes.

En réponse à l’affirmation de l’institution selon laquelle les demandes d’accès ne devraient pas être utilisées pour exercer de la pression sur les institutions afin qu’elles se dotent de davantage de ressources, ce qui est contraire à l’esprit de la Loi, la personne qui a fait les demandes a expliqué qu’elle fait de nombreuses demandes depuis 1992. Elle fournit le fruit de ses demandes d’accès aux médias. Certains documents sont publiés, alors que d’autres servent d’information et de confirmation aux journalistes et aux politiciens.

La personne qui a fait les demandes d’accès a aussi expliqué que sa méthode en deux étapes pour demander et obtenir des courriels des mêmes employés désignés, de façon répétée au fil du temps (soit la même demande d’accès présentée encore et encore au fil du temps), s’est avérée très efficace en ce qui a trait aux objectifs de la Loi sur l’accès à l’information. La personne a indiqué que [traduction] « c’est une situation sans issue. Comment une personne faisant une demande peut-elle savoir quels documents demander si elle ne sait pas que les documents existent? » La personne explique qu’elle s’y prend ainsi pour savoir quels documents d’intérêt existent et quels documents demander.

La personne qui fait les demandes d’accès soutient également que l’efficacité de cette méthode pour ce qui est de remplir les objectifs de la Loi sur l’accès à l’information est démontrée par les nombreux reportages, sur une période de nombreuses années, qui ont révélé des problèmes d’intérêt pour le public et dont celui-ci n’aurait pas eu connaissance autrement. La personne a fourni les exemples suivants, entre autres [traduction] :

Par exemple, il y avait un rapport interne au sein d’une autre institution qui divulguait […]. Comment une personne peut-elle faire une demande d’accès visant le rapport interne au sein [de cette institution] si elle ne sait pas que ce document existe?

En établissant plutôt une liste des nombreux documents qui sont en la possession d’un employé clé en particulier, ce document serait mentionné dans une discussion avec d’autres employés ou sous forme de pièce jointe à un courriel.

Un autre exemple : quand la personne faisant une demande a découvert un manuel de formation interne [à une autre institution] concernant […]. Cela a mené à une enquête à l’échelle nationale.

Comment la personne qui fait une demande peut-elle savoir qu’elle peut demander un manuel de formation interne [à cette institution] concernant […]? En déterminant les nombreux documents en possession d’un employé clé désigné, dans ce cas un employé responsable de la formation, le manuel de formation concernant […] a été repéré dans le cadre de la demande d’accès et un exemplaire du manuel a été obtenu (bien que des exceptions y aient été appliquées). Les documents ont établi que [...].

La Commissaire est d’avis que les demandes d’accès, à l’origine, étaient motivées par une réelle intention d’obtenir de l’information. Cela dit, la preuve dont elle dispose laisse penser qu’il y a eu un changement un moment donné et que le but principal de la plupart des demandes n’est plus d’obtenir de l’information. Cet argument est appuyé par le fait que la personne qui a fait les demandes était disposée à retirer d’anciennes demandes d’accès dans les deux situations décrites ci-dessous.

La personne qui a fait les demandes a déclaré avoir discuté avec l’institution de [traduction] « l’idée que le vaste inventaire de demandes d’accès non traitées ferait valoir la nécessité d’affecter des ressources au sein [de l’institution] afin de lui permettre de traiter ce vaste inventaire de demandes non traitées, afin de se conformer à la Loi sur l’accès à l’information. » La personne a aussi déclaré avoir proposé ce qui suit au cours de ces discussions [traduction] :

[…] que quand des ressources supplémentaires sont affectées au traitement au sein [de l’institution], pour faire ce que la personne qui a fait la demande a fait il y a de nombreuses années, quand [une autre institution] a accepté d’adopter la méthode en deux étapes : retirer d’anciennes demandes et traiter seulement les nouvelles demandes. 

