Bureau du Conseil privé (Re), 2024 CI 27

Date : 2024-05-09
Numéro de dossier du Commissariat : 3217-00062
Numéro de la demande d’accès : A-2016-00671/GM

Sommaire

La partie plaignante allègue que le Bureau du Conseil privé (BCP), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 13(1) (renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux) et du paragraphe 15(1) (affaires internationales, sécurité nationale, défense) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès visait des procès-verbaux du Comité mixte du renseignement de 1959.

Au cours de l’enquête, le BCP a informé le Commissariat à l’information qu’il communiquerait tous les renseignements dont il avait refusé la communication, sauf certaines catégories précises de renseignements, dont il continue de refuser la communication en vertu des paragraphes 13(1) et 15(1).

La Commissaire à l’information a conclu qu’aucun des renseignements non communiqués visés par l’enquête ne satisfaisait aux critères du paragraphe 13(1) ou du paragraphe 15(1). La Commissaire a recommandé au BCP de communiquer ces renseignements. 

L’institution a avisé la Commissaire qu’elle ne donnerait pas suite à la recommandation.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]   La partie plaignante allègue que le Bureau du Conseil privé (BCP), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 13(1) (renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux) et du paragraphe 15(1) (affaires internationales, sécurité nationale, défense) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise à obtenir des procès-verbaux du Comité mixte du renseignement pour la période du 1er janvier 1959 au 31 décembre 1959. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Enquête

[2]   Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements en vertu d’une exception, il lui incombe de démontrer que ce refus est justifié.

[3]   Le Commissariat à l’information n’était pas convaincu que les exceptions avaient été appliquées correctement dans tous les cas. Par conséquent, le 18 avril 2023, le BCP l’a informé qu’il communiquerait tous les renseignements dont il avait refusé la communication en vertu du paragraphe 15(1) lorsqu’il a répondu à la demande d’accès, mis à part les suivants :

  • les noms et titres des agents de liaison d’autres pays [auxquels le BCP applique maintenant l’alinéa 13(1)a) et le paragraphe 15(1)];
  • des renseignements concernant les visites de membres de la collectivité du renseignement d’autres pays [auxquels le BCP applique maintenant l’alinéa 13(1)a) et le paragraphe 15(1)];
  • les annotations de diffusion des rapports classifiés [paragraphe 15(1)];
  • les noms d’employés du Centre de la sécurité des télécommunications (CST) [paragraphe 15(1)];
  • certains titres de comptes rendus de renseignement [paragraphe 15(1)].

[4]   Le BCP n’a pas indiqué au Commissariat la date à laquelle il prévoyait de faire cette communication supplémentaire. Le BCP a déclaré que son Secrétariat de l’évaluation du renseignement doit d’abord examiner les 569 pages de documents, puis consulter d’autres ministères avant la communication, notamment le Service canadien du renseignement de sécurité, Affaires mondiales Canada et/ou la Défense nationale.

[5]   Je suis d’accord que le BCP devrait communiquer les renseignements qu’il a proposé de communiquer. Il est difficile de voir en quoi d’autres consultations devraient être entreprises à cet égard. Je conclus que tous les renseignements, sauf les catégories énumérées ci-dessus, devraient être communiqués à la partie plaignante sans plus attendre.

[6]   La partie plaignante ne s’oppose pas à ce que les noms des agents de liaison d’autres pays alliés soient caviardés; le Commissariat n’a donc pas poursuivi son enquête sur cette catégorie de renseignements.

[7]   En ce qui concerne l’application d’exceptions aux autres catégories de renseignements que le BCP maintient, j’en fais l’analyse qui suit.

Paragraphe 13(1) : renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux

[8]   Le paragraphe 13(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements obtenus à titre confidentiel d’organismes gouvernementaux.

[9]   Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • Les renseignements ont été obtenus de l’un des organismes gouvernementaux suivants :
    • un gouvernement ou un organisme d’un État étranger;
    • une organisation internationale d’États ou un de ses organismes;
    • un gouvernement ou un organisme provincial;
    • une administration ou un organisme municipal ou régional;
    • un gouvernement ou un conseil autochtone mentionné au paragraphe 13(3).
  • Les renseignements ont été obtenus de l’organisme gouvernemental à titre confidentiel, c’est-à-dire qu’il était entendu qu’ils seraient traités comme étant confidentiels.

