Décision en vertu de l’article 6.1, 2024 CI 63

Sommaire

Une institution a demandé à la Commissaire à l’information l’autorisation de ne pas donner suite à cinq demandes d’accès en vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information. De l’avis de l’institution, les demandes d’accès sont vexatoires et constituent un abus de faire une demande de communication.

La Commissaire conclut également que l’institution a établi que deux des demandes d’accès constituent un abus du droit de faire une demande de communication, à savoir les demandes A-2023-00305 et A-2023-00314. En outre, dans les circonstances, il est justifié qu’elle accorde à l’institution son autorisation de ne pas donner suite à ces deux demandes d’accès.

Cela étant dit, l’institution n’a pas établi que les demandes d’accès restantes (A-2023-00303, A-2023-00308 et A-2023-00310) sont vexatoires ni qu’elles constituent un abus du droit de faire une demande d’accès.

La demande d’autorisation est donc partiellement acceptée.

Demande d’autorisation

En vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information, le responsable d’une institution fédérale peut demander à la Commissaire à l’information l’autorisation écrite de ne pas donner suite à une demande d’accès si, à son avis, la demande est l’une ou plusieurs des choses suivantes :

  • vexatoire;
  • entachée de mauvaise foi;
  • un abus du droit de faire une demande d’accès.

Les institutions ne peuvent pas refuser de donner suite à une demande d’accès pour la simple raison que les renseignements demandés ont déjà été publiés de manière proactive en vertu de la partie 2 de la Loi [paragraphe 6.1(1.1)].

Il incombe à l’institution de démontrer que la demande d’accès satisfait à l’un ou plusieurs des critères du paragraphe 6.1(1).

Si l’institution démontre que l’un ou plusieurs critères du paragraphe 6.1(1) s’appliquent, alors la Commissaire doit exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder ou non l’autorisation.

Dans l’exercice de ce pouvoir, la Commissaire considère toutes les circonstances et tous les facteurs pertinents, dont :

  • la nature quasi constitutionnelle du droit d’accès;
  • l’intérêt public à l’égard des documents demandés;
  • la question de savoir si l’institution s’est acquittée de ses obligations en vertu du paragraphe 4(2.1), soit de faire tous les efforts raisonnables pour prêter toute l’assistance indiquée à la personne qui a fait la demande d’accès.

Demandes d’accès en cause

Le 21 mars 2024, une institution a demandé à la Commissaire l’autorisation de ne pas donner suite à cinq demandes d’accès qu’elle a reçu le 25 août 2023. Les demandes d’accès visaient les renseignements suivants :

A-2023-00303 : Veuillez fournir tous les courriels, notes de breffage, notes de service, textos ou messages instantanés, messages Slack, messages WhatsApp, messages Signal, captures d’écran Snapchat et documents similaires, du 1er février 2022 au 1er février 2023, qui concernent, mentionnent ou abordent Volkswagen, VW, Volkswagen Group, Volkswagen Group Canada ou Volkswagen Canada. Inclure tous les documents rendant compte de communications, ce qui peut comprendre des enregistrements de réunions, FaceTime, appels téléphoniques, Skype, Zoom, MS Teams ou autres moyens similaires.

A-2023-00305 : Veuillez fournir tous les courriels, notes de breffage, notes de service, textos ou messages instantanés, messages Slack, messages WhatsApp, messages Signal, captures d’écran Snapchat et documents similaires, du 1er février 2022 au 1er février 2023, qui concernent, mentionnent ou abordent Volkswagen. Inclure tous les documents rendant compte de communications, ce qui peut comprendre des enregistrements de réunions, FaceTime, appels téléphoniques, Skype, Zoom, MS Teams ou autres moyens similaires.

A-2023-00308 : Veuillez fournir tous les courriels, notes de breffage, notes de service, textos ou messages instantanés, messages Slack, messages WhatsApp, messages Signal, captures d’écran Snapchat et documents similaires, du 1er février 2023 au 1er juillet 2023, qui concernent, mentionnent ou abordent Volkswagen. Inclure tous les documents rendant compte de communications, ce qui peut comprendre des enregistrements de réunions, FaceTime, appels téléphoniques, Skype, Zoom, MS Teams ou autres moyens similaires.

