Bureau du vérificateur général du Canada (Re), 2022 CI 40

Date : 2022-08-12
Numéro de dossier du Commissariat : 5819-03392
Numéro de dossier de l’institution : A-2019-00003

Sommaire

La partie plaignante allègue que le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a erronément décidé que les dépositions de témoins et la documentation sur laquelle se fonde le rapport final d’une enquête sur le harcèlement ne relevaient pas de lui et que, par conséquent, il ne pouvait pas communiquer ces documents en réponse à une demande d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Même si les documents n’étaient pas en la possession physique du BVG, le Commissariat à l’information a conclu que plusieurs facteurs pertinents indiquaient que les documents relevaient du BVG. Au cours de l’enquête, le BVG a récupéré et traité les documents répondant à la demande.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) a erronément décidé que les dépositions de témoins et la documentation sur laquelle se fonde le rapport final d’une enquête sur le harcèlement ne relevaient pas de lui et que, par conséquent, il ne pouvait pas communiquer ces documents en réponse à une demande d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Enquête

Documents relevant d’une institution

[2]      La Loi prévoit un droit d’accès aux documents relevant des institutions fédérales. Bien que la Loi ne définisse pas le terme « relever de », la Cour suprême du Canada a affirmé que ce terme devrait être interprété de façon libérale et généreuse pour assurer un droit d’accès efficace. [Voir Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25.]

[3]      Les documents relevant des institutions fédérales ne sont pas nécessairement limités aux documents en leur possession physique.

  • Lorsque les documents ne sont pas en la possession physique des institutions, ces dernières, pour déterminer si les documents relèvent d’elles, doivent se demander si les documents sont liés à une affaire institutionnelle et, dans l’affirmative, si un cadre supérieur de l’institution peut raisonnablement s’attendre à obtenir une copie sur demande. Les institutions doivent tenir compte de tous les facteurs pertinents lorsqu’elles en arrivent à cette conclusion.
  • Lorsque les documents sont en la possession physique des institutions, ces dernières doivent tenir compte de tous les facteurs pertinents pour évaluer si les documents relèvent d’elles ou non.

[4]      Dans les deux cas, les facteurs précis qui doivent être pris en considération dépendent des circonstances. Ces facteurs peuvent notamment comprendre la question de savoir si le contenu des documents est lié au mandat, aux obligations, aux activités ou aux fonctions de l’institution, qui a créé les documents et pourquoi l’institution les a créés ou obtenus. En général, aucun facteur n’est déterminant à lui seul. Par conséquent, les documents relèvent de l’institution lorsque les facteurs pertinents, pris ensemble, appuient une telle conclusion.

[5]      Lorsque les documents ne relèvent pas des institutions, ils ne sont pas assujettis à la Loi. Les institutions ne sont donc pas tenues de les communiquer.

Les documents relèvent-ils de l’institution?

[6]      Les documents en cause sont des documents d’enquête créés ou compilés par Gowling WLG (ci-après appelé « le cabinet d’avocats ») durant une enquête sur le harcèlement dont le BVG est responsable, d’autant plus que ce dernier avait payé le cabinet d’avocats pour la mener. Le cabinet d’avocats a été embauché à titre d’enquêteur.

[7]      Bien que le rapport final ait été fourni au BVG, les documents utilisés pour le préparer, y compris les dépositions des témoins, ne lui ont pas été fournis. Comme les documents en cause n’étaient pas en la possession physique du BVG, le critère pertinent pour déterminer de qui ils relèvent est énoncé dans la décision de la Cour suprême dans l’affaire Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, aux para 54-56. Ces facteurs ainsi que d’autres sont abordés en détail ci-dessous.

  1. Le contenu des documents se rapporte-t-il à une affaire institutionnelle?

[8]      Le BVG est d’accord que les documents concernent une affaire institutionnelle, car ils se rapportent à une enquête sur une plainte de harcèlement. Le contenu des documents est lié au mandat, aux obligations, aux activités ou aux fonctions de l’institution, car le BVG est obligé d’enquêter sur les plaintes de harcèlement en milieu de travail.

  1. L’institution a-t-elle un droit d’accès aux documents légalement exécutoire?

[9]      Bien que le BVG ait déclaré qu’en l’espèce, il n’avait pas besoin de consulter les documents en cause, la question était de savoir s’il aurait raisonnablement pu s’attendre à le faire s’il l’avait souhaité.

[10]    Pour déterminer si les documents relèvent de l’institution ou non, la question n’est pas de savoir si l’institution a besoin de consulter des documents en particulier dans un cas donné. Il s’agit plutôt d’établir si un cadre supérieur du BVG peut raisonnablement s’attendre à obtenir une copie sur demande.

[11]    Selon son cadre de référence, l’enquête [traduction] « doit être menée conformément à la Politique sur les enquêtes en milieu de travail, comme indiqué à la section 8.4.5 de la Directive sur un milieu de travail exempt de harcèlement ». Le BVG a fourni ces documents au Commissariat durant l’enquête. Ils indiquent que le BVG a un droit d’accès aux documents légalement exécutoire. 

