2014 Lettre au président du Conseil du Trésor sur le plan d'action pour le gouvernement ouvert 2.0

Le 5 novembre 2014

L’honorable Tony Clement, C.P., député
Président du Conseil du Trésor et
ministre responsable de
l'Initiative fédérale de développement économique pour le Nord de l'Ontario
140, rue O’Connor
Ottawa (Ontario) K1A 0R5

Monsieur le Ministre,

Je vous écris pour vous faire part de mon point de vue concernant l’ébauche du Plan d’action du Canada pour un gouvernement ouvert 2.0 relatif à l’initiative Partenariat pour un gouvernement transparent (PGT).

Tout d'abord, permettez-moi de vous adresser mes félicitations, à vous en tant que ministre responsable de cette initiative ainsi qu'au gouvernement du Canada, d'avoir adhéré au mouvement mondial en faveur d'un gouvernement transparent afin d'élargir l'accès aux données et aux renseignements, d'assurer la transparence et la responsabilisation, et de renforcer la participation des citoyens dans les activités gouvernementales et dans notre processus démocratique. Il est encourageant de constater que le gouvernement du Canada assume un rôle de chef de file, tant au niveau national qu'à l'échelle internationale, en ce qui a trait au développement des données ouvertes. Le Plan s'attaque à d'importants enjeux relatifs aux données ouvertes par des engagements à l'égard de produits livrables en matière d’alphabétisation numérique, de commercialisation de données, et de partage de données ouvertes entre toutes les administrations gouvernementales. Il s'agit d'engagements louables concernant les données ouvertes.

Toutefois, j'estime toujours que les engagements actuels de votre Plan ne permettront pas d'atteindre les objectifs fixés par le gouvernement pour produire un changement en profondeur dans la culture gouvernementale, c'est-à-dire un changement qui encadrera la publication de l'information du gouvernement fédéral et fera progresser les objectifs généraux de transparence, de responsabilisation et de participation citoyenne. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi.

1. La Directive sur le gouvernement ouvert et la Loi sur l'accès à l'information

Dans le Plan, on indique que la Directive sur le gouvernement ouvert (la Directive) assurera le soutien fondamental pour chacun des engagements du PlanNote de bas de page 1, qui sont classés dans trois volets : Information ouverte, Données ouvertes et Dialogue ouvert. Comme mentionné dans le Plan, la Directive est une « politique obligeant les ministères et organismes fédéraux à maximiser la publication des données et des informations ayant une valeur opérationnelleNote de bas de page 2, sous réserve des restrictions applicables liées à la protection de la vie privée, la confidentialité et la sécurité. Les données et les informations admissibles seront publiées dans des formats ouverts normalisés, et ce, gratuitement » [italiques ajoutés]Note de bas de page 3.

Cet engagement clé de créer une culture gouvernementale « ouverte par défaut » est effectivement un engagement ambitieux et louable du gouvernement du Canada. Malheureusement, les paramètres de ce qui serait considéré comme de l'information et des données admissibles et non protégées contre la divulgation pour des raisons de protection de la vie privée, de confidentialité et de sécurité sont énoncés principalement dans l'obsolète Loi sur l'accès à l'information (la Loi)Note de bas de page 4.

Le régime d'exceptions et d'exclusions que l'on trouve dans la Loi est trop général et n'est pas assujetti à un critère universel de préjudice ainsi qu'au principe de la primauté de l'intérêt public. Je suis donc d'avis qu'en l'absence d'une loi moderne sur l'accès à l'information pour servir de base à ces paramètres, le gouvernement ne produira pas un changement, dans la culture gouvernementale, qui servira de moteur à la publication de l'information du gouvernement fédéral et qui encouragera la transparence, la responsabilisation et la participation citoyenne.

Tout au plus, le gouvernement réalisera la divulgation proactive de l'information qu'il souhaite divulguer, mais non la divulgation proactive de l'information qu'il devrait divulguer afin d'atteindre les objectifs du gouvernement ouvert.

Par conséquent, un engagement fondamental et essentiel à la création d’une véritable culture d'« ouverture par défaut » au sein de l'appareil gouvernemental du Canada consiste à moderniser la Loi.

Recommandation no 1 : Que le gouvernement du Canada s'engage à moderniser la Loi sur l'accès à l'information, en accord avec le principe du gouvernement « ouvert par défaut » et les normes internationales les plus progressistes.

