Agriculture et Agroalimentaire Canada (Re), 2023 CI 21

Date : 2023-08-08
Numéro de dossier du Commissariat : 5821-03240
Numéro de dossier de l’institution : A-2021-00001

Sommaire

La partie plaignante allègue qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) et de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à une demande d’accès. Celle-ci visait des communications avec le Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage (CNSAE) concernant le rapport sommaire de l’examen quinquennal et les propositions de modifications au Code de pratiques pour le soin et la manipulation des porcs. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Au cours de l’enquête, AAC a divulgué des parties de documents qu’il avait initialement refusé de communiquer en vertu du paragraphe 19(1) et de l’alinéa 20(1)b).

La Commissaire à l’information était d’avis que les renseignements qui demeuraient non communiqués en vertu du paragraphe 19(1) satisfaisaient aux critères de l’exception. AAC a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

Ni l’institution ni le tiers n’ont démontré que les renseignements satisfaisaient aux critères de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b).

La plainte est fondée.

La Commissaire a ordonné à AAC de divulguer tous les renseignements non communiqués en vertu de l’alinéa 20(1)b), à moins qu’ils ne soient visés par l’exception prévue au paragraphe 19(1) ou qu’ils ne soient pas visés par la portée de la demande, comme mentionné dans le rapport.

L’institution a avisé la Commissaire qu’elle ne donnerait pas suite à l’ordonnance, compte tenu de nouveaux renseignements concernant l’incidence qu’aurait la communication des renseignements, et qu’elle exercerait un recours en révision devant la Cour fédérale en vertu du paragraphe 41(2) de la Loi.

Plainte

[1]     La partie plaignante allègue qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) et de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à une demande d’accès. Celle-ci visait des communications avec le Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage (CNSAE) concernant le rapport sommaire de l’examen quinquennal et les propositions de modifications au Code de pratiques pour le soin et la manipulation des porcs. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

[2]     Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat à l’information de mener une enquête sur les brefs passages caviardés concernant deux tiers, à la page 8 des documents. La partie plaignante a également décidé qu’il n’était plus nécessaire d’enquêter sur les références aux questions liées au CNSAE qui n’étaient pas visées par la portée de la plainte (le Code de pratiques), comme les renseignements aux pages 7 et 20.

Enquête

[3]     Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[4]     Au cours de l’enquête, AAC a divulgué des parties de documents qu’il avait initialement refusé de communiquer en vertu du paragraphe 19(1) et de l’alinéa 20(1)b).

[5]     En réponse à l’avis du Commissariat en vertu de l’article 36.3, le CNSAE soutenait que les documents (courriels) en question ne pouvaient pas être divulgués parce qu’ils ne relèvent pas du gouvernement et qu’ils ne sont pas visés par les dispositions en matière de divulgation de la Loi.

Documents relevant d’une institution

[6]     La Loi prévoit un droit d’accès aux documents relevant des institutions fédérales. Bien que la Loi ne définisse pas le terme « relever de », la Cour suprême du Canada a affirmé que ce terme devrait être interprété de façon libérale et généreuse pour assurer un droit d’accès efficace. [Voir Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25.]    

[7]     Lorsque les documents ne relèvent pas des institutions, ils ne sont pas assujettis à la Loi. Les institutions ne sont donc pas tenues de les communiquer.

Les documents relèvent-ils de l’institution?

[8]     Le CNSAE affirme que l’employé d’AAC, qui agissait à titre de représentant d’AAC au Conseil et en tant que membre d’office de la direction, était au courant des réunions et des communications de la direction en sa qualité de membre de la direction et non en sa qualité d’employé d’AAC. Le CNSAE reconnaît que l’employé était admissible à son poste au sein de la direction en raison de son emploi à AAC; il affirme cependant que l’employé ne devait pas communiquer des renseignements relevant de la direction à AAC et qu’il n’était pas autorisé à communiquer les renseignements en cause.

[9]     Bien que le CNSAE affirme que les documents en cause ne relèvent pas d’AAC, je constate que ce dernier les a traités comme s’ils relevaient de lui. À preuve, AAC a traité les documents sous le régime de la Loi, c’est-à-dire en communiquant certaines parties et en en refusant d’autres en vertu d’exceptions prévues aux articles 19 et 20 de la Loi.

[10]     Les documents comprennent des communications par courriel envoyées et reçues par un employé d’AAC qui occupait un poste au sein du conseil d’administration et de la direction du CNSAE, à titre de représentant d’AAC. Puisque les documents ont été traités sous le régime de la Loi par AAC, il est clair que ce dernier a conclu que ces documents relèvent de lui. Comme l’inverse n’a pas été établi durant l’enquête, il a été décidé qu’il n’était pas nécessaire de se pencher davantage sur la question et je me suis concentrée sur l’application des exceptions.

Paragraphe 19(1) : renseignements personnels

[11]     Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.

[12]     Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements concernent une personne, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
  • il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
  • les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des fonctionnaires).

