Discours pour la publication du rapport Viser juste pour la transparence
Conférence de presse pour la publication du rapport spécial de la commissaire à l'information
par Suzanne Legault, commissaire à l'information du Canada
Le 31 mars 2015
Ottawa (Ontario)
(Le discours prononcé fait foi)
Je suis ravie de publier aujourd’hui mon rapport sur la modernisation la Loi sur l’accès à l’information.
L’accès à l’information détenue par le gouvernement est essentiel au fonctionnement d’une démocratie moderne.
Cette information permet aux citoyens de participer utilement au processus démocratique.
Elle garantit que les citoyens peuvent tenir les politiciens et les fonctionnaires responsables de leurs actions et leurs décisions.
En réalité, la Loi dont le but était de faire la lumière sur les décisions et les activités du gouvernement est devenue un bouclier contre la transparence.
Une loi visant à accroître la responsabilisation et la participation citoyenne en est devenue une qui encourage une culture du retard.
De toute évidence, un changement s’impose.
L’un des éléments clés qui caractérisent un système de gouvernement ouvert et efficace est une loi moderne en matière d’accès à l’information qui maximise la divulgation de l’information du gouvernement, de la façon la plus rapide possible, dans des formats facilement accessibles par le public.
Mon rapport offre une perspective objective et unique sur tous les aspects du processus d’accès à l’information.
Il est basé sur mon expérience cumulée au fil de plus de 10 000 plaintes complétées.
Il prend en considération le travail de mes prédécesseurs et les commentaires reçus de nombreux intervenants.
Il s’inspire également des normes les plus élevées et des meilleures pratiques provenant des lois d’accès à l’information d’autres juridictions, des lois types et des guides ainsi que des rapports de haut niveau sur la réforme de la Loi.
La Loi a été élaborée il y a plus de 30 ans lorsque la plupart des données étaient sur support papier et que l’Internet était encore en développement.
En 2015, avec les nouvelles technologies, les nouvelles demandes et les attentes contemporaines des citoyens, je crois fermement que la Loi actuelle n’établit pas le juste équilibre entre le droit des Canadiens à l’information, d’une part, et la protection légitime de l’information qui pourrait potentiellement causer des préjudices pour les gouvernements, les tierces parties ou les individus, d’autre part.
Je propose 85 recommandations qui auront pour effet de réajuster cet équilibre.
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Je vais mettre l’accent ce matin sur quatre aspects contenus dans le rapport qui sont essentiels pour créer une culture d’ouverture.
I Élargir le champ d’application de la Loi
Premièrement, de nombreux Canadiens ont été surpris de découvrir au cours des dernières années que la Loi ne s’applique pas au Parlement, aux cabinets des ministres ni au cabinet du premier ministre.
Le Parlement, par exemple, reçoit plus de 500 millions de dollars en fonds publics, mais n’est pas assujetti à la Loi. Je recommande d’élargir le champ d’application de la Loi pour inclure ces institutions et d’autres qui reçoivent des fonds gouvernementaux, qui sont contrôlées par le gouvernement du Canada ou qui sont dotées d’une fonction publique.
II Rapidité des réponses
Deuxièmement, mes prédécesseurs et moi avons souvent dit que communiquer l’information en retard revient à refuser de communiquer l’information. Nous avons à plusieurs reprises mentionné le besoin de délais plus stricts dans le processus d’accès à l’information.
La Cour d’appel fédérale a statué plus tôt ce mois-ci qu’« un accès en temps opportun fait partie intégrante du droit d’accès » [traduction]. Pourtant, dans un monde où la vitesse à laquelle l’information voyage se calcule en millisecondes, le délai de réponse des institutions aux demandes peut prendre des mois ou des années.
Mes recommandations visent à modifier un certain nombre de dispositions qui ont créé une culture du retard. Je recommande de limiter les prorogations au strict nécessaire, en fonction d’un calcul rigoureux, logique et soutenable et jusqu’à une durée maximale de 60 jours. Les prorogations plus longues nécessiteraient la permission du Commissariat.
III Maximiser la divulgation
Troisièmement, mes recommandations visent à maximiser la divulgation de l’information gouvernementale. Parce que la Loi en vigueur contient un grand nombre d’exclusions et d’exceptions, elle offre des choix multiples pour refuser la divulgation.
Je recommande que toutes les exclusions de la Loi en vigueur soient abrogées et remplacées par des exceptions lorsque cela est nécessaire. Cela permettrait d’examiner de façon indépendante tous les documents, y compris ceux du Cabinet.
Je recommande également des changements à plusieurs exceptions afin qu’elles ne protègent que ce qui est strictement nécessaire pour éviter toute atteinte aux intérêts publics ou privés.
Finalement, je recommande l’ajout d’une disposition de primauté de l’intérêt public. Ceci permettra la prise en compte de l’intérêt public lorsque l’on étudie la possibilité d’appliquer ou non une exception au sens de la Loi.
IV Renforcer la surveillance
Quatrièmement, je propose un ensemble de recommandations portant sur les pouvoirs de la commissaire à l’information visant à renforcer la surveillance du régime d’accès à l’information.
Dans l’état actuel de la Loi, une fois qu’une plainte est reçue par mon bureau, je ne peux que formuler des recommandations à une institution fédérale. Ces recommandations ne sont pas contraignantes.
Je recommande donc que l’on attribue des pouvoirs exécutoires à la commissaire à l’information.
Ainsi, un demandeur pourrait en appeler au Commissariat d’une décision d’une institution.
La première étape serait la médiation.
En cas d’échec, la commissaire pourrait alors se saisir du litige et délivrer une ordonnance réglant les questions soulevées dans l’appel.
Un modèle exécutoire avec le pouvoir de rendre des ordonnances est, à mon avis, la façon la plus efficace d’assurer une divulgation maximale d’information, le plus rapidement possible.
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Un grand nombre de ces recommandations s’imposent depuis très longtemps.
Une loi sur l’accès à l’information moderne aiderait les Canadiens à exercer leur droit de savoir.
Elle faciliterait la création d’une culture du gouvernement qui est ouverte par défaut.
Et, elle permettrait de rétablir la position de chef de file du Canada à l’échelle mondiale en matière d’accès à l’information.
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C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.