Défense nationale (Re), 2024 CI 34
Date : 2024-06-25
Numéro de dossier du Commissariat : 5822-07099
Numéro de la demande d’accès : A-2019-01864
Sommaire
La partie plaignante allègue que le ministère de la Défense nationale (MDN) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) de la Loi sur l’accès à l’information et n’a pas effectué une recherche raisonnable en réponse à la demande d’accès. La demande vise à obtenir des documents relatifs au financement d’un programme de résidence dans le secteur de la médecine pendant une période donnée. Les plaintes s’inscrivent dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Le MDN a admis qu’il n’avait pas appliqué le paragraphe 19(1) correctement lorsque cette disposition était invoquée et a fait une communication supplémentaire à la partie plaignante. La Commissaire à l’information était d’avis que les autres renseignements non communiqués satisfaisaient aux critères de l’exception.
Au cours de l’enquête, le MDN a effectué d’autres recherches et a trouvé des documents supplémentaires. La Commissaire a conclu que la recherche initiale effectuée par le MDN en réponse à la demande d’accès n’était pas raisonnable. De plus, l’enquête a permis de conclure que des documents supplémentaires pertinents auraient dû exister, mais que, pour diverses raisons, ils n’avaient pas été conservés par le MDN. La Commissaire a aussi conclu que le MDN n’a pas procédé à d’autres recherches pour s’assurer que tous les documents pertinents avaient été localisés au moment où il avait traité la demande.
La Commissaire a recommandé au MDN de veiller à ce que ses employés reçoivent de la formation et du soutien relativement aux responsabilités en matière de gestion de l’information et aux procédures connexes, et de veiller à ce qu’ils soient informés du fait qu’ils doivent se conformer à ces responsabilités. Le MDN a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite aux recommandations et a fait part de son plan visant à améliorer les pratiques de gestion des documents.
La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que le ministère de la Défense nationale (MDN), en réponse à une demande d’accès visant à obtenir des documents relatifs au financement d’un programme de résidence dans le secteur de la médecine pendant une période donnée, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de la disposition suivante de la Loi sur l’accès à l’information :
- le paragraphe 19(1) (renseignements personnels)
[2] La partie plaignante allègue aussi que :
- le MDN n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à la demande d’accès.
[3] Les allégations s’inscrivent dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Enquête
Exceptions
[4] Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements en vertu d’une exception, il lui incombe de démontrer que ce refus est justifié.
Paragraphe 19(1) : renseignements personnels
[5] Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.
[6] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- les renseignements concernent une personne, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
- il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
- les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des fonctionnaires).
[7] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes existent :
- la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
- les renseignements sont accessibles au public;
- la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
[8] Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[9] Le 30 novembre 2023, le MDN a admis qu’il n’avait pas appliqué le paragraphe 19(1) correctement et a fait une communication supplémentaire à la partie plaignante en divulguant la majeure partie de ce qui avait été précédemment caviardé. Toutefois, certains renseignements continuent de faire l’objet d’un refus de communication. Les autres renseignements peuvent être classés en trois catégories : les signatures des personnes, les données personnelles et noms des candidats ainsi que les courriels personnels.
[10] Au cours de l’enquête, le Commissariat à l’information a examiné les autres renseignements afin de vérifier si les critères du paragraphe 19(1) ont été satisfaits. L’examen des documents a permis de conclure que les autres renseignements concernent une personne. Il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne et que les renseignements ne soient pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels ».
[11] Par conséquent, je suis d’avis que les autres renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1).
L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?
[12] Étant donné que les renseignements satisfont aux critères du paragraphe 19(1), le MDN était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 19(2) afin de décider de communiquer ou non les renseignements lorsqu’au moins l’une des circonstances décrites au paragraphe 19(2) existait au moment de la réponse.
[13] Le Commissariat a confirmé que les circonstances décrites au paragraphe 19(2) ne s’appliquent pas aux autres renseignements, à l’exception du consentement. Ainsi, compte tenu de la portée de la demande et du fait que les autres renseignements concernent des candidats à un programme de résidence dans le secteur de la médecine, le Commissariat estime qu’il est raisonnable que le MDN n’ait pas pris de mesures visant à obtenir le consentement de chacune de ces personnes.
[14] Selon les observations fournies, je suis d’avis que le MDN a pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’il a décidé de ne pas divulguer les autres renseignements non communiqués.
[15] Par conséquent, l’exercice du pouvoir discrétionnaire par le MDN était raisonnable.
Recherche raisonnable
[16] Le MDN est tenu d’effectuer une recherche raisonnable pour les documents visés par la demande d’accès, c’est-à-dire qu’un ou des employés expérimentés de l’institution ayant une connaissance du sujet de la demande d’accès doivent avoir fait des efforts raisonnables pour repérer et localiser tous les documents raisonnablement liés à la demande.
[17] Une recherche raisonnable correspond au niveau d’effort attendu de toute personne sensée et juste à qui l’on demande de chercher les documents pertinents à l’endroit où ils sont susceptibles d’être conservés.
[18] Il n’est pas nécessaire que cette recherche soit parfaite. Une institution n’est donc pas tenue de prouver hors de tout doute qu’il n’existe pas d’autres documents. Les institutions doivent toutefois être en mesure de démontrer qu’elles ont fait des démarches raisonnables pour repérer et localiser les documents pertinents.
L’institution a-t-elle effectué une recherche raisonnable de documents?
