Bureau du Conseil privé (Re), 2023 CI 19
Date : 2023-06-12
Numéro de dossier du Commissariat : 5820-00631
Numéro de dossier de l’institution : A-2018-00075
Sommaire
La partie plaignante allègue que le Bureau du Conseil privé (BCP) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu du paragraphe 15(1) (affaires internationales, sécurité nationale, défense) et du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès vise à obtenir des documents historiques d’évaluation du renseignement canadien se trouvant dans des dossiers précis. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi. Le BCP a démontré que les renseignements satisfont à tous les critères du paragraphe 19(1). Toutefois, il n’a pu démontrer que les renseignements satisfont à tous les critères du paragraphe 15(1), notamment la manière dont la communication des renseignements en cause pourrait nuire à la sécurité nationale et/ou à la défense du Canada. La Commissaire à l’information a ordonné au BCP de communiquer les documents dans leur intégralité. Il a avisé la Commissaire qu’il ne donnerait pas suite à l’ordonnance.
La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que le Bureau du Conseil privé (BCP) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu du paragraphe 15(1) (affaires internationales, sécurité nationale, défense) et du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès vise à obtenir des documents historiques d’évaluation du renseignement canadien se trouvant dans des dossiers précis.
Enquête
[2] Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements en vertu d’une exception, il lui incombe de démontrer que ce refus est justifié.
[3] Le 8 mars 2022 et le 28 novembre 2022, le BCP a fait des communications supplémentaires à la partie plaignante et a communiqué certains renseignements qu’il avait refusé de communiquer auparavant. Il soutient qu’il est justifié de ne pas communiquer les autres renseignements en vertu des paragraphes 15(1) et 19(1).
[4] L’enquête du Commissariat à l’information a permis de conclure qu’il était justifié pour le BCP d’invoquer le paragraphe 19(1) lorsque les renseignements étaient visés par la portée de la plainte et que leur communication était refusée en vertu de cette disposition.
[5] Toutefois, je ne suis pas d’avis que le BCP a justifié son recours au paragraphe 15(1) quant aux renseignements qui continuent de faire l’objet d’un refus de communication. Mes conclusions relatives à cette autre exception sont exposées ci-après.
Paragraphe 15(1) : affaires internationales, sécurité nationale, défense
[6] Le paragraphe 15(1) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la conduite des affaires internationales, à la défense ou à la sécurité nationale (par exemple, des renseignements relatifs aux tactiques militaires, aux capacités d’armement ou à la correspondance diplomatique, comme le prévoient les alinéas 15(1)a) à i)).
[7] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- la divulgation des renseignements pourrait nuire à l’un ou l’autre des éléments suivants :
- la conduite des affaires internationales;
- la défense du Canada ou de tout État avec lequel le Canada a conclu une alliance ou un traité, ou de tout État avec lequel le Canada est lié, au sens du paragraphe 15(2);
- la détection, la prévention ou la répression d’activités subversives ou hostiles spécifiques, au sens du paragraphe 15(2).
- il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.
[8] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
Les annotations de diffusion
[9] Le BCP a invoqué le paragraphe 15(1) pour refuser de communiquer toute annotation de diffusion dans les documents en cause. Il a affirmé que le caviardage de l’annotation de diffusion en question est une politique applicable à l’ensemble du gouvernement. Selon le BCP, même si d’autres institutions ont communiqué cette annotation de diffusion, le fait qu’il communique ces renseignements peut poser une menace raisonnable pour les relations internationales, car il est impossible de savoir si un partenaire étranger s’offusquera du fait que le gouvernement canadien ne lui communique pas certains renseignements. De ce fait, la position du BCP semble être qu’aucun renseignement sur les partenaires du Canada n’aurait dû être communiqué en vertu de la Loi, contrairement aux obligations ou à l’objet de cette dernière.
[10] Toutefois, comme il a été démontré au cours de l’enquête, d’autres institutions fédérales, notamment Bibliothèque et Archives Canada (BAC) et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), ne caviardent pas systématiquement cette annotation de diffusion, ce qui semble discréditer l’allégation de préjudice formulée par le BCP. Un examen des communications antérieures faites par d’autres institutions en vertu de la Loi montre qu’il existe des dizaines d’exemples de documents relevant du domaine public où ces annotations sont communiquées.
[11] L’enquête du Commissariat a mis en évidence plusieurs exemples de documents communiqués par BAC et le SCRS.