2. La Directive sur le gouvernement ouvert et la gestion de l'information

La Directive sur le gouvernement ouvert indique à juste titre que « des pratiques de gestion de l'information rigoureuses sont la pierre angulaire des activités du gouvernement ouvert du gouvernement du Canada. Elles augmentent l'efficacité, réduisent les coûts, améliorent les services, protègent les renseignements personnels, classifiés et confidentiels, et veillent à ce que de l'information de grande qualité qui fait autorité soit accessible. En définitive, ces pratiques permettent aux ministères de mieux répondre aux besoins des Canadiens et des Canadiennes et de leur rendre des comptesNote de bas de page 5. »

En tant qu'outil qui établit en définitive les pratiques d'« ouverture par défaut » en matière d'information au sein du gouvernement du Canada, il est impératif que la Directive soit aussi forte que possible. À mon avis, la Directive, telle qu'elle est rédigée actuellement, est bonne, mais elle n'est pas adéquate à l'ère des documents électroniques.

Dans un environnement numérique, on crée une quantité importante d'information, ce qui présente pour les institutions gouvernementales de gros défis en ce qui a trait à l'organisation et à la gestion efficaces de leurs fonds de renseignements.

Parallèlement, il y a un manque de clarté au sujet de la différence entre un document ayant une valeur opérationnelle et un document éphémèreNote de bas de page 6. Au cours de notre enquête sur la messagerie instantanéeNote de bas de page 7, le gouvernement avait été d'avis que les services de messagerie texte autre que le courriel, comme ceux NIP à NIP, étaient un moyen de communiquer informellement de l'information de nature éphémère. Or, nous avons constaté que la messagerie instantanée était utilisée pour transmettre de l'information ayant une valeur opérationnelle et que des fonctionnaires fédéraux ont omis de conserver cette information.

Recommandation n2.1 : Que le gouvernement du Canada fournisse aux fonctionnaires davantage d'orientation et de formation sur la gestion de l'information, notamment sur la différence entre les documents éphémères et ceux ayant une valeur opérationnelle.

Au cours des deux derniers exercices financiers, mon bureau a vu une hausse du nombre de plaintes reçues au sujet de documents manquants (une augmentation de 51 p. 100 entre 2011-2012 et 2012-2013, et de 66 p. 100 entre 2012-2013 et 2013-2014). Dans le cas des plaintes concernant des documents manquants qui ont été réglées avec des conclusions en 2013-2014, 51 p. 100 étaient fondées, comparativement à 29 p. 100 en 2012-2013.

Le gouvernement ouvert dépend de renseignements consignés. Par conséquent, pour assurer la disponibilité d'informations de haute qualité et faisant autorité, qui permet aux institutions fédérales d'être plus réceptives et responsables à l'égard des Canadiens, le Plan doit faire en sorte que des documents pertinents soient créés et conservés.

Actuellement, il n'y a pas de texte législatif ou de règlement fédéral prévoyant une obligation légale exhaustive et exécutoire concernant la création de documents pour documenter les processus décisionnels ainsi que les procédures et les opérations connexes. Les instruments de politique actuels du gouvernement définissent des exigences générales visant à garantir que les fonctionnaires du gouvernement documentent les décisions et les processus décisionnels associésNote de bas de page 8. Cependant, ces exigences ne sont pas codifiées dans une loi. La Loi sur la Bibliothèque et les Archives traite de la conservation et de la suppression des documents, mais n'impose pas aux représentants du gouvernement l'obligation de documenter leurs décisions et la manière dont ils les prennent. D'autres lois requièrent que seulement certains types de documents soient créés et conservésNote de bas de page 9.

La hausse du nombre de plaintes portant sur des documents manquants, les rapports d'autres commissaires à l'information au CanadaNote de bas de page 10 ainsi que mon enquête sur la messagerie instantanée montrent qu'il faut une obligation légale exhaustive pour documenter les décisions prises par les institutions du gouvernement fédéral ainsi que des sanctions appropriées en cas de non-conformité. En l'absence d'une obligation prévue par la loi, il y a un risque, dans l'environnement de la messagerie instantanée, que les renseignements ayant une valeur opérationnelle ne soient pas tous consignés.

Recommandation no 2.2 : Que le gouvernement du Canada s'engage à appliquer une obligation légale exhaustive visant à documenter les décisions prises par des institutions du gouvernement fédéral au moyen de sanctions appropriées en cas de non-conformité.