Tel qu’expliqué ci-dessus, la personne qui a fait les demandes était disposée à abandonner les plus vieilles demandes une fois que des ressources seraient affectées au bureau de l’AIPRP de l’institution. La Commissaire est donc d’avis que, bien que le but principal des demandes les plus vieilles était d’obtenir l’information demandée, cela ne semblait plus être autant le cas quand la personne qui les a faites a indiqué qu’elle était disposée à les retirer une fois que davantage de ressources seraient affectées au bureau de l’AIPRP de l’institution.

Le deuxième élément concerne l’offre faite par la personne qui a présenté les demandes d’accès dans sa réponse à la présente demande d’autorisation. Elle a déclaré ceci [traduction] :

Il y a actuellement 597 demandes d’accès actives. La personne qui les a faites accepterait de retirer 550 demandes d’accès et de recevoir un crédit pour 550 demandes d’accès futures. [L’institution] accepterait de traiter l’étape 1 des 47 demandes d’accès restantes dans un délai de six mois. [L’institution] devrait conserver tous les documents relatifs à toutes les demandes retirées pour une période de cinq (5) ans à partir de la date d’aujourd’hui.

Encore une fois, le fait que la personne soit disposée à abandonner 550 demandes d’accès en échange d’un crédit et d’un délai de traitement plus court appuie l’idée que le but principal de ces demandes d’accès n’est plus d’obtenir de l’information. La personne semble plutôt utiliser 550 des 597 demandes d’accès comme monnaie d’échange pour obtenir un délai de traitement plus court pour ses autres demandes d’accès.

La Commissaire note que ce n’est pas la première fois que la personne a utilisé ses demandes d’accès les plus vieilles pour négocier des délais de traitement plus courts. Dans un courriel à l’institution daté di 6 juin 2022, la personne a écrit ceci [traduction] :

Comme les 900 pages n’ont pas encore été reçues, veuillez noter que notre suspension volontaire de nos 57 demandes d’AIPRP prendra fin à 16 h, le vendredi 10 juin 2022.  

Cette communication laisse croire que la personne utilisait certaines de ses demandes d’accès les plus vieilles pour menacer l’institution : si celle-ci ne fournit pas une réponse rapide, la personne annulera la suspension de ses autres demandes.

Les observations de la personne qui a fait les demandes d’accès, dans lesquelles elle indique ce qui suit, confirment le tout [traduction] : 

[...] un « échange » a été proposé : s’il y avait un engagement à traiter un petit nombre de demandes d’accès dans un certain délai, comme un an, un grand nombre de demandes d’accès seraient retirées.

Utiliser un arriéré de demandes d’accès pour négocier un délai de traitement plus court pour d’autres demandes n’est pas une utilisation appropriée du droit de faire une demande de communication. Si la personne qui a fait les demandes n’est pas satisfaite du délai de traitement, le recours approprié est de déposer une plainte auprès du Commissariat à l’information.

Compte tenu de ce qui précède, la Commissaire conclut que le but des 550 demandes d’accès les plus vieilles n’est plus d’obtenir de l’information, mais de faire en sorte que davantage de ressources soient affectées au bureau de l’AIPRP et de négocier des délais de traitement moins longs pour les nouvelles demandes. Ce facteur en particulier ne suffit pas, dans les circonstances en l’espèce, pour conclure que ces demandes d’accès constituent un abus du droit de faire une demande de communication.

Pour ce qui est des 47 demandes d’accès les plus récentes, la Commissaire n’est pas d’avis que la preuve est suffisante pour conclure que leur but principal n’est plus d’obtenir de l’information.

Puisqu’elle a conclu que l’institution n’a pas démontré que les 597 demandes d’accès constituent un abus du droit de faire une demande de communication, la Commissaire se penche maintenant sur la question de savoir si ces demandes sont vexatoires.

Les demandes d’accès sont-elles vexatoires?

Le terme « vexatoire » n’est pas défini dans la Loi. Dans le contexte d’une demande d’accès, le terme s’entend généralement comme une demande présentée principalement dans le but d’embarrasser, de harceler, de contrarier ou de causer des problèmes. Cependant, la question de savoir si une demande est vexatoire dépend des faits et doit être évaluée au cas par cas. C’est pourquoi il est préférable de ne pas définir ce terme trop strictement (Canada c. Olumide, 2017 CAF 42).

