Bibliothèque et Archives Canada (Re), 2024 CI 76
Date : 2024-11-28
Numéro de dossier du Commissariat : 5823-01722
Numéro de la demande d’accès : A-2022-10879
Sommaire
La partie plaignante allègue que Bibliothèque et Archives Canada (BAC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 13(1) (renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux), du paragraphe 15(1) (affaires internationales et défense), de l’alinéa 16(1)c) (application de la loi ou déroulement d’enquêtes) et de l’article 23 (secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise une copie non caviardée du document « Nazi war criminals in Canada: The historical and policy setting from the 1940s to the present – prepared for the commission of inquiry on war criminals by Alti Rodal: September 1986 » (aussi appelé le « rapport Rodal » – disponible en anglais seulement). L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi. BAC n’a pas pu démontrer qu’elle satisfaisait à tous les critères de ces exceptions. Au cours de l’enquête, BAC a fourni une réponse supplémentaire à la demande et communiqué la plupart des renseignements qui n’avaient pas été communiqués auparavant. Dans cette communication, BAC a entièrement cessé d’invoquer l’alinéa 16(1)c) et l’article 23. BAC a pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’il a décidé de ne pas divulguer les autres renseignements non communiqués.
La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que Bibliothèque et Archives Canada (BAC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 13(1) (renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux), du paragraphe 15(1) (affaires internationales et défense), de l’alinéa 16(1)c) (application de la loi ou déroulement d’enquêtes) et de l’article 23 (secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise une copie non caviardée du document « Nazi war criminals in Canada: The historical and policy setting from the 1940s to the present – prepared for the commission of inquiry on war criminals by Alti Rodal: September 1986 » (aussi appelé le « rapport Rodal » – disponible en anglais seulement).
[2] L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Enquête
[3] Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements en vertu d’une exception, il lui incombe de démontrer que ce refus est justifié.
[4] Le rapport Rodal est un compte rendu de 481 pages (plus les notes) des politiques du gouvernement en ce qui a trait à l’immigration, aux personnes déplacées/réfugiés et aux criminels de guerre, de même que le contexte et l’évolution de ces politiques depuis la Seconde Guerre mondiale.
[5] À la suite de son analyse préliminaire, le Commissariat à l’information n’était pas convaincu que les renseignements satisfaisaient aux critères des exceptions. Par conséquent, en février 2024, BAC a fourni une réponse supplémentaire à la demande et communiqué la plupart des renseignements qui n’avaient pas été communiqués auparavant. Dans cette communication, BAC a entièrement cessé d’invoquer l’alinéa 16(1)c) et l’article 23.
[6] BAC maintenait toutefois que les renseignements restants sont correctement caviardés en vertu du paragraphe 13(1) ou du paragraphe 15(1). Ces caviardages sont analysés ci-dessous.
Paragraphe 13(1) : renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux
[7] Le paragraphe 13(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements obtenus à titre confidentiel d’organismes gouvernementaux.
[8] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- Les renseignements ont été obtenus de l’un des organismes gouvernementaux suivants :
- un gouvernement ou un organisme d’un État étranger;
- une organisation internationale d’États ou un de ses organismes;
- un gouvernement ou un organisme provincial;
- une administration ou un organisme municipal ou régional;
- un gouvernement ou un conseil autochtone mentionné au paragraphe 13(3).
- Les renseignements ont été obtenus de l’organisme gouvernemental à titre confidentiel, c’est-à-dire qu’il était entendu qu’ils seraient traités comme étant confidentiels.
[9] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes existent :
- l’organisme gouvernemental d’où les renseignements ont été obtenus consent à leur communication;
- l’organisme gouvernemental les a déjà rendus publics.
[10] Lorsque l’une ou l’autre de ces circonstances ou les deux existent, le paragraphe 13(2) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[11] BAC a appliqué le paragraphe 13(1) à la page 475 de la communication supplémentaire. Au cours de l’enquête, BAC a démontré que les renseignements provenaient d’un organisme gouvernemental reconnu, comme un organisme d’un État étranger ou une organisation internationale.
[12] En outre, BAC a confirmé que les renseignements avaient été obtenus à titre confidentiel, avec l’assurance qu’ils seraient traités comme tels. BAC a également pris en question la question de savoir si l’organisme gouvernemental avait consenti à la communication des renseignements ou si ces renseignements avaient déjà été rendus publics. BAC a entrepris des consultations auprès du gouvernement étranger, qui n’a pas consenti à la communication des renseignements. Ceux-ci n’ont pas été rendus publics non plus.
[13] Par conséquent, le Commissariat à l’information conclut que les renseignements satisfont aux critères du paragraphe 13(1).
L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?
[14] Puisque l’organisme gouvernemental de la part de qui BAC a obtenu les renseignements n’a ni consenti à leur divulgation ni rendu ceux-ci publics, le Commissariat conclut qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la question du pouvoir discrétionnaire.