[12] Afin d’étayer son refus de communication, le BCP a aussi fait valoir qu’il est inhabituel, au sein de la communauté du renseignement, de révéler qu’un document s’adresse à certaines parties. Toutefois, il est possible de trouver plusieurs exemples de communication de ce type de renseignements, par les États-Unis, sur le site National Security Archive (https://nsarchive.gwu.edu/) [en anglais seulement].
[13] Dans le cadre d’une récente communication faite par le BCP, aucune de ces annotations n’a été caviardée dans les documents concernés, qui datent des années 1990.
[14] Finalement, compte tenu du fait qu’aucun préjudice apparent n’a été constaté par rapport aux communications antérieures, il semble que le recours à l’article 15 ne se justifie pas en l’espèce, à moins que le BCP n’ait été en mesure de fournir des éléments de preuve à l’appui d’une attente raisonnable de préjudice probable à la suite de la communication.
[15] Le BCP n’a pas démontré comment la communication de cette annotation sur les documents en question pourrait nuire à la conduite des affaires internationales, à la défense nationale du Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives précises. De plus, jusqu’à présent, les observations du BCP ont fait allusion à la perception d’un préjudice possible, ce qui ne démontre pas qu’il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé par la communication des renseignements visés. Cette attente de préjudice doit être probable, et non une simple possibilité.
[16] Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’exception.
Les noms d’employés du Centre de la sécurité des télécommunications (CST)
[17] Le BCP a invoqué le paragraphe 15(1) pour refuser de communiquer les noms d’employés du CST se trouvant sur sept pages de documents pertinents. Par suite de l’enquête, il a accepté de communiquer les noms d’employés du CST se trouvant sur trois pages seulement.
[18] Dans ses observations, le BCP a fait référence à une réunion tenue entre son organisation et le ministère des Pêches et des Océans par rapport aux plaintes déposées auprès du Commissariat relativement à la protection des noms d’agents du renseignement. Selon le BCP, le Commissariat a accepté par le passé que les noms d’analystes soient caviardés et, par conséquent, il devrait accepter le refus de communication dans les circonstances actuelles. Chaque plainte déposée auprès du Commissariat est examinée en fonction de chaque cas, et les institutions doivent satisfaire aux critères de l’exception dans chaque cas de caviardage.
[19] Les éléments recueillis au cours de l’enquête montrent que les noms d’employés du CST ont été communiqués auparavant. Par exemple, plusieurs rapports du Intelligence Advisory Committee (IAC) [comité consultatif du renseignement] ont été communiqués; ils indiquent les noms des participants, dont une mention du CST et le nom de la personne qui a assisté à la réunion. Quelques exemples communiqués au BCP au cours de l’enquête comprennent des documents divulgués par BAC : « IAC Doc 86-03 - 87-03 - Science and Technology in the IAC », « IAC Doc 85-03-15 IAC Geographic Working Group » et « IAC Minutes 81-08-26 ».
[20] Le BCP a aussi fait référence à une politique du CST concernant le fait de caviarder les noms de ses anciens employés. Cette politique du CST n’a pas été communiquée, et le BCP n’a pas démontré en quoi le fait de communiquer les noms des personnes qui ont fait l’objet de rapports il y a plus de 37 ans pourrait être préjudiciable. Il ne suffit pas de dire qu’il serait [traduction] « risqué » de communiquer les noms; le BCP aurait dû démontrer l’existence d’un risque de préjudice probable en ce qui concerne ces noms en particulier.
[21] Comme il a été démontré au cours de l’enquête, il existe des documents historiques similaires relevant du domaine public, dans lesquels les noms d’employés du CST ont été communiqués.
[22] Il convient de noter que le risque lié à la communication des noms d’employés actuels ou récents au service du CST serait plus facile à justifier en vertu de l’article 15. La différence tient au fait que les documents en question datent de 37 ans et que le BCP n’a pas fourni d’éléments de preuve clairs d’un préjudice probable dans l’éventualité où ces noms seraient communiqués.