[10]    Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes existent :

  • l’organisme gouvernemental d’où les renseignements ont été obtenus consent à leur communication;
  • l’organisme gouvernemental les a déjà rendus publics.

[11]    Lorsque l’une ou l’autre de ces circonstances ou les deux existent, le paragraphe 13(2) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[12]    Au cours de l’enquête, le BCP a invoqué le paragraphe 13(1) pour les renseignements suivants.

Titres des agents de liaison d’autres pays 

[13]    Le BCP a invoqué le paragraphe 13(1) pour refuser de communiquer les titres des agents de liaison d’autres pays alliés dans les documents en cause.

[14]    Bien qu’il soit possible d’inférer que les titres des agents de liaison en cause ont été obtenus d’un État étranger, le BCP n’a pas fourni d’élément de preuve précis selon lequel ces renseignements ont été obtenus à titre confidentiel, comme l’exige le paragraphe 13(1).

[15]    La partie plaignante soutenait que le fait qu’il y ait des relations étroites de liaison entre les membres de l’alliance de renseignement connue sous le nom de « Groupe des cinq » est décrit dans de nombreuses sources publiques (voir, entre autres nombreux exemples : Richelson, The US intelligence Community, chap. 13 « Liaison with Foreign Services »; Richelson, The Ties That Bind, chap. 7 « The Mechanics of Cooperation and Exchange »). Le fait que les agents de liaison alliés assistaient régulièrement aux réunions du Comité mixte du renseignement canadien est clairement démontré par un certain nombre de documents communiqués par plusieurs ministères, dont le BCP, ainsi que dans des ouvrages publiés.

[16]    Dans le cadre de l’enquête, le Commissariat a pu vérifier que les titres des agents de liaison ont toujours été communiqués par les pays alliés dans des documents similaires. La recherche effectuée par le Commissariat a révélé de nombreux exemples de cas où des pays alliés ont communiqué les titres de leurs propres agents de liaison ainsi que ceux d’autres pays, dont le Canada.

[17]    Par conséquent, aux fins de la présente enquête, je conclus que les renseignements accessibles au public et les communications passées du Canada et de pays alliés discréditent tout argument en faveur du fait que ce type de renseignements a été obtenu à titre confidentiel. Je conclus que le BCP n’a pas établi que les titres des agents de liaison ont été obtenus à titre confidentiel.

[18]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les titres des agents de liaison d’autres pays alliés ne satisfont pas aux critères du paragraphe 13(1).

Renseignements concernant les visites de membres de la collectivité du renseignement d’autres pays

[19]    Le BCP a invoqué le paragraphe 13(1) pour refuser de communiquer tout renseignement concernant les visites de membres de la collectivité du renseignement d’autres pays dans les documents en cause. Le BCP soutenait que ces renseignements ont été obtenus à titre confidentiel d’un gouvernement étranger. Il affirmait également que les services de renseignement alliés appliquent la même politique quant au caviardage des noms et postes des membres de délégations étrangères en visite. Le BCP est d’avis que la communication de ces renseignements porterait préjudice aux relations réciproques entre le Canada et ses alliés.

[20]    Comme mentionné ci-dessus, la partie plaignante ne s’oppose pas à ce que les noms des agents de renseignement de niveau opérationnel d’autres pays soient caviardés. En ce qui concerne les autres renseignements, bien qu’il soit possible d’inférer que les titres d’employés ont été obtenus d’un État étranger, le BCP n’a fourni aucun élément de preuve selon lequel les autres renseignements ont été obtenus d’un pays étranger, car les visites semblent avoir été organisées par le Canada. De plus, le BCP n’a pas fourni d’élément de preuve concernant une attente de confidentialité. Bien que le BCP soutienne que ses alliés caviardent des renseignements similaires, la recherche du Commissariat indique que ce n’est pas le cas. Plusieurs exemples de visites liées au renseignement, tant au Canada que de la part du Canada, à la même époque, sont accessibles au public dans le cadre de documents communiqués par les États-Unis et le Royaume-Uni.

[21]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les renseignements concernant les visites de membres de la collectivité du renseignement d’autres pays ne satisfont pas aux critères du paragraphe 13(1).