A-2023-00310 : Veuillez fournir tous les courriels, notes de breffage, notes de service, textos ou messages instantanés, messages Slack, messages WhatsApp, messages Signal, captures d’écran Snapchat et documents similaires, du 17 avril 2023 au 17 mai 2023, qui concernent, mentionnent ou abordent n’importe quel des mots suivants : Volkswagen, VW, Volkswagen Group, Volkswagen Group Canada, Volkswagen Canada, Volkswagen motion, VW motion, Vis motion, Brad Vis motion, CPC Volkswagen motion, Conservative Volkswagen motion ou INDU Volkswagen motion. Inclure tous les documents rendant compte de communications, ce qui peut comprendre des enregistrements de réunions, FaceTime, appels téléphoniques, Skype, Zoom, MS Teams ou autres moyens similaires.

A-2023-00314 Veuillez fournir tous les courriels, notes de breffage, notes de service, textos ou messages instantanés, messages Slack, messages WhatsApp, messages Signal, captures d’écran Snapchat et documents similaires, du 17 avril 2023 au 17 mai 2023, qui concernent, mentionnent ou abordent Volkswagen. Inclure tous les documents rendant compte de communications, ce qui peut comprendre des enregistrements de réunions, FaceTime, appels téléphoniques, Skype, Zoom, MS Teams ou autres moyens similaires.

Selon l’institution, les demandes d’accès sont vexatoires et constituent un abus du droit de faire une demande de communication.

Les demandes constituent-elles un abus du droit de faire une demande de communication?

La Loi prévoit un important droit d’accès aux documents relevant des institutions fédérales. Cependant, tous les droits s’accompagnent de responsabilités. Il ne faut pas abuser de ce droit d’accès.

Il y a abus lorsqu’une personne qui fait une demande d’accès utilise son droit de manière abusive ou inappropriée.

C’est par exemple le cas lorsqu’une demande d’accès vise un objectif autre que la communication de documents ou de renseignements. C’est également le cas lorsqu’une demande d’accès est contraire à l’intérêt public parce qu’elle constitue un fardeau excessif pour l’institution, parce qu’elle empêche d’autres personnes de faire valoir leur droit d’accès et/ou parce qu’elle augmente indûment les coûts et le temps consacré par une institution au respect de ses obligations en vertu de la Loi.

La liste de facteurs ci-dessus n’est pas exhaustive; d’autres facteurs pertinents peuvent être pris en considération selon les circonstances propres à chaque cas. Il faut donc évaluer chaque demande d’accès au cas par cas pour établir s’il s’agit ou non d’un abus du droit de faire une demande de communication.

Redondance

L’institution a mentionné que la personne a présenté 37 demandes d’accès la même journée et que 22 d’entre elles concernent Volkswagen et le projet de loi C-34, et qu’elles visaient des documents qui se chevauchaient ou qui étaient les mêmes. L’institution prétendait que le fait que la personne ait présenté plusieurs demandes d’accès redondantes visant des renseignements sur Volkswagen, qui auraient pu facilement être combinées, constitue un abus du droit de faire une demande de communication. Le traitement des mêmes documents dans plusieurs dossiers serait une mauvaise utilisation des ressources.

Fardeau pour l’institution et entrave au droit d’accès d’autres personnes

L’institution affirmait également que les demandes d’accès constitueraient un fardeau excessif pour elle, ce qui menacerait le droit d’accès d’autres personnes, et qu’elles constituent donc un abus du droit de faire une demande de communication. À l’appui de sa position, l’institution a fourni l’estimation suivante du nombre de documents pertinents que détiendrait l’un des bureaux de première responsabilité (BPR) dans le cadre de chaque demande :  

  • A-2023-00303 : 2 178 courriels, dont 845 ont des pièces jointes
  • A-2023-00305 : 1 784 courriels, dont 788 ont des pièces jointes
  • A-2023-00308 : 2 077 courriels, dont 828 ont des pièces jointes
  • A-2023-00310 : 709 courriels, dont 298 ont des pièces jointes
  • A-2023-00314 : 753 courriels, dont 345 ont des pièces jointes

