Décision en vertu de l’article 6.1, 2024 CI 62

Date de la décision : juin 2024

Sommaire

Une institution a demandé à la Commissaire à l’information l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès à l’information en vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information. De l’avis de l’institution, la demande d’accès constitue un abus de faire une demande de communication.

La Commissaire conclut que l’institution a établi que la demande d’accès constitue un abus du droit de faire une demande de communication. En outre, dans les circonstances, il est justifié que la Commissaire accorde son autorisation à l’institution de ne pas donner suite à la demande d’accès.

La demande d’autorisation est acceptée.

Demande d’autorisation

En vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information, le responsable d’une institution fédérale peut demander à la Commissaire à l’information l’autorisation écrite de ne pas donner suite à une demande d’accès si, à son avis, la demande est l’une ou plusieurs des choses suivantes :

  • vexatoire;
  • entachée de mauvaise foi;
  • un abus du droit de faire une demande d’accès.

Les institutions ne peuvent pas refuser de donner suite à une demande d’accès pour la simple raison que les renseignements demandés ont déjà été publiés de manière proactive en vertu de la partie 2 de la Loi [paragraphe 6.1(1.1)].

Il incombe à l’institution de démontrer que la demande d’accès satisfait à l’un ou plusieurs des critères du paragraphe 6.1(1).

Si l’institution démontre que l’un ou plusieurs critères du paragraphe 6.1(1) s’appliquent, alors la Commissaire doit exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder ou non l’autorisation.

Dans l’exercice de ce pouvoir, la Commissaire considère toutes les circonstances et tous les facteurs pertinents, dont :

  • la nature quasi constitutionnelle du droit d’accès;
  • l’intérêt public à l’égard des documents demandés;
  • la question de savoir si l’institution s’est acquittée de ses obligations en vertu du paragraphe 4(2.1), soit de faire tous les efforts raisonnables pour prêter toute l’assistance indiquée à la personne qui a fait la demande d’accès.

Demande d’accès en cause

Le 21 mars 2024, une institution a demandé à la Commissaire l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès qu’elle a reçu le 12 janvier 2024. La demande d’accès visait les renseignements suivants [traduction] :

Ma demande vise la période du 1er janv. 2010 au 2 févr. 2024, à moins qu’il ne soit indiqué autrement ci-dessous.

  1. Tous les documents relatifs au Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada, qui indiquent les institutions qui n’étaient pas admissibles à un financement dans le cadre du programme du vérificateur général.
  2. Tous les documents concernant l’interprétation de l’Énoncé de politique des trois Conseils (EPTC), en se limitant aux :
    1. Registres des communications et autres documents de suivi;
    2. Communications envoyées ou reçues.
  3. Tous les documents relatifs au Cadre sur la conduite responsable de la recherche en se limitant aux :
    1. Registres des communications et autres documents de suivi;
    2. Communications envoyées ou reçues.
  4. Tous les documents relatifs à l’interprétation de toute ligne directrice, règle, politique ou recommandation.
  5. Tous les documents relatifs aux dépenses de fonds prescrites pour la période du 1er janvier 2017 au 31 janvier 2024 ou toute communication avec tout député, tout média, le gouverneur général, le lieutenant-gouverneur de toute province, le commissaire de tout territoire ou tout bureaucrate fédéral concernant :
    1. le Comité de la coordination de la recherche au Canada;
    2. le Cercle de leadership autochtone;
    3. la stratégie Établir de nouvelles orientations à l’appui de la recherche et de la formation en recherche autochtone.
  6. Tous les documents relatifs au transfert de fonds entre [institutions].

Selon l’institution, la demande d’accès constituait un abus du droit de faire une demande de communication.

La demande constitue-t-elle un abus du droit de faire une demande de communication?

La Loi prévoit un important droit d’accès aux documents relevant des institutions fédérales. Cependant, tous les droits s’accompagnent de responsabilités. Il ne faut pas abuser de ce droit d’accès.

Il y a abus lorsqu’une personne qui fait une demande d’accès utilise son droit de manière abusive ou inappropriée.

C’est par exemple le cas lorsqu’une demande d’accès vise un objectif autre que la communication de documents ou de renseignements. C’est également le cas lorsqu’une demande d’accès est contraire à l’intérêt public parce qu’elle constitue un fardeau excessif pour l’institution, parce qu’elle empêche d’autres personnes de faire valoir leur droit d’accès et/ou parce qu’elle augmente indûment les coûts et le temps consacré par une institution au respect de ses obligations en vertu de la Loi.