D'après les résultats de mon enquête spéciale sur l'utilisation de la messagerie instantanée pour transmettre de l'information gouvernementaleNote de bas de page 11, de toute évidence, il existe un risque réel que des renseignements électroniques ayant une valeur opérationnelle soient perdus. Aucun motif acceptable ne permet d'expliquer pourquoi le gouvernement est prêt à prendre ce risque.

À mon avis, il est essentiel que le gouvernement du Canada prenne des mesures supplémentaires pour garantir que l'utilisation des nouvelles technologies pour transmettre de l'information ayant une valeur opérationnelle est bien gérée et que de solides pratiques de gestion de l'information sont en place dans chaque institution.

Pour ce faire, je recommande au gouvernement du Canada de s'appuyer sur l'exemple des États-Unis, où la National Archives and Records Agency (NARA) a mis en oeuvre un projet pilote dans le but de mieux gérer les renseignements électroniques, y compris les messages instantanés et les courriels.

Cet projet de gestion automatique de l'information électronique, appelé « Capstone », désigne des employés clés ou des titulaires de charges et conserve tous leurs courriels et messages instantanés, car il est très probable que ces personnes créent de l'information ayant une valeur opérationnelle. Grâce à cette approche, on réduit le fardeau de la gestion des documents électroniques qui pèse sur l'utilisateur et on diminue le risque de destruction non autorisée de ces documents.

Recommandation no 2.3 : Que le gouvernement du Canada s'engage à étudier et à mettre en œuvre les outils de gestion de l'information électronique disponibles afin d'assurer la conservation des courriels et des messages instantanés des fonctionnaires clés.

Lever les restrictions sur les documents gouvernementaux constitue une autre façon d'améliorer l'accès aux documents. La Directive et le Plan préconisent tous deux la levée des restrictions d'accès ou la déclassification des ressources documentaires gouvernementales de valeur archivistique avant leur transfert à Bibliothèque et Archives Canada (BAC) ou lorsqu'ils s'y trouvent déjà. Cependant, la Directive et le Plan ne suggèrent pas de revue systématique ni la mise en œuvre d'un processus de déclassification pour ses documents gouvernementaux de valeur archivistique.

Répondre aux demandes d'accès à l'information relative aux affaires internationales, à la sécurité nationale et à la défense exigent l'atteinte d’un équilibre entre le droit à l'information du public nécessaire pour assurer la reddition de comptes du gouvernement et la nécessité de protéger les documents qui pourraient porter préjudice aux affaires internationales et à la sécurité nationale. Il est plutôt complexe de parvenir à un tel équilibre.

Dans une décision de 2011Note de bas de page 12, la Cour fédérale signalait que : « Peut-être que si le Canada appliquait, à l’instar d’autres démocraties, un processus de déclassification de vieux documents, bon nombre de ces questions se poseraient dans un contexte plus limité. » La cour a souligné qu’un tel processus pourrait réduire la complexité des demandes d’accès à l’information, particulièrement dans le contexte des questions de sécurité nationale.

Je recommande que le gouvernement du Canada s'engage, dans le cadre de son Plan, à déclassifier systématiquement les documents de valeur archivistique et à transférer les documents admissibles vers BAC pour que le public y ait accès. La population canadienne aura ainsi la possibilité de mieux comprendre les motifs des décisions prises par son gouvernement.

Recommandation no 2.4 : Que le gouvernement du Canada mette en œuvre un processus de déclassification systématique des documents gouvernementaux.

La Loi ne s'applique pas aux documents confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada, ce qui comprend les documents du Cabinet ainsi que ceux des comités du Cabinet. L'exclusion ne s'applique pas aux documents de plus de 20 ans. Pour obtenir ces documents, il faut présenter une demande d'accès.

Le Bureau du Conseil privé examinait autrefois systématiquement les documents confidentiels du Cabinet ayant plus de 30 ans afin de les déclassifier et de transférer les documents admissibles vers BAC, où le grand public pourrait y accéder. Il a été signalé que ce processus a cessé et qu'il existe désormais un cumul de ces documents au BCP.