[19] Dans sa réponse initiale, le MDN a trouvé 292 pages de documents dont certains renseignements n’avaient pas été communiqués en vertu du paragraphe 19(1). À la suite de l’enquête, le MDN a trouvé 3 pages de documents supplémentaires qui, par hasard, correspondent à la pièce jointe mentionnée aux pages 48 et 50 des documents pertinents. Ces pages faisaient partie de la communication supplémentaire fournie à la partie plaignante le 30 novembre 2023.
[20] L’enquête a permis de confirmer que le MDN avait chargé le bureau de responsabilité approprié afin de rechercher les documents pertinents et que les détails de cette recherche étaient adéquats.
[21] À la suite d’autres questions posées par le Commissariat, le MDN a expliqué qu’il y avait trois personnes qui pourraient détenir des documents pertinents concernant les programmes de résidence en médecine familiale. L’enquête a révélé que, parmi ces trois personnes, deux d’entre elles ne pouvaient les fournir. Une personne a perdu tous ses documents datant de 2018 à 2021 à la suite d’une défaillance d’un lecteur de disque dur externe. Selon le MDN, l’autre personne n’a pas sauvegardé les documents avant de quitter le MDN. Quant à la troisième personne, elle a été en mesure de communiquer des documents et a fourni des explications sur le programme mentionné dans la demande d’accès.
[22] Le MDN a confirmé que des mesures avaient été prises pour tenter de récupérer les documents perdus, mais en vain.
[23] Au cours de l’enquête, le MDN a expliqué que la seule personne qui avait initialement contacté les responsables des programmes de résidence en médecine familiale, et qui auraient donc reçu du courrier des responsables des programmes ayant refusé de participer, ne travaille plus pour le Ministère. Aucun courriel n’a été sauvegardé dans un répertoire qui est accessible aux collègues.
[24] D’après l’enquête menée, je suis d’avis que la recherche initiale effectuée par le MDN en réponse à la demande d’accès n’était pas raisonnable. En l’espèce, il était évident que des documents supplémentaires pertinents auraient dû exister au moment où la demande avait été reçue. Je suis d’avis qu’il était déraisonnable de la part du MDN de ne pas avoir procédé à d’autres recherches.
[25] Toutefois, en raison des mesures supplémentaires prises par le MDN au cours de l’enquête, je suis maintenant d’avis que le Ministère a effectué une recherche raisonnable.
[26] L'enquête soulève de sérieuses préoccupations quant aux pratiques de gestion de l'information au sein du MDN et met en évidence certaines déficiences qui se répercutent sur le droit d'accès. Le droit d’accès ne peut exister sans documents. Par conséquent, il est tributaire de deux facteurs : une documentation adéquate par les institutions et la conservation de documents à valeur opérationnelle. L’enquête a permis de mettre en évidence l’importance de ces questions. Je me dois de rappeler au MDN l'importance d'adopter de meilleures pratiques en matière de gestion des documents afin d'éviter des situations de ce genre.
Résultat
[27] La plainte est fondée parce que :
- le MDN a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 19(1);
- le MDN n’a pas effectué une recherche raisonnable lorsqu’il a initialement traité la demande.
Recommandations
Je recommande au ministre de la Défense nationale de veiller à ce que les employés du MDN reçoivent de la formation et du soutien relativement aux responsabilités en matière de gestion de l’information et aux procédures connexes, et de veiller à ce qu’ils soient informés du fait qu’ils doivent se conformer à ces responsabilités. Une bonne gestion de l'information est fondamentale pour assurer l'efficacité, la responsabilité et la transparence de l'organisation.
Rapport et avis de l’institution
Le 3 mai 2024, j’ai transmis au ministre de la Défense nationale mon rapport dans lequel je présentais mes recommandations.
Le 31 mai 2024, la sous-ministre de la Défense nationale m'a avisée que le MDN donnerait suite à mes recommandations. Plus particulièrement, la sous-ministre m'a informée que le MDN reconnaît toute l'importance de l'accès et de la transparence et s’engage à apporter des améliorations dans ces domaines. Le MDN a aussi confirmé que, depuis avoir reçu l'avis de plainte du Commissariat, il a pris des mesures pour améliorer les pratiques de gestion de l'information dans l'ensemble de l'organisation. Le MDN a notamment :
- renforcé la collaboration entre les équipes chargées de la gestion de l'information, de la transformation numérique et de l'accès à l'information; les équipes travaillent à l'établissement de mesures et de rapports mieux adaptés afin de cerner d'autres domaines où il convient d’accroître la sensibilisation et d'améliorer les pratiques de gestion de l'information.
- publié des normes en matière de métadonnées; un ensemble de normes de référence pour les métadonnées a été établi afin d’assurer la cohérence, la précision et la fiabilité de la gestion des données, de sorte à améliorer la capacité à localiser, à utiliser et à communiquer efficacement les renseignements;
- publié les cours à jour sur la gestion de l'information et les a présentés au personnel.
Le MDN a aussi fait part de son plan visant à poursuivre ses efforts en matière de gestion de l'information pour l’exercice 2024-2025, lequel est axé sur l'amélioration de l'apprentissage et du soutien lié au rendement de la gestion de l'information, sur les mesures liées à l'accès à l'information et sur la modernisation de la gestion de l'information.
Révision devant la Cour fédérale
Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. Quiconque exerce un recours en révision doit le faire dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, toute ordonnance rendue prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.