Concernant deux de ces demandes, l’institution a établi que chaque document compterait en moyenne 4 pages (ce qui inclut les courriels et les pièces jointes), à l’exception d’un document visé par les deux demandes qui contient 649 pages à lui seul. L’institution est donc arrivée au nombre total de pages suivant pour les deux demandes d’accès :

  • A-2023-00310 : 4 677 pages
  • A-2023-00314 : 5 041 pages

En plus de ces documents, l’institution a estimé que le BPR aurait 25 documents dans GCdocs et que trois autres BPR auraient des documents :

  • Deuxième BPR : 370 courriels (sans tenir compte des pièces jointes)
  • Troisième BPR : 43 pages
  • Quatrième BPR : 2 courriels et 3 notes

L’institution a aussi expliqué que les documents pertinents sont très complexes et nécessiteraient un grand nombre de consultations auprès de plusieurs organisations gouvernementales, tiers et autres secteurs au sein du ministère. En outre, l’institution prévoyait qu’il y aurait de nombreuses consultations auprès de ses Services juridiques concernant de possibles documents confidentiels du Cabinet.

L’institution a expliqué qu’elle avait communiqué avec la personne qui a fait les demandes d’accès à quelques reprises pour tenter d’échelonner les demandes, d’en limiter la portée et d’éliminer la redondance, mais sans succès.

Le bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) de l’institution a communiqué avec la personne qui a fait les demandes d’accès pour la première fois le jour où les demandes ont été déposées, pour expliquer que le traitement de ce nombre de grandes demandes en même temps réduirait sa capacité de traiter les nouvelles demandes et les demandes en cours. Le bureau de l’AIPRP a demandé à la personne si elle consentirait à échelonner les demandes et à établir un ordre de priorité pour celles-ci afin d’équilibrer la charge de travail. La personne a rejeté la suggestion.

L’institution a également noté que, telles qu’elles sont formulées, les demandes d’accès produiraient un nombre important de documents, dont certains ne porteraient pas nécessairement sur le sujet visé. Ces documents pourraient mentionner Volkswagen au passage sans être précisément à ce sujet. L’institution a expliqué le tout à la personne qui a fait les demandes d’accès dans un autre courriel et lui a proposé une façon de procéder. Elle a suggéré de réduire la portée de la demande pour qu’elle vise seulement les documents « relatifs à ou concernant » et de combiner les demandes pour éviter les dédoublements entre celles-ci et alléger une partie du fardeau administratif créé par la recherche des documents. La réponse de la personne qui a fait les demandes d’accès était la suivante [traduction] : « Veuillez respecter le libellé de chaque demande. Le libellé et la portée de chaque demande sont intentionnels. »

L’institution soutient que les demandes d’accès, telles qu’elles sont formulées, constitueraient un fardeau excessif pour les BPR. Selon l’institution, chaque secteur du ministère pourrait être chargé de chercher des documents, compte tenu de la façon dont les demandes sont formulées. Il faudrait demander aux BPR d’effectuer une recherche de documents en utilisant les mots-clés « VW », « Volkswagen » et « Vis motion ». Les documents devraient ensuite être compilés et examinés, et des recommandations devraient être formulées. Une fois que ce serait fait, les documents devraient être ajoutés aux demandes auxquelles ils se rapportent. 

L’institution a aussi expliqué que, bien que la récupération puisse être effectuée par un employé au niveau d’entrée, l’examen des documents et la formulation des recommandations devront être effectués à un échelon supérieur, par des employés ayant l’expertise en la matière requise. Les documents doivent ensuite être approuvés par la personne occupant le poste de directeur général, qui devra examiner et approuver cinq dossiers, au d’un seul, s’ils avaient été combinés.

Selon l’institution, le nombre d’heures et de ressources qu’il faudra affecter à ces demandes est « déraisonnable ». Notamment, le nombre d’heures requis pour récupérer ces documents débilitera l’un des BPR. Ces demandes redondantes et se chevauchant présentées en même temps monopoliseront les ressources du ministère responsable de ces dossiers, en plus de limiter la capacité des secteurs de poursuivre leur travail et de compromettre les échéances et les livrables.

