Logement, Infrastructures et Collectivités Canada (Re), 2024 CI 47

Date : 2024-07-24 
Numéro de dossier du Commissariat : 5819-00040 
Numéro de la demande d’accès : A-2018-117

Sommaire

La partie plaignante allègue que Logement, Infrastructures et Collectivités Canada (Infrastructure Canada), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et du paragraphe 24(1) (communication restreinte par une autre loi) de la Loi sur l’accès à l’information . La demande vise tous les documents officiels du groupe Signature sur le Saint-Laurent (groupe SSL) réclamant un paiement à Infrastructure Canada de janvier 2016 à mars 2019. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi .

Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire de mener une enquête sur le refus de communiquer les numéros de TPS/TVP, les renseignements bancaires et les renseignements dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 19(1).

Infrastructure Canada et le groupe SSL ont démontré que les renseignements relatifs aux prix et aux relations contractuelles satisfaisaient aux critères de l’alinéa 20(1)c), mais n’ont pas pu démontrer que les autres renseignements non communiqués satisfaisaient aux critères de l’alinéa 20(1)b), de l’alinéa 20(1)c) ou du paragraphe 24(1).

La Commissaire à l’information a ordonné à Infrastructure Canada de communiquer le reste des renseignements visés par la plainte autres que ceux relatifs prix et aux relations contractuelles.

Infratructure Canada a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que Logement, Infrastructures et Collectivités Canada (Infrastructure Canada), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et du paragraphe 24(1) (communication restreinte par une autre loi) de la Loi sur l’accès à l’information . La demande vise tous les documents officiels du groupe Signature sur le Saint-Laurent (groupe SSL) réclamant un paiement à Infrastructure Canada de janvier 2016 à mars 2019. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi .

[2]      Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat à l’information de mener une enquête sur le refus de communiquer les numéros de TPS/TVP, les renseignements bancaires et les renseignements dont la communication a été refusée en vertu du paragraphe 19(1).

Enquête

[3]      Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[4]      Le Commissariat a demandé des observations au groupe SSL, conformément à l’alinéa 35(2)c). J’ai avisé le groupe SSL, en vertu de l’article 36.3, que je n’étais pas d’avis que les critères des exceptions étaient satisfaits pour des renseignements précis le concernant.

[5]      Infrastructure Canada et la partie plaignante ont également été invités à présenter des observations dans le cadre de l’enquête. Avec ses observations, Infrastructure Canada m’a fourni une copie partielle de l’accord relatif au projet pertinent entre Infrastructure Canada et le groupe SSL.

[6]      Pour prendre ma décision, j’ai considéré toutes les observations présentées par le groupe SSL, Infrastructure Canada et la partie plaignante.

Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers

[7]      L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.

[8]      Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[9]      Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[10]    Infrastructure Canada a appliqué l’alinéa 20(1)c) en parallèle avec l’alinéa 20(1)b) pour refuser de communiquer le reste des renseignements en cause.

[11]    Les documents contiennent des montants détaillés et les observations du groupe SSL portaient principalement sur ces types de renseignements financiers.

[12]    Je conviens que la divulgation de renseignements financiers qui donnent un aperçu des prix et des relations contractuelles pourrait donner aux concurrents du groupe SSL un avantage par rapport à celui-ci lorsqu’ils seront en concurrence pour des travaux futurs. Ces renseignements se limitent à des noms de fournisseurs et à des détails qui révèlent des prix et des coûts en particulier. Puisque le groupe SSL est un consortium constitué précisément pour ce projet, les travaux futurs pertinents seraient probablement limités (par exemple, des travaux supplémentaires qui seraient nécessaires sur le pont et qui ne seraient pas inclus dans la portée du projet), mais compte tenu des observations reçues du groupe SSL, il est évident que celui-ci a l’intention de présenter des soumissions pour des travaux futurs pertinents.

[13]    Le groupe SSL a indiqué un autre type de renseignements dont la communication pourrait causer un préjudice. Selon le groupe SSL, la communication de ces renseignements pourrait être perçue négativement par les maîtres d’ouvrage lors de soumissions futures. Je conclus cependant que cet argument se fonde entièrement sur des suppositions. Ni le groupe SSL ni Infrastructure Canada n’ont fourni d’élément de preuve démontrant que la communication d’autres renseignements dans le contexte de cette demande d’accès pourrait vraisemblablement causer un tel préjudice.

[14]    Pour que l’alinéa 20(1)c) s’applique, il doit y avoir un lien clair et direct entre la communication de renseignements précis et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité ou conjecture [voir Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé) , 2012 CSC 3, para 197, 206].