[23] Le BCP a aussi affirmé que, pour les employés du CST qui ne sont pas des chefs de service de notoriété publique, qu’ils aient ou non quitté la fonction publique, le fait d’identifier ces individus en tant qu’anciens experts du renseignement les expose, ainsi que leur famille, à un risque de surveillance et d’espionnage par des pays étrangers (avec un risque d’atteinte à la sécurité nationale). Après avoir analysé les documents communiqués au BCP au cours de l’enquête où les noms de membres du CST ont été communiqués, il est peu probable que les individus mentionnés dans les rapports aient tous été des chefs de service. Quoi qu’il en soit, il aurait été utile d’obtenir une confirmation des postes des employés mentionnés dans les rapports datant de 37 ans. Cela soulève aussi la question de savoir comment le BCP est arrivé à la conclusion selon laquelle certains noms pouvaient être communiqués, mais pas les autres.
[24] En l’espèce, le BCP n’a pas démontré comment l’attente raisonnable de préjudice probable, critère prévu au paragraphe 15(1), pourrait survenir si les noms des employés concernés du CST étaient communiqués.
[25] Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’exception.
Liste de distribution des alliés
[26] La page 85 des documents pertinents comprend une liste de distribution datant de 1984, qui mentionne les alliés du Canada. Le BCP continue de s’opposer à la communication de ces renseignements au motif qu’il n’est pas en mesure d’établir si la relation entre un allié du Groupe des cinq et le pays faisant l’objet d’un compte rendu renseignement pourrait être compromise en cas de divulgation. Le BCP fait aussi valoir qu’il doit maintenir l’intégrité des accords de communication de renseignements relatifs au Groupe des cinq.
[27] Dans le cadre de cette enquête, il aurait été pertinent de connaître les détails de la politique à laquelle le BCP fait référence, ce qu’il n’a pas fait. L’argument avancé en vue d’étayer le refus de communication des documents en raison d’une politique du gouvernement n’est pas suffisant en soi pour démontrer si la communication peut être permise selon les critères énoncés au paragraphe 15(1), surtout en l’absence de détails sur la politique en question.
[28] Comme il a été démontré au BCP au cours de l’enquête, de nombreux documents résultant de publications ouvertes et de demandes d’accès relèvent déjà du domaine public. Ils contiennent d’importants détails sur les relations du Canada en matière de renseignement.
[29] De plus, les États-Unis ont communiqué un nombre important de documents mentionnant des membres de la communauté du Groupe des cinq (c’est-à-dire des documents déclassifiés sur le site www.nsa.gov) [en anglais seulement]. À cela, le BCP fait valoir que la communication de documents par les alliés du Canada n’a pas d’incidence sur la politique canadienne.
[30] Le BCP remet aussi en question la référence à la National Security Agency (NSA) faite par le Commissariat et précise que les documents de la NSA ne se comparent pas aux documents en cause. Il indique qu’il exerce son pouvoir discrétionnaire et que son approche ressemble davantage à celle de la Central Intelligence Agency (CIA) qu’à celle de la NSA. Selon le BCP, les annotations de contrôle (« Rel to », « NF », etc.) sont prélevées des documents de la CIA communiqués en vertu de la Freedom of Information Act [loi sur la liberté de l’information], et la pratique de la CIA consiste à retirer les références qui sont rendues publiques. Afin d’étayer cet argument, le BCP s’est référé à la section de la salle de lecture sur le site Web de la CIA (https://www.cia.gov/readingroom) [en anglais seulement].
[31] Le Commissariat a examiné les liens que le BCP lui a fournis pour vérifier la validité de cet argument.
[32] Le Commissariat a constaté que plusieurs documents portant l’annotation « CONFIDENTIAL - U.S. EYES ONLY » sont accessibles au public par l’entremise de la salle de lecture sur le site de la CIA (https://www.cia.gov/readingroom/docs/CIA-RDP82S00527R000100260014-4.pdf) [en anglais seulement]. Cela semble discréditer l’argument selon lequel la CIA refuse systématiquement de communiquer ce type de renseignements. Au contraire, il sert plutôt à renforcer l’argument selon lequel de tels renseignements ne devraient pas faire l’objet d’un refus de communication en raison d’une simple pratique, mais plutôt après avoir procédé à une analyse minutieuse des documents en question en fonction de chaque cas.
[33] Un examen de certains documents présents sur le site Web susmentionné de la CIA permet d’y trouver des documents approuvés par la CIA et dont la publication a été autorisée par des pays tels que le Canada, le Royaume-Uni et l’Australie. Il est également possible d’y trouver des documents autorisés aux partenaires du Groupe des cinq, avec l’annotation « S/NOROFM/REL AUS, CAN, UK/WNINTEL » (https://www.cia.gov/readingroom/docs/CIA-RDP07S00452R000300920002-1.pdf) [en anglais seulement].