Même les demandes d’accès qui semblent légitimes peuvent être vexatoires si elles sont principalement présentées, intentionnellement ou non, à des fins inappropriées, comme causer des dommages ou exercer des représailles à l’égard d’une institution fédérale. Une demande peut également être vexatoire si elle est présentée ou qu’on en fait le suivi d’une manière vexatoire.

Bien que l’article 6.1 précise que c’est la demande d’accès qui doit être vexatoire, et non la personne qui la fait, les circonstances entourant une demande et le comportement de la personne qui la fait peuvent être pertinents s’ils montrent qu’une motivation inappropriée sous-tend la demande. Dans de telles circonstances, une demande d’accès sera vexatoire s’il y a un lien clair entre la demande elle-même et le comportement vexatoire.

À l’appui de sa position selon laquelle les demandes sont vexatoires, l’institution soutenait que, dans le cadre de l’étape 2, la personne qui a fait les demandes n’a demandé aucun courriel ou moins de cinq courriels. Le fait que la personne demande rarement des courriels complets à l’étape 2 est, selon l’institution, vexatoire [traduction] :  

Le temps nécessaire pour examiner 500 pages associé à l’une des demandes [de la personne] qui n’a pas donné lieu à une demande d’autres documents est vexatoire.

Discussion

La Commissaire conclut que la position de l’institution, à savoir que les demandes d’accès sont vexatoires, n’est pas appuyée par la preuve. Le seul argument soulevé par l’institution est que la personne qui a fait les demandes a demandé seulement la communication du corps de quelques courriels à l’étape 2 dans le cadre de demandes précédentes. En soi, ce n’est pas suffisant pour établir que les demandes sont vexatoires.

De toute façon, aucune des 47 demandes d’accès restantes ne semble avoir atteint l’étape 2 du processus établi par la personne qui les a faites. Rien n’indique que, une fois la liste de courriels transmise à la personne qui a fait les demandes, celle-ci demandera la communication de seulement quelques courriels ou d’aucun d’entre eux.

Compte tenu de ce qui précède, la Commissaire conclut que l’institution n’a pas suffisamment démontré que les demandes d’accès étaient vexatoires.

Dans les circonstances, est-il justifié que la Commissaire accorde son autorisation à l’institution de ne pas donner suite aux demandes d’accès?

Comme l’institution a établi que l’un des critères du paragraphe 6.1(1) s’applique aux 550 demandes d’accès, la Commissaire doit maintenant exercer son pouvoir discrétionnaire pour accepter ou refuser la demande d’autorisation.

Pour exercer son pouvoir discrétionnaire, la Commissaire a pris en considération tous les facteurs pertinents et les circonstances, y compris les suivants.

Obligation de prêter assistance à la personne qui a fait la demande d’accès

Le paragraphe 4(2,1) prévoit une obligation générale de prêter assistance aux personnes qui font une demande d’accès. La portée de cette obligation est vaste, car elle requiert qu’une institution fasse « tous les efforts raisonnables » pour prêter assistance à une personne qui fait une demande d’accès. Cette obligation va aussi loin qu’il serait raisonnable pour l’institution de fournir une assistance. L’obligation de prêter assistance comprend notamment aider une personne qui fait une demande d’accès à préciser sa demande, à réduire la portée de sa demande afin que les documents demandés puissent lui être fournis plus rapidement et à fournir les renseignements nécessaires pour permettre à l’institution de repérer les documents demandés.

La question de savoir en quoi consistent « tous les efforts raisonnables » pour prêter assistance à une personne qui fait une demande dépend des faits pertinents et des circonstances. Par conséquent, la question de savoir si une institution s’est acquittée ou non de ses obligations en vertu du paragraphe 4(2,1) dépend des faits et doit être évaluée au cas par cas.

La preuve dont dispose la Commissaire laisse croire que l’institution a fait de nombreuses tentatives pour aider la personne qui a fait les demandes d’accès, discutait continuellement avec la personne concernant ses demandes et s’est adaptée aux exigences spéciales de la personne. Les exemples suivants proviennent d’échanges de courriels qui ont été fournis à la Commissaire.