Attendu que l'information de haute qualité respecte le principe de transparence par défaut et compte tenu des délais prescrits par la Loi, je recommande que le gouvernement procède à une déclassification proactive des documents confidentiels du Cabinet qui ont plus de 20 ans. Note de bas de page 13

Recommandation no 2.5 : Que le gouvernement du Canada s'engage à déclassifier les documents confidentiels du Cabinet qui ont plus de 20 ans.

3. Ébauche du Plan d'action 2.0 et technologies

Grâce aux nouvelles technologies, la prestation du service au public par les gouvernements change profondément en devenant plus rentable, transparente, responsable et pertinente. Tout ceci fait augmenter les attentes quant à un accès facile et électronique aux services du gouvernement, à la portée de main des CanadiensNote de bas de page 14.

Bien que je félicite le gouvernement du Canada pour avoir mis en œuvre un projet pilote de plate-forme centralisée en ligne pour la soumission des demandes d'accèsNote de bas de page 15 et pour s'être engagé à mettre au point des solutions et des services pangouvernementaux normalisés en vue d'accélérer le traitement des demandes d'AIPRP dans le cadre du Plan, d'autres mesures doivent être prises afin de tirer profit des nouvelles technologies et d'améliorer l'administration de la Loi sur l'accès à l'information.

La mise en place de technologies de pointe dans d'autres régions mérite d'être examinée. Par exemple, le portail mexicain InfoMex utilise une démarche unifiée qui englobe les demandes d'accès à l'information, la réception de réponses et le dépôt de plaintes auprès de l'organisme de surveillance.

Au Canada, un nombre croissant de régions publient des renseignements semblables de façon proactive.

À ce titre, je recommande que le gouvernement du Canada collabore avec le Commissariat en vue d'ajouter à la plate-forme actuelle une fonctionnalité permettant de déposer les plaintes en ligne. Ce processus devrait s'intégrer de façon transparente au portail de demandes tout en préservant l'indépendance du Commissariat et la confidentialité des plaignants.

Recommandation no 3.1 : Que le gouvernement du Canada intègre à sa plate-forme Web une fonctionnalité permettant de soumettre une plainte au Commissariat à l'information.  

Dans le cadre du Plan, le gouvernement du Canada s'engage à collaborer avec les provinces afin de diriger une recherche fédérée des données ouvertes en vue de permettre une recherche à l'échelle pancanadienne dans les portails de données ouvertes des gouvernements. Ceci fournira aux citoyens un outil pratique leur permettant de rechercher et d'obtenir des données sur des enjeux transsectoriels tels que la santé et l'environnement.

Des outils semblables existent dans le secteur de l'accès à l'information. Par exemple, le portail mexicain InfoMex est relié électroniquement aux systèmes des états fédérés, ce qui permet au public d'accéder à un système d'archivage central consultable renfermant toutes les demandes d'accès à l'information et les réponses connexes.

Je recommande qu'une approche similaire soit adoptée au Canada à l'égard de l'accès à l'information, selon laquelle les demandes d'accès à l'information et les registres de publications du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires puissent être liés et recherchés.

Ceci serait conforme à une approche gouvernementale ouverte et intégrée, et il s'agit par ailleurs d'une manière de tirer parti de la base de données des demandes d'accès à l'information traitées, créée pendant les deux premières années de l'adhésion du Canada au PGT, et de la relier aux engagements établis dans le cadre du Plan d'action 2.0.

Recommandation no 3.2 : Que le gouvernement du Canada collabore avec les autres gouvernements, à tous les niveaux, pour relier tous les systèmes d'accès à l'information et ainsi permettre des recherches centralisées.

4. Une vision intégrée pour un gouvernement ouvert

Comme je l’ai fait remarquer précédemment, le plan présente un certain nombre d’aspects positifs. Je crois que le gouvernement va dans la bonne direction en prenant des engagements en faveur des données ouvertes, comme la création d’un échange de données ouvertes et un service de données pancanadien. Je constate aussi que ces engagements suscitent des commentaires positifs de la part de la communauté des données ouvertes.

Je pense cependant que, sous sa forme actuelle, le plan ne témoigne pas de la vision large et intégrée qui le doterait d’une véritable force de transformation. En l'absence de cette vision intégrée, nous continuerons à voir des ministères agir d'une manière qui ne concorde pas avec le but du gouvernement ouvert.

