Agence de la santé publique du Canada (Re), 2024 CI 48

Date : 2024-07-26
Numéro de dossier du Commissariat : 5823-04301
Numéro de la demande d’accès : PHAC-A-2023-000135

Sommaire

La partie plaignante allègue que la prorogation de délai que l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a prise en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi sur l’accès à l’information pour répondre à une demande d’accès était déraisonnable. La demande vise la correspondance de dates précises, envoyée ou reçue par des employés de l’ASPC de niveau sous-ministre adjoint ou supérieur relativement à l’offre à commandes 6D063-204744 et BTNX, Inc. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)c) de la Loi.

L’ASPC a pris une prorogation de 255 jours en vertu des alinéas 9(1)a), b) et c). Si cette prorogation était valide, l’échéance du délai de réponse serait le 26 août 2024.

L’ASPC n’a pas démontré qu’elle satisfaisait à tous les critères de l’alinéa 9(1)a), notamment qu’elle a fait preuve d’une rigueur et d’une logique suffisantes pour déterminer de manière sérieuse la durée de la prorogation de délai.

Comme l’ASPC n’a pas établi que la prorogation de délai était raisonnable, la prorogation n’est pas valide et l’ASPC est dans une situation de présomption de refus conformément au paragraphe 10(3).

La Commissaire a ordonné à l’ASPC de fournir une réponse complète à la demande d’accès au plus tard le 60e jour ouvrable après la réception du compte rendu. L’ASPC a avisé la Commissaire qu’elle donnerait suite à l’ordonnance si aucune situation complexe imprévue ne se présentait. La Commissaire a mentionné que, comme elle l’a indiqué dans son rapport, si le ministre ne prévoit pas de donner suite à l’ensemble de l’ordonnance, il doit exercer un recours en révision devant la Cour fédérale dans le délai prévu par la Loi.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que la prorogation de délai que l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a prise en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi sur l’accès à l’information pour répondre à une demande d’accès était déraisonnable. La demande vise la correspondance de dates précises, envoyées ou reçues par des employées de l’ASPC de niveau sous-ministre adjoint ou supérieur relativement à l’offre à commandes 6D063-204744 et BTNX, Inc.

[2]      L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)c) de la Loi.

Enquête

Délais pour répondre aux demandes d’accès

[3]      L’article 7 exige que les institutions répondent aux demandes d’accès dans un délai de 30 jours, à moins qu’elles aient transmis la demande à une autre institution ou pris une prorogation de délai valide parce qu’elle satisfait aux critères de l’article 9.

[4]      Le 14 novembre 2023, l’ASPC a reçu la demande d’accès. Le 14 décembre 2024, l’ASPC a prorogé le délai de réponse à la demande de 255 jours en vertu des alinéas 9(1)a), 9(1)b) et 9(1)c). L’ASPC a prorogé le délai de 180 jours en vertu de l’alinéa 9(1)a), de 75 jours en vertu de l’alinéa 75 9(1)b) et, en parallèle, de 60 jours en vertu de l’alinéa 9(1)c). Si cette prorogation était valide, l’échéance du délai de réponse serait le 26 août 2024.

Prorogations de délai

Alinéa 9(1)a) : prorogation du délai en raison de la quantité de documents

[5]      L’alinéa 9(1)a) permet aux institutions de proroger le délai de 30 jours dont elles disposent pour répondre à une demande d’accès lorsqu’elles peuvent démontrer ce qui suit :

  • la demande vise un grand nombre de documents ou nécessite que l’institution fasse des recherches parmi un grand nombre de documents;
  • l’observation du délai entraverait de façon sérieuse leur fonctionnement;
  • la prorogation de délai doit être d’une période que justifient les circonstances.

L’institution a-t-elle démontré qu’elle satisfaisait aux critères de l’alinéa 9(1)a)?

La demande d’accès vise-t-elle un grand nombre de documents?

[6]      L’ASPC a mentionné que la recherche effectuée avait permis de récupérer 2 962 pages. Cependant, l’ASPC a signalé que le nombre final de pages était en fait de 1 805, après qu’un pépin informatique a été constaté durant le triage, ce qui avait en fait en sorte que certains documents avaient été importés dans le système deux fois.

[7]      Néanmoins, l’ASPC a démontré qu’un grand nombre de pages sont visées par la portée de la demande d’accès.

L’observation du délai entraverait-elle de façon sérieuse le fonctionnement de l’institution?

[8]      L’ASPC a mentionné que la recherche effectuée avait permis de récupérer 2 962 pages. Le traitement d’un si grand nombre de documents et l’observation du délai de 30 jours pour répondre à la demande d’accès auraient monopolisé les ressources de l’ASPC.

[9]      L’institution a démontré que le fait de rechercher et de traiter autant de documents en plus de répondre à la demande d’accès dans un délai de 30 jours—pour autant que cela soit possible—aurait entravé de façon sérieuse son fonctionnement.

La prorogation de délai est-elle d’une période que justifient les circonstances?

[10]    L’ASPC a pris plusieurs facteurs en considération pour veiller à ce que la prorogation de 180 jours en vertu de l’alinéa 9(1)a) soit la plus courte possible :

  • La quantité initiale de documents totalisant 2 962 pages et la nécessité de repérer les documents en double;
  • La complexité des documents, qui consistent principalement en des courriels et des pièces jointes, qui fait que l’examen prend plus de temps par page par rapport à des documents plus volumineux qui peuvent être examinés en lots;
  • La nécessité de tenir de vastes consultations qui nécessitent plus de temps pour préparer et examiner les observations reçues des parties prenantes;
  • La charge de travail élevée et l’arriéré au sein du bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels.

