Agence d’évaluation d’impact du Canada (Re), 2024 CI 74

Date : 2024-11-19
Numéro de dossier du Commissariat : 5823-01006
Numéro de la demande d’accès : A-2022-00046

Sommaire

La partie plaignante allègue que l’Agence d'évaluation d'impact du Canada (AEIC) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et de l’alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à une demande d’accès. Cette dernière vise à obtenir des documents concernant la mobilisation des promoteurs du projet Ksi Lisims LNG et la mobilisation des communautés autochtones, par les promoteurs, relativement à ce projet.

La partie plaignante a décidé de limiter la portée de la plainte aux renseignements non communiqués qui se trouvent aux pages 51-74 et a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat à l’information de mener une enquête sur les renseignements non communiqués en vertu du paragraphe 19(1). Étant donné que les renseignements à la page 57 n’ont pas été communiqués en vertu du paragraphe 19(1) et de l’alinéa 20(1)b), le Commissariat a inclus cette page dans la portée de l’enquête.

L’AEIC n’a pu démontrer que les renseignements aux pages 62, 63, 65 et 73 satisfaisaient à tous les critères des exceptions.

L’AEIC a démontré que les renseignements à la page 57 satisfaisaient à tous les critères du paragraphe 19(1). Les circonstances énoncées au paragraphe 19(2) n’existaient pas; il n’était donc pas nécessaire pour l’AEIC d’exercer son pouvoir discrétionnaire.

L’AEIC a démontré que les renseignements à la page 67 satisfaisaient aux critères de l’alinéa 20(1)c). Elle n’a pas pris en considération tous les facteurs pertinents et n’a pas raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire en décidant de ne pas communiquer les renseignements à la page 67.

La Commissaire à l’information a ordonné à l’AEIC de communiquer les renseignements non divulgués qui se trouvent aux pages 62, 63, 65 et 73 des documents.

En ce qui concerne la page 67, elle a aussi ordonné à l’AEIC d’établir si les circonstances énoncées au paragraphe 20(6) existent et d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’AEIC a avisé la Commissaire qu’elle donnerait suite aux ordonnances.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]        La partie plaignante allègue que l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et de l’alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à une demande d’accès. Cette dernière vise à obtenir des documents concernant la mobilisation des promoteurs du projet Ksi Lisims LNG et la mobilisation des communautés autochtones, par les promoteurs, relativement à ce projet.

[2]        Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé de limiter la portée de la plainte aux renseignements non communiqués qui se trouvent aux pages 51-74 et a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat à l’information de mener une enquête sur les renseignements non communiqués en vertu du paragraphe 19(1). Étant donné que les renseignements à la page 57 n’ont pas été communiqués en vertu du paragraphe 19(1) et de l’alinéa 20(1)b), le Commissariat a inclus cette page dans la portée de l’enquête.

Enquête

[3]        Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[4]        Le 15 novembre 2023, l’AEIC a partiellement communiqué les renseignements qui se trouvent à la page 73, dont elle avait refusé la communication en vertu des alinéas 20(1)b), 20(1)c) et 20(1)d) au moment de la réponse, au motif que les renseignements étaient accessibles au public. L’AEIC maintient son refus de communiquer les autres renseignements.

[5]        Au cours de l’enquête, le Commissariat a demandé à Ksi Lisims LNG (KL LNG), à Rockies LNG LP (Rockies), à la nation Nisga’a et à la bande Lax Kw’alaams de lui présenter des observations.

[6]        Dans sa réponse, KL LNG a mentionné ne pas s’opposer à la communication des renseignements qui se trouvent aux pages 63, 65 et 73 si le Commissariat conclut que l’exception ne s’y applique pas. Il continue néanmoins de s’opposer à la communication des autres renseignements.

[7]        De même, tout en reconnaissant que le Commissariat n’avait pas demandé d’observations à l’égard des pages 62 et 67, Rockies s’est intéressé aux renseignements non communiqués qui se trouvent aux pages 63, 65 et 73. Il a mentionné que, si le Commissariat conclut que les renseignements en cause ne satisfont pas aux critères des exceptions, il ne s’opposerait ni à cette conclusion ni à leur communication.