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[22]    L’enquête a permis d’établir que le BCP n’a pas satisfait pas aux critères du paragraphe 13(1). Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

Paragraphe 15(1) : affaires internationales, sécurité nationale, défense

[23]    Le paragraphe 15(1) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la conduite des affaires internationales, à la défense ou à la sécurité nationale (par exemple, des renseignements relatifs aux tactiques militaires, aux capacités d’armement ou à la correspondance diplomatique, comme le prévoient les alinéas 15(1)a) à i)).

[24]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à l’un ou l’autre des éléments suivants :
    • la conduite des affaires internationales;
    • la défense du Canada ou de tout État avec lequel le Canada a conclu une alliance ou un traité, ou de tout État avec lequel le Canada est lié, au sens du paragraphe 15(2);
    • la détection, la prévention ou la répression d’activités subversives ou hostiles spécifiques, au sens du paragraphe 15(2).
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[25]    Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[26]    Le BCP a initialement appliqué le paragraphe 15(1) à toutes les pages des documents. Bien qu’il ait confirmé que des renseignements supplémentaires seront communiqués, le BCP a indiqué qu’il continuerait de refuser la communication des parties suivantes des documents pertinents en vertu du paragraphe 15(1).

Titres des agents de liaison d’autres pays 

[27]    Le BCP a invoqué le paragraphe 15(1) en parallèle avec le paragraphe 13(1) pour refuser de communiquer les titres des agents de liaison d’autres pays alliés dans les documents en cause.

[28]    Le BCP n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve démontrant en quoi la communication des titres nuirait à la conduite des affaires internationales, ou à la défense ou à la sécurité nationale, ou en quoi il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé, à savoir que l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[29]    Dans le cadre de l’enquête, le Commissariat a pu vérifier que les titres des agents de liaison ont toujours été communiqués par les pays alliés dans des documents similaires. La recherche effectuée par le Commissariat a révélé de nombreux exemples de cas où des pays alliés ont communiqué ce type de renseignements, y compris les titres de leurs propres agents de liaison ainsi que ceux d’autres pays, dont le Canada.

[30]    En ce qui concerne la communication de ces renseignements par le Canada, le Commissariat sait que les titres des agents de liaison ont été rendus publics dans les procès-verbaux du Comité de 1980 et de 1981, qui sont accessibles au public depuis plusieurs années, dans le cadre de demandes d’accès distinctes présentées au gouvernement fédéral, et aucun préjudice à la relation du Canada avec ses alliés ne semble en avoir découlé.

[31]    Le BCP a présenté des observations selon lesquelles lorsque des agents de liaison d’autres pays ne figurent pas sur la feuille de présence, cela signifie qu’il ne convient pas de faire part des sujets de discussion à l’allié en question. Le BCP soutenait que la communication serait préjudiciable à la relation avec cet allié et compromettrait de futurs accords de partage de renseignement.

[32]    En réponse à l’affirmation du BCP selon laquelle la présence est liée aux sujets que le Canada souhaite discuter avec des alliés en particulier, la partie plaignante soutient que la raison la plus probable pour laquelle un agent de liaison manquerait une réunion du Comité est parce qu’il aurait un autre engagement plus pressant ou qu’il était à l’extérieur de la ville. De l’avis de la partie plaignante, il serait très peu probable qu’un agent de liaison allié soit délibérément désinvité d’une réunion du Comité.  

[33]    La partie plaignante a présenté des observations selon lesquelles, à l’occasion, certaines questions étaient discutées avec certains agents de liaison, mais pas d’autres. Tous les participants le savaient et comprenaient qu’il s’agissait d’une pratique normale. Par exemple, l’agent de liaison du Canada au comité mixte du renseignement du Royaume-Uni n’avait pas été inclus dans les discussions sur l’Iraq entre le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Australie en 2002-2003 (voir Barnes, « Getting it Right », p. 944). La partie plaignante soutient que, s’il y avait un sujet dont le Comité voulait discuter avec un agent de liaison en particulier, il lui demanderait discrètement de rester après la réunion. Dans le procès-verbal de la réunion, la présence de tous les agents de liaison alliés serait indiquée pour la première partie de la réunion. Il n’y aurait aucune mention dans le procès-verbal du fait qu’un agent de liaison est resté après la réunion pour d’autres discussions.