L’institution a expliqué qu’elle devait affecter une ressource particulière à la récupération des documents. Toutefois, en raison de cette réaffectation et de la complexité de la tâche, elle prévoit que le processus de récupération pourrait connaître des retards et imposer des contraintes supplémentaires au secteur, ce qui exacerberait les difficultés que celui-ci a déjà à atteindre ses objectifs opérationnels. Le secteur prévoit donc de devoir affecter des ressources supplémentaires, potentiellement en ayant recours à l’embauche, pour gérer la charge de travail créée par ces demandes d’accès. Malheureusement, en raison des contraintes budgétaires, il est difficile de répondre à ces besoins supplémentaires de ressources, ce qui complique encore plus la situation.

Selon l’institution, le traitement de cette demande d’accès empêche déjà d’autres personnes de faire valoir leur droit d’accès. L’institution commence à constater que le traitement de ces dossiers a un effet de ruissellement sur les délais de traitement des nouvelles demandes d’accès. Les secteurs informent le bureau de l’AIPRP qu’ils ne peuvent pas récupérer les documents dans les délais habituels et demandent des prorogations de plus en plus longues pour récupérer les documents visés par de nouvelles demandes, parce que leurs ressources sont toujours occupées à récupérer les documents visés par ces demandes.

Afin de fournir une estimation du temps requis pour répondre à ces demandes d’accès, l’institution a mentionné la prorogation de délai prise pour chacune, qui va de 2,5 à près de 13 ans. Les prorogations ont été calculées en prenant en considération le temps nécessaire aux BPR pour récupérer les documents, en plus du temps requis par le bureau de l’AIPRP pour mener des consultations internes informelles auprès d’autres secteurs, des consultations auprès d’autres ministères ainsi que des consultations auprès des Services juridiques concernant de possibles documents confidentiels du Cabinet. L’institution a également tenu compte du fait que ces demandes d’accès devront être échelonnées afin de permettre à ses analystes de l’AIPRP de les traiter tout en s’occupant de leur charge de travail actuelle et en ayant le temps d’examiner les nouvelles demandes reçues.

L’institution soutenait aussi que les demandes d’accès auraient des répercussions sur le bureau de l’AIPRP. Ce dernier est un bureau de taille moyenne au sein d’un ministère dont le mandat a de multiples facettes, et il doit traiter un grand nombre de demandes complexes. Les demandes d’accès en cause, une fois les documents obtenus de la part des secteurs, devront être triées, importées et indexées. Une fois importées et en raison de leur niveau de complexité, elles devront être examinées par un analyste principal – l’institution en possède actuellement quatre ayant les compétences et les connaissances nécessaires pour le faire. Le traitement de ces demandes telles quelles nécessiterait une quantité excessive de ressources du bureau de l’AIPRP de l’institution, particulièrement au niveau des analystes principaux, au détriment de ses obligations envers d’autres personnes qui font des demandes d’accès visant des documents complexes.

Discussion

En analysant les demandes d’accès A-2023-00305 et A-2023-00314, la Commissaire peut facilement voir en quoi elles sont redondantes.

La demande d’accès A-2023-00305 vise les mêmes types de documents (courriels, notes de breffage, notes de service, etc.) et la même période (du 1er février 2022 au 1er février 2023) que la demande A-2023-00303. La seule différence entre les deux demandes d’accès est les termes utilisés pour la recherche. Alors que la demande A-2023-00305 vise les documents mentionnant « Volkswagen », la demande A-2023-00303 vise les documents mentionnant « Volkswagen, VW, Volkswagen Group, Volkswagen Group Canada ou Volkswagen Canada ». Selon la Commissaire, il est évident que la demande d’accès A-2023-00305 est entièrement englobée dans la demande A-2023-00303.

Une analyse similaire pour être faite de la demande d’accès A-2023-00314. Celle-ci vise les mêmes types de documents (courriels, notes de breffage, notes de service, etc.) et la même période (du 17 avril 2923 au 17 mai 2023) que la demande A-2023-00310. La seule différence entre les deux demandes d’accès est les termes utilisés pour la recherche. Alors que la demande A-2023-00314 vise les documents mentionnant « Volkswagen », la demande A-2023-00310 vise les documents mentionnant « Volkswagen, VW, Volkswagen Group, Volkswagen Group Canada, Volkswagen Canada, Volkswagen motion, VW motion, Vis motion, Brad Vis motion, CPC Volkswagen motion, Conservative Volkswagen motion ou INDU Volkswagen motion ». Selon la Commissaire, il est évident que la demande d’accès A-2023-00314 est entièrement englobée dans la demande A-2023-00310.