[8]        La bande Lax Kw’alaams a reconnu que la déclaration à la page 73 ressemble essentiellement à des renseignements publiés, et la bande ne s’oppose pas à la communication de ce passage.

[9]        La nation Nisga’a n’a pas fourni de réponse à la demande d’observations du Commissariat.

[10]      Le 28 mai 2024, des avis ont été envoyés aux tiers suivant l’article 36.3 de la Loi. Aucune observation supplémentaire n’a été reçue.

[11]      Le 23 juillet 2024, un second avis a été envoyé à KL LNG, à Rockies LNG et à la nation Nisga’a leur avisant de la conclusion du Commissariat, à savoir que le schéma à la page 62 est accessible au public, et de mon intention d’ordonner la communication de cette page. KL LNG a répondu qu’il ne s’opposait pas à la conclusion du Commissariat. Les autres parties n’ont pas fourni d’observations supplémentaires.

[12]      Dans les observations qu’elle a fournies au cours de l’enquête, l’AEIC a mentionné que, puisque le tiers concerné ne s’oppose pas à la communication, elle est d’avis que les renseignements à la page 73 peuvent être communiqués. En ce qui concerne les renseignements aux pages 63 et 65, l’AEIC a évoqué les déclarations fournies par KL LNG lors du traitement de la demande et s’est appuyée sur celles-ci pour invoquer les exceptions. Elle a fait remarquer que les tiers n’avaient pas fourni d’observations supplémentaires au Commissariat en faveur de l’application de l’exception à ces renseignements. Elle a donc fait savoir qu’elle était disposée à les communiquer si le Commissariat conclut qu’ils ne satisfont pas aux critères de l’exception.

[13]      En raison de la conclusion du Commissariat selon laquelle les renseignements à la page 62 sont accessibles au public, l’AEIC a mentionné que ces renseignements pouvaient être communiqués. De plus, elle a par la suite informé le Commissariat qu’elle avait réexaminé les renseignements non communiqués qui se trouvent à la page 67 et qu’elle était d’avis qu’ils pouvaient être communiqués.

Paragraphe 19(1) : renseignements personnels

[14]      Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.

[15]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements concernent une personne, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
  • il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
  • les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des fonctionnaires).

[16]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 19(2)) existent :

  • la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
  • les renseignements sont accessibles au public;
  • la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[17]      Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[18]      Bien que la partie plaignante ait indiqué qu’elle ne conteste plus l’application du paragraphe 19(1) pour refuser la communication des renseignements personnels à la page 57, l’AEIC a refusé de communiquer des signatures et un titre de poste dans le domaine de l’arpentage en vertu du paragraphe 19(1), et ce, en parallèle avec l’alinéa 20(1)b). De ce fait, la page 57 s’inscrit dans la portée de la plainte.

[19]      J’admets que la signature d’une personne est un élément identificateur qui lui est propre et que le titre d’un poste constitue un renseignement sur l’emploi d’une personne. Lorsque ces renseignements sont combinés à d’autres renseignements accessibles, les renseignements non communiqués peuvent permettre d’identifier des personnes. Les renseignements ne sont pas assujettis à l’une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels ».

[20]      Comme l’AEIC a démontré que les renseignements permettent d’identifier des personnes, je conclus qu’ils satisfont aux critères du paragraphe 19(1).

[21]      Étant donné que les renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1), je n’ai pas examiné l’application de l’alinéa 20(1)b) pour refuser de communiquer les mêmes renseignements.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire?

[22]      Étant donné que les renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1), l’AEIC était tenue d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 19(2) afin de décider de communiquer ou non les renseignements lorsqu’au moins l’une des circonstances décrites au paragraphe 19(2) existait au moment de la réponse.

