Faire le point sur la dernière année au Commissariat

Discours à la réunion des coordonnateurs de l’AIPRP 

par Suzanne Legault, commissaire à l'information du Canada

Le 26 septembre 2017
Ottawa (Ontario)

(Le discours prononcé fait foi)


Introduction

Bonjour à vous tous.

Merci de vous joindre à nous dans le cadre de la Semaine du droit à l’information.

La Semaine du droit à l’information nous offre chaque année l’occasion de souligner le travail que nous faisons pour que les Canadiens et les Canadiennes aient accès à l’information gouvernementale.

C’est aussi l’occasion de vous rencontrer, de faire le point sur l’année écoulée et de vous communiquer une mise à jour sur ce qui s’en vient.

Je vais d’abord faire le point rapidement sur l’organisation du Commissariat. Nous avons maintenant deux sous-commissaires, Layla Michaud et Nancy Bélanger. Layla est responsable des enquêtes et de la gouvernance. Nancy est mon avocate générale, et elle est également responsable des affaires parlementaires, des enjeux des politiques et des communications. En pratique, cela ne représente pas vraiment un changement puisque nous fonctionnons selon ce modèle depuis un certain temps déjà. Il s’agit plutôt d’une confirmation de l’ordre des choses au Commissariat. 

Le point sur les enquêtes

Du côté des dossiers administratifs, nous avons continué à améliorer, avec les commentaires reçus des différents ministères, notre processus simplifié. Ce processus est un succès sans équivoque. 

En 2016-17, plus de 800 plaintes administratives ont été traitées. De ces 800 plaintes, près de 470 ont été résolues au stade préliminaire de l’enquête. Si vous vous souvenez bien, les objectifs de cette stratégie étaient de s’assurer que l’information à laquelle le plaignant a droit se trouve le plus rapidement possible entre ses mains, et de s’assurer de l’efficacité de l’utilisation des ressources des ministères et du Commissariat. 

Les résultats démontrent que ces deux objectifs ont été atteints. Le développement de ce processus d’enquête simplifié est un bel exemple de succès au niveau de la collaboration entre les ministères et le Commissariat à l’information. Cette année, jusqu’à présent, un peu plus de 50 pourcent de nos plaintes administratives ont été résolues au stade préliminaire de l’enquête. 

Le temps médian pour régler un dossier administratif est maintenant de 36 jours au lieu de 48.

Du côté des dossiers de refus, nous continuons aussi le processus de médiation amorcé de manière concertée l'an dernier. Là aussi l'efficacité accrue est indéniable, et les résultats concrets.

Le temps médian pour régler un dossier de refus est passé de 166 jours à 70 jours.

Par ailleurs, l’an dernier a été caractérisé par un nombre croissant de rencontres avec les sous-ministres, sous-ministre adjoints et les coordonnateurs de différents ministères. 

Ces rencontres ont pour but de mieux comprendre l’environnement du ministère, de présenter notre analyse de la situation et de trouver des pistes de solution. Tout ceci afin d’améliorer la collaboration et l’efficacité des enquêtes et ainsi obtenir de meilleurs résultats pour les Canadiens et les Canadiennes. 

Un excellent exemple de collaboration l'an dernier est le dossier impliquant Services Partagés Canada. Le président m'a contacté immédiatement pour m'informer de la destruction possible de documents dans son institution. Ce contact rapide pour impliquer le Commissariat à l’information, et la collaboration avec la coordinatrice tout au cours de l'enquête a hautement facilité la résolution rapide de ce dossier épineux.

J'ai aussi eu deux rencontres avec le comité exécutif de l'Agence du revenu du Canada. Ces rencontres m'ont permis de partager avec la haute gestion ma perspective sur la réalité de la gestion de l'accès à l'information à l'Agence.

Leur charge de travail, leurs défis, et les actions que pourraient entreprendre la haute gestion pour aider l'Agence à résoudre certains de ses défis particuliers. Cela permet aussi à la haute gestion et aux coordonnateurs de réaliser que nous comprenons souvent très bien la dynamique spécifique à certaines institutions.

N'oubliez pas, vos demandeurs sont nos plaignants.

D'un autre côté, nous avons observé récemment dans certains ministères une réticence à fournir l'information requise par nos enquêteurs. Nous avons fait le suivi en personne avec les instances de première responsabilité. Après plus de huit ans comme commissaire, je peux vous assurer que cette réticence n'est jamais productive. Comme vous le savez nous devons compléter les enquêtes et nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour ce faire. Plus la collaboration est grande, plus la résolution des dossiers est rapide. Même dans les dossiers difficiles, et en fait surtout dans les dossiers difficiles, la collaboration est la clé pour maximiser les résultats de part et d'autre.

Maximiser le résultat pour le plaignant, minimiser l'impact pour le gouvernement des dossiers épineux, et optimiser l'utilisation des ressources du Commissariat à l’information et des ministères.

Si vous éprouvez des difficultés avec l'administration de votre unité d'accès, n'hésitez pas à engager vos leaders organisationnels. Ils sont là pour vous aider. Le message du Premier ministre est clair. Il supporte un gouvernement ouvert et transparent. Vos leaders ont la responsabilité d'actualiser ce mandat. Vos leaders peuvent travailler de concert avec nous pour aller de l'avant de manière constructive.