[34] Étant donné que les États-Unis ont un système de cotation différent, d’autres documents déclassifiés par la CIA portent l’annotation « SECRET NOFORN », qui signifie « no foreign nationals ». Cette annotation s’applique à tout renseignement ne pouvant être communiqué à un citoyen non américain. (https://www.cia.gov/readingroom/docs/CIA-RDP07S00452R000300880008-0.pdf, https://www.cia.gov/readingroom/docs/CIA-RDP93T00837R000400080010-1.pdf) [en anglais seulement].
[35] Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’exception.
Programmes de développement de l’énergie nucléaire
[36] Le BCP a caviardé les pages 7 et 8, dans leur intégralité, au motif que les renseignements qu’elles contiennent ne sont pas accessibles au public.
[37] Comme il a été démontré au cours de l’enquête, plusieurs évaluations de l’IAC par rapport à ce sujet, datant de la même période, ont déjà été communiquées sans caviardage. Le BCP a été mis au courant d’un exemple en particulier en raison de son contenu presque identique.
[38] L’argument avancé par le BCP, selon lequel les priorités des pays peuvent rester les mêmes quant à l’intention de poursuivre le développement de l’énergie nucléaire clandestine, ne justifie pas l’application de l’exception, puisque ces renseignements relèvent déjà du domaine public. L’argument du BCP, selon lequel la communication de renseignements sur le développement de l’énergie nucléaire crée un précédent dangereux pour les membres de la communauté de la sécurité et du renseignement, aurait été pris en considération dans un contexte différent.
[39] De plus, le BCP mentionne dans ses observations que le fait que BAC, une institution fédérale, a communiqué des renseignements similaires par le passé ne doit pas être servir d’indicateur d’absence de préjudice. Il n’en demeure pas moins que les documents relèvent du domaine public par suite d’une communication faite par une autre institution fédérale.
[40] D’après les observations fournies, je ne suis pas d’avis que la communication des renseignements pourrait raisonnablement nuire aux intérêts énoncés au paragraphe 15(1). Par conséquent, je suis d’avis que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’exception.
Transfert de technologie
[41] Dans ses observations, le BCP a fait valoir que les renseignements se trouvant aux pages 1 et 5 mettent en évidence des lacunes antérieures dans les moyens de défense pour lutter contre l’espionnage et l’acquisition de technologies par des services de renseignement étrangers. D’autres documents relatifs aux renseignements se trouvant aux pages 1 et 5 relèvent du domaine public. De plus, de nombreux documents sur le sujet relèvent du domaine public (We now know … a little bit more: Canada’s Cold War defectors - Timothy Andrews Sayle, 2021 (sagepub.com)) [en anglais seulement].
[42] Plus important encore, le BCP n’a pas réussi à démontrer le préjudice qui pourrait être causé si les renseignements datant de 1984 étaient communiqués.
[43] Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que le BCP n’a pas démontré que les renseignements satisfont aux critères de l’exception.
Groupe de travail régional
[44] Le BCP a caviardé certaines parties de deux documents datant de janvier 1982 et traitant de l’évaluation prévue d’une certaine région géographique (pages 49 à 55). Dans ses observations, il a mentionné que la communication de ces renseignements risquerait de nuire aux relations du Canada avec ses alliés et les pays faisant l’objet d’une évaluation. Le BCP affirme que, compte tenu du fait que les renseignements contenus dans ces pages proviennent vraisemblablement des alliés, ils ne doivent pas être communiqués.
[45] Outre les documents déjà communiqués au cours de l’enquête, le Commissariat a trouvé des renseignements similaires dans les documents « IAC Doc 77-01-24 - Middle East Working Group » et « IAC Doc 82-03 - 82-12 - IAC Working Groups ». Après avoir examiné ces documents qui portent tous sur le groupe de travail, il est difficile d’accepter la validité de l’argument du BCP selon lequel la communication de renseignements sur d’autres pays aurait une incidence sur les relations du Canada avec ces derniers.
[46] Le BCP n’a pas démontré en quoi le préjudice visé à l’article 15 serait probable par suite de la communication de ces renseignements.
[47] Après avoir examiné attentivement les observations du BCP, je ne suis pas d’avis que les critères nécessaires pour refuser la communication des renseignements en vertu du paragraphe 15(1) ont été satisfaits.