Par conséquent, la Commissaire conclut que les demandes d’accès A-2023-00305 et A-2023-00314 sont redondantes, puisqu’aucune nouvelle information n’est recherchée; les documents demandés dans ces deux demandes sont entièrement englobés dans les autres demandes d’accès.

Dans sa réponse à la demande d’autorisation de l’institution, la personne qui a fait la demande d’accès soutenait que [traduction] : « Compte tenu des difficultés rencontrées par le passé pour obtenir des documents de ce ministère au comité, j’estimais qu’il était nécessaire de ratisser large, quitte à ce qu’il y ait un léger chevauchement entre les demandes. » La Commissaire ne voit pas bien en quoi présenter des demandes redondantes et se chevauchant réduirait les difficultés à obtenir les documents de l’institution. Au contraire, cela accroîtrait la charge de travail et ferait en sorte qu’il soit encore plus difficile d’obtenir les documents de l’institution.

Dans certains cas, un changement de circonstances ou la perte de documents déjà obtenus peut créer une situation où il est justifié de présenter une demande d’accès redondante ou essentiellement similaire. La personne qui a fait les demandes n’a pas fait part de circonstances justifiant la nécessité de présenter des demandes redondantes ou essentiellement similaires.

Dans une décision précédente (2021 CI 30), la Commissaire a conclu qu’une demande d’accès redondante était un usage inapproprié de la Loi lorsqu’aucune nouvelle information n’était recherchée.

La Commissaire a conclu que, en l’espèce, les demandes d’accès A-2023-00305 et A-2023-00314, qui sont redondantes, constituent un usage inapproprié de la Loi et donc un abus du droit de faire une demande de communication.

Bien que la Commissaire ait conclu que les demandes d’accès A-2023-00305 et A-2023-00314 sont redondantes, elle arrive à une conclusion différente concernant les demandes A-2023-00303, A-2023-00308 et A-2023-00310.

Selon la Commissaire, il est évident que la demande d’accès A-2023-00303 vise des documents qui ne sont pas englobés par les deux demandes restantes. La demande A-2023-00303 vise une période complètement différente (du 1er février 2022 au 1er février 2023) de la demande A-2023-00308 (du 1er février 2023 au 1er juillet 2023) et la demande A-2023-00310 (du 17 avril 2023 au 17 mai 2023). Par conséquent, la réponse à la demande A-2023-00303 ne produirait pas les mêmes documents que les réponses aux demandes A-2023-00308 et A-2023-00310.

La période du 1er février 2023 au 1er juillet 2023 visée par la demande d’accès A-2023-00308, qui vise les documents concernant, mentionnant ou faisant référence à Volkswagen, chevauche la demande A-2023-00310 pour la période du 17 avril 2023 au 17 mai 2023. Par conséquent, à l’exception d’une période d’un mois (d’avril à mai 2023), la réponse à la demande A-2023-00308 ne produirait pas les mêmes documents que la réponse à la demande A-2023-00310.

Enfin, la demande d’accès A-2023-00310 est la seule qui vise des documents mentionnant « vis motion ». Par conséquent, elle engloberait des documents qui ne sont pas visés par les demandes A-2023-00303 et A-2023-00308.

Puisque les demandes d’accès A-2023-00303, A-2023-00308 et A-2023-00310 engloberaient des documents différents, la Commissaire conclut qu’elles ne sont pas entièrement redondantes. Elles ne constituent donc pas un abus du droit de faire une demande de communication.

La Commissaire se penche maintenant sur la question de savoir si ces trois demandes d’accès constituent un fardeau excessif pour l’institution, et par le fait même, empêchent d’autres personnes de faire valoir leur droit d’accès.

La personne qui a présenté les demandes d’accès n’a pas présenté d’autres observations sur la question.