Notre travail cependant est loin d'être terminé. Notre inventaire de plaintes se situe toujours au delà de 3 000 dossiers. Les plaintes continuent d'augmenter. Le nombre de demandes d'accès dans vos institutions aussi.

Voici quelques points saillants concernant ce que nous réserve l’avenir du côté des enquêtes si l’on veut relever les défis auxquels nous sommes confrontés.

Nous avons été informés récemment que le Commissariat recevra cette année encore des fonds temporaires additionnels. Vous avez peut-être déjà été en contact avec les nouveaux consultants embauchés par le Commissariat. Bon nombre de ces consultants étaient là l’an dernier, alors vous devriez voir une certaine continuité.

Il y a aussi un concours pour recruter de nouveaux enquêteurs. Nous avons reçu plusieurs centaines de candidatures.

Nous continuons d’offrir une formation continue pour que notre processus d’enquête soit le plus cohérent possible.

Par exemple, la semaine prochaine, il y aura une semaine complète de formation interne sur les dossiers relatifs à la sécurité nationale.

Nous travaillons sur des documents d’orientation portant sur le paragraphe 10(2), l’article 20 et la consultation de tiers, et sur la façon dont le Commissariat va gérer les cas de plaintes multiples déposées par un même plaignant.

Nous allons aussi travailler avec les institutions auxquelles on a attribué un F ou un statut d’alerte rouge dans la plus récente analyse du rendement, qui a été présentée dans mon dernier rapport annuel. Ces institutions doivent s’attendre à recevoir une lettre du Commissariat au cours des prochains mois.  

Nous prévoyons publier le résultat de ces travaux dans un rapport semestriel en décembre.

Conformément aux progrès des pratiques numériques, le Commissariat est en train de mettre au point un formulaire de plainte en ligne. Cette application a été développée et évaluée avec la contribution de la collectivité de l’AIPRP, des intervenants et des journalistes.

Nous apportons actuellement des changements au formulaire de plainte en ligne en nous fondant sur la rétroaction reçue, et nous ferons une évaluation de la menace et des risques prochainement. Nous espérons lancer l’application plus tard cet automne.

Je veux remercier personnellement les professionnels de l’AIPRP qui ont participé à notre groupe de discussion en juin pour évaluer le formulaire de plainte en ligne. Shelley Chambers, Blair Isaac, Stephane Boudrais, Isabelle Dugas, Kofi Kodua, Kara Cardy, Cathy Leclair, Marie-Josée Trudel, Danielle Golden et Valerie Lance, merci beaucoup à vous tous pour votre temps et vos commentaires réfléchis.

Enfin, je vous ai dit l’an dernier que nous élaborions un code de procédure. Il est maintenant sur mon bureau, mais le projet est mis en suspens en attendant l’issue du processus législatif concernant le projet de loi C-58.

Le point sur le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels

Il s’agit certainement de l’enjeux le plus important dans notre domaine d’activité cette année.

Le gouvernement a promis de modifier la Loi sur l’accès à l’information. La lettre de mandat du président du Conseil du Trésor et de la ministre de la Justice faisait état de cette promesse, et c’est l’un des engagements pris par le gouvernement dans son troisième plan d’action national dans le cadre du Partenariat pour un gouvernement transparent. 

Le projet de loi C-58, qui vise à modifier la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, a été déposé à la Chambre des communes le 19 juin 2017. Ce projet de loi modifie considérablement la Loi sur l’accès à l’information. Beaucoup des modifications proposées pourraient en fait réduire votre charge de travail mais, à mon avis, elles représentent un véritable recul du droit d’accès à l’information au Canada. Comme vous l’avez probablement entendu dans les médias et les débats à la Chambre des communes, je ne suis pas la seule à être de cet avis.

D’abord, le projet de loi impose aux demandeurs de nouvelles obligations contraignantes lorsqu’ils font une demande d’accès, et ces obligations font obstacle à l’accès à l’information.

Les demandeurs seraient tenus d’indiquer :

  1. le sujet précis sur lequel porte la demande;
  2. le type de document demandé;
  3. la période visée par la demande ou la date du document.

Ensuite, le projet de loi ajouterait quatre nouveaux motifs pour ne pas donner suite à une demande.

J’ai déjà recommandé que les institutions soient autorisées à refuser de traiter les demandes qui sont frivoles ou vexatoires ou qui constituent un abus du droit d’accès car ces demandes, qui sont rares, peuvent entraver le traitement des autres demandes.

Le projet de loi C-58 inclut ce motif pour refuser de traiter une demande, et c’est une bonne chose.

Cependant, il ajoute trois autres motifs pour ne pas donner suite à une demande qui, selon moi, feraient en sorte que des demandes légitimes seraient refusées. Il s’agit des motifs suivants :

  1. La demande ne satisfait pas aux nouvelles exigences détaillées qu’il faut remplir pour faire une demande.
  2. Le document a déjà été communiqué à la personne qui fait la demande ou celle-ci peut avoir accès au document par d’autres moyens.
  3. La demande implique un si grand nombre de documents ou une recherche de documents si vaste qu’y donner suite entraverait de façon sérieuse le fonctionnement de l’institution. Les demandes de ce type pourraient être rejetées même si le délai pouvait être prorogé.