Une tentative de prêter assistance à la personne qui a fait les demandes d’accès a été faite le 8 février 2022. Dans un courriel, l’institution a mentionné avoir communiqué avec une autre institution pour obtenir de l’aide afin de rassembler les documents demandés. Cela démontre que l’institution a fait des efforts pour donner accès aux documents en temps opportun. Dans le même courriel, l’institution a aussi mentionné qu’une discussion concernant la portée de la demande a eu lieu, et que la personne qui a fait les demandes a accepté de limiter la période visée temporairement et de réévaluer le tout lorsqu’une réponse intérimaire sera fournie.

Une autre tentative a été faite autour du 23 février 2022. Dans un courriel, l’institution mentionne avoir rencontré une autre institution, suivant les conseils de la personne qui a fait les demandes, pour obtenir des conseils sur la meilleure façon de traiter les demandes d’accès. L’institution a ajouté que [traduction] « la rencontre a été très constructive et [elle] examinera diligemment les pratiques [de l’autre institution] et, avec un peu de chance, pourra mettre en œuvre quelque chose de similaire adapté à ses propres réalités. »  Cela démontre aussi que l’institution a fait des efforts pour donner accès aux documents en temps opportun.

Une autre tentative a été faite le 31 mars 2022, lorsque l’institution a suggéré à la personne qui a fait les demandes d’exclure les documents confidentiels du Cabinet afin d’accélérer le traitement de sa demande.

Dans un courriel qui date du 14 octobre 2022, l’institution a aussi suggéré à la personne qui a fait les demandes d’accès de modifier la période visée par les demandes les plus vieilles, afin d’inclure de l’information plus récente.

Compte tenu de ce qui précède, la Commissaire estime que l’institution a fait tous les efforts raisonnables pour prêter assistance à la personne qui a fait les demandes d’accès. Elle conclut donc que l’institution a établi qu’elle s’était acquittée de son obligation de prêter assistance à la personne qui a fait les demandes d’accès.

Intérêt public

La personne qui a fait les demandes d’accès soutenait que ses demandes ont donné lieu à plusieurs reportages qui ont révélé des problèmes d’intérêt pour le public et dont celui-ci n’aurait pas eu connaissance autrement.

La Commissaire est d’accord que certains des documents demandés peuvent être d’intérêt public et elle ne conteste pas l’importance de ces renseignements ni leur contribution aux médias. Cependant, l’intérêt public des renseignements, en l’espèce, ne justifie pas le préjudice à l’intérêt public que pourraient causer les 550 demandes d’accès les plus vieilles.

D’une part, les 550 demandes d’accès les plus vieilles semblent avoir un intérêt limité pour le public, puisque la personne qui les a faites est prête à les abandonner. D’autre part, répondre à ces demandes d’accès monopoliserait une quantité importante de ressources publiques qui pourraient être utilisées autrement.

Dans les circonstances, la Commissaire est d’avis que, dans l’ensemble, il n’est pas dans l’intérêt public de monopoliser des ressources publiques pour répondre à des demandes d’accès dont le but n’est plus d’obtenir de l’information.

Décision

L’institution a établi que les 550 demandes d’accès les plus vieilles satisfaisaient à un ou plusieurs critères du paragraphe 6.1(1) :

  • Bien que le but principal des demandes d’accès, à l’origine, ait été d’obtenir communication de renseignements, ce n’est plus le cas;
  • Le but principal de ces demandes d’accès n’est plus d’obtenir de l’information, mais de faire en sorte que davantage de ressources soient affectées au bureau de l’AIPRP et de négocier des délais de traitement plus courts pour les demandes plus récentes;
  • Ces demandes d’accès visent un objectif autre que d’obtenir de l’information, ce qui constitue un abus du droit de faire une demande de communication.

Les circonstances justifient que la Commissaire exerce son pouvoir discrétionnaire pour autoriser l’institution à ne pas donner suite à ces demandes d’accès.

La demande d’autorisation est donc partiellement acceptée.

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