La question de savoir si une demande d’accès constituerait un fardeau excessif pour une institution repose sur une évaluation objective des faits. Celle-ci dépend de la portée et de la nature de la demande d’accès ainsi que des efforts nécessaires pour y donner suite. Mais quand une personne impose un fardeau excessif à une institution avec ses demandes d’accès, elle empêche d’autres personnes d’exercer légitimement leur droit d’accès.

Après avoir considéré toutes les observations et les éléments de preuve présentés par l’institution, la Commissaire conclut que cette dernière n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour lui permettre de conclure raisonnablement que les demandes d’accès constitueraient un fardeau excessif et qu’elles empêcheraient d’autres personnes de faire valoir leur droit d’accès.

Le chevauchement entre les cinq demandes d’accès ferait en sorte qu’elles seraient difficiles à traiter, car il est nécessaire, dans chaque cas, de cerner ce que recherche la personne qui a fait les demandes et de savoir si l’institution a déjà fourni les documents demandés. Cependant, la Commissaire estime que ce n’est pas le cas des trois demandes d’accès restantes, car il y a seulement un mois de chevauchement entre les demandes A-2023-00308 et A-2023-00310 pour ce qui est des documents qui concernent, mentionnent ou abordent Volkswagen.

L’affirmation de l’institution selon laquelle le nombre d’heures requises est déraisonnable et serait [traduction] « débiliterait la direction responsable du transport routier » n’est pas suffisamment appuyée par la preuve. La Commissaire reconnaît que le nombre estimé de documents pourrait être élevé, mais il ne lui paraît pas comme un fardeau excessivement lourd. L’institution n’a pas fourni suffisamment d’information concernant la comparaison de la charge de travail et les priorités concurrentes, et pour justifier les délais de réponse prévus à part pour affirmer qu’elle a calculé qu’il faudrait de 2,5 à 13 ans pour répondre aux demandes.

L’institution n’a pas persuadé la Commissaire que donner suite à chacune des trois demandes d’accès constituerait pour elle un fardeau excessif.

Puisqu’elle a conclu que l’institution n’a pas démontré que les demandes d’accès A-2023-00303, A-2023-00308 et A-2023-00310 constituent un abus du droit de faire une demande de communication, la Commissaire se penche maintenant sur la question de savoir si ces trois demandes sont vexatoires.

Les demandes d’accès sont-elles vexatoires?

Le terme « vexatoire » n’est pas défini dans la Loi. Dans le contexte d’une demande d’accès, le terme s’entend généralement comme une demande présentée principalement dans le but d’embarrasser, de harceler, de contrarier ou de causer des problèmes. Cependant, la question de savoir si une demande est vexatoire dépend des faits et doit être évaluée au cas par cas. C’est pourquoi il est préférable de ne pas définir ce terme trop strictement (Canada c. Olumide, 2017 CAF 42).

Même les demandes d’accès qui semblent légitimes peuvent être vexatoires si elles sont principalement présentées, intentionnellement ou non, à des fins inappropriées, comme causer des dommages ou exercer des représailles à l’égard d’une institution fédérale. Une demande peut également être vexatoire si elle est présentée ou qu’on en fait le suivi d’une manière vexatoire.

Bien que l’article 6.1 précise que c’est la demande d’accès qui doit être vexatoire, et non la personne qui la fait, les circonstances entourant une demande et le comportement de la personne qui la fait peuvent être pertinents s’ils montrent qu’une motivation inappropriée sous-tend la demande. Dans de telles circonstances, une demande d’accès sera vexatoire s’il y a un lien clair entre la demande elle-même et le comportement vexatoire.

Les observations présentées par l’institution à l’appui de sa position selon laquelle les demandes d’accès sont vexatoires étaient essentiellement les mêmes que celles avancées pour appuyer sa position selon laquelle la demande constituait un abus du droit de faire une demande de communication. Selon l’institution, il y a deux facteurs précis qui démontrent qu’une demande d’accès est vexatoire : un nombre excessif de demandes et le moment où celles-ci sont présentées.

Discussion

La Commissaire conclut que la position de l’institution, à savoir que les trois demandes d’accès restantes sont vexatoires, n’est pas appuyée par la preuve. Le seul argument soulevé par l’institution est que la personne qui a déposé les demandes en a déposé 37 la même journée, et que certaines de ces demandes sont redondantes et auraient facilement pu être combinées.