Paragraphe 15(1) : affaires internationales et défense
[15] Le paragraphe 15(1) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la conduite des affaires internationales, à la défense ou à la sécurité nationale (par exemple, des renseignements relatifs aux tactiques militaires, aux capacités d’armement ou à la correspondance diplomatique, comme le prévoient les alinéas 15(1)a) à i)).
[16] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- la divulgation des renseignements pourrait nuire à l’un ou l’autre des éléments suivants :
- la conduite des affaires internationales;
- la défense du Canada ou de tout État avec lequel le Canada a conclu une alliance ou un traité, ou de tout État avec lequel le Canada est lié, au sens du paragraphe 15(2);
- la détection, la prévention ou la répression d’activités subversives ou hostiles spécifiques, au sens du paragraphe 15(2).
- il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.
[17] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[18] BAC a appliqué le paragraphe 15(1) à certains renseignements aux pages 474 à 480, 513, 541, 547, 554 et 569 à 573 de la communication supplémentaire.
[19] À la suite de consultations auprès d’autres ministères ainsi que du gouvernement étranger en cause, BAC a confirmé au Commissariat que des détails se trouvant aux pages 474 à 480 sont toujours considérés comme sensibles, malgré le temps écoulé. Par conséquent, BAC a conclu que la divulgation de ces détails pourrait nuire aux relations internationales, à la réputation du Canada en tant qu’allié et à toute relation future avec d’autres pays.
[20] Le Commissariat est d’avis que la communication des renseignements risquerait vraisemblablement de causer un préjudice au sens du paragraphe 15(1).
[21] Les renseignements caviardés aux pages 513, 541, 547, 554 et 569 à 573 consistent en des numéros de dossier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Le Commissariat a cherché à savoir pourquoi certains de ces numéros de dossier avaient été divulgués avant d’être de nouveau caviardés. BAC a informé le Commissariat que la communication de ces numéros de dossier aurait toujours dû être refusée. BAC a tenté de corriger une erreur ayant fait en sorte qu’ils ont été divulgués par le passé. BAC a indiqué qu’elle n’avait pas délibérément communiqué ces renseignements dans des communications passées et qu’elle ne considère pas la divulgation accidentelle de ces numéros de dossier comme une indication qu’ils ne sont pas sensibles ou que leur communication ne doit pas être refusée.
[22] Le Commissariat convient que les erreurs passées ne sont pas un facteur déterminant eu égard à la divulgation.
[23] Le Commissariat est d’avis que les numéros de dossier de la GRC pourraient révéler de l’information concernant la nature de ces dossiers, et donc, que leur divulgation risquerait vraisemblablement de causer un préjudice au sens du paragraphe 15(1).
[24] Par conséquent, le Commissariat conclut que les renseignements en cause satisfont aux critères du paragraphe 15(1).
L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?
[25] Étant donné que BAC était d’avis que les renseignements satisfaisaient aux critères du paragraphe 15(1), elle devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements. Pour ce faire, BAC devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour et contre la communication.
[26] Comme mentionné ci-dessus, BAC a entrepris plusieurs consultations auprès d’autres ministères et d’un gouvernement étranger afin de déterminer quels renseignements devaient demeurer caviardés en vertu de la Loi. Selon BAC, ces consultations étaient nécessaires pour exercer correctement et pleinement son pouvoir discrétionnaire à l’égard des exceptions restantes. Après un examen minutieux des renseignements, BAC a conclu que leur divulgation causerait un préjudice considérable aux relations actuelles avec ce pays étranger, car le Canada avait accepté par le passé, et a de nouveau accepté dans le cadre cette consultation, de protéger ces renseignements.
[27] Durant l’enquête, le Commissariat a demandé à BAC si elle avait pris en considération le « Document d’orientation sur la divulgation de documents historiques ». Dans ses observations, BAC a indiqué que son examen et son analyse ont été menés dans le même esprit que le document d’orientation, en tenant compte de l’âge et de l’importance de ces documents, dans le but d’en communiquer le plus possible. Ce faisant, BAC a pris en considération l’avis de ses archivistes, des analystes de l’accès à l’information, des experts en la matière dans d’autres ministères et d’un gouvernement étranger, avant de décider d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de continuer à protéger certains des renseignements se trouvant dans le rapport.
[28] Selon les observations fournies, le Commissariat est d’avis que BAC a pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’il a décidé de ne pas divulguer les autres renseignements non communiqués.
[29] Par conséquent, le Commissariat conclut que l’exercice du pouvoir discrétionnaire par BAC était raisonnable.
Résultat
[30] La plainte est fondée parce que :
- BAC a erronément refusé de communiquer des renseignements lorsqu’elle a initialement répondu à la demande.
Révision devant la Cour fédérale
Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie du recours en révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.