La liste de facteurs ci-dessus n’est pas exhaustive; d’autres facteurs pertinents peuvent être pris en considération selon les circonstances propres à chaque cas. Il faut donc évaluer chaque demande d’accès au cas par cas pour établir s’il s’agit ou non d’un abus du droit de faire une demande de communication.

L’institution soutenait que le manque de précision de la demande d’accès, en plus de son incidence potentielle sur les ressources de l’institution, qui compromettait sa capacité de remplir son mandat, collectivement, constitue un abus du droit de faire une demande de communication.

Quantité de documents pertinents

Pour appuyer sa position, l’institution a fourni une estimation du nombre de documents pertinents dans le cadre de la demande. L’estimation, qui représente seulement une portion de la demande d’accès, se fonde sur une recherche initiale menée par trois unités fonctionnelles contactées par le bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) et donne plus de 137 000 documents d’un nombre indéterminé de pages. Ce nombre a été obtenu en additionnant les estimations pour les points suivants de la demande susmentionnée : 

  • Points 2 et 3 : 91 099 documents
  • Point 5 : 6 569 documents
  • Point 6: 40 800 documents

L’institution a expliqué que, dans le cas des points 2 et 3, l’évaluation préliminaire d’une des unités fonctionnelles a permis de conclure que les communications engloberaient tous les documents relatifs à plusieurs de ses activités essentielles sur une période de 14 ans. L’institution a également expliqué que la demande visant « Tous les documents concernant l’interprétation de l’Énoncé de politique des trois Conseils » et « Tous les documents relatifs au Cadre sur la conduite responsable de la recherche » ne se limitait pas à des sujets précis. Ces points constituent plutôt des fonctions principales de l’unité fonctionnelle.

En ce qui concerne au point 5, l’institution a mentionné que le bureau de la présidence a fourni une estimation de 6 569 documents. Cette estimation ne tient pas compte de la boîte de courriel de la personne qui était titulaire de la présidence auparavant ou de personnes qui ont occupé le poste par intérim.

Selon l’institution, le point 6 de la demande, à savoir « Tous les documents relatifs au transfert de fonds entre [institutions] », a donné lieu à une estimation initiale de 40 000 documents. L’institution a expliqué qu’il y a régulièrement des transferts de fonds entre certaines de ces institutions dans le cadre de projets administrés conjointement. Il s’agit notamment du financement de la recherche ainsi que différentes autres initiatives. Ces activités sont essentielles à l’exécution du mandat de l’institution et ce point de la demande d’accès englobe tous les documents associés à cette fonction de base. L’estimation préliminaire de 40 000 documents ne comprend pas les documents qui pourraient être récupérés dans d’autres unités fonctionnelles au sein de l’institution.

Enfin, l’institution a expliqué que des recherches supplémentaires et l’inclusion du point 4 feront considérablement augmenter l’estimation de 137 000 documents. Chaque unité fonctionnelle a exprimé des préoccupations quant à la faisabilité d’une réponse au point 4 de la demande d’accès, à savoir « Tous les documents relatifs à l’interprétation de toute ligne directrice, règle, politique ou recommandation ». Tel quel, ce point n’est pas suffisamment précis pour permettre d’effectuer une recherche raisonnable. 

L’institution a fait remarquer que, si on interprète littéralement le point 4 et compte tenu de la décision de la personne qui a fait la demande de ne pas en préciser la portée, tous les employés de l’institution pourraient être impliqués. Ces employés sont régulièrement appelés à formuler et à mettre en œuvre des recommandations dans le cadre de leurs activités quotidiennes. Ils doivent également veiller à ce que leurs activités soient exercées conformément aux lignes directrices, règles et politiques applicables. À défaut d’information supplémentaire sur ce que constitue « l’interprétation de toute ligne directrice, règle, politique ou recommandation », l’institution soutenait qu’il était impossible que l’ensemble du personnel effectue une recherche raisonnable.

Efforts déployés pour prêter assistance à la personne qui a fait la demande d’accès

L’institution a expliqué que plusieurs tentatives avaient été faites pour aider la personne qui a fait la demande d’accès à préciser cette dernière et à en réduire la portée, mais qu’aucune n’a été fructueuse. En outre, au lieu de réduire la portée de la demande d’accès, la personne a élargi la portée du texte et a demandé d’allonger la période visée par la demande d’accès initiale (de 5 à 14 ans), ce qui fait que la demande d’accès est encore plus vaste que lorsqu’elle a été déposée initialement.