Le fait que les trois demandes d’accès restantes aient été déposées la même journée, de même que les 34 autres demandes d’accès (pas toutes au sujet de Volkswagen) ne permettent pas d’établir que les demandes sont vexatoires.

Dans sa réponse à la demande d’autorisation de l’institution, la personne qui a fait les demandes d’accès a expliqué ce qui suit [traduction] : « en ce qui concerne les demandes d’accès visant Volkswagen en particulier, [l’institution] a été très réticente à communiquer de l’information sur le contrat, même quand des comités parlementaires comme OGGO ou INDU le lui ont ordonné, défiant même parfois les ordres du Parlement. Compte tenu des difficultés rencontrées par le passé pour obtenir des documents de ce ministère au comité, j’estimais qu’il était nécessaire de ratisser large, quitte à ce qu’il y ait un léger chevauchement entre les demandes faites avec différents moyens de communication. »  

Elle affirme également que [traduction] « ces demandes ne sont pas vexatoires et constituent une honnête demande de communication visant à ce que le ministère rende des comptes. » La Commissaire n’a aucune raison de douter de cette affirmation en ce qui concerne les trois demandes d’accès restantes.

La Commissaire n’est pas d’avis que les demandes ont été déposées, sciemment ou non, à des fins inappropriées. Cela étant dit, peu importe les difficultés qu’ont eues les comités parlementaires à obtenir de l’information par le passé, déposer des demandes d’accès redondantes et se chevauchant n’est pas la solution.

Compte tenu de ce qui précède, la Commissaire conclut que l’institution n’a pas suffisamment démontré que les demandes d’accès A-2023-00303, A-2023-00308 et A-2023-00310 étaient vexatoires.

Dans les circonstances, est-il justifié que la Commissaire accorde son autorisation à l’institution de ne pas donner suite aux demandes d’accès?

Comme l’institution a établi que l’un des critères du paragraphe 6.1(1) s’appliquait à deux demandes d’accès (A-2023-00305 et A-2023-00314), la Commissaire doit maintenant exercer son pouvoir discrétionnaire pour accepter ou refuser la demande d’autorisation.

Pour exercer son pouvoir discrétionnaire, elle a pris en considération tous les facteurs pertinents et les circonstances, y compris les suivants.

Obligation de prêter assistance à la personne qui a fait la demande d’accès

Le paragraphe 4(2,1) prévoit une obligation générale de prêter assistance aux personnes qui font une demande d’accès. La portée de cette obligation est vaste, car elle requiert qu’une institution fasse « tous les efforts raisonnables » pour prêter assistance à une personne qui fait une demande d’accès. Cette obligation va aussi loin qu’il serait raisonnable pour l’institution de fournir une assistance. L’obligation de prêter assistance comprend notamment aider une personne qui fait une demande d’accès à préciser sa demande, à réduire la portée de sa demande afin que les documents demandés puissent lui être fournis plus rapidement et à fournir les renseignements nécessaires pour permettre à l’institution de repérer les documents demandés.

La question de savoir en quoi consistent « tous les efforts raisonnables » pour prêter assistance à une personne qui fait une demande dépend des faits pertinents et des circonstances. Par conséquent, la question de savoir si une institution s’est acquittée ou non de ses obligations en vertu du paragraphe 4(2,1) dépend des faits et doit être évaluée au cas par cas.

Comme l’a mentionné la Commissaire ci-dessus, l’institution a fait deux tentatives principales de prêter assistance à la personne qui a fait les demandes d’accès. La première a été faite la même journée que les 37 demandes d’accès ont été déposées, soit le 28 août 2023. La même journée, l’institution a expliqué que le traitement de ce nombre de grandes demandes en même temps entraverait le fonctionnement du ministère et limiterait sa capacité de traiter de nouvelles demandes et les demandes en cours. L’institution a demandé à la personne qui a fait les demandes d’accès si elle pouvait les échelonner et établir un ordre de priorité entre celles-ci afin d’équilibrer la charge de travail. La personne a rejeté la suggestion.