[23]      Les personnes en question n’ont pas donné leur consentement quant à la communication des renseignements, et ceux-ci ne sont pas accessibles au public. De plus, je suis d’avis que les renseignements ne répondent pas aux critères requis pour être communiqués en vertu des alinéas 8(2)a) à m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[24]      Je conclus que les circonstances énoncées au paragraphe 19(2) n’existaient pas au moment où l’AEIC a répondu à la demande d’accès. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner la question du pouvoir discrétionnaire.

Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers

[25]      L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.

[26]      Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[27]      Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[28]      Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[29]      De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[30]      L’AEIC a refusé de communiquer des renseignements qui se trouvent dans un ensemble de diapositives aux pages 62, 63, 65 et 67, et une portion de courriel à la page 73, en vertu des alinéas 20(1)b), 20(1)c) et 20(1)d), en parallèle.

[31]      L’AEIC s’est appuyée sur les observations détaillées qu’a fournies KL LNG lors du traitement de la demande. Selon celles-ci, la communication des renseignements risquerait de nuire considérablement à la compétitivité de KL LNG et d’avoir une incidence financière excessive sur ce dernier, et ce, au profit de ses concurrents.

[32]      Dans l’affaire Merck Frosst Canada Ltée. c. Canada (Santé), 2012 CSC 3 (Merck), la Cour suprême du Canada a statué qu’« en principe il est possible de démontrer que la divulgation de renseignements qui ne sont pas déjà du domaine public et qui pourraient donner aux concurrents une longueur d’avance dans le développement de produits, ou dont ces derniers pourraient se servir pour accroître leur compétitivité, suscite un risque vraisemblable de préjudice probable ou d’atteinte à la compétitivité du tiers » (para 220).

[33]      En se penchant sur le deuxième critère de cette exception, la Cour a fourni des éclaircissements sur la question de « risque vraisemblable de préjudice probable ». Elle a établi que le risque de préjudice doit être « selon une norme qui est beaucoup plus exigeante que la simple possibilité ou conjecture, mais qui n’atteint cependant pas celle d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la divulgation occasionnera effectivement un tel préjudice » (para 206).

[34]      Je suis d’avis que la communication des renseignements à la page 67 pourrait raisonnablement nuire à la compétitivité de KL LNG et de ses partenaires. Les renseignements qui y figurent comprennent des renseignements exclusifs qui ne sont pas accessibles au public. S’ils sont communiqués, cela permettrait aux concurrents de KL LNG d’évaluer un élément du projet qu’il a proposé et de modifier leurs propres propositions. Il est raisonnable de penser que la communication de renseignements sur les infrastructures conçues et proposées par KL LNG pourrait procurer un avantage à ses concurrents dans l’industrie du gaz naturel liquéfié. J’admets que la communication de tels renseignements pourrait donner à d’autres entreprises une longueur d’avance dans le développement de produits ou de projets, tel qu’il est décrit dans l’affaire Merck.

[35]      De plus, d’un point de vue financier, les concurrents pourraient bénéficier des efforts de KL LNG sans avoir à assumer les coûts de la recherche et du développement. De même, la perte d’un projet ou d’un contrat au profit d’un concurrent en raison de la communication des renseignements pourrait avoir une incidence financière importante sur KL LNG et ses partenaires. Je suis d’avis que la communication des renseignements à la page 67 pourrait raisonnablement avoir une incidence financière importante sur KL LNG et ses partenaires.

[36]      Les autres renseignements en cause comprennent des détails sur une barge flottante de gaz naturel liquéfié à la page 62, un calendrier de l’évaluation des impacts sur l’environnement à la page 63, un calendrier des études de base à la page 65 et des renseignements concernant la mobilisation des communautés de Premières nations à la page 73.