Les éléments de preuve fournis par l’institution démontrent que la première tentative de prêter assistance à la personne qui a fait la demande d’accès a été faite le 15 janvier 2024. Dans ce courriel, l’institution a demandé à la personne de confirmer que les documents demandés se limitaient à ceux provenant d’un bureau de première responsabilité (BPR) ou incluant celui-ci. La personne qui a fait la demande d’accès a répondu que les documents demandés ne se limitaient pas au BPR et a fourni un nouveau texte de portée élargie pour la demande, qui couvrait une plus longue période, soit 14 ans au lieu de 5.

Une deuxième tentative a été faite durant une conversation téléphonique le 7 février 2024. Dans un courriel daté du 12 février 2024, l’institution a fourni à la personne qui a fait la demande d’accès un nouveau texte qui se fondait sur la conversation téléphonique. Ce nouveau texte contenait davantage d’information sur les points 4, 5 et 6. La personne qui a fait la demande l’a rejeté et a demandé à l’institution d’utiliser la version précédente.

Une dernière tentative a été faite par courriel le 18 mars 2024. Dans son courriel, l’institution a mentionné l’estimation initiale de 137 000 documents ainsi que le fait qu’il faudrait des années pour traiter la demande d’accès. L’institution a également demandé les précisions suivantes concernant les points 2 à 6 :

  • Points 2 et 3 : L’institution demande à la personne qui a fait la demande d’accès si elle s’intéresse à des changements précis apportés à la politique et au cadre.
  • Point 4 : L’institution mentionne que ce point est trop vaste et qu’il n’est pas assez précis. Elle souligne que la personne qui a fait la demande d’accès a déjà refusé de la préciser, mais elle lui demande une autre fois de le faire.
  • Point 5 : L’institution mentionne que ce point englobe des documents administratifs et des communications qui ne sont pas principalement au sujet des trois groupes mentionnés et demande davantage de précisions.
  • Point 6 : L’institution offre de produire un rapport comprenant les sommes transférées, leurs destinataires, la raison des transferts et les dates de ceux-ci.

Dans sa réponse, la personne qui a fait la demande d’accès mentionne ceci [traduction] : « Malheureusement, comme je l’ai déclaré précédemment à un autre représentant, je ne peux pas donner davantage de précisions au sujet des points que vous avez soulevés. Je comprends et j’accepte que le travail à accomplir sera important et chronophage. » La personne a également suggéré que l’institution fournisse des communications provisoires. L’institution ne semble pas avoir répondu à cette suggestion.

Fardeau pour l’institution et entrave au droit d’accès d’autres personnes

L’institution soutenait que plusieurs points de la demande d’accès nécessiteraient que des membres du personnel soient affectés à la récupération des documents pendant une longue période. Selon l’estimation préliminaire, l’institution prévoyait que la récupération des documents, à elle seule, prendrait plus de 3 000 heures à trois unités fonctionnelles.

L’institution a également mentionné que les unités fonctionnelles sont composées de petites équipes comptant de trois à sept équivalents temps plein. En raison de leur petite taille, selon l’institution, il est fort probable que la capacité des unités de réaliser les priorités associées à leur mandat soit affectée.

En outre, le point 4 de la demande d’accès pourrait avoir une incidence sur l’ensemble du personnel de l’institution. Celle-ci estime que la récupération des documents prendrait 5 257,5 heures et que ces heures ne seraient pas réparties également à l’échelle de l’institution. Un nombre indéterminé de membres du personnel pourrait devoir y consacrer un nombre considérable de jours, selon leurs rôles et responsabilités.

Selon l’institution, la capacité du bureau de l’AIPRP de s’acquitter de ses obligations législatives sera aussi considérablement affectée. Le bureau est composé de trois employés à temps plein, qui sont responsables de l’administration de tous les aspects de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels (agent subalterne de l’AIPRP, analyste principal de l’AIPRP et coordonnateur de l’AIPRP), y compris un employé à temps plein chargé de répondre aux demandes d’accès. Au cours des deux dernières périodes de référence annuelles, le bureau a traité 17 505 pages en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et 5 034 pages en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il serait raisonnable de s’attendre à ce que le bureau de l’AIPRP prenne plusieurs années pour traiter cette demande d’accès. L’estimation ne tient pas compte de toutes les autres demandes d’accès reçues par l’institution (elle en reçoit de 20 à 40 par année).  