Les notions de gouvernement ouvert et de transparence ne renvoient pas uniquement à l'identification de l'information gouvernementale qui devrait être divulguée de façon proactive en un format ouvert. Tout l’intérêt du gouvernement ouvert est de rendre les administrations publiques plus transparentes, plus responsables et plus à l’écoute des citoyens. 

Pour avoir des effets profonds et durables dans toute l’administration gouvernementale, dans l’intérêt des Canadiens, le plan du gouvernement doit faire en sorte que l’ensemble des systèmes, des instruments de politique et des directives, de même que la formation, le personnel et, surtout, la mentalité, soient alignés sur les objectifs de transparence du gouvernement. Cela permettra aux Canadiens de mieux évaluer la prise de décisions et les actions de leur gouvernement.

Conformément à la Directive, le rôle des cadres supérieurs chargés de la gestion de l’information ministérielle consiste à surveiller la mise en œuvre et l’application de la Directive au sein de leur ministère, en collaboration avec des intervenants clés, et notamment les chefs de la communication, les dirigeants principaux de l’information, les agents ministériels de la sécurité, les propriétaires des ressources informationnelles, les spécialistes fonctionnels, les coordonnateurs de l’accès à l’information et les coordonnateurs de la protection des renseignements personnels.

Toutefois, les cadres chargés d’assumer ces responsabilités ne prendraient pas part à la supervision de la mise en œuvre de toutes les politiques étroitement liées au gouvernement ouvert, telles que les politiques de communication et de gestion de l’information, et auraient donc une capacité limitée de faire connaître les moyens d’appliquer les valeurs de transparence du gouvernement ouvert et les exigences d’accès à l’information au quotidien.

Je pense que la création, au sein des institutions, d’un poste de dirigeant principal de la transparence, responsable de l’ensemble des politiques concernant le gouvernement ouvert, et notamment de celles relatives à l’accès à l’information, permettrait au gouvernement du Canada d’être mieux armé pour mettre en œuvre une vision intégrée.

Recommandation no 4.1 : Que le gouvernement du Canada nomme, au sein des institutions, des dirigeants principaux de la transparence chargés d’appliquer une vision intégrée pour un gouvernement ouvert.

Le Plan stipule que « la Directive appuiera la responsabilisation et la transparence au sens plus large, tout en veillant à ce que les exigences de transparence gouvernementale soient prises en considération dans l’élaboration et la mise en œuvre de tous les programmes et services fédéraux ».

Pour atteindre cet objectif, il est essentiel de mettre en place une approche ouverte qui pourrait être incluse dans les mémoires au Cabinet lorsque des propositions sur les politiques, les programmes, les initiatives et les propositions législatives sont présentées au Cabinet.

Ces dernières années par exemple, le nombre de lois contenant des formulations destinées à remplacer la Loi sur l’accès à l’information déposées au Parlement a augmenté. À mon avis, ces dispositions entravent le droit général d’accès à l’information gouvernementale et compliquent inutilement l’application de la Loi. Cela a d'ailleurs une incidence sur le programme du gouvernement en matière de transparence. En adoptant une approche ouverte, il deviendrait nécessaire de prouver que ces restrictions sont primordiales.

Recommandation no 4.2 : Que le gouvernement du Canada encourage l’adoption d’une approche ouverte autour de laquelle concevoir et appliquer les politiques, les programmes, les initiatives et les propositions législatives.

Le taux de divulgation a chuté, passant de 40,5  % en 1999-2000 à 21,6 % en 2012-2013, et ce, en dépit du fait que la Loi n’a pas été modifiée de façon importante durant cette période. Cela semble indiquer qu’il existe actuellement au sein de l’administration gouvernementale une mentalité centrée davantage sur la façon d’utiliser la Loi comme écran pour empêcher la divulgation de renseignements, plutôt que sur son emploi comme outil en faveur d’une divulgation.

Je recommande que le gouvernement du Canada s’engage à mettre en place des formations en accord avec le principe de « transparence par défaut » de la vision intégrée. Cela signifie que l’objectif de ces formations est de faire comprendre que les exceptions doivent rester limitées et particulières, et que l’exercice du pouvoir discrétionnaire doit se faire en faveur d’une divulgation maximale.

Recommandation no 4.3 : Que le gouvernement du Canada mette en place des formations afin de veiller à ce que tous les employés fédéraux concernés par la Loi sur l’accès à l’information l’interprètent en faveur d’une divulgation maximale.