[37]      Les renseignements à la page 62 sont accessibles au public dans une revue scientifique publiée en 2014, soit bien avant que KL LNG présente son projet à l’AEIC en mai 2021. Vu l’accessibilité de ces renseignements et la date à laquelle ils ont été publiés, ils ne semblent ni être des renseignements confidentiels, ni des renseignements exclusifs appartenant à l’un ou l’autre des tiers visés par la plainte. Il n’y a donc aucune raison de penser que leur communication pourrait causer les préjudices décrits à l’alinéa 20(1)c). Comme il a été mentionné plus haut, KL LNG et l’AEIC ont mentionné ne pas s’opposer à la communication de ces renseignements.

[38]      En ce qui concerne les calendriers aux pages 63 et 65, il est difficile de comprendre comment la communication de ces renseignements particuliers pourrait raisonnablement entraîner les préjudices décrits. Ces renseignements ne semblent pas contenir d’informations détaillées à propos du projet qui pourraient procurer un avantage aux concurrents ou leur permettre de bénéficier des travaux de recherche et de développement des tiers, ou encore qui pourraient entraîner des pertes financières pour les tiers.

[39]      De plus, certaines portions des renseignements non communiqués qui se trouvent à la page 65 ont été divulguées sur d’autres pages des documents. Qui plus est, bien que les renseignements précis non communiqués qui se trouvent à la page 65 ne semblent pas accessibles au public, une description détaillée du projet publiée en ligne contient beaucoup d’informations concernant les études de base. Il est difficile de comprendre comment les renseignements à la page 65 pourraient raisonnablement nuire à la compétitivité des tiers ou entraîner des pertes financières, au-delà de la simple possibilité ou conjecture, alors que des renseignements sur les études de base semblent avoir été rendus publics dans divers contextes.

[40]      En ce qui concerne les renseignements non communiqués qui se trouvent à la page 73, des renseignements détaillés sur la mobilisation des communautés de Premières nations, par les promoteurs du projet, sont accessibles au public dans divers documents produits par ces derniers avant le traitement de la demande d’accès, comme la description détaillée du projet et le plan de mobilisation.

[41]      Bien que les renseignements à la page 73 des documents n’aient pas été mis à la disposition du public mot pour mot, l’essentiel a été rendu public en ligne. Je ne suis pas d’avis que les renseignements déjà diffusés dans d’autres documents par les promoteurs du projet pourraient entraîner une perte financière pour les tiers ou nuire à leur compétitivité. Si de tels résultats étaient probables, ceux-ci auraient déjà été possibles en raison de la disponibilité des renseignements dans la description du projet et le plan de mobilisation.

[42]      Je conclus que les renseignements à la page 67 satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)c). Toutefois, les parties n’ont pas démontré que la communication des renseignements aux pages 62, 63, 65 et 73 pouvait raisonnablement entraîner une perte ou un gain financier important pour le tiers ou nuire à sa compétitivité. Je conclus que ces renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)c). 

[43]      Étant donné que les renseignements à la page 67 satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)c), il n’est pas nécessaire d’analyser l’application des autres exceptions pour refuser leur communication.

[44]      Étant donné que les renseignements aux pages 62, 63, 65 et 73 ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)c), j’ai aussi vérifié si l’AEIC avait correctement appliqué les alinéas 20(1)b) et 20(1)d) aux mêmes renseignements.

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[45]      L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[46]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[47]      Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[48]      De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[49]      L’AEIC s’est appuyée sur les renseignements fournis par KL LNG lors du traitement de la demande pour appliquer l’exception. Aucune des parties n’a fourni d’observations supplémentaires au cours de l’enquête pour démontrer que les renseignements aux pages 62, 63, 65 ou 73 satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)b).

[50]      En ce qui concerne le premier critère, KL LNG a fait valoir dans ses déclarations à l’AEIC que tous les renseignements ayant fait l’objet d’une recommandation en matière d’exception correspondent à l’une des différentes catégories de renseignements visées à l’alinéa 20(1)b).

[51]      Je suis portée à admettre que les renseignements à la page 62, lesquels se rapportent à une barge flottante de gaz naturel liquéfié, correspondent à la définition de renseignements techniques.