[34]    Je ne suis pas convaincue par les arguments du BCP, qui se fondent sur des suppositions. Les renseignements accessibles au public et les communications faites par le Canada et des pays alliés discréditent son argument selon lequel le préjudice pourrait vraisemblablement se produire si les renseignements étaient communiqués. Il faut que le risque de préjudice découlant de la communication soit une probabilité raisonnable et non une simple possibilité. 

[35]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les titres des agents de liaison des autres pays alliés ne satisfont pas aux critères du paragraphe 15(1).

Annotations de diffusion des documents classifiés

[36]    Le BCP a invoqué le paragraphe 15(1) pour refuser de communiquer toute annotation de diffusion dans les documents en cause. Le BCP soutenait que le caviardage des annotations de diffusion de rapports classifiés est une politique à l’échelle du gouvernement. Selon le BCP, même si d’autres institutions ont communiqué ces annotations de diffusion, le fait qu’il communique ces renseignements peut poser une menace raisonnable pour les relations internationales, car il est impossible de savoir si un partenaire étranger s’offusquera du fait que le gouvernement canadien ne lui communique pas certains renseignements.

[37]    Cependant, je sais que le BCP lui-même a communiqué des annotations de diffusion, tout récemment dans une autre demande pour des documents du Comité de 1984 (demande A-2018-00075).

[38]    Le fait qu’aucun préjudice ne semble avoir découlé des communications précédentes semble confirmer que l’utilisation du paragraphe 15(1) n’est pas justifiée en l’espèce, à moins que le BCP puisse fournir des éléments de preuve selon lesquels il y a une attente raisonnable qu’un préjudice puisse être causé par la communication des annotations de diffusion en question, dans le dossier qui nous occupe.

[39]    Le BCP n’a pas démontré comment la communication de cette annotation sur les documents en question pourrait nuire à la conduite des affaires internationales, à la défense nationale du Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives précises. De plus, jusqu’à présent, les observations du BCP ont fait allusion à la perception d’un préjudice possible, ce qui ne démontre pas qu’il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé par la communication des renseignements visés. Cette attente de préjudice doit être raisonnable, et non une simple possibilité. 

[40]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les nombreuses annotations de diffusion ne satisfont pas aux critères du paragraphe 15(1).

Noms d’employés du Centre de la sécurité des télécommunications

[41]    Le BCP a invoqué le paragraphe 15(1) pour refuser de communiquer les noms d’employés du CST dans les documents en cause, mis à part ceux de responsables et d’administrateurs généraux connus du public, et a indiqué que le CST a précisé que seuls les noms de ces employés peuvent être communiqués.

[42]    Les éléments recueillis au cours de l’enquête montrent que les noms d’employés du CST ont été communiqués auparavant. Par exemple, plusieurs rapports du Comité qui ont été communiqués indiquent les noms des participants, dont une mention du CST et le nom de la personne qui a assisté à la réunion. Tout récemment, le BCP a communiqué les noms d’employés du CST ayant participé à des réunions du Comité dans les années 1980, en réponse à la demande d’accès A-2018-00075.

[43]    Le BCP n’a pas démontré en quoi il pourrait y avoir une attente raisonnable que le préjudice soit causé, comme prévu au paragraphe 15(1), si les noms d’employés du CST en cause étaient communiqués, particulièrement compte tenu des communications précédentes. Il convient de noter que le risque lié à la communication des noms d’employés actuels ou récents au service du CST serait plus facile à justifier en vertu de l’article 15. La différence tient au fait que les documents en question datent de 35 ans et que le BCP n’a pas fourni d’éléments de preuve clairs d’un préjudice probable dans l’éventualité où ces noms seraient communiqués.

[44]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les noms d’employés du CST ne satisfont pas aux critères du paragraphe 15(1).