Enfin, l’institution soutenait qu’entreprendre le traitement de cette demande d’accès pourrait l’empêcher de répondre dans les délais prévus par la loi à d’autres personnes qui font des demandes. Cette demande constituerait un fardeau excessif pour ressources de l’institution, créerait un arriéré de demandes à long terme et aurait des répercussions négatives sur le droit d’accès d’autres personnes.

Discussion

Dans sa communication avec le Commissariat à l’information, la personne qui a fait la demande d’accès a suggéré que le nombre de documents pertinents n’est probablement pas aussi grand que l’affirme l’institution, parce que les documents sont probablement détenus par des établissements universitaires. Selon la personne [traduction] : « l’un des défis… qui pourrait contribuer à la complexité du dossier, c’est le fait que les établissements universitaires de partout au Canada sont responsables de l’administration du financement versé par le gouvernement à l’interne. Il est fort probable que l’information demandée ne soit pas détenue en un seul emplacement central, mais au sein d’établissements universitaires au Canada. »

La Commissaire note que seuls deux points de la demande d’accès concernent le financement. Le point 5 concerne les « dépenses de fonds » et le point 6, les « transferts de fonds ». Par conséquent, même si la personne qui a fait la demande d’accès a raison d’affirmer que « les établissements universitaires de partout au Canada sont responsables de l’administration du financement versé par le gouvernement à l’interne » et que, pour cette raison, « l’information demandée [n’est] pas détenue en un seul emplacement central, mais dans des établissements universitaires », cela n’aurait aucune incidence sur le nombre de documents visés par les points 1 à 4.

Comme l’a expliqué l’institution, les points les plus problématiques sont 2, 3 et 4. Par exemple, l’estimation préliminaire de l’institution pour les points 2 et 3 a donné 91 099 documents. La Commissaire note que les observations de la personne qui a fait la demande d’accès ne concernent pas ces trois points, car ils ne concernent pas le financement.

En ce qui a trait au point 6, bien qu’il concerne effectivement le financement, la Commissaire note que la personne qui a fait la demande d’accès souhaitait obtenir des documents relatifs aux transferts de fonds entre des institutions fédérales. Il est donc difficile de voir en quoi les documents visés par cette partie de la demande d’accès seraient détenus par des établissements universitaires plutôt que par des institutions fédérales.  

Quant au point 5, la personne qui a fait la demande d’accès a mentionné deux types de documents dans cette partie de la demande : elle a demandé les [traduction] « documents relatifs aux dépenses de fonds […] ou toute communication avec tout député, tout média, le Gouverneur général, le lieutenant-gouverneur de toute province, le commissaire de tout territoire ou tout bureaucrate fédéral concernant » trois organisations. Il est donc difficile de savoir combien des 6 569 documents estimés concernent précisément l’administration des fonds. Quoi qu’il en soit, la Commissaire note que le nombre de documents estimé par l’institution en ce qui a trait à cette partie est relativement peu élevé par rapport au reste de la demande d’accès. Par conséquent, même si la personne qui a fait la demande d’accès avait raison, cela n’aurait pas une grande incidence sur le nombre total de documents pertinents.

Après avoir considéré la portée du texte de la demande d’accès et les éléments de preuve dont elle dispose, la Commissaire conclut que l’estimation de 137 000 documents est plausible et que la demande produira probablement un très grand nombre de documents. Comme l’a fait remarquer l’institution, les points 2 et 3 concernent des activités de base de l’institution et visent une période de 14 ans. En outre, ces deux points concernent toutes les communications et, par conséquent, ne sont pas limités à des types précis de documents. La Commissaire estime donc qu’il est plausible que ces points produisent un très grand nombre de documents. En ce qui concerne le point 4, la Commissaire est aussi d’accord avec l’institution qu’il est vague et d’une portée trop vaste, car il concerne « l’interprétation de toute ligne directrice, règle, politique ou recommandation » sur une période de 14 ans. Ce point n’est pas non plus limité à un type particulier de documents; il vise « Tous les documents ». Par conséquent, la Commissaire conclut que le nombre de documents visés par ce point à lui seul serait probablement considérable.

La question de savoir si une demande d’accès constituerait un fardeau excessif pour une institution repose sur une évaluation objective des faits. Celle-ci dépend de la portée et de la nature de la demande d’accès ainsi que des efforts nécessaires pour y donner suite. Mais quand une personne impose un fardeau excessif à une institution avec sa demande d’accès, cette dernière empêche d’autres personnes d’exercer légitimement leurs droits d’accès.