[15]    Outre les renseignements liés aux prix et aux relations contractuelles, ni le groupe SSL ni Infrastructure Canada n’ont adéquatement établi en quoi le reste des renseignements en cause pourrait être utilisé par les concurrents du groupe SSL pour nuire au tiers.

[16]    Je conclus que seuls les renseignements relatifs aux prix et aux relations contractuelles dont Infrastructure Canada a refusé la communication en vertu de l’alinéa 20(1)c) satisfont aux critères de cette exception.

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[17]    L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[18]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[19]    Infrastructure Canada a appliqué l’alinéa 20(1)b) en parallèle avec l’alinéa 20(1)c) pour refuser de communiquer le reste des renseignements, soit les suivants :

  • le numéro d’entreprise – approvisionnement;
  • la section des factures présentant la description complète;
  • la ventilation des coûts sous la colonne « Total » (le sous-total et le total ont été communiqués).

[20]    Le groupe SSL a indiqué qu’il consent maintenant à la communication du numéro d’entreprise – approvisionnement. De toute façon, je remarque que ni le groupe SSL ni Infrastructure Canada n’ont présenté d’observations suffisantes à l’appui de l’application de l’alinéa 20(1)b) à ces renseignements.

[21]    Je conviens que les descriptions dans les factures contiennent des renseignements financiers, commerciaux et techniques, et que la ventilation des coûts est de nature financière. La plupart de ces renseignements satisfont donc au premier critère de l’exception. Pour ce qui est des renseignements qui n’y satisfont pas, j’ai également conclu, comme je l’explique ci-dessous, qu’ils ne sont pas objectivement confidentiels.

[22]    Le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b) exige que les renseignements soient confidentiels, selon une norme objective. Par conséquent, une partie qui affirme que les renseignements sont confidentiels en vertu de l’alinéa 20(1)b) doit établir que chacune des conditions suivantes a été satisfaite :

  • le contenu du document est tel que les renseignements qu’il contient ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, ou ne peuvent être obtenus par observation ou par étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef;
  • les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • les documents doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou parce qu’ils sont fournis gratuitement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et que la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt public. [Voir Air Atonabee Ltd. (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports) , [1989] A.C.F. no 453]; voir aussi Merck Frosst Canada Ltd. c. Canada (Santé) , 2012 CSC 3, para 133.]

[23]    Je conviens que le public n’a pas accès aux renseignements en cause.

[24]    Dans sa décision dans l’affaire AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la santé) , 2005 CF 189, au para 76, la Cour fédérale a statué qu’une « partie qui cherche à obtenir […] des fonds ou des contrats du gouvernement, ne peut s’attendre à jouir du même degré de confidentialité qu’une partie qui aide le gouvernement ».

[25]    Le groupe SSL et Infrastructure Canada ont affirmé que la confidentialité de ces renseignements était prévue dans l’accord relatif au projet. La Cour fédérale a cependant statué qu’une telle clause ne permet pas aux parties de se soustraire à l’application de la Loi [ St Joseph Corporation c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada) , 2002 CFPI 274, au para 55]. Par conséquent, même si la présence d’une clause de confidentialité est un facteur utilisé pour établir la confidentialité objective, ce n’est pas un facteur déterminant. Infrastructure Canada m’a fourni une copie partielle de l’accord relatif au projet. Celle-ci ne contient pas certains renseignements cruciaux comme la définition du terme « renseignement confidentiel ». Je ne peux donc pas me fonder sur cette copie partielle de l’accord pour établir dans quelle mesure le groupe SSL pouvait vraisemblablement s’attendre à ce que les renseignements en cause ne soient pas divulgués.

[26]    Bien qu’il puisse y avoir une attente raisonnable que certains des renseignements non communiqués demeurent confidentiels selon l’accord, comme la ventilation des coûts, je ne suis pas convaincue que cela soit le cas pour l’ensemble des renseignements non communiqués. Puisque j’ai conclu que ces ventilations détaillées de coûts satisfont aux critères d’une autre exception, il n’est pas nécessaire d’établir si elles satisfont également aux critères de l’alinéa 20(1)b).