Certains titres de comptes rendus de renseignement 

[45]    Le BCP a invoqué le paragraphe 15(1) pour refuser de communiquer certains titres de comptes rendus de renseignement dans les documents en cause. Le BCP soutenait que certains noms de pays et sujets sont ciblés aux fins de caviardage s’ils figurent également dans les listes de priorités en matière de renseignement de cette période, ce qui signifie que le Canada aurait pu ou non utiliser tous les moyens, secrets ou non, à sa disposition pour acquérir de l’information sur ces pays. Le BCP a également mentionné dans ses observations que la question de savoir si cette activité était encore sensible après le temps écoulé pose problème, car le BCP devrait savoir quand l’activité a réellement pris fin (et si elle a pris fin) afin de pouvoir être raisonnablement certain que la communication des renseignements ne serait plus préjudiciable à l’intérêt national.

[46]    Dans l’affaire Bronskill c. Canada (Patrimoine canadien), 2011 CF 983, la Cour a statué que pour que le paragraphe 15(1) s’applique, l’institution ne peut pas invoquer une justification passe-partout et il doit y avoir un lien direct entre la divulgation et le préjudice allégué.

[47]    L’examen des documents et des observations du BCP ne permet pas d’établir clairement le préjudice causé par la divulgation, surtout si l’on considère que les documents en cause contiennent seulement les titres des comptes rendus et qu’ils ne révèlent pas le contenu des comptes rendus en question. Le BCP n’a pas fourni d’élément de preuve selon lesquels les titres caviardés sont toujours pertinents sur le plan opérationnel ou que les renseignements caviardés pourraient révéler des opérations secrètes. Le BCP n’a pas non plus fourni d’information pour corroborer son affirmation selon laquelle la communication pourrait avoir une incidence négative sur des opérations bilatérales ni sur la nature exacte du préjudice causé.

[48]    Comme il a été démontré au cours de l’enquête, plusieurs évaluations du Comité par rapport à ce sujet, datant de la même période, ont déjà été communiquées sans caviardage.

[49]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les titres de comptes rendus de renseignement ne satisfont pas aux critères du paragraphe 15(1).

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[50]    L’enquête a permis d’établir que le BCP n’a pas satisfait pas aux critères du paragraphe 15(1). Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

Résultat

[51]    La plainte est fondée, parce que :

  • Le BCP n’a pas appliqué correctement le paragraphe 13(1) ou le paragraphe 15(1) aux documents pertinents dans le cadre de la demande d’accès.

Recommandations

Je recommande au greffier du Conseil privé ce qui suit :

  1. Mis à part les noms d’agents de liaison d’autres pays alliés, communiquer les documents dans leur intégralité;
  2. Fournir une réponse complète à la demande au plus tard 60 jours ouvrables suivant la date du compte rendu.

Rapport et avis de l’institution

Le 19 mars 2024, j’ai transmis au greffier mon rapport dans lequel je présentais mes recommandations.

L’institution ne donnera pas suite aux recommandations

Le 3 mai 2024, le secrétaire associé du Cabinet, Affaires et services ministériels, m’a avisée que le BCP ne donnerait pas suite à mes recommandations. Le BCP a déclaré ceci [traduction] : « Bien que ce dossier ne soit pas communiqué dans son intégralité, un pourcentage élevé de renseignements dont la communication avait été refusée sera communiqué. Conformément à une initiative interministérielle de déclassification en cours, qui vise des documents historiques similaires relatifs au renseignement, jusqu’à 80 % du contenu sera divulgué. De plus, conformément aux conclusions de l’initiative de déclassification susmentionnée, l’âge des documents en question a une incidence sur la capacité de communiquer les renseignements dont la communication avait été refusée. Parmi les facteurs ayant une incidence sur la divulgation d’un document, on compte les suivants : les progrès dans les techniques de recherche du renseignement, les capacités de contre-ingérence et les exigences en matière de renseignement. La quantité de détails consignés dans les procès-verbaux (y compris les discussions au sujet des sources), qui varient d’une année à l’autre, en sont un exemple. Ces enjeux tiennent compte de l’utilisation accrue d’exceptions au fil du temps. »

Le BCP a confirmé qu’il ne répondra pas dans un délai de 60 jours après la date du compte rendu, comme je le recommandais. Le BCP a plutôt l’intention de fournir une réponse supplémentaire à cette demande dès que possible. Cependant, le BCP procédera d’abord à des consultations auprès du CST, d’Affaires mondiales Canada et de la Défense nationale. Le BCP a déclaré que, une fois ces consultations terminées, il accéléra le traitement final des documents.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

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