Affaires mondiales Canada (Re), 2023 CI 43
Date : 2023-12-11
Numéro de dossier du Commissariat : 5820-04289
Numéro de dossier de l’institution : A-2019-02396
Sommaire
La partie plaignante allègue qu’Affaires mondiales Canada (Affaires mondiales) n’a pas effectué une recherche raisonnable en réponse à une demande d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Cette demande vise à obtenir des documents relatifs à des tables rondes tenues en 2010 concernant l’éducation internationale et la « Statement of Principles for the Ethical Recruitment of International Students by Education Agents and Consultants » [déclaration de principes déontologiques pour le recrutement d’étudiantes et étudiants internationaux par les agentes et agents d’éducation et les consultantes et consultants], appelée aussi la « London Statement » [déclaration de Londres], de même que des renseignements concernant les raisons pour lesquelles le Canada a choisi de ne pas souscrire à cette déclaration. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
L'enquête a permis de constater que des documents supplémentaires pertinents auraient dû exister, mais qu’ils n’avaient pas été conservés par mégarde. Affaires mondiales a effectué d’autres recherches, à la suite desquelles des documents supplémentaires ont été trouvés.
La Commissaire à l’information a recommandé à Affaires mondiales de sauvegarder tous les documents à valeur opérationnelle dans ses dépôts ministériels et de rappeler aux membres de son personnel leurs responsabilités en matière de gestion de l’information.
La Commissaire a aussi ordonné à Affaires mondiales de fournir les documents supplémentaires à la partie plaignante. Affaires mondiales a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite aux recommandations et aux ordonnances.
La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue qu’Affaires mondiales Canada (Affaires mondiales) n’a pas effectué une recherche raisonnable en réponse à une demande d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Cette demande vise à obtenir des documents relatifs à des tables rondes tenues en 2010 concernant l’éducation internationale et la « Statement of Principles for the Ethical Recruitment of International Students by Education Agents and Consultants » [déclaration de principes déontologiques pour le recrutement d’étudiantes et étudiants internationaux par les agentes et agents d’éducation et les consultantes et consultants], appelée aussi la « London Statement » [déclaration de Londres], de même que des renseignements concernant les raisons pour lesquelles le Canada a choisi de ne pas souscrire à cette déclaration. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Enquête
Recherche raisonnable
[2] Affaires mondiales est tenu d’effectuer une recherche raisonnable pour les documents visés par la demande d’accès, c’est-à-dire qu’un ou des employés expérimentés de l’institution ayant une connaissance du sujet de la demande d’accès doivent avoir fait des efforts raisonnables pour repérer et localiser tous les documents raisonnablement liés à la demande.
[3] Une recherche raisonnable correspond au niveau d’effort attendu de toute personne sensée et juste à qui l’on demande de chercher les documents pertinents à l’endroit où ils sont susceptibles d’être conservés.
[4] Il n’est pas nécessaire que cette recherche soit parfaite. Une institution n’est donc pas tenue de prouver hors de tout doute qu’il n’existe pas d’autres documents. Les institutions doivent toutefois être en mesure de démontrer qu’elles ont fait des démarches raisonnables pour repérer et localiser les documents pertinents.
L’institution a-t-elle effectué une recherche raisonnable de documents?
[5] Au cours de l’enquête, le Commissariat à l’information a examiné la documentation liée à la recherche effectuée par Affaires mondiales pour trouver des documents pertinents.
[6] Le Commissariat a examiné les réponses du bureau de première responsabilité (BPR) pour vérifier si celui-ci s’était acquitté de ses obligations en vertu de la Loi, c’est-à-dire faire des efforts raisonnables pour repérer et localiser tous les documents relevant de lui et raisonnablement liés à la demande. L’Unité de l’investissement, de l’innovation et de l’éducation s’est vu demander d’effectuer cette recherche, puisqu’elle se charge de l’éducation internationale (sujet de la demande d’accès). L’enquête du Commissariat a permis de confirmer que les documents pertinents auraient pu en effet relever du BPR en question et qu’un employé expérimenté avait effectué la recherche de documents dans les bases de données ainsi que dans des fichiers électroniques et des dossiers papier. Malgré ces efforts, seuls quelques documents ont été récupérés, puis transmis à la partie plaignante en réponse à la demande d’accès.