[27]    En outre, je ne suis pas d’avis que le groupe SSL ou Infrastructure Canada ont établi que l’ensemble de ces renseignements ont été communiqués dans le cadre d’une relation et que la confidentialité des renseignements favorise celle-ci dans l’intérêt public. Les renseignements concernent des dépenses de fonds publics considérables. Dans la décision Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) c. The Hi-Rise Group Inc. , 2004 CAF 99, au para 41, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

En l’absence de circonstances particulières (notamment de sécurité nationale), je ne vois pas comment l’intérêt public pourrait bénéficier de la confidentialité des montants payés ou payables par le gouvernement conformément à des obligations contractuelles avec des tiers.

[28]    Compte tenu de la somme considérable de fonds publics dépensée pour le projet, il semble que des renseignements généraux sur les travaux réalisés en échange de ces fonds seraient d’un grand intérêt pour le public.

[29]    Ni le groupe SSL ni Infrastructure Canada n’ont présenté d’observations établissant en quoi la confidentialité des renseignements en cause favorise la relation entre le groupe SSL et Infrastructure Canada dans l’intérêt public. Le prélèvement et la communication de détails relativement inoffensifs dans la description ne nuiraient probablement pas à la relation entre Infrastructure Canada et le groupe SSL ou un tiers similaire dans le cadre de projets futurs. En outre, la communication de certains renseignements concernant la dépense d’une somme considérable de fonds publics est d’intérêt public.

[30]    Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que les critères de confidentialité objective sont satisfaits pour les renseignements qui, selon mes conclusions, ne satisfont pas déjà aux critères de l’alinéa 20(1)c).

[31]    Quant au troisième critère de l’alinéa 20(1)b), bien que l’équipe de projet chargée des entrepreneurs en construction ait recueilli toutes les données et produit les factures, je ne suis pas convaincue que tous les renseignements figurant dans ces dernières ont été fournis par un tiers à Infrastructure Canada. Ni le groupe SSL ni Infrastructure Canada n’ont abordé de façon adéquate le fait que certains détails et montants de paiements auraient été déterminés dans le cadre d’un accord entre le gouvernement et le tiers. Même si les factures ont été fournies par le groupe SSL, certains des renseignements qu’elles contiennent proviennent manifestement du gouvernement, comme le numéro d’entreprise – approvisionnement. En outre, les modalités contractuelles convenues par des parties ne peuvent généralement pas être considérées comme ayant été fournies par un tiers. Ni le groupe SSL ni Infrastructure Canada n’ont fourni de détails concernant les montants et les renseignements qui avaient été convenus.

[32]    Quant au dernier critère de l’alinéa 20(1)b), compte tenu des observations présentées par le groupe SSL et Infrastructure Canada, je conviens que le groupe SSL a toujours traité les renseignements non communiqués comme étant confidentiels.

[33]    Par conséquent, je conclus que le reste des renseignements en cause dont la communication a été refusée satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)b).

Paragraphe 24(1): communication restreinte par une autre loi

[34]    Le paragraphe 24(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication est restreinte par une disposition de l’annexe II de la Loi sur l’accès à l’information .

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[35]    Infrastructure Canada a appliqué le paragraphe 24(1) au numéro d’entreprise – approvisionnement du tiers, en parallèle avec l’alinéa 20(1)b). Infrastructure Canada semble avoir invoqué l’article 295 de la Loi sur la taxe d’accise pour refuser de communiquer ces renseignements, mais il n’a pas confirmé que c’était le cas.

[36]    Le groupe SSL a indiqué qu’il ne s’opposait pas à la communication du numéro d’entreprise – approvisionnement, et ni le groupe SSL ni Infrastructure Canada n’ont fourni d’observations suffisantes pour appuyer l’application de l’une ou l’autre des dispositions de l’annexe II à ces renseignements.

[37]    Je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères du paragraphe 24(1).

Résultat

[38]    La plainte est fondée.

Ordonnances et recommandations

J’ordonne à l’administratrice générale d’Infrastructure Canada ce qui suit :

  1. Communiquer le numéro d’entreprise – approvisionnement;
  2. Communiquer le reste des renseignements visés par la plainte qui, selon mes conclusions, ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)c).

Rapport et avis de l’institution

Le 11 juin 2024, j’ai transmis à l’administratrice générale mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances.

Le 8 juillet 2024, la directrice, AIPRP et Correspondance de la haute direction, Infrastructure Canada, m’a avisée qu’Infrastructure Canada donnerait suite aux ordonnances.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi , la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. La partie plaignante et/ou l’institution doivent exercer un recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu. Si celle-ci n’exerce pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. Quiconque exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, toute ordonnance rendue prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

Autres destinataires du compte rendu

Conformément au paragraphe 37(2), le présent compte rendu a été envoyé au groupe SSL.

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