Gendarmerie royale du Canada (Re), 2024 CI 42

Date : 2024-07-16
Numéro de dossier du Commissariat : 5822-04248
Numéro de la demande d’accès : A-2020-08180

Sommaire

La partie plaignante allègue que la Gendarmerie royale du Canada (GRC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 16(1)a) (organismes d’enquête) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des rapports d’enquête sur le décès de deux personnes. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

La GRC a démontré qu’elle satisfaisait à tous les critères de ces exceptions. De plus, la Commissaire à l’information est d’avis que la GRC a pris en considération tous les facteurs pertinents et qu’elle a exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de ne pas communiquer les renseignements. Cela étant dit, la Commissaire continue de recommander d’envisager de modifier l’article 26 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et l’article 19 de la Loi sur l’accès à l’information (articles concernant les renseignements personnels) afin de donner au responsable d’une institution le pouvoir discrétionnaire de communiquer des renseignements au sujet d’une personne décédée à un parent proche pour des raisons d’ordre humanitaire, comme il est actuellement possible dans plusieurs provinces.

La plainte est non fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que la Gendarmerie royale du Canada (GRC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 16(1)a) (organismes d’enquête) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des renseignements relatifs à l’enquête sur le décès de deux personnes. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

[2]      Le Commissariat à l’information mène une enquête distincte sur l’allégation de la partie plaignante selon laquelle la GRC n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à la demande d’accès (5822-04249).

Enquête

[3]      Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements en vertu d’une exception, il lui incombe de démontrer que ce refus est justifié.

Alinéa 16(1)a) : organismes d’enquêtes

[4]      L’alinéa 16(1)a) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements obtenus ou préparés par des organismes d’enquête spécifiques dans le cadre d’enquêtes.

[5]      Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

[6]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements ont été obtenus ou préparés par un organisme d’enquête mentionné à l’annexe I du Règlement sur l’accès à l’information;
  • les renseignements ont été obtenus ou préparés au cours d’une enquête licite qui relève des pouvoirs de l’organisme d’enquête;
  • les renseignements portent sur une enquête ayant trait à un des éléments suivants :
    • la détection, la prévention ou la répression du crime;
    • le respect des lois du Canada ou d’une province (y compris les règlements municipaux);
    • des activités soupçonnées de constituer des menaces envers la sécurité du Canada au sens de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.

[7]      Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[8]      La partie plaignante est le conseiller juridique représentant la mère des deux personnes décédées visées par la demande en l’espèce. Cette dernière fait suite à d’autres demandes d’accès et recours judiciaires visant à obtenir des renseignements supplémentaires sur les décès des deux personnes.

[9]      En réponse à la demande d’accès, la GRC a affirmé qu’une recherche de documents avait été effectuée et que tous les renseignements examinés étaient visés par les exceptions prévues aux sous-alinéas 16(1)a)(i) (détection, prévention ou répression du crime) et 16(1)a)(ii) (application de toute loi du Canada ou d’une province). La GRC a aussi confirmé qu’elle avait exercé son pouvoir discrétionnaire et communiqué certains renseignements à la partie plaignante. Elle a cependant refusé la communication de la plupart des renseignements.

[10]    La GRC a démontré que les documents avaient été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès, qu’ils ont été obtenus ou préparés par la GRC, un organisme d’enquête énuméré à l’annexe I du Règlement sur l’accès à l’information, et que les renseignements avaient été obtenus ou préparés au cours d’une enquête licite qui relève des pouvoirs de l’organisme d’enquête visant la détection, la prévention ou la répression d’un crime et l’application du Code criminel du Canada et de la Loi sur les coroners.

[11]    Je conclus donc que les renseignements satisfont aux critères de l’exception prévue à l’alinéa 16(1)a).

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[12]    Étant donné que l’information satisfait aux critères de l’alinéa 16(1)a), la GRC devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non l’information. Pour ce faire, la GRC devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.

[13]    La GRC n’a pas à fournir une analyse détaillée de chaque facteur considéré ni expliquer comment ils ont été mesurés les uns par rapport aux autres. Cependant, une déclaration générale selon laquelle l’institution a exercé son pouvoir discrétionnaire et tenu compte de tous les facteurs pertinents ne suffit pas.

[14]    Compte tenu des observations de la GRC, le Commissariat a conclu que cette dernière avait considéré les facteurs pertinents pour et contre la communication, y compris l’intégrité de son enquête et la protection des renseignements personnels des personnes décédées, par rapport aux intérêts personnels de la partie plaignante. La GRC a finalement décidé de ne pas divulguer de renseignements supplémentaires à la partie plaignante.

[15]    Bien que je doive conclure que la GRC a appliqué correctement la Loi sur l’accès à l’information en l’espèce, je me dois de mentionner que cette enquête, de même que d’autres enquêtes récentes sur des situations malheureusement similaires, révèle ce que j’estime être une lacune quant au chevauchement de la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l’accès à l’information, dans leur forme actuelle.

[16]    J’ai déjà recommandé, et je continuerai de le faire, d’envisager de modifier l’article 26 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et l’article 19 de la Loi sur l’accès à l’information (articles concernant les renseignements personnels) afin de donner au responsable d’une institution le pouvoir discrétionnaire de communiquer des renseignements au sujet d’une personne décédée à un parent proche pour des raisons d’ordre humanitaire. Je crois qu’une telle modification permettrait au responsable d’une institution de prendre une décision en fonction de facteurs contextuels contradictoires, dont des raisons d’ordre humanitaire, comme il est actuellement possible de le faire dans plusieurs provinces.

[17]    Je conclus que la GRC a pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’elle a décidé de ne pas communiquer les renseignements. L’exercice du pouvoir discrétionnaire par la GRC était donc raisonnable.

Résultat

[18]    La plainte est non fondée.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.

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