Discours sur le budget supplémentaire des dépenses (B) 2014-2015

Comparution devant le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes (ETHI)

par Suzanne Legault, commissaire à l'information du Canada

Le 4 décembre 2014
Ottawa (Ontario)

(Le discours prononcé fait foi)


Bonjour, Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je suis accompagnée de Layla Michaud, ma directrice principale des finances et directrice générale.

Monsieur le Président, je voudrais vous parler brièvement du travail que le Commissariat a effectué pour favoriser la transparence et la responsabilisation pendant mon mandat de commissaire à l'information.

Je doute cependant de pouvoir poursuivre cette importante contribution à la démocratie canadienne, compte tenu du volume de travail et de la situation financière que le Commissariat connaît présentement.

Comme vous le savez, la Loi sur l'accès à l'information définit le Commissariat à l'information du Canada comme le premier niveau d'examen indépendant des décisions gouvernementales concernant la communication de renseignements relevant de la Loi. Les requérants qui ne sont pas satisfaits de la façon dont les institutions ont traité leur demande d'accès à l'information ont le droit de déposer plainte au Commissariat. J'ai l'obligation légale d'enquêter sur toutes les plaintes qui relèvent de la Loi.

Grâce au travail du Commissariat, les Canadiens reçoivent souvent davantage de renseignements que ce que les institutions souhaitaient communiquer au départ. J'aide également les requérants à obtenir l'information plus rapidement. Après la tragédie de Lac-Mégantic, par exemple, j'ai été en mesure d’obtenir des informations bien avant le moment où Transports Canada prévoyait leur communication.

Depuis 2009-2010, j'ai examiné tous nos processus opérationnels et d'enquête pour repérer les gains d'efficacité possibles, et j'ai amélioré sensiblement la façon dont mon équipe traite les plaintes. Ainsi, nous avons réglé plus de 10 000 plaintes. La plupart d'entre elles ont été résolues sans qu'il soit nécessaire de recourir à la Cour fédérale, qui est le deuxième niveau d'examen en vertu de la Loi.

En ce qui concerne les autres dossiers non résolus, mon équipe juridique a plaidé ces affaires auprès des tribunaux, avec le consentement des plaignants. Au cours des années, j'ai également formulé des recommandations au Président du Conseil du Trésor quant aux diverses manières de progresser en matière de responsabilisation et de transparence. Je me réjouis que la plupart de ces recommandations aient été mises en œuvre par le gouvernement.

Pendant les quatre dernières années, j'ai aussi trouvé de meilleures façons de nous acquitter des fonctions essentielles en matière de finances et de gouvernance. J'ai procédé à des réaffectations internes pour apporter un soutien maximal aux enquêtes.

J'ai mené à bien tout cela alors même que mon budget diminuait. La réalité est que la somme dont je dispose maintenant pour faire mon travail a diminué de 11 %.

De plus, au cours du précédent exercice, nous avons connu une hausse de 30 % des nouvelles plaintes, ce qui a mené notre organisation à un point critique. Bien que nous ayons réglé 10 % de dossiers supplémentaires par rapport à l'exercice précédent, le nombre de plaintes à traiter a grimpé de 16 %. C'est la première hausse d'une telle envergure que j'aie connue.

Donc, mon équipe d'enquêteurs travaillant à la limite de ses possibilités, je n'ai aucune souplesse financière pour augmenter ma capacité d'enquête ou pour anticiper les urgences. Mon budget est si serré que j'ai fait un écart de quelque 37 000 $ à la fin du précédent exercice. C'est pourquoi je n'ai pas l'argent nécessaire pour réagir aux situations imprévues, comme une panne de serveur.

Les choses ne vont pas aller en s'améliorant, car le nombre de plaintes, tout comme les pressions financières, vont continuer à croître.

À moins que mon budget ne soit augmenté, je n'ai qu'une possibilité, à l'approche de ce nouvel exercice financier, pour respecter mon crédit budgétaire : faire des coupures dans le programme.

Je ne prends pas cette décision à la légère. Mon rôle de surveillance indépendante est essentiel au système d'accès à l'information, qui est lui-même le fondement de la transparence et de la responsabilisation. Le gouvernement en a fait des objectifs prioritaires. Le travail que j'effectue avec le Commissariat est essentiel pour lui permettre de les atteindre.

Mais, à mesure que ma charge de travail augmente, le délai entre le moment où je reçois les dossiers et celui où je peux les attribuer à des enquêteurs s'allonge. Les retards qui en découlent mettent déjà en péril le droit d'accès à l'information. Les requérants devront attendre encore plus longtemps pour obtenir l'information. Cela portera ensuite atteinte à leur droit de poursuivre l'affaire auprès de la Cour fédérale, car ils doivent attendre la fin de notre enquête pour le faire.

Une telle évolution est la dernière chose que je souhaite aux Canadiens, qui ont le droit d'accéder en temps opportun aux renseignements gouvernementaux.

J'ai sonné l’alarme concernant notre situation financière chaque fois que l'occasion s'est présentée. J'ai aussi approfondi chaque possibilité de préserver mon budget et de conserver l'intégrité du programme. Cela comprend le dépôt de demandes de financement au cours de l'exercice 2014 et, tout récemment, pour l'élaboration du budget 2015, mais sans succès jusqu'à présent.

En conclusion, permettez-moi de dire que je pense avoir démontré clairement par mes actes durant mon mandat de commissaire ce dont j'ai toujours été convaincue : que la gestion efficace des fonds publics est d'une importance capitale.

J'ai dit par le passé aux membres du Comité que j'aurais des décisions très difficiles à prendre pour respecter mon crédit budgétaire, être à la hauteur de mon mandat et maintenir l'excellence en matière de gouvernance. J'ai sans aucun doute dû prendre ces décisions.

Comme je l'ai dit dans mon dernier Rapport ministériel sur le rendement : « Sans financement supplémentaire, je ne serai plus en mesure d'accomplir mon mandat de façon responsable et d'assurer le respect total des droits d'accès à l'information des Canadiens. »

En l'absence de ressources supplémentaires, je devrai, en gestionnaire responsable des fonds publics, faire des coupures dans le programme pour garantir la poursuite des activités du Commissariat dans le respect du crédit budgétaire alloué.

Rassurez-vous : je m'éloignerai du gouffre fiscal plutôt que de basculer dans le vide. Mais, ce faisant, le droit quasi constitutionnel d'accès à l'information pour les Canadiens sera de plus en plus souvent bafoué.

Merci. Je répondrai volontiers à vos questions.

Rapport

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