L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?
[48] Étant donné que le BCP était d’avis que les renseignements satisfaisaient aux critères du paragraphe 15(1), il devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements. Pour ce faire, il devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour et contre la communication.
[49] La décision prise par une institution de ne pas communiquer l’information doit être transparente, intelligible et justifiée. Le Commissariat considérera que l’explication de l’institution est suffisante lorsque cette dernière précise comment la décision a été prise et que les documents relatifs au processus décisionnel de l’institution permettent de comprendre pourquoi elle a procédé comme elle l’a fait.
[50] Dans ses observations, le BCP a déclaré qu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire en consultant des experts internes et en tenant compte de la pertinence actuelle et de l’intérêt du public.
[51] Même si le BCP avait réussi à démontrer que les critères de l’exception étaient satisfaits, je ne suis pas d’avis qu’il a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a décidé de ne pas communiquer les renseignements qui continuent de faire l’objet d’un refus de communication. Pour parvenir à cette conclusion, je suis d’avis que le BCP n’a pas correctement pris en considération tous les facteurs pertinents et ne leur a pas accordé le poids nécessaire, y compris l’objet de la Loi, l’accès du public aux renseignements en cause, l’âge des documents et l’intérêt du public à la communication de ces renseignements.
Résultat
[52] La plainte est fondée.
Ordonnance
Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne à la greffière du Conseil privé de communiquer, dans leur intégralité, tous les documents pertinents qu’il avait refusé de communiquer en vertu du paragraphe 15(1).
La greffière doit se conformer aux dispositions du paragraphe 37(4) lorsqu’elle communique des documents en réponse à mon ordonnance.
Le 13 février 2023, j’ai transmis à la greffière du Conseil privé mon rapport dans lequel je présentais l’ordonnance que j’avais l’intention de rendre.
Le 29 mars 2023, le secrétaire adjoint du Cabinet, Affaires et services ministériels m’a avisée que le BCP ne donnerait pas entièrement suite à mon ordonnance et qu’il maintiendrait le caviardage de certaines parties des pages 1, 5, 7, 24, 26, 49 et 56, en vertu du paragraphe 15(1).
Le BCP a présenté des observations dans son avis afin d’étayer son recours au paragraphe 15(1) à l’égard de renseignements précis se trouvant sur ces pages. Une bonne partie de ces observations reprenaient celles déjà présentées au cours de l’enquête, bien que quelques informations supplémentaires aient été ajoutées. Essentiellement, le BCP n’est pas d’accord avec ma conclusion selon laquelle les renseignements non communiqués ne satisfont pas aux critères du paragraphe 15(1).
Bien qu’il soit compréhensible que le BCP veuille me convaincre du bien-fondé de son application de l’exception, il n’en demeure pas moins que sa présentation d’observations supplémentaires n’a pas été faite au bon moment ni dans le respect des modalités prévues par la Loi. Certaines étapes de l’enquête sont dictées par la Loi. Ainsi, l’alinéa 35(2)b) précise que, au cours de l’enquête sur la plainte menée par le Commissariat, le responsable de l’institution doit avoir la possibilité de présenter ses observations. Cette possibilité a été offerte au BCP, et il a présenté des observations détaillées au cours de l’enquête.
La Loi ne prévoit pas que les institutions puissent fournir des observations supplémentaires et/ou invoquer des motifs supplémentaires pour refuser l’accès à la suite de la présentation de mon rapport. L’alinéa 37(1)c) prévoit expressément que mon rapport doit fixer le délai dans lequel le responsable de l’institution fédérale doit m’aviser soit des mesures prises ou envisagées pour donner suite à l’ordonnance ou à la recommandation, soit des motifs invoqués pour ne pas y donner suite. Mon rapport indiquait explicitement qu’il ne s’agissait pas d’une occasion nouvelle pour présenter des observations supplémentaires.
Après avoir examiné toutes les observations reçues au cours de l’enquête, j’ai conclu que le BCP ne m’a pas convaincue qu’elle avait appliqué la Loi correctement à l’ensemble des renseignements trouvés dans les documents.
Je dois rappeler à la greffière que, si elle n’a pas l’intention de donner entièrement suite à mon ordonnance, elle doit exercer un recours en révision devant la Cour fédérale dans le délai indiqué ci-dessous.
Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante et l’institution ont le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Celles-ci doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doivent signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.