Défense nationale (Re), 2023 CI 05
Date : 2023-03-01
Numéro de dossier du Commissariat : 5822-02699
Numéro de dossier de l’institution : A-2022-00127
Sommaire
La partie plaignante allègue que le ministère de la Défense nationale (MDN) n’a pas répondu dans le délai de 30 jours prévu à l’article 7 de la Loi sur l’accès à l’information à une demande d’accès visant tous les documents liés à des campagnes de communications stratégiques pour gérer les perceptions au sujet des drones. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Le MDN n’a pas répondu à la demande, estimant qu’elle ne satisfaisait pas aux critères de l’article 6 de la Loi.
L’enquête a permis de conclure que la demande satisfaisait aux critères de l’article 6 de la Loi et que, par conséquent, le MDN aurait dû pouvoir la traiter sans avoir besoin de précisions. Le MDN était en situation de présomption de refus aux termes du paragraphe 10(3).
La Commissaire à l’information a ordonné au MDN de fournir une réponse complète à la demande d’accès.
Le MDN l’a avisée qu’il donnerait suite à son ordonnance.
La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que le ministère de la Défense nationale (MDN) n’a pas répondu dans le délai de 30 jours prévu à l’article 7 de la Loi sur l’accès à l’information à une demande d’accès visant tous les documents liés à des campagnes de communications stratégiques pour gérer les perceptions au sujet des drones. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Enquête
Délais pour répondre aux demandes d’accès
[2] L’article 7 exige que les institutions répondent aux demandes d’accès dans un délai de 30 jours, à moins qu’elles aient transmis la demande à une autre institution ou pris une prorogation de délai valide parce qu’elle satisfait aux critères de l’article 9. Lorsqu’une institution ne répond pas à une demande dans le délai de 30 jours ou dans le délai prorogé, elle est réputée avoir refusé de communiquer les documents en vertu du paragraphe 10(3).
[3] L’institution est néanmoins tenue de fournir une réponse à la demande.
Qu’est-ce qu’une réponse?
[4] La réponse à une demande d’accès doit être écrite et elle doit indiquer si l’institution communique les documents demandés, en tout ou en partie.
- Lorsque la réponse de l’institution indique qu’elle communique les documents, en tout ou en partie, l’institution doit les communiquer.
- Lorsque la réponse de l’institution indique qu’elle refuse de communiquer les documents, en tout ou en partie, l’institution doit expliquer que les documents n’existent pas ou qu’elle refuse de les communiquer, en tout ou en partie, en vertu d’une exception précise, et elle doit identifier cette disposition.
[5] Dans des circonstances précises, l’institution peut refuser de confirmer ou de nier l’existence des documents, en vertu du paragraphe 10(2).
L’institution a-t-elle répondu dans les délais?
[6] Le ministère de la Défense nationale (MDN) a reçu la demande d’accès le 19 avril 2022. Elle n’a ni prorogé le délai de réponse en vertu du paragraphe 9(1) ni transmis la demande à une autre institution. Le 21 juin 2022, le MDN informé la partie plaignante qu’il refusait de traiter la demande, car il estimait qu’elle ne satisfaisait pas aux critères de l’article 6 de la Loi sur l’accès à l’information.
[7] Lorsqu’une institution refuse de traiter une demande en vertu de la Loi, il lui incombe de démontrer que ce refus est justifié.
Article 6 : demandes de communication
[8] L’article 6 de la Loi prévoit que la demande de communication d’un document se fait par écrit auprès de l’institution fédérale dont relève le document et qu’elle « doit être rédigée en des termes suffisamment précis pour permettre à un fonctionnaire expérimenté de l’institution de trouver le document sans problèmes sérieux ».
Le refus du MDN de communiquer les renseignements en vertu de l’article 6 de la Loi est-il justifié?
[9] La personne qui a fait la demande souhaitait obtenir ce qui suit [traduction] :
Pour la période commençant le 1er juillet 2019 et se terminant à la date à laquelle la présente demande est traitée, les documents suivants, en format papier ou électronique, concernant toute « campagne de communications stratégique », [y compris celle citée dans un article dans la Revue de l’Aviation royale canadienne – annexé à la demande], qui a été ou est utilisée concernant les « perceptions négatives » au sujet de l’acquisition de drones ou en réponse à celles-ci, ou pour toute autre raison relative à la gestion des perceptions au sujet des drones depuis le 1er juillet 2019 :
1) La définition de « communications stratégiques » qui a servi de base à la création de la campagne citée [dans l’article];
2) Une liste des « perceptions négatives », opinions, sentiments ou déclarations ciblés par l’institution ou portés à son attention, ou les documents permettant de les identifier, au sujet desquels des campagnes ont été entreprises;
3) La date à laquelle le ou la ministre de la Défense nationale a été avisé(e) pour la première fois ou a reçu toute autre forme de breffage au sujet de l’existence de la « campagne » citée [dans l’article];
4) La date à laquelle l’institution a informé le ministère de la Justice de la « campagne » citée [dans l’article];
5) La date à laquelle un avis juridique a été obtenu du ministère de la Justice concernant la légalité de la « campagne » citée [dans l’article];
6) Le nom complet, le grade et le poste occupé par le plus haut dirigeant au sein de l’institution chargé ou responsable de l’administration de la ou les « campagne(s) »;
7) Les documents présentant les fonctions et les tâches assumