Décision en vertu de l’article 6.1, 2023 CI 50

Date de la décision : Octobre 2023

Sommaire

Une institution a présenté à la Commissaire à l’information une demande d’autorisation pour ne pas donner suite à deux demandes d’accès à l’information en vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information. L’institution soutient que les demandes d’accès sont entachées de mauvaise foi et constituent un abus du droit de faire une demande de communication. L’institution a également affirmé s’être acquittée de son obligation de prêter assistance à la personne qui a fait les demandes d’accès.

La Commissaire conclut que l’institution n’a pas démontré s’être acquittée de son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4(2.1) avant de demander l’autorisation de ne pas donner suite aux demandes d’accès. De ce fait, il n’est pas nécessaire de déterminer si les demandes d’accès sont entachées de mauvaise foi et constituent un abus du droit de faire une demande.

La demande d’autorisation est rejetée.

Application

Le paragraphe 6.1(1) prévoit que le responsable d'une institution fédérale peut demander à la Commissaire à l'information l'autorisation écrite de ne pas donner suite à une demande d'accès si, de l'avis du responsable de l'institution, la demande est vexatoire, est entachée de mauvaise foi ou constitue un abus du droit de faire une demande de communication. Il incombe à l'institution d'établir que la demande remplit un ou plusieurs des critères prévus au paragraphe 6.1(1). 

Le droit d'accès à l’information relevant d'une institution fédérale a été reconnu comme étant de nature quasi constitutionnelle (Blood Tribe (Département de santé) c. Canada (Commissaire à la protection de la vie privée), 2006 CAF 334 au para 24; voir aussi Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25 au para 40). Compte tenu de ce qui précède, l'autorisation de ne pas donner suite à une demande d'accès ne sera accordée que s'il existe des preuves claires et convaincantes à l'appui de la position de l'institution selon laquelle la demande d'accès est vexatoire, entachée de mauvaise foi ou constitue autrement un abus du droit de faire une demande d'accès à des documents. (Voir, par exemple : Saskatchewan (Advanced Education) (Re), 2010 CanLII 28547 (SK IPC) aux paras. 43-47 ; Territoires du Nord-Ouest (organisme public) (Re), 2017 CanLII 73304.)

Si l'institution établit qu'un ou plusieurs des critères du paragraphe 6.1(1) est rempli, la Commissaire doit déterminer si les circonstances justifient l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'accepter la demande de l'institution de ne pas donner suite à la demande d’accès.

Première demande : Tout document, peu importe leur nature et leur format, d’une autre institution lié à un sujet précis.

Deuxième demande : Tout document (sans limiter la généralité de ce qui précède), incluant les courriels et les messages Teams) concernant toute demande d'accès à l'information reçue par l’institution concernant le sujet en question. Inclure notamment tout document concernant le traitement ou les suites à donner à la demande. Demande d'accès à mes renseignements personnels: Tout renseignement personnel détenu sur moi, notamment tout courriel qui mentionne mon nom ou mon titre (demandeur, plaignant, etc.)

Selon l’institution, l’obligation de prêter assistance à la personne qui a fait les demandes d’accès a été remplie. L’institution a également affirmé que les demandes d’accès sont entachées de mauvaise foi et constituent un abus du droit de faire une demande.

L’institution s'est-elle acquittée de son obligation de prêter assistance au demandeur d’accès?

Avant de demander l'approbation du Commissaire, les institutions doivent faire tous les efforts raisonnables pour prêter assistance au demandeur d'accès, conformément aux responsabilités qui leur incombent en vertu du paragraphe 4(2.1).

Le paragraphe 4(2.1) énonce l'obligation générale d’assistance. La portée de cette obligation est large, puisqu'elle exige qu'une institution fasse "tous les efforts raisonnables" pour prêter assistance au demandeur. Cette obligation va aussi loin qu'il serait raisonnable pour l'institution de fournir une assistance. L'obligation d'assistance peut consister à aider le demandeur à clarifier sa demande d'accès, à restreindre son champ d'application afin de faciliter une réponse plus rapide aux documents demandés et à fournir les informations nécessaires pour permettre à l'institution d'identifier le(s) document(s) demandé(s).

Ce qui constitue "tous les efforts raisonnables" pour prêter assistance au demandeur dans un cas donné dépend des faits et circonstances pertinents. Par conséquent, la question de savoir si une institution a rempli ses obligations au titre du paragraphe 4(2.1) dépend des faits et doit être évaluée au cas par cas.

Avant de déterminer si l’institution a rempli son obligation de prêter assistance au demandeur, il est important de considérer la chronologie des évènements.

Chronologie des évènements
DateChronologie des évènements
10 janvier 2022

Le demandeur fait la première demande d’accès :

Tout document, peu importe leur nature et leur format, d’une autre institution lié au sujet en question.

10 février 2022L’institution fait une première demande 6.1 concernant cette demande d’accès.
21 avril 2022

La Commissaire refuse la demande 6.1. 

L’institution a indiqué avoir alors poursuivi le traitement de la demande d’accès. 

13 mai 2022

Le demandeur fait deux nouvelles demandes :

  • Deuxième demande d’accès – Tout document (sans limiter la généralité de ce qui précède), incluant les courriels et les messages Teams) concernant toute demande d'accès à l'information reçue par l’institution concernant le sujet en question. Inclure notamment tout document concernant le traitement ou les suites à donner à la demande. Demande d'accès à mes renseignements personnels: Tout renseignement personnel détenu sur moi, notamment tout courriel qui mentionne mon nom ou mon titre (demandeur, plaignant, etc.).
  • Demande de renseignements personnels – Tous les renseignements personnels que l’institution détient sur le demandeur, notamment tout courriel qui mentionne son nom ou ses numéros de demande.
14 juin 2022L’institution informe le demandeur qu’elle prend une prorogation de 1095 jours pour répondre à la deuxième demande d’accès.
12 juillet 2022,Les documents en réponse à la demande de renseignements personnels ont été transmis au demandeur (1052 pages).
14 juillet 2022Le demandeur demande que les documents soient traduits en français. L’institution n’a pas donné suite à cette demande en raison des coûts et des ressources nécessaires.
5 août 2022L’institution a demandé au demandeur de confirmer officiellement qu’il demande la traduction des documents en vertu de l’alinéa 17(2)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
17 août 2022Suivi de l’institution auprès du demandeur
17 août 2022Réponse du demandeur confirmant qu’il veut faire traduire les documents.
17 août 20222 e courriel du demandeur faisant diverses propositions, dont celle d’abandonner la première demande d’accès en échange d’une indemnité financière.
Novembre 2022Demandeur a demandé une mise à jour sur le traitement de ses demandes.
24 novembre 2022L’institution propose au demandeur une première divulgation concernant la première demande d’accès par la poste et demande de confirmer son adresse. L’institution n’a pas eu d'autres communications avec le demandeur concernant la deuxième demande d’accès depuis le dépôt de la plainte en juin 2022.
24 janvier 2023Suivi du demandeur à propos de la première divulgation concernant la première demande d’accès. 
10 février 20232e suivi du demandeur à propos de la première divulgation concernant la première demande d’accès. 
5 juillet 2023L’institution communique avec le Commissariat pour déposer sa 2e demande 6.1 concernant les deux demandes d’accès.

Première demande d’accès

Il s’agit de la deuxième demande d’autorisation de ne pas donner suite à cette demande d’accès. L’institution a demandé l’autorisation une première fois le 10 février 2022. La demande d’autorisation a été refusée notamment parce que la Commissaire a conclu que l’institution n’avait pas établi s’être acquitté de son obligation de prêter assistance.

En ce qui concerne la présente demande d’autorisation, l’institution a indiqué avoir suspendu ses communications régulières avec le demandeur depuis son courriel du 17 août 2022, estimant que celui-ci faisait preuve de mauvaise foi dans le cadre de ses demandes d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels.

Bien que la Commissaire accepte que le courriel du demandeur du 17 août 2022 soit l’élément déclencheur de cette deuxième demande d’autorisation de l’institution, elle s’explique mal pourquoi l’institution a attendu 11 mois pour présenter une telle demande. Elle note également que contrairement à son assertion de mauvaise foi et d’arrêt des communications, l’institution a en fait communiqué avec le demandeur d’accès en novembre 2022 – non pas pour l’aviser que son courriel était inapproprié, mais plutôt pour l’aviser qu’une première divulgation allait lui être envoyée. La Commissaire note, enfin, qu’ayant eu une autre opportunité de fournir des éléments nouveaux concernant son obligation de prêter assistance, l’institution ne l’a pas fait.

[13]    Considérant que l’institution a communiqué avec le demandeur d’accès à d’autres fins que pour mettre fin à ses communications ou pour remplir son obligation d’assistance, la Commissaire conclut que l’institution ne l’a pas convaincue que cette nouvelle demande d’autorisation de ne pas donner suite à la première demande d’accès a du mérite.

Deuxième demande d’accès

En ce qui a trait à la deuxième demande d’accès, contrairement à la demande précédente, il s’agit de la première demande d’autorisation. Toutefois, l’institution n’a soumis aucune observation permettant à la Commissaire de conclure que l’obligation de prêter assistance a été remplie.

La Commissaire conclut que l’institution n’a pas établi s’être acquittée de son obligation d'assistance en vertu du paragraphe 4(2.1) avant de demander l'autorisation de ne pas donner suite à cette demande d’accès. La demande d’autorisation est donc rejetée.

Commentaire additionnel

Ceci étant dit, la Commissaire ne peut ignorer que le dossier démontre que le demandeur a tenté de négocier une somme d’argent en échange de l’abandon des procédures en lien avec la première demande d’accès, lors du traitement d’une de ces demandes d’accès pour renseignements personnels. Le demandeur a expliqué qu’il a fait cette proposition dans un contexte de frustration, d’épuisement et de fatigue des procédures avec l’institution. Il indique que ce n’était pas réfléchi et qu’il a été impulsif dans un moment de fatigue et de frustration et qu’il le regrette.

La Commissaire estime nécessaire de rappeler au demandeur que ce type de marchandage avec les institutions dans le contexte d’une demande d’accès à l’information est tout à fait inacceptable et inapproprié. Le droit d’accès est un droit quasi constitutionnel dont l’importance ne devrait pas être minimisée ni abusée. Le système d’accès au gouvernement fédéral rencontre suffisamment de défis et est souvent critiqué. Tout comme les institutions, les demandeurs se doivent d’être respectueux de leurs obligations et du droit d’accès, afin de ne pas mettre la crédibilité du système en péril. La Commissaire recommande au demandeur de s’assurer qu’il est vraiment et totalement intéressé à recevoir la réponse complète à ses demandes d’accès. Finalement, elle encourage le demandeur à collaborer avec l’institution afin que ses besoins au niveau de l’accès soient bien compris et traités dans les plus brefs délais.

Décision

La demande d’autorisation de l’institution de ne pas donner suite aux deux demandes d’accès est rejetée.

L’institution est tenue de donner suite aux demandes d’accès en cause.

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