Les statistiques publiées annuellement sur le site Web Info Source constituent l’une des sources d’information principales pour mesurer le rendement d’une organisation relativement à ses réponses aux demandes d’accès à l’information. Actuellement, ces statistiques sont publiées en règle générale neuf mois après la fin de la période de déclaration. À ce moment, les statistiques sont souvent désuètes et risquent de ne pas refléter la situation réelle d'une organisation.

Pour surveiller et mesurer de manière plus précise le rendement des organisations, je recommande d'inclure dans le Plan d'action du Canada 2.0 un engagement visant la publication plus fréquente de ces statistiques, dans le but d'optimiser leur utilisation et leur exactitude.

C'est là l'approche adoptée par les principaux pays dotés d'un gouvernement ouvert, comme le Royaume-UniNote de bas de page 16, qui publie ses statistiques en regard de la Freedom of Access Act chaque trimestre et ce, moins de 3 à 4 mois suivant la fin de la période de déclaration.

Recommandation no 4.4 : Que le gouvernement du Canada fournisse chaque trimestre des statistiques sur l’application de la Loi sur l’accès à l’information, dans un format facilement réutilisable.

Le renforcement de la responsabilisation en matière de rendement constitue une priorité pour le gouvernement, comme en témoigne le discours du Trône de 2013. Par conséquent, de nombreux efforts sont déployés pour accroître les performances et la productivité au sein de la fonction publique, tout en fournissant des services de meilleure qualité aux Canadiens et ce, à un coût moindre.

Les Canadiens s'attendent à obtenir accès à l’information quand ils en ont besoin. La Loi stipule que toutes les demandes doivent être traitées dans un délai de 30 jours, avec prolongation possible dans certains cas. Ainsi, le manque d’information en temps opportun équivaut à priver les Canadiens de leur droit d’accès à l’information.

Ces dernières années, mon bureau a reçu un nombre croissant de plaintes concernant des retards. Cela montre que les institutions ont des difficultés à faire face à leurs responsabilités en vertu de la Loi.

Les délais de traitement des demandes est une mesure importante permettant de s’assurer du respect de la Loi : c’est pourquoi j’ai recommandé par le passé un certain nombre de solutions administratives visant à améliorer la rapidité des réponses aux demandes d’accès présentées en vertu de la Loi.

Je recommandais, dans une lettre datée du 25 avril 2014Note de bas de page 17, que les institutions fédérales définissent des objectifs clairs de rendement en matière d’accès à l’information dans leur Rapport sur les plans et les priorités, et qu’elles rendent des comptes au moyen de Rapports ministériels sur le rendement.

Je propose que la cible concernant les délais soit d’au moins 75 % des demandes traitées dans les 30 jours.

Recommandation no 4.5 : Que le gouvernement du Canada s'engage à mieux respecter la Loi sur l'accès à l'information en établissant des objectifs de rendement précis pour améliorer les délais de traitement des demandes d'accès à l'information.

Selon mon expérience, l'engagement des institutions envers les principes de la transparence et de la responsabilisation ainsi que le leadership dont fait preuve l'échelon le plus élevé d'une organisation sont les plus importants facteurs de réussite lorsqu'il s'agit de respecter la Loi.

Par conséquent, j'ai aussi recommandéNote de bas de page 18 que les accords de rendement de l'administrateur général d’une institution fédérale incluent des objectifs de rendement précis comme celui qui est proposé en vertu de la Recommandation no4.5. En outre, ces accords devraient également comporter l'exigence de respecter toutes les obligations de la Loi (y compris en ce qui a trait à la résolution des plaintes).

Recommandation no 4.6 : Que le gouvernement du Canada intègre dans l'accord de rendement de tous les administrateurs généraux l'exigence d'atteindre les objectifs de rendement et de respecter les obligations de la Loi.

Un des principes du gouvernement ouvert est de publier des données dans des formats ouverts chaque fois que cela est possible, d'une manière qui aide tout le monde à obtenir et à réutiliser ces données. Ce principe n'est pas synonyme d'accès à l'information, bien que la Loi exige des institutions qu'elles fournissent leurs dossiers dans le format exigé. Le Commissariat reçoit des plaintes de demandeurs auxquels des institutions gouvernementales avaient refusé de fournir des documents en format électronique, et encore moins en format ouvert.