[13]     Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes existent :

  • la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
  • les renseignements sont accessibles au public;
  • la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[14]     Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[15]     Les renseignements qui demeurent soustraits à la communication comprennent les noms et adresses de courriel des personnes ayant participé à la communication par courriel en tant qu’expéditeurs ou destinataires, ou de personnes qui ont fait l’objet de discussions dans les communications par courriel.

[16]     Je conviens que les noms et coordonnées des membres du CNSAE constituent des renseignements personnels au sens du paragraphe 19(1). Ces renseignements concernent des individus identifiables et il y a de fortes possibilités que les individus puissent être identifiés si les renseignements en question sont communiqués. Les noms et adresses de courriel de particuliers ne sont pas non plus assujettis aux exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[17]     Aux pages 4 et 5, deux des commentaires relatifs à un employé du gouvernement sont de nature personnelle. Je conviens que ces déclarations sont également visées par l’exception.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[18]     Étant donné que les renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1), AAC était tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 19(2) afin de décider de communiquer ou non les renseignements lorsqu’au moins l’une des circonstances décrites au paragraphe 19(2) existait au moment de la réponse.

[19]     En ce qui concerne les noms et coordonnées des membres de la direction du CNSAE, ce dernier a expliqué que les renseignements sur les membres de la direction ne sont pas publiés sur le site Web ou autrement accessibles au public.

[20]     En ce qui concerne les commentaires au sujet d’un employé d’AAC, rien ne prouve que cette information soit accessible au public ou que l’employé a consenti à la communication de ses renseignements personnels.

[21]     De plus, rien ne prouve que la communication des renseignements personnels non communiqués en vertu du paragraphe 19(1) soit conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[22]     Je conclus que les circonstances énoncées au paragraphe 19(2) n’existaient pas au moment où AAC a répondu à la demande. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner la question ayant trait au pouvoir discrétionnaire.

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[23]     L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[24]     Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[25]     L’alinéa 20(1)b) exige que les parties qui s’opposent à la communication présentent des observations démontrant que les quatre critères de l’exception ont été satisfaits à l’égard des renseignements non communiqués.

[26]     Au cours de l’enquête, le CNSAE a présenté des observations conformément à l’alinéa 35(2)c) de la Loi. Il convient de noter que le CNSAE reconnaissait que les renseignements contenus dans les documents n’étaient pas de nature financière, commerciale, scientifique ou technique, au sens courant de ces termes. Cependant, il a souligné la confidentialité des renseignements et fourni des détails supplémentaires sur ses politiques de confidentialité s’appliquant aux membres de la direction et le processus d’élaboration du Code. Il a expliqué que, comme le représentant d’AAC fait partie du Comité de direction, il y a une attente raisonnable que ses communications soient confidentielles. En réponse à l’avis du Commissariat en vertu de l’article 36.3, le CNSAE a répété ses observations concernant la confidentialité des renseignements en cause et fourni des observations relativement à l’organisation dont relèvent les documents, comme mentionné ci-dessus.

[27]     En ce qui concerne le premier critère, à savoir que les renseignements doivent être « financiers », « commerciaux », « scientifiques » ou « techniques », la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, au para 139, a déclaré qu’il « convient de donner aux termes “financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques” leur sens lexicographique ordinaire ».

[28]     Je suis d’avis qu’aucun des renseignements en cause n’est de nature financière, commerciale, scientifique ou technique, au sens courant de ces termes; comme mentionné ci-dessus, le tiers est d’accord avec moi. Bien que le sujet concerne les modifications à un code technique pour le soin et le la manipulation des porcs, les documents en question ne sont pas en soi de nature technique ou scientifique. Ils ne contiennent pas non plus de renseignements financiers. Enfin, ils ne contiennent pas de renseignements commerciaux. Comme les renseignements ne satisfont pas à l’un des quatre critères, il n’est pas nécessaire que j’examine les trois autres.

[29]     Par conséquent, je conclus que les renseignements ne satisfont pas à tous les critères de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b), à savoir que les renseignements en cause ne sont pas de nature financière, commerciale, scientifique ou technique.

Résultat

[30]     La plainte est fondée.

Ordonnance

Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de divulguer tous les renseignements non communiqués en vertu de l’alinéa 20(1)b), à moins qu’ils ne soient visés par l’exception prévue au paragraphe 19(1) ou qu’ils ne soient pas visés par la portée de la demande, comme mentionné dans mon rapport.

Le 1er juin 2023, j’ai transmis à la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 25 juillet 2023, la directrice, Accès à l’information et protection des renseignements personnels, m’a avisée que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire ne prévoyait pas donner pas suite à mon ordonnance. AAC a reçu de nouveaux renseignements concernant l’incidence qu’aurait la communication des renseignements, qui n’ont pas été fournis au Commissariat durant l’enquête, et, par conséquent, AAC exercera un recours en révision devant la Cour fédérale en vertu du paragraphe 41(2) de la Loi.

J’ai aussi fait parvenir le présent compte rendu au CNSAE.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante et l’institution ont le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Celles-ci doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. La personne qui exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

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