Selon les observations de l’institution, la Commissaire est d’avis que la demande d’accès constituerait un fardeau excessif pour les trois unités fonctionnelles. Elle peut voir en quoi la vaste portée de la demande d’accès imposerait à ces petites équipes un travail très chronophage. La taille de ces unités est en effet un facteur important à prendre en considération lors de l’évaluation du fardeau imposé à l’institution.

L’institution a également expliqué de façon convaincante en quoi le temps et les efforts requis pour traiter les documents pertinents constitueraient un fardeau excessif pour le bureau de l’AIPRP, qui est également composé d’une petite équipe. En outre, la Commissaire peut également voir en quoi le tout aurait une incidence sur le droit d’accès d’autres personnes qui font des demandes. Pendant qu’elles traiteraient ce dossier, les unités fonctionnelles et le bureau de l’AIPRP ne pourraient pas donner suite aux demandes d’accès d’autres personnes.

La Commissaire est également consciente que le temps et les ressources disponibles pour répondre aux demandes d’accès ne sont pas infinis, et que la personne qui a fait cette demande d’accès n’est pas la seule qui attend une réponse. La Commissaire conclut que le temps et les efforts requis pour chercher, repérer, récupérer et traiter les documents pertinents auraient des répercussions négatives sur le droit de faire une demande de communication d’autres personnes.

La personne qui a fait la demande d’accès a affirmé avoir [traduction] « déposé cette demande à des fins pédagogiques et sans intention malveillante. » La Commissaire n’a aucune raison de mettre cette affirmation en doute. Cela étant dit, il n’est pas nécessaire d’avoir une intention malveillante pour qu’il y ait abus du droit de faire une demande de communication; une demande peut constituer un abus peu importe que la personne qui l’a faite ait l’intention ou non d’abuser de son droit de faire une demande de communication.

Pour toutes les raisons susmentionnées, la Commissaire conclut que la demande d’accès constituait un abus du droit de faire une demande de communication, parce que son traitement entraverait sérieusement le fonctionnement de l’institution et empêcherait d’autres personnes de faire valoir leur droit de faire une demande de communication.

Dans les circonstances, est-il justifié que la Commissaire accorde son autorisation à l’institution de ne pas donner suite aux demandes d’accès?

Comme l’institution a établi que l’un des critères du paragraphe 6.1(1) s’appliquait à la demande d’accès, la Commissaire doit maintenant exercer son pouvoir discrétionnaire pour accepter ou refuser la demande d’autorisation.

Pour exercer son pouvoir discrétionnaire, elle a pris en considération tous les facteurs pertinents et les circonstances, y compris les suivants.

Obligation de prêter assistance à la personne qui a fait la demande d’accès

Le paragraphe 4(2.1) prévoit une obligation générale de prêter assistance aux personnes qui font une demande d’accès. La portée de cette obligation est vaste, car elle requiert qu’une institution fasse « tous les efforts raisonnables » pour prêter assistance à une personne qui fait une demande d’accès. Cette obligation va aussi loin qu’il serait raisonnable pour l’institution de fournir une assistance. L’obligation de prêter assistance comprend notamment aider une personne qui fait une demande d’accès à préciser sa demande, à réduire la portée de sa demande afin que les documents demandés puissent lui être fournis plus rapidement et à fournir les renseignements nécessaires pour permettre à l’institution de repérer les documents demandés.

La question de savoir en quoi consistent « tous les efforts raisonnables » pour prêter assistance à une personne qui fait une demande d’accès dépend des faits pertinents et des circonstances. Par conséquent, la question de savoir si une institution s’est acquittée ou non de ses obligations en vertu du paragraphe 4(2.1) dépend des faits et doit être évaluée au cas par cas.

Comme l’a mentionné la Commissaire ci-dessus, l’institution a fait trois tentatives principales de prêter assistance à la personne qui a fait la demande d’accès. À la première tentative, elle a demandé à la personne de confirmer que les documents demandés se limitaient à ceux provenant d’un BPR en particulier ou incluant celui-ci . La personne a répondu que les documents demandés ne se limitaient pas à ce BPR et a fourni un nouveau texte de demande à portée plus vaste.

Une deuxième tentative a été faite durant une conversation téléphonique, puis confirmée par courriel. Dans sa réponse, la personne qui a fait la demande d’accès a rejeté le nouveau texte proposé par l’institution et lui a demandé d’utiliser la version précédente.