[52]      Bien que les renseignements aux pages 63 et 65 fassent référence à un sujet présentant des aspects scientifiques ou techniques, les renseignements non communiqués ne sont pas en soi de nature scientifique ou technique. Les renseignements à la page 73 ne sont pas non plus de nature scientifique ou technique.

[53]      Dans l’affaire Appleton & Associates c. Canada (Bureau du Conseil privé), 2007 CF 640, la Cour a établi qu’il ne suffit pas que le document en question ait été créé dans le cadre d’une instance ayant des répercussions financières ou commerciales. Le document doit lui-même contenir des renseignements financiers ou commerciaux.

[54]      Dans l’affaire Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Bureau d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports), 2006 CAF 157, la Cour d’appel fédérale a rejeté une telle interprétation large du mot « commercial » lorsqu’il est appliqué à des renseignements :

[…] le mot « commercial », appliqué à un renseignement, intéresse en soi le commerce. Il ne s’ensuit pas que, du seul fait que les activités de NAV CANADA consistent à fournir, contre rémunération, des services de navigation aérienne, les renseignements recueillis durant un vol peuvent être qualifiés de « commerciaux ». (Voir également : Appleton & Associates c. Canada (Bureau du Conseil privé), 2007 CF 640, para 26.)

[55]      Le simple fait que les renseignements non communiqués se rapportent au projet proposé par KL LNG, lequel vise des fins commerciales, ne suffit pas à établir que les renseignements en soi sont « commerciaux ». De même, bien que le projet ait des incidences financières pour les tiers, les renseignements en cause ne sont pas financiers.

[56]      L’AEIC n’a pas démontré que les renseignements aux pages 63, 65 et 73 satisfont au premier critère de l’exception. De ce fait, il n’y a pas lieu d’examiner les autres critères pour ces pages.

[57]      En ce qui concerne la page 62, le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b) exige que les renseignements soient confidentiels, selon une norme objective. Par conséquent, une partie qui affirme que les renseignements sont confidentiels en vertu de l’alinéa 20(1)b) doit établir que chacune des conditions suivantes a été satisfaite :

  • les renseignements ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès;
  • les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou autrement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt public. [Voir : Air Atonabee Ltd. (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. no 453.]

[58]      Comme il a été mentionné plus haut, les renseignements à la page 62 figurent dans une revue scientifique, publiée en septembre 2014. L’article et les renseignements en cause peuvent être consultés en ligne par le grand public. De ce fait, je suis d’avis que les renseignements à la page 62 ne sont pas confidentiels.

[59]      Je conclus que les renseignements aux pages 62, 63, 65 et 73 ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)b).

Alinéa 20(1)d) : négociations d’un tiers

[60]      L’alinéa 20(1)d) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver les négociations contractuelles ou autres d’un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès).

[61]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • un tiers mène ou mènera des négociations en vue de contrats ou à d’autres fins;
  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à ces négociations;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[62]      Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[63]      De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[64]      Dans ses déclarations à l’AEIC, KL LNG a expliqué que ses organisations partenaires et lui mènent continuellement des négociations avec bon nombre d’entreprises, d’entrepreneurs, de partenaires et de nations autochtones, et qu’ils continueront à le faire au fur et à mesure que le projet évoluera. Un examen des documents et des renseignements accessibles au public a confirmé que KL LNG mène actuellement des négociations, comme du financement lié à la mobilisation rapide. J’admets que les tiers mènent actuellement des négociations et qu’ils participeront à d’autres négociations à l’avenir.

[65]      En ce qui concerne la probabilité que la communication des renseignements en cause nuise à ces négociations, KL LNG a fait valoir dans ses déclarations à l’AEIC que cette communication procurerait des renseignements confidentiels aux entités, ce qui nuirait à ses négociations actuelles et futures.