Recommandation no 4.7 : Que le gouvernement du Canada fournisse aux demandeurs les dossiers exigés en vertu de la Loi sur l'accès à l'information conformément aux principes du gouvernement ouvert.

Ces dernières années, le nombre de demandes soumises aux institutions gouvernementales a augmenté, de même que le nombre de plaintes reçues par le Commissariat. Ce n'est pas d'hier que les professionnels de l'AIPRP manquent au sein de la fonction publique. Le gouvernement ne peut pas réellement atteindre les objectifs d'un gouvernement ouvert si les professionnels ne sont pas assez nombreux pour répondre à la demande.

Je recommande d'inclure dans le Plan un engagement à fournir des ressources adéquates aux professionnels de l'AIPRP. Le gouvernement du Canada doit également jouer un rôle de premier plan dans le recrutement, la dotation et la rétention de professionnels de l'AIPRP suffisamment bien formés.

Recommandation no 4.8 : Que le gouvernement du Canada soutienne les professionnels de l'AIPRP en leur fournissant des ressources adéquates et en jouant un rôle directif dans le recrutement, la dotation et la rétention de professionnels de l'AIPRP.

En conclusion, j'aimerais terminer en félicitant le gouvernement d'avoir fait de la transparence du gouvernement une priorité de son programme, mais je l'encourage par la même occasion à être plus ambitieux dans ses engagements et à adopter une vision plus élargie. Comme l'indique la stratégie de 4 ans du PGTNote de bas de page 19, des plans d’action aux engagements plus modestes risquent de miner la crédibilité du PGT, ainsi que sa capacité à surmonter des défis réellement pertinents en faveur des citoyens.

Je crois sincèrement que la mise en œuvre des recommandations qui précèdent permettra de nous assurer que le gouvernement du Canada prenne des engagements « enrichis » dans son Plan d'action 2.0 et aidera à façonner une culture gouvernementale qui soutient véritablement l'ouverture et la responsabilisation.

J’attends avec impatiente de travailler avec vous et vos représentants sur cette initiative.

Suzanne Legault
Commissaire à l’information du Canada

c. c. Yaprak Baltacıoğlu, secrétaire du Conseil du Trésor du Canada

Liste des recommandations

Recommandation no 1 : Que le gouvernement du Canada s'engage à moderniser la Loi sur l'accès à l'information, en accord avec le principe du gouvernement « ouvert par défaut » et les normes internationales les plus progressistes.

Recommandation no 2.1 : Que le gouvernement du Canada fournisse aux fonctionnaires davantage d'orientation et de formation sur la gestion de l'information, notamment sur la différence entre les documents éphémères et ceux ayant une valeur opérationnelle.

Recommandation n2.2 : Que le gouvernement du Canada s'engage à appliquer une obligation légale exhaustive visant à documenter les décisions prises par des institutions du gouvernement fédéral au moyen de sanctions appropriées en cas de non-conformité.

Recommandation no 2.3 : Que le gouvernement du Canada s'engage à étudier et à mettre en œuvre les outils de gestion de l'information électronique disponibles afin d'assurer la conservation des courriels et des messages instantanés des fonctionnaires clés.

Recommandation no 2.4 : Que le gouvernement du Canada mette en œuvre un processus de déclassification systématique des documents gouvernementaux.

Recommandation no 2.5 : Que le gouvernement du Canada s'engage à déclassifier les documents confidentiels du Cabinet qui ont plus de 20 ans.

Recommandation no 3.1 : Que le gouvernement du Canada intègre à sa plate-forme Web une fonctionnalité permettant de soumettre une plainte au Commissariat à l'information.

Recommandation no 3.2 : Que le gouvernement du Canada collabore avec les autres gouvernements, à tous les niveaux, pour relier tous les systèmes d'accès à l'information et ainsi permettre des recherches centralisées.

Recommandation no 4.1 : Que le gouvernement du Canada nomme, au sein des institutions, des dirigeants principaux de la transparence chargés d’appliquer une vision intégrée pour un gouvernement ouvert.

Recommandation no 4.2 : Que le gouvernement du Canada encourage l’adoption d’une approche ouverte autour de laquelle concevoir et appliquer les politiques, les programmes, les initiatives et les propositions législatives.

Recommandation no 4.3 : Que le gouvernement du Canada mette en place des formations afin de veiller à ce que tous les employés fédéraux concernés par la Loi sur l’accès à l’information l’interprètent en faveur d’une divulgation maximale.