Lors de la dernière tentative, l’institution a mentionné l’estimation initiale de 137 000 documents et le fait qu’il faudrait des années pour traiter la demande d’accès. Elle a aussi demandé des précisions supplémentaires concernant les points 2 à 6. La personne qui a fait la demande a répondu ce qui suit [traduction] : « […] je ne peux pas donner davantage de précisions au sujet des points que vous avez soulevés. Je comprends et j’accepte que le travail à accomplir sera important et chronophage. » La personne a aussi suggéré à l’institution de fournir des communications provisoires.

Selon les éléments de preuve dont dispose la Commissaire, l’institution n’a pas répondu à cette suggestion. Cela étant dit, la Commissaire estime que des communications provisoires n’auraient pas d’incidence sur le nombre de documents pertinents, et par conséquent, elles n’auraient pas une incidence importante sur l’entrave au fonctionnement de l’institution et au droit d’accès d’autres personnes. Elle est donc d’avis que la solution proposée par la personne qui a fait la demande a été rejetée.

La Commissaire estime qu’en faisant trois tentatives différentes et compte tenu des réponses de la personne qui a fait les demandes d’accès, l’institution a fait tous les efforts raisonnables pour lui prêter assistance. La Commissaire conclut donc que l’institution a établi qu’elle s’était acquittée de son obligation de prêter assistance à la personne qui a fait la demande d’accès.

La Commissaire aimerait rappeler à la personne qui a fait la demande d’accès que, pour qu’une institution puisse pleinement s’acquitter de son obligation de prêter assistance, les deux parties doivent collaborer. Les personnes qui font des demandes d’accès doivent demeurer disposées à coopérer avec une institution qui fait des efforts pour leur prêter assistance.

Intérêt public

La Commissaire reconnaît l’intérêt public à l’égard du sujet des documents demandés à des fins pédagogiques et ne conteste pas l’importance de l’information. Cependant, l’intérêt public à l’égard de l’information n’annule pas toujours les répercussions abusives d’une demande d’accès et ne force pas l’institution à répondre.

L’article 6.1 vise à protéger l’intention et le fonctionnement prévus de la Loi et à prévenir les abus afin que d’autres puissent également exercer leur droit quasi constitutionnel de faire une demande de communication. Ce droit n’est pas absolu; il faut donc éviter de faire des demandes de vaste portée lorsque des demandes plus ciblées suffisent. De plus, il y a une limite raisonnable au temps et aux efforts que les institutions peuvent consacrer à répondre à une seule demande.

Respect du délai pour présenter une demande d’autorisation

L’institution a reçu la demande d’accès le 12 janvier 2024 et a présenté à la Commissaire une demande d’autorisation pour ne pas y donner suite le 20 mars 2024, soit environ deux mois plus tard.

Les éléments de preuve dont dispose la Commissaire semblent indiquer que l’institution a activement traité la demande d’accès dès le moment où elle l’a reçue, et que le retard est en partie attribuable au temps qu’a pris la personne qui a fait la demande pour répondre aux courriels de l’institution. Par exemple, la Commissaire note que la personne qui a fait la demande d’accès a pris 18jours pour répondre au premier courriel de l’institution, après que ce tte dernière a fait un suivi à deux reprises.

La Commissaire note également que l’institution lui a présenté une demande d’autorisation deux jours après avoir reçu le dernier courriel de la personne qui a fait la demande d’accès. Cela démontre que l’institution était préparée et traitait activement la demande d’accès.

La Commissaire conclut que la demande d’autorisation a été présentée dans les délais.

Décision

L’institution a établi que la demande d’accès satisfaisait un ou plusieurs critères du paragraphe 6.1(1), à savoir :

  • La demande d’accès était trop vaste et les efforts déployés par l’institution pour la préciser et en réduire la portée ont été infructueux. Au lieu de réduire la portée de la demande d’accès, la personne qui l’a faite l’a plutôt élargie.
  • Le traitement de la demande, si celle-ci produit le nombre prévu de documents, constituerait un fardeau excessif pour les trois unités fonctionnelles et le bureau de l’AIPRP.
  • S’il fallait traiter cette demande volumineuse, la capacité du bureau de l’AIPRP et des unités fonctionnelles de répondre à d’autres demandes d’accès serait considérablement réduite, ce qui empêcherait les personnes qui font des demandes de faire valoir leur droit d’accès.

Les circonstances justifient que la Commissaire exerce son pouvoir discrétionnaire pour autoriser l’institution à ne pas donner suite à la demande d’accès.

La demande d’autorisation est acceptée.

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