[66]      Comme il a été mentionné plus haut, l’analyse relative au préjudice a été abordée dans l’affaire Merck par la Cour suprême du Canada. Cette dernière a établi que le risque de préjudice doit être « selon une norme qui est beaucoup plus exigeante que la simple possibilité ou conjecture, mais qui n’atteint cependant pas celle d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la divulgation occasionnera effectivement un tel préjudice » (para 206).

[67]      Le Commissariat n’a reçu aucune observation selon laquelle il y a une attente raisonnable que la communication des renseignements aux pages 62, 63 et 65 puisse nuire aux négociations, au-delà de la simple possibilité. En ce qui concerne la page 62, puisque les renseignements ne sont ni des renseignements confidentiels, ni des renseignements exclusifs appartenant à l’un ou l’autre des tiers visés par la plainte, je n’admets pas qu’il y a une attente raisonnable que leur communication puisse causer les préjudices énoncés à l’alinéa 20(1)d).

[68]      De même, je ne suis pas convaincue que la communication des renseignements sur la mobilisation des Premières Nations à la page 73 puisse nuire aux négociations. KL LNG a communiqué des renseignements détaillés sur la mobilisation des groupes de Premières nations dans la description du projet et le plan de mobilisation. Si les renseignements accessibles au public peuvent être communiqués sans que cela nuise aux négociations, je ne suis pas convaincue que la communication des renseignements à la page 73 risque vraisemblablement de nuire aux négociations. 

[69]      Les parties n’ont pas démontré que la communication des renseignements aux pages 62, 63, 65 et 73 risque vraisemblablement de nuire aux négociations contractuelles ou autres. Je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)d).

Paragraphe 20(6) : exercice du pouvoir discrétionnaire

[70]      Étant donné que les renseignements à la page 67 satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)c), l’AEIC était tenue d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements pour des raisons d’intérêt public concernant la santé ou la sécurité publiques, ou la protection de l’environnement, lorsque les deux circonstances décrites au paragraphe 20(6) existaient au moment de la réponse.

[71]      Dans ses observations, la partie plaignante a affirmé que la communication des renseignements visés par l’exception serait dans l’intérêt du public en ce qui a trait à la protection de l’environnement. En ce qui concerne les renseignements à la page 67, la partie plaignante rappelle les déclarations des promoteurs du projet selon lesquelles l’électrification est essentielle au projet et nécessaire pour satisfaire aux exigences réglementaires en matière d’environnement, tout en reconnaissant les incidences potentielles sur l’environnement de la ligne de transport d’électricité proposée. La partie plaignante a fait valoir que les détails de la proposition à l’AEIC sont importants pour permettre au public de comprendre comment ces préoccupations environnementales seront prises en compte.

[72]      Au cours de l’enquête, l’AEIC a déclaré qu’elle n’avait pas pris en considération les circonstances énoncées au paragraphe 20(6) lors du traitement de la demande.

[73]      L’AEIC a déclaré qu’elle n’avait pas pris en considération la question de savoir si les circonstances énoncées au paragraphe 20(6) existaient au moment de la réponse. Par conséquent, je dois conclure qu’elle n’a pas établi l’existence ou non de ces circonstances, ce qui l’a empêchée d’exercer son pouvoir discrétionnaire, le cas échéant.

Résultat

[74]      La plainte est fondée.

Ordonnances et recommandations

J’ordonne au président ce qui suit :

  1. Communiquer les renseignements non divulgués qui se trouvent aux pages 62, 63, 65 et 73 des documents.
  2. En ce qui concerne la page 67, établir si les circonstances énoncées au paragraphe 20(6) existent et exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

Rapport et avis de l’institution

Le 21 octobre 2024, j’ai transmis au président mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances.

Le 1er novembre 2024, le coordonnateur de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels m’a avisée qu’il donnerait suite à mes ordonnances.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. La partie plaignante et/ou l’institution doivent exercer un recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. Quiconque exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, toute ordonnance rendue prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

Autres destinataires du compte rendu

Conformément au paragraphe 37(2), le présent compte rendu a été envoyé à KL LNG, à Rockies et à la bande Lax Kw’alaams.

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