[11]    Afin d’établir le délai, l’ASPC a estimé que l’examen se ferait au rythme de 500 pages par période de 30 jours, en tenant compte de l’arriéré de l’équipe, mais aussi des complications propres aux dossiers.

[12]    J’estime que l’ASPC n’a pas fourni d’explication convaincante pour justifier en quoi ce rythme était approprié ou raisonnable dans le cas qui nous occupe. Bien que je reconnaisse que l’examen de courriels puisse parfois être plus compliqué que celui d’autres types de documents, en raison des dédoublements possibles des échanges de courriels, je crois que l’ASPC n’a pas adéquatement justifié la complexité de la demande. Même si j’acceptais qu’il faille plus de temps pour examiner les courriels, le nombre de courriels indiqué semble insuffisant pour justifier une aussi longue prorogation. L’ASPC n’a pas démontré qu’elle a fait preuve d’une rigueur et d’une logique suffisantes pour déterminer de manière sérieuse la durée de la prorogation du délai.

[13]    Bien que la demande vise un grand nombre de documents, je conclus que l’ASPC n’a pas démontré le caractère raisonnable d’une prorogation aussi longue que 180 jours en vertu de l’alinéa 9(1)a).

[14]    Puisque l’ASPC n’a pas démontré que la prorogation de délai en vertu de l’alinéa 9(1)a) était raisonnable, il n’est pas nécessaire que le Commissariat enquête sur la prorogation prise en vertu des alinéas 9(1)b) et 9(1)c).

Paragraphe 10(3) : présomption de refus

[15]    Suivant le paragraphe 10(3), lorsque les institutions ne répondent pas à une demande d’accès dans le délai de 30 jours prescrit ou à la fin d’une prorogation de délai valide, elles sont réputées avoir refusé de communiquer les documents demandés.

[16]    Comme l’ASPC n’a pas démontré que sa prorogation de délai était raisonnable, je conclus que l’ASPC est réputée avoir refusé de communiquer les documents demandés, suivant le paragraphe 10(3).

[17]    L’ASPC a indiqué que, le 19 avril 2024, elle avait envoyé 1 038 pages pour consultation à son unité des services juridiques ministériels (USJM) et qu’elle prévoyait de recevoir une réponse au plus tard le 28 juin 2024.

[18]    L’ASPC a ajouté que 800 pages attendaient toujours d’être envoyées pour consultation à des institutions fédérales et provinciales, mais qu’en raison de la présence possible de documents confidentiels du Cabinet, ces consultations doivent avoir lieu une fois que la consultation auprès de l’USJM sera terminée. L’ASPC n’était donc pas en mesure d’indiquer à quelle date elle s’attendait à ce que les consultations soient terminées; elle a plutôt fourni le 30 septembre 2024 comme estimation, dans le meilleur des cas.

[19]    L’ASPC a l’obligation de s’assurer de répondre aux demandes d’accès conformément aux exigences de la Loi sur les documents qui sont sous son contrôle.

Bien que je reconnaisse que, dans certaines circonstances, il peut être approprié qu’une institution en consulte une autre en vue de répondre à une demande, c’est à l’institution qui a reçu la demande qu’il incombe de veiller à ce que le processus de consultation ne retarde pas indûment l’accès.

[20]    À défaut par une institution consultée de fournir des recommandations dans un délai raisonnable, l’institution qui reçoit la demande est finalement tenue de fournir une réponse rapide au demandeur, sans bénéficier des recommandations de l’institution consultée.

[21]    En ce qui a trait aux consultations de tiers, l’ASPC n’a pas fourni d’information concernant le nombre prévu de documents ni les délais visés, car elle affirme que d’autres consultations doivent être menées avant.

[22]    La partie plaignante attend maintenant une réponse à sa demande d’accès depuis plus de huit mois. Chaque jour supplémentaire pris pour répondre à cette demande représente un jour de plus où les droits d’accès de la partie plaignante lui sont refusés. Cette absence de réponse contrevient clairement aux obligations de l’ASPC en vertu de la Loi et mine la crédibilité du système d’accès.

[23]    Compte tenu de ce qui précède et du temps qui s’est écoulé depuis la réception de la demande, je conclus que l’ASPC doit y répondre sans tarder.

Résultat

[24]    La plainte est fondée.

Ordonnance

J’ordonne au ministre de la Santé de fournir une réponse complète à la demande d’accès au plus tard le 60e jour ouvrable après la réception du compte rendu.

Rapport et avis de l’institution

Le 26 juin 2024, j’ai transmis au ministre mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 24 juillet 2024, la directrice exécutive de l’Accès à l’information et de la protection des renseignements personnels m’a avisée que l’ASPC donnerait suite à l’ordonnance si aucune situation complexe imprévue ne se présentait.

Comme je l’ai indiqué dans mon rapport, si le ministre ne prévoit pas de donner suite à l’ensemble de mon ordonnance « de fournir une réponse complète à la demande d’accès au plus tard le 60e jour ouvrable après la réception du compte rendu », il doit exercer un recours en révision devant la Cour fédérale dans le délai indiqué ci-dessous.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. Quiconque exerce un recours en révision doit le faire dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, l’ordonnance prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

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