Décision en vertu de l’article 6.1, 2021 CI 20
Date : Juin 2021
Sommaire
Une institution a demandé à la Commissaire à l’information l’autorisation de refuser de donner suite à une demande d’accès en vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information. Le responsable de l’institution était d’avis que la demande, qui visait la totalité de la correspondance interne de l’institution sur une période de sept ans, constitue un abus du droit d’accès.
La personne qui a fait la demande d’accès n’a pas présenté d’observations concernant cette demande d’autorisation.
La Commissaire a conclu que l’institution s’était acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que la demande d’accès constitue un abus du droit d’accès. La portée beaucoup trop vaste de la demande ainsi que la petite taille de l’institution, les ressources limitées dont elle dispose et l’incidence sur sa capacité de remplir son mandat sont tous des facteurs qui amènent à conclure que la demande d’accès constitue un abus du droit d’accès.
La Commissaire a accepté la demande d’autorisation.
L’institution a-t-elle respecté son obligation de porter assistance?
Comme expliqué dans le document d’orientation Demande d’autorisation à la Commissaire à l’information pour ne pas donner suite à une demande d’accès, les institutions devraient seulement demander l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès après avoir fait tous les efforts raisonnables pour prêter assistance à la personne qui a fait la demande, conformément au paragraphe 4(2.1).
L’institution a fait des efforts pour communiquer avec la personne qui a fait la demande d’accès afin de préciser ou de cibler la demande; cependant, à la suite de ces démarches, la personne a plutôt élargi la portée de sa demande et fait savoir clairement qu’elle n’était pas intéressée à avoir d’autres communications avec l’institution au sujet de la portée ou de la précision de la demande.
Dans sa correspondance avec l’institution, la personne qui a fait la demande d’accès soutenait que l’objectif de la demande était de comprendre l’administration et la culture de l’institution. L’institution a fait remarquer qu’il était possible de comprendre cela à partir d’une demande plus ciblée et a suggéré des façons d’adapter la demande de sorte à atteindre cet objectif. Même si l’institution a tenté à de nombreuses reprises d’aider la personne à préciser ou cibler sa demande, la personne a refusé de le faire.
Les efforts déployés par l’institution pour préciser ou cibler la demande d’accès afin que la personne obtienne l’information qu’elle recherchait sans imposer un fardeau excessif à l’institution étaient raisonnables.
La Commissaire était d’avis que l’institution s’est acquittée de son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4(2.1) avant de demander l’autorisation de ne pas donner suite à la demande d’accès.
La demande constitue-t-elle un abus du droit de faire une demande de communication?
Par « abus », on entend généralement un usage excessif ou inapproprié. L’abus du droit d’accès doit être examiné au cas par cas. Dans Crocker v. British Columbia (Information and Privacy Commissioner), 1997 CanLII 4406 (en anglais seulement), la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a conclu qu’une demande qui porte atteinte au droit d’accès d’autres demandeurs et/ou diminue la capacité de l’institution d’assumer ses autres fonctions et responsabilités peut constituer un abus du droit d’accès.
L’institution soutient que la demande visant la totalité de sa correspondance interne sur une période de sept ans constitue un abus du droit d’accès parce que :
- la demande d’accès englobe un nombre excessivement élevé de documents;
- compte tenu de la très petite taille de l’institution et de ses fonds limités, le traitement de la demande
- entraverait de façon déraisonnable sa capacité d’assumer ses responsabilités et de bien remplir son mandat prescrit par la loi;
- nuirait à sa capacité de répondre à d’autres demandes d’accès éventuelles, ce qui brimerait les droits des autres personnes faisant des demandes.
L’institution a utilisé deux méthodes différentes pour estimer le nombre de documents qui répondent à la demande : i) un exercice visant à estimer le nombre de courriels pertinents envoyés par un employé moyen chaque jour et ii) une analyse numérique de la base de données de l’institution pour établir le volume des courriels et des pièces jointes.
La première méthode a permis d’arriver à une estimation prudente de 700 000 courriels, sans les pièces jointes, alors que la seconde (qui était considérée comme plus exacte) a permis d’estimer qu’il y avait au moins 81 Go de documents pertinents, soit plus de 5 millions de pages.
L’institution a indiqué qu’elle disposait de moins d’un employé équivalent temps plein pour traiter ses demandes d’accès. Selon les estimations susmentionnées, si cet employé se consacrait exclusivement à l’examen des documents pertinents, à un rythme de moins d’une minute par page, il lui faudrait entre 12 et 43 années pour accomplir cette tâche.
L’estimation ne tenait pas compte du temps requis pour que tous les employés repèrent et récupèrent les documents pertinents. Ces ressources supplémentaires, nécessaires pour bien répondre à la demande d’accès, devraient être réaffectées à cette tâche à partir des secteurs du programme de base, dans une mesure qui compromettrait sérieusement la capacité de l’organisation de remplir son mandat prescrit par la loi.
La personne ayant fait la demande d’accès n’a pas présenté d’observations quant aux motifs pour lesquels l’institution ne devrait pas refuser de donner suite à la demande, bien que le Commissariat l’ait invitée à le faire à plusieurs reprises.
De façon générale, une demande ayant une vaste portée, en soi, ne constitue pas un abus du droit d’accès. Toutefois, compte tenu de la taille de l’institution et de ses ressources limitées, la portée extraordinairement vaste de la demande aurait des répercussions négatives à long terme sur sa capacité de remplir son mandat et de respecter ses obligations à l’égard des autres personnes demandant des documents en vertu de la Loi.
Comme il est mentionné dans la jurisprudence provinciale : [traduction] « Tous les droits s’accompagnent de responsabilités […]. En imposant un fardeau excessif à un organisme public, la mauvaise utilisation par une personne du droit d’accès peut menacer ou diminuer l’exercice légitime de ce droit par d’autres […]. De plus, un tel abus va à l’encontre de l’intérêt public, puisqu’il ajoute indûment à ce qu’il en coûte aux organismes publics pour se conformer à la Loi. […] » [British Columbia (Children and Family Development) (Re), 2020BCIPC 17 (CanLII), citant Auth. (s. 43) 99-01, p. 7 (en anglais seulement)].
Un régime d’accès n’est efficace que si les deux parties font preuve de bon sens et agissent de façon responsable. (Voir la décision 6.1-0005 sur le site du Commissariat.)
Compte tenu de tout ce qui précède, la Commissaire a conclu que l’institution a établi, selon la prépondérance des probabilités, que la demande d’accès constitue un abus du droit d’accès.
Résultat
La Commissaire a accepté la demande d’autorisation. Si l’institution décide de refuser de donner suite à la demande d’accès à l’information, elle est tenue d’en informer la personne qui a fait la demande et d’expliquer les motifs de ce refus.
La Commissaire a également souligné que cette affaire rappelle l’importance d’une bonne gestion de l’information et elle invite les institutions à consulter les 9 conseils du Commissariat à l’information sur la gestion des courriels, qui les aideront à gérer les courriels à valeur opérationnelle.