Bibliothèque et Archives Canada (Re), 2021 CI 14
Date : 2021-05-12
Numéro de dossier du Commissariat : 3218-01665
Numéro de dossier de l’institution : A-2017-00639/JFC
Sommaire
La partie plaignante allègue que Bibliothèque et Archives Canada (BAC) n’a pas répondu à une demande d’accès dans les délais prévus par la Loi sur l’accès à l’information. BAC a pris une prorogation de délai de 425 jours, mais n’a pas respecté le délai de réponse prorogé. BAC était donc en situation de refus de communication en vertu du paragraphe 10(3). Le retard de BAC était en partie attribuable à un long processus de consultation avec le Service canadien du renseignement de sécurité. De plus, BAC ne pouvait pas traiter les documents, qui étaient classifiés « Très secret », car elle ne disposait pas de l’infrastructure nécessaire. La Commissaire à l’information a recommandé au ministre du Patrimoine canadien de trouver une solution provisoire pour traiter cette demande et l’a fortement incité à mettre en œuvre une solution permanente et rapide pour permettre à BAC de traiter et de gérer les documents classifiés. Le ministre a reconnu que BAC devait se doter d’une capacité de traitement numérique et a informé la Commissaire que BAC avait répondu à la demande en caviardant les documents à la main. La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que Bibliothèque et Archives Canada (BAC) n’a pas répondu à une demande d’accès dans les délais prévus par la Loi sur l’accès à l’information.
Enquête
[2] Le 29 septembre 2017, BAC a reçu une demande d’accès à des documents du Service de sécurité de la Gendarmerie royale du Canada sur George Raymond Motolanez.
[3] Le délai de réponse à la demande était de 30 jours à partir de la date à laquelle elle a été reçue; l’échéance était donc le 29 octobre 2017.
[4] Le 26 octobre 2017, soit dans le délai prescrit par la Loi, BAC a pris une prorogation de délai de 425 jours, en vertu des alinéas 9(1)a) et 9(1)b), pour traiter la demande. Dans la mesure où elle était valide, cette prorogation aurait reporté l’échéance au 28 décembre 2018.
[5] BAC n’a pas respecté le délai de réponse prorogé et le Commissariat à l’information a reçu la plainte le 13 février 2019.
Paragraphe 10(3) : présomption de refus
[6] Suivant le paragraphe 10(3), lorsque les institutions ne répondent pas à une demande d’accès dans le délai de 30 jours prescrit ou à la fin d’une prorogation de délai valide, elles sont réputées avoir refusé de communiquer les documents demandés.
BAC est-elle en situation de présomption de refus en vertu du paragraphe 10(3) de la Loi?
[7] Le fait que BAC n’a pas répondu à la demande dans le délai prévu par la Loi ou dans le délai prorogé équivaut à un refus présumé de communiquer les renseignements demandés, en vertu du paragraphe 10(3).
[8] Cela dit, l’enquête a démontré que le traitement de la demande par BAC a été retardé en partie par un long processus de consultation avec le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) au sujet de l’ensemble des documents, en raison de leur classification (« Très secret »). Elle a également révélé que, lorsque le SCRS a répondu à la consultation, en février 2020, BAC ne pouvait pas continuer de traiter les documents, car elle ne disposait pas de l’infrastructure nécessaire pour traiter des documents « Très secret ». L’absence d’infrastructure n’est malheureusement pas un problème nouveau ou temporaire; c’est un problème auquel fait face BAC depuis plusieurs années. Cette enquête ainsi que d’autres dossiers sur lesquels enquête le Commissariat m’ont fait prendre conscience qu’il ne s’agit pas du seul dossier d’accès dans l’arriéré de BAC qui est touché par ce problème.
[9] Dans certains dossiers de plainte, le SCRS accepte de réduire la classification des documents afin d’accélérer leur traitement, mais il n’a pas accepté de le faire pour les documents visés par la demande en cause. Dans ses observations au Commissariat, BAC a donc confirmé ne pas être en train de traiter cette demande et ne pas prévoir le faire tant que l’infrastructure nécessaire ne sera pas mise en place, ce qui ne sera pas le cas dans un avenir rapproché.
[10] Le fait que BAC ne dispose pas d’infrastructure pour traiter et gérer les documents classifiés n’est pas un motif valide pour ne pas respecter ses obligations en vertu de la Loi. Je comprends qu’on n’acquiert pas une infrastructure pour traiter les documents classifiés du jour au lendemain, mais BAC est au courant du problème depuis des années. Elle ne peut donc pas accepter le statu quo et continuer d’éviter de prendre des mesures pour respecter ses obligations en vertu de la Loi. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé, le 15 janvier 2021, d’entreprendre une enquête systémique sur le manquement continu de BAC de donner accès à l’information dans les délais prévus.
Résultat
[11] La plainte est fondée.
Recommandations
Je recommande au ministre du Patrimoine canadien ce qui suit :
- Prendre les mesures nécessaires pour répondre à la demande d’accès avant le 31 mars 2021;
- Envoyer une copie de la lettre de réponse au Greffe du Commissariat à l’information par courriel (Greffe-Registry@oic-ci.gc.ca).
Le 26 février 2021, j’ai transmis au ministre du Patrimoine canadien mon rapport dans lequel je présentais mes recommandations. Bien que j’aie recommandé une solution provisoire pour le traitement de la demande en cause, j’ai également fortement incité le ministre à mettre en œuvre une solution permanente et rapide pour permettre à BAC de s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi.
Le 12 avril 2021, le ministre du Patrimoine canadien m’a avisée que BAC avait répondu à la demande le 7 avril 2021. Le ministre a reconnu que BAC ne disposait pas de l’infrastructure numérique requise pour traiter et gérer les documents « Très secret ». BAC a caviardé manuellement la demande en question, ce qui était possible seulement en raison du nombre limité (350) de pages visées. Le ministre a indiqué que BAC prévoit de se doter d’une capacité de traitement numérique d’ici la fin de septembre 2021 et que des discussions sont en cours avec le SCRS en vue de réduire la classification de certains autres documents provenant du SCRS qui ont été transférés à BAC.
L’article 41 de la Loi confère à la partie plaignante qui reçoit le présent compte rendu le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.