[12]    Voici des exemples indiquant que l’institution a un droit d’accès aux documents légalement exécutoire, découlant de la Politique sur les enquêtes en milieu de travail :

  • Le cadre supérieur (l’employé chargé de superviser l’enquêteur) du BVG est responsable de la gestion de l’enquêteur qui doit mener l’enquête conformément à la Politique. Cela inclut veiller à ce que les allégations et questions soulevées dans la plainte fassent l’objet d’une enquête rigoureuse et objective ainsi qu’assurer l’équité procédurale.
  • Les notes d’entrevues font partie du dossier d’enquête et appartiennent à l’enquête.
  • Au besoin, le cadre supérieur du BVG peut retourner le rapport à l’enquêteur afin qu’il y apporte des révisions pour assurer son exhaustivité, ce qui comprend veiller à ce que toutes les conclusions soient appuyées par la preuve et que les politiques et normes pertinentes soient appliquées.

[13]    En outre, on peut s’attendre à ce que le BVG ait un droit légalement exécutoire d’examiner les produits de travail (les documents en cause) pour vérifier l’exactitude de la facturation.

[14]    Compte tenu de ce qui précède, le Commissariat conclut que le BVG a un droit légalement exécutoire d’examiner les documents en cause. Le BVG ne serait pas en mesure de suivre sa propre politique s’il n’avait pas de droit légalement exécutoire d’obtenir ces documents.

  1. La communication du contenu des documents nécessite-t-elle l’autorisation d’un cadre ou d’un employé d’une institution?

[15]    Dans le cas qui nous occupe, les documents ont été décrits comme contenant les renseignements personnels de nature très délicate d’employés du BVG. Ce dernier soutenait que l’enquêteur n’était aucunement tenu par son contrat de demander l’autorisation du BVG avant de communiquer les documents, mais il convient que l’enquêteur a des obligations à respecter concernant le traitement de tels renseignements personnels, car il est assujetti à la loi sur la protection de ceux-ci.

[16]    La Politique sur les enquêtes en milieu de travail du BVG prévoit certaines circonstances dans lesquelles la communication du contenu des documents serait appropriée. Le Commissariat est d’accord avec le BVG que, dans certaines circonstances, l’enquêteur ne serait pas tenu d’obtenir l’autorisation expresse du BVG pour communiquer ce type de renseignements.

[17]    Cependant, il convient également de se demander si l’enquêteur aurait eu besoin de l’autorisation du BVG pour communiquer le contenu des documents dans des circonstances autres que celles qui étaient considérées comme appropriées dans le cadre de l’enquête. Le Commissariat n’est pas d’avis que l’enquêteur pourrait, par exemple, publier des extraits des documents sur un site Web ou autrement divulguer l’information, sans l’autorisation du BVG. Il semble donc évident qu’il faudrait l’autorisation du BVG pour communiquer le contenu des documents.

[18]    Le Commissariat conclut qu’il faudrait l’autorisation du BVG pour communiquer le contenu des documents.

  1. L’institution s’est-elle appuyée sur les documents pour préparer des documents gouvernementaux?

[19]    Bien que le BVG ne semble pas s’être lui-même appuyé sur les documents pour préparer d’autres documents gouvernementaux, il est manifeste que le cabinet d’avocats s’est appuyé sur ceux-ci pour préparer d’autres documents gouvernementaux, à savoir les rapports préliminaire et final, qui ont ensuite été fournis au BVG.

[20]    L’enquêteur a fourni des services au BVG et il était payé avec des fonds publics. Par conséquent, l’enquêteur agissait au nom du gouvernement lorsqu’il s’est appuyé sur les documents en cause pour préparer les rapports préliminaire et final.

  1. Un cadre supérieur de l’institution peut-il raisonnablement s’attendre à obtenir une copie du document sur demande?

[21]    Au cours de l’enquête, un cadre supérieur du BVG a informé le Commissariat qu’il avait communiqué avec l’enquêteur et demandé une copie des documents en cause afin de les traiter en vertu de la Loi. Le BVG a informé le Commissariat que le cabinet d’avocats avait accepté d’en fournir une copie.

[22]    Compte tenu des facteurs susmentionnés, pris ensemble, le Commissariat conclut que les renseignements satisfont au critère énoncé dans la décision Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale). Les dépositions de témoins et la documentation sur laquelle se fonde le rapport final d’enquête relèvent du BVG et sont visées par la Loi.

[23]    Le BVG a finalement concédé que les documents en cause relevaient de lui et a accepté de les récupérer. Le BVG a obtenu les documents du cabinet d’avocats. Le BVG a également accepté de répondre à la demande d’accès, ce qui signifie communiquer les documents dans leur entièreté, à moins que les renseignements ne puissent être communiqués, en tout ou en partie, en vertu de dispositions précises de la Loi.

[24]    Le 8 août 2022, le BVG a fait une communication provisoire à la partie plaignante. Cette dernière a informé le Commissariat qu’elle était satisfaite de la réponse du BVG à la demande d’accès et qu’aucun autre document n’était nécessaire.

Résultat

[25]    La plainte est fondée.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

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