Transports Canada (Re), 2021 CI 17
Date : 2021-05-25
Numéro de dossier du Commissariat : 5819-02078
Numéro de dossier de l’institution : A-2019-00337
Sommaire
La partie plaignante allègue que Transports Canada a erronément refusé de communiquer, en vertu de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information, des renseignements en lien avec des services de médiation fournis par l’Institut canadien pour la résolution des conflits (ICRC). Transports Canada a appliqué l’alinéa 20(1)b) à certains renseignements figurant sur les factures qu’il a reçues d’ICRC. Dans ses observations, l’ICRC a soutenu que l’exception avait été correctement appliquée. La Commissaire à l’information a convenu qu’il était justifié de refuser la communication du taux horaire du tiers et du nombre d’heures facturées, puisque ces données révéleraient des renseignements commerciaux. ; l’ICRC a toujours traité ces renseignements comme étant confidentiels. Toutefois, la Commissaire a conclu que la description des services facturés, les dates auxquelles ils ont été fournis, le sous-total des frais, le montant des taxes appliquées, le « montant total » et le « montant payé » ne peuvent faire l'objet d'un refus de communication en vertu de l’alinéa 20(1)b), puisqu’ils ne satisfont pas aux critères prévus à cet alinéa.
La Commissaire a ordonné à Transports Canada de communiquer ces renseignements caviardés. Le ministre des Transports a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance.
La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que Transports Canada a erronément refusé de communiquer, en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) et de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information, des renseignements en lien avec des services de médiation fournis par l’Institut canadien pour la résolution des conflits (ICRC).
[2] Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire que le Commissariat à l’information enquête sur l’application du paragraphe 19(1).
Enquête
Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers
[3] L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).
[4] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
- les renseignements sont de nature confidentielle;
- le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
- le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.
[5] Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
[6] Les institutions doivent également exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes existent :
- la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
- l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.
[7] Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)b) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[8] L’alinéa 20(1)b) a été appliqué à certains renseignements figurant sur les factures que l’ICRC a envoyées à Transports Canada. Ce dernier a caviardé la description des services facturés, les dates auxquelles ils ont été fournis, le sous-total des frais, le montant des taxes appliquées, le « montant total », le « montant payé », le taux horaire du tiers et le nombre d'heures facturées. Quant au montant dû, il a été communiqué.
[9] Dans ses observations, l’ICRC a soutenu que les renseignements caviardés constituent des renseignements « financiers », puisqu’ils figurent sur les factures envoyées à Transports Canada. Il a en outre soutenu que les renseignements caviardés constituent également des renseignements confidentiels, puisqu’ils n’ont été fournis qu’à Transports Canada. Selon l’ICRC, il a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels et il exige que la personne qui traite les factures détienne une cote de sécurité de manière à préserver cette confidentialité.
[10] Au cours de l’enquête, Transports Canada a convenu, après avoir examiné à nouveau l’application de l’alinéa 20(1)b), qu’il n’était pas justifié, en vertu de cette exception, de refuser la communication de la description des services facturés, des dates auxquelles ils ont été fournis, du sous-total des frais, du montant des taxes appliquées, du « montant total » et du « montant payé ». Il a toutefois soutenu que le taux horaire du tiers et le nombre d’heures facturées satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)b), ce qui justifie le refus de communication.
[11] Après avoir examiné les renseignements en cause et les observations reçues, je suis d’avis que l’alinéa 20(1)b) a correctement été appliqué pour ce qui est du refus de communiquer le taux horaire du tiers et le nombre d'heures facturées. Ces données révéleraient des renseignements commerciaux de nature confidentielle selon une norme objective, qui ont été fournis à une institution fédérale par un tiers et qui ont toujours été traités comme étant confidentiels par celui-ci.
[12] Toutefois, je ne suis pas convaincue que les autres renseignements caviardés (soit la description des services facturés, les dates auxquelles ils ont été fournis, le sous-total des frais, le montant des taxes appliquées, le « montant total » et le « montant payé ») répondent à l’ensemble des critères nécessaires pour refuser la communication en vertu de l’alinéa 20(1)b).
[13] De manière plus précise, je ne suis pas convaincue que la description des services de médiation et les dates auxquelles ils ont été fournis renferment des renseignements financiers, scientifiques, commerciaux ou techniques de tiers qui permettent de satisfaire le premier critère de l’alinéa 20(1)b).
[14] En ce qui concerne le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b), je ne suis pas convaincue que, selon une norme objective, le sous-total des frais, le montant des taxes appliquées et le « montant total » puissent être considérés comme étant des renseignements « confidentiels ». La raison étant que ces renseignements peuvent facilement être établis d’après les éléments déjà communiqués (soit en divisant le montant dû par le taux actuel de la taxe, ce qui révèle le sous-total, le montant des taxes appliquées et le montant total).
[15] En ce qui concerne le troisième critère, je ne suis pas convaincue que le montant payé constitue un renseignement fourni à Transports Canada par le tiers.
[16] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les renseignements ayant trait à la description des services facturés, aux dates auxquelles ils ont été fournis, au sous-total des frais, au montant des taxes appliquées, au « montant total » et au « montant payé » ne peuvent faire l'objet d'un refus de communication en vertu de l’alinéa 20(1)b).
Résultat
La plainte est fondée.
Ordonnance
Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information, j’ordonne au ministre des Transports ce qui suit :
- Communiquer la description des services facturés, les dates auxquelles ils ont été fournis, le sous-total des frais, le montant des taxes appliquées, le « montant total » et le « montant payé »;
- Communiquer ces renseignements dans un délai de 10 jours suivant la date de prise d’effet de cette ordonnance, en vertu de l’alinéa 36.1(4)b);
- Envoyer une copie de la lettre de réponse au Greffe du Commissariat à l’information par courriel (Greffe-Registry@oic-ci.gc.ca).
Le 12 avril 2021, j’ai transmis au ministre des Transports mon rapport dans lequel je présentais l’ordonnance que j’avais l’intention de rendre.
Le 10 mai 2021, le ministre des Transports m’a avisée qu’il donnerait suite à mon ordonnance.
J’ai aussi fait parvenir le présent compte rendu à l’Institut canadien pour la résolution des conflits.
Les institutions doivent se conformer aux conditions et aux délais prévus au paragraphe 37(4) lorsqu'elles communiquent des documents en réponse à mon ordonnance.
L’article 41 de la Loi confère à tous les destinataires du présent compte rendu le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante et l’institution doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu. Si celle-ci n’exerce pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. La personne qui exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prendra effet conformément au paragraphe 36.1(4).