[7] Au cours de l’enquête, Affaires mondiales a été questionné au sujet du nombre restreint de pages repérés. Il a alors reconnu que, conformément à sa politique de conservation et d’élimination des documents (période de 20 ans), d’autres documents pertinents à valeur opérationnelle auraient dû exister au moment où la demande d’accès avait été reçue. Affaires mondiales a toutefois précisé que ces documents n’avaient pas été conservés, et ce, par mégarde.
[8] Affaires mondiales a affirmé que, à l’époque de la déclaration de Londres, les membres du personnel ne respectaient pas la [traduction] « procédure adéquate de classement » des courriels et que leur compte informatique et leurs documents étaient détruits dans les 90 jours suivant leur départ. De plus, la personne qui travaillait sur ce dossier particulier a été mutée à l’étranger. Bien que ses courriels et fichiers aient été sauvegardés sur une clé USB, celle-ci ne fonctionnait pas, et le contenu n’a pu être récupéré. Entre-temps, les copies papier des rapports et des courriels datant de cette époque, lesquelles se trouvaient dans des classeurs, ont été détruites à la suite du déménagement de l’unité.
[9] Suivant d’autres questions posées par le Commissariat, Affaires mondiales a néanmoins effectué des recherches supplémentaires, notamment en demandant à d’anciens membres de l’unité qui avaient travaillé sur le dossier de la déclaration de Londres d’effectuer d’autres recherches de documents pertinents. Grâce à ces efforts, des documents supplémentaires ont été trouvés. Plus particulièrement, un ancien membre du BPR a localisé un document supplémentaire sur un lecteur interne; ce document avait été manqué lors de la recherche initiale. Un CD-ROM renfermant des documents pertinents a aussi été trouvé.
[10] Je conclus que la recherche initiale de documents par Affaires mondiales en réponse à la demande d’accès n’était pas raisonnable. En l’espèce, il était évident que des documents supplémentaires pertinents auraient dû exister au moment où la demande avait été reçue. Je suis d’avis qu’il était déraisonnable de la part d’Affaires mondiales de ne pas avoir procédé à d’autres recherches.
[11] L’enquête a permis de révéler de sérieuses préoccupations relativement aux pratiques de gestion de l’information qui ont cours à Affaires mondiales. Le droit d’accès ne peut exister sans documents. Par conséquent, il est tributaire de deux facteurs : une documentation adéquate par les institutions et la conservation de documents à valeur opérationnelle. L’enquête a permis de mettre en évidence l’importance de ces questions.
Résultat
[12] La plainte est fondée.
Ordonnances et recommandations
J’ordonne à la ministre des Affaires étrangères ce qui suit :
- Fournir une nouvelle réponse à la partie plaignante, qui comprend les documents repérés et considérés comme pertinents au cours de l’enquête et se trouvant sur le lecteur interne et le CD-ROM, au plus tard le 36e jour ouvrable après la réception de mon compte rendu;
- Donner accès aux documents supplémentaires pertinents ayant été trouvés, sous réserve d’exceptions applicables (exceptions et/ou exclusions) au droit d’accès prévues à la partie 1 de la Loi, lesquelles doivent être indiquées dans la nouvelle réponse.
Je recommande aussi à la ministre des Affaires étrangères de prendre des mesures pour veiller à ce que :
- Tous les documents à valeur opérationnelle, qui se trouvent actuellement sur le CD-ROM et qui ont été localisés au cours de l’enquête, soient sauvegardés dans les dépôts ministériels d’Affaires mondiales;
- Affaires mondiales rappelle aux membres de son personnel leurs responsabilités en matière de gestion de l’information, notamment par des séances de formation et d’information ciblées, et qu'ils soient tenus de s’en acquitter.
Rapport et avis de l’institution
Le 8 novembre 2023, j’ai transmis à la ministre des Affaires étrangères mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances et mes recommandations.
Le 29 novembre 2023, le directeur de la Direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels m’a avisée qu’il donnerait suite à mes ordonnances et à mes recommandations. Affaires mondiales a l’intention de fournir une réponse complète au plus tard le 20 décembre 2023 et de sauvegarder les documents qui se trouvent actuellement sur le CD-ROM dans ses dépôts ministériels. Affaires mondiales a aussi mentionné que des séances de formation sur les responsabilités en matière de gestion de l’information ont été données aux membres de son personnel et que ces séances se poursuivront.
Révision devant la Cour fédérale
Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ou des ordonnances, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. Quiconque exerce un recours en révision doit le faire dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, toute ordonnance rendue prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.