La deuxième tentative a été faite le 7 septembre 2023. L’institution a alors expliqué qu’elle avait besoin de précisions concernant les demandes d’accès et a proposé une façon de procéder à la personne qui les a faites. Elle a suggéré de réduire la portée de la demande pour qu’elle vise seulement les documents « relatifs à ou concernant » et de combiner les demandes pour éviter les dédoublements entre celles-ci et alléger une partie du fardeau administratif créé par la recherche des documents. La réponse de la personne qui a fait les demandes d’accès était la suivante [traduction] : « Veuillez respecter le libellé de chaque demande. Le libellé et la portée de chaque demande sont intentionnels. »

Compte tenu de l’absence de coopération de la part de la personne qui a fait les demandes d’accès, la Commissaire estime que l’institution a fait tous les efforts raisonnables pour lui prêter assistance, dans les circonstances. Elle conclut donc que l’institution a établi qu’elle s’était acquittée de son obligation de prêter assistance à la personne qui a fait les demandes d’accès.

La Commissaire aimerait rappeler à la personne qui a fait la demande d’accès que, pour qu’une institution puisse pleinement s’acquitter de son obligation de prêter assistance, les deux parties doivent collaborer. Les personnes qui font des demandes d’accès doivent demeurer disposées à coopérer avec une institution qui fait des efforts pour leur prêter assistance. Les personnes qui font des demandes d’accès ne devraient pas entraver les efforts sincères déployés pour leur prêter assistance dès le début.

Respect du délai pour présenter une demande d’autorisation

L’institution a reçu les demandes d’accès le 28 août 2024 et a présenté à la Commissaire une demande d’autorisation pour ne pas y donner suite le 21 mars 2024, soit environ sept mois plus tard.

Selon l’institution, le délai de sept mois s’explique par le fait que, suivant son processus habituel, elle a attribué les demandes d’accès dans l’intention de les traiter telles qu’elles sont rédigées, puisque les discussions avec la personne qui les a faites ont été infructueuses. Cependant, après plusieurs rencontres avec le secteur où elle a expliqué que ces demandes d’accès auraient des répercussions sur les activités quotidiennes, l’institution a conclu que les demandes satisfont aux critères pour être considérées comme des abus du droit de faire une demande de communication ou comme vexatoires. Cette conclusion était appuyée par le fait que les secteurs ont demandé des prorogations de délai pour récupérer les documents afin de prévoir du temps pour chercher les documents visés par de nouvelles demandes.

En outre, il y a eu une discussion entre la personne occupant le poste de gestionnaire de la réception des demandes et la personne occupant le poste de directeur concernant la possibilité de présenter une demande d’autorisation au Commissariat pour ne pas donner suite aux demandes. L’institution a demandé conseil à ses Services juridiques afin de se conformer aux règlements et procédures pertinents. Comme la personne qui occupe le poste de directeur prenait sa retraite au début de décembre, elle a décidé d’attendre que la personne qui lui succède prenne une décision quant à la demande d’autorisation.

L’institution a également expliqué que, durant la période de sept mois, les directions et directions générales étaient activement engagées dans la récupération des documents demandés.

Enfin, la Commissaire note que les prorogations de délai ont été prises le 23 septembre 2023 et qu’elles n’étaient pas échues quand l’institution a présenté sa demande d’autorisation.

La Commissaire conclut donc que la demande d’autorisation a été présentée dans les délais.

Décision

L’institution a établi que deux demandes d’accès, soit A-2023-00305 et A-2023-00314, satisfaisaient à un ou plusieurs critères du paragraphe 6.1(1), à savoir :

  • Ces demandes d’accès visent des renseignements qui sont déjà englobés par d’autres demandes et sont donc redondantes;
  • elles constituent donc un usage inapproprié du droit de faire une demande de communication.

Les circonstances justifient que la Commissaire exerce son pouvoir discrétionnaire pour autoriser l’institution à ne pas donner suite à ces deux demandes d’accès.

L’institution n’a pas établi que les demandes d’accès restantes, soit A-2023-00303, A-2023-00308 et A-2023-00310, satisfaisaient à un ou plusieurs critères du paragraphe 6.1(1).

La demande d’autorisation est donc partiellement acceptée.

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