Recommandation no 4.4 : Que le gouvernement du Canada fournisse chaque trimestre des statistiques sur l’application de la Loi sur l’accès à l’information, dans un format facilement réutilisable.

Recommandation no 4.5 : Que le gouvernement du Canada s'engage à mieux respecter la Loi sur l'accès à l'information en établissant des objectifs de rendement précis pour améliorer les délais de traitement des demandes d'accès à l'information.

Recommandation no 4.6 : Que le gouvernement du Canada intègre dans l'accord de rendement de tous les administrateurs généraux l'exigence d'atteindre les objectifs de rendement et de respecter les obligations de la Loi.

Recommandation no 4.7 : Que le gouvernement du Canada fournisse aux demandeurs les dossiers exigés en vertu de la Loi sur l'accès à l'information conformément aux principes du gouvernement ouvert.

Recommandation no 4.8 : Que le gouvernement du Canada soutienne les professionnels de l'AIPRP en leur fournissant des ressources adéquates et en jouant un rôle directif dans le recrutement, la dotation et la rétention de professionnels de l'AIPRP.

 

Notes en bas de page

Note de bas de page 1

Ébauche du Plan d’action du Canada pour un gouvernement ouvert 2.0 - A. Fondements du gouvernement ouvert – « ouvert par défaut »

Retour vers la référence de note de bas de page1

Note de bas de page 2

Les « ressources documentaires ayant une valeur opérationnelle » sont des documents, publiés ou non, quels qu'en soient le support ou la forme, créés ou acquis parce qu'ils facilitent la prise de décisions, l'exécution des programmes, la prestation des services et les activités continues, et appuient les exigences ministérielles relatives aux rapports, au rendement et à la responsabilisation, http://www.tbs-sct.gc.ca/pol/doc-fra.aspx?id=16552&section=text.

Retour vers la référence de note de bas de page2

Note de bas de page 3

Voir la note 1.

Retour vers la référence de note de bas de page 3

Note de bas de page 4

On trouve ces paramètres également dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais il ne relève pas de mon mandat de formuler des commentaires sur cet aspect.

Retour vers la référence de note de bas de page4

Note de bas de page 5

Section 3.3.

Retour vers la référence de note de bas de page5

Note de bas de page 6

Les « documents éphémères » sont les documents dont on a besoin seulement pour une période limitée, afin d'achever des mesures courantes ou de rédiger d'autres documents, http://www.collectionscanada.gc.ca/gouvernement/disposition/007007-1016-f.html.

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Note de bas de page 7

Rapport spécial au Parlement : La messagerie instantanée : un risque pour l'accès à l'information - Novembre 2013.

Retour vers la référence de note de bas de page 7

Note de bas de page 8

Par exemple, la Politique sur la gestion de l'information et la Directive sur la tenue de documents du SCT.

Retour vers la référence de note de bas de page 8

Note de bas de page 9

Par exemple, la Loi sur la gestion des finances publiques.

Retour vers la référence de note de bas de page9

Note de bas de page 10

Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie Britannique, rapport d’enquête F-13-01, «Increase in No Responsive Records to General Access to Information Requests: Government of British Columbia » 4 mars 2013; Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, Rapport d’enquête spécial «Deleting Accountability: Records Management Practices of Political Staff » 5 juin 2013.

Retour vers la référence de note de bas de page 10

Note de bas de page 11

Voir la note 7.

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Note de bas de page 12

Bronskill c. Canada (Patrimoine canadien), 2011 CF 983

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Note de bas de page 13

La Loi prescrit un délai de 20 ans [paragraph 69 (3)]. Les normes internationales, telles que la loi-type de l’Organisation des états américains, recommande un délai de 12 ans. Cela exigerait un changement législatif à la Loi.

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Note de bas de page 14

Objectif 2020 http://www.clerk.gc.ca/fra/feature.asp?pageId=349

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Note de bas de page 15

Conformément au Plan d'action 1.0

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Note de bas de page 16

https://www.gov.uk/government/collections/government-foi-statistics#2014

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Note de bas de page 17

http://www.oic-ci.gc.ca/fra/rapport-annuel-annual-report_2013-2014_12.aspx

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Note de bas de page 18

Voir la note 17.

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Note de bas de page 19

http://www.opengovpartnership.org/sites/default/files/attachments/4YearAP-Online.pdf

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