Commission canadienne des droits de la personne (Re), 2020 CI 3

Date : 2020-04-03
Numéro de dossier du Commissariat : 3215-00087
Numéro de dossier de l’institution : 106-3-2014-00028

Sommaire

[1]      La Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) a refusé de communiquer de l’information en invoquant le paragraphe 19(1) – renseignements personnels, l’article 22 – examens et vérifications et l’article 23 – secret professionnel de l’avocat de la Loi sur l’accès à l’information.

[2]      Au cours de l’enquête du Commissariat à l’information, la CCDP a accepté de communiquer toute l’information qu’elle avait auparavant refusé de divulguer au titre de l’article 22 de la Loi et des parties que la CCDP n’avait pas communiquées en invoquant le secret professionnel de l’avocat. La CCDP a refusé de communiquer l’information prélevée, mais elle n’a pas convaincu le Commissariat que le prélèvement de cette information satisfaisait à toutes les exigences du paragraphe 19(1) et de l’article 23 de la Loi.

[3]      Par conséquent, le Commissariat a produit un rapport recommandant à la CCDP de divulguer les parties de l’information qu’elle avait refusé de divulguer parce qu’il s’agissait selon elle de renseignements personnels et les parties de l’information qui étaient auparavant visées par le secret professionnel de l’avocat. La CCDP a accepté les recommandations et divulgué de l’information supplémentaire.

[4]      La plainte est fondée.

Plainte

[5]      Le plaignant conteste la décision de la CCDP d’invoquer le paragraphe 19(1) – renseignements personnels, l’article 22 – examens et vérifications et l’article 23 – secret professionnel de l’avocat pour ne pas divulguer de l’information en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Les documents répondant à la demande totalisaient 1 500 pages relatives au dossier de droits de la personne numéro 20111316 de la CCDP.

Enquête

Paragraphe 19(1) : renseignements personnels

[6]      Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.

[7]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements concernent une personne et non une société;
  • il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
  • les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des fonctionnaires).

[8]      Lorsque ces exigences sont satisfaites, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes existent :

  • la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
  • les renseignements sont accessibles au public;
  • la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[9]      Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[10]    La CCDP a appliqué ce paragraphe aux coordonnées personnelles d’employés du gouvernement ainsi qu’à des renseignements concernant les congés d’employés et les noms de plaignants à la CCDP. Je constate que les renseignements en question satisfont aux critères de l’exception.

[11]    La CCDP a également appliqué ce paragraphe à des numéros de dossier (pages 1137 et 1138 du document). La CCDP n’a pas été en mesure de démontrer que ces numéros de dossiers concernent des individus identifiables, car leur divulgation ne créerait pas de forte possibilité qu’un individu soit identifié.

[12]    Par conséquent, je conclus que les numéros de dossiers prélevés aux pages 1137 et 1138 ne satisfont pas aux critères de l’exception relative aux renseignements personnels.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire relativement à la communication de l’information?

[13]    Dans la mesure où l’exception relative aux renseignements personnels s’applique, la CCDP doit exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 19(2) de la Loi. Je suis d’avis qu’elle l’a fait. 

[14]    L’enquête confirme qu’il ne serait pas raisonnable, dans les circonstances, que la CCDP communique avec tous les individus nommés dans le dossier afin de leur demander leur consentement pour communiquer les renseignements. L’enquête confirme aussi que les renseignements personnels tels qu’ils figurent dans le document en cause ne sont pas accessibles au public. De plus, je suis d’avis que la CCDP a déterminé raisonnablement que la divulgation des renseignements personnels restants ne serait pas conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Article 22 : Examens et vérifications

[15]    Au cours de l’enquête, la CCDP a divulgué tous les renseignements qu’elle n’avait pas divulgués auparavant en vertu de l’article 22 de la Loi. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que j’analyse plus à fond l’application de cet article.

Article 23 : secret professionnel de l’avocat

[16]    L’article 23 permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire lorsque l’information concerne des avis juridiques donnés à un client. L’article 23 permet aussi aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le privilège du litige lorsque l’information a été préparée ou recueillie aux fins d’un litige.

[17]    Pour invoquer cette exception relativement à un avis juridique, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • l’information consiste en une communication entre un avocat ou un notaire et son client;
  • cette communication concerne directement les consultations ou les avis juridiques, y compris tous les renseignements nécessaires échangés en vue de l’obtention d’avis juridiques;
  • les communications et les conseils sont destinés à être confidentiels.

[18]    Lorsque ces exigences sont satisfaites, les institutions (à qui appartient le privilège) doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[19]    La CCDP a appliqué cet article de façon minimale aux documents consistant en une communication entre un client et son avocat dans le but d’obtenir un avis juridique. Dans ces cas, je constate que les renseignements satisfont aux critères du secret professionnel de l’avocat.

[20]    La CCDP a également invoqué cet article pour ne pas divulguer des ébauches de rapports d’enquête dans leur intégralité. Bien que je reconnaisse que les ébauches de rapports qui sont examinées par des conseillers juridiques peuvent être visées par le secret professionnel de l’avocat, je ne suis pas convaincue que la CCDP s’est acquittée du fardeau de la preuve dans cette enquête, en ce qui concerne les versions des ébauches de rapports en cause (aux pages 1151-1158, 1161-1173, 1190-1197, 1199-1206, 1209-1216, 1241-1253, 1257-1269).

[21]    Plus précisément, on ne m’a pas fourni de preuve ou d’observations comme quoi les versions de l’ébauche de rapports faisaient effectivement l’objet d’un examen par le conseiller juridique. Même si elles faisaient l’objet d’un examen par le conseiller juridique, il n’est pas clair qu’un avis juridique quelconque ait été effectivement fourni. Par conséquent, je conclus que la CCDP n’a pas démontré que les ébauches de rapports d’enquêtes satisfont aux critères de l’exception relative au secret professionnel de l’avocat.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire relativement à la communication de l’information?

[22]    Dans la mesure où l’exception relative au secret professionnel de l’avocat s’applique, la CCDP doit exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 23 de la Loi. Je suis d’avis qu’elle l’a fait, et ce, en tenant compte de tous les facteurs pertinents.

Résultats

[23]    Ayant conclu que la plainte est fondée, j’ai produit un rapport conformément au paragraphe 37(1) de la Loi, qui contenait les recommandations suivantes à l’intention de la CCDP :

  1. Divulguer les numéros de dossiers non divulgués en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi;
  2. Divulguer les ébauches de rapports d’enquête non divulgués en vertu de l’article 23 de la Loi.

[24]    La CCDP a répondu le 12 février 2020 et accepté de divulguer tous les renseignements visés par mon rapport. Je comprends qu’une divulgation supplémentaire a été préparée et envoyée au plaignant le 13 février 2020.

[25]    L’article 41 de la Loi confère au plaignant qui reçoit un compte rendu le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Le plaignant doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

Caroline Maynard
Commissaire à l’information du Canada

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