Cela signifie qu’une demande d’accès pour un dossier d’immigration électronique ou le dossier de vérification fiscale d’une personne précise pourrait être refusée parce que la date du document n’est pas indiquée. Ou qu’une nouvelle demande concernant des documents perdus en raison d’une inondation ou d’une panne informatique pourrait être refusée parce que les documents avaient déjà été communiqués.

Le projet de loi C-58 propose aussi de donner au commissaire à l’information le pouvoir de rendre des ordonnances. À la Chambre des communes, vendredi dernier, pendant la deuxième lecture du projet de loi C-58, le président du Conseil du Trésor a dit de ce nouveau pouvoir qu’il changeait la donne.

Je crains de ne pas partager ce point de vue.

Il est vrai qu’au terme d’une enquête, le commissaire à l’information pourrait désormais rendre une ordonnance, mais le poids de cette ordonnance est affaibli par plusieurs lacunes du projet de loi sur le plan procédural. Par exemple, si une institution décide de ne pas se conformer à une ordonnance du commissaire et de le poursuivre en justice, l’examen par la Cour est un examen de novo, comme c’est le cas actuellement. Le projet de loi ne prévoit pas non plus de mécanisme pour faire respecter les ordonnances du commissaire.

Le « pouvoir de rendre des ordonnances » du projet de loi C-58 ne met à profit aucun des avantages d’un véritable modèle exécutoire. Je ne crois pas qu’il améliorera de manière significative la rapidité d’exécution et l’efficacité des enquêtes.

De votre point de vue, cependant, la bonne nouvelle, c’est que si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, il y aura peu de changements à nos processus d’enquête.

Enfin, le projet de loi C-58 prévoit aussi un régime de divulgation proactive pour les bureaux des ministres, les institutions fédérales, le Parlement et les services administratifs des tribunaux.

Bien que la divulgation proactive soit une bonne chose en soi, il faut se rappeler qu’elle ne doit pas se substituer au droit d’accès. L’approche du projet de loi à l’égard de la divulgation proactive laisse beaucoup à désirer.

Point important, le projet de loi permet que des exceptions s’appliquent à la divulgation proactive de documents, mais il précise que le commissaire n’a aucune surveillance sur la divulgation proactive.

Le public ne pourra compter sur aucune surveillance indépendante pour s’assurer que ces exceptions sont appliquées de manière appropriée.

J’ai toutefois été heureuse de constater que le projet de loi C-58 codifie les pouvoirs du Commissariat concernant l’examen des documents pour lesquels le secret professionnel est invoqué. 

Cette semaine, je déposerai un rapport spécial au Parlement qui portera sur l’évaluation du projet de loi C-58 et qui recommandera des améliorations. Vous venez d’en avoir un bref aperçu.

Les parlementaires débattent du projet de loi en ce moment même. Pendant les débats, le ministre Brison a déclaré que le projet de loi est un travail en évolution. J’espère que le gouvernement apportera les modifications nécessaires pour dissiper mes craintes et celles des autres intervenants, de manière à améliorer et à protéger le droit d’accès.

Conclusion

Nous avons clairement beaucoup de pain sur la planche.

Nous avons cependant déjà accompli beaucoup. On me rappelle toujours qu'il est important de célébrer les succès. Comme vous le savez en décembre prochain il sera temps pour moi de tirer ma révérence en tant que Commissaire à l'information du Canada.

Je prends donc cette opportunité pour vous remercier et vous féliciter pour le travail incroyable que vous faites pour les Canadiens et les Canadiennes. Simplement en matière de résolution de plaintes, nous avons résolus ensemble bientôt près de 15 000 dossiers.

Cependant comme je dis toujours à mon équipe, il faut en faire plus. Il y a encore tellement de choses à accomplir.

La quatrième révolution industrielle est en cours. Le monde numérique est là.

Nous vivons une période de profondes transformations.

Nous devons changer notre façon de penser. Passer du secret à l’ouverture, de l’aversion pour le risque à la prise de risques. Je le sais bien que c’est plus facile à dire qu’à faire. Mais il faut agir maintenant. Le gouvernement est déterminé à opérer ce changement. Le choix du nouveau dirigeant principal de l’information en est la preuve.

Vous serez appelés à jouer un rôle crucial dans ce changement de culture, parce que vous êtes les acteurs principaux de ce changement prometteur. Vous êtes les premiers répondants aux demandes de transparence. Vous êtes essentiels à la réussite du projet d’ouverture par défaut du gouvernement.

Le gouvernement ouvert ne peut exister sans la modernisation de notre Loi sur l’accès à l’information mais aussi de nos pratiques actuelles en matière d’accès à l’information.

Le Commissariat et moi-même allons continuer de travailler pour atteindre cet objectif avec votre collaboration. C’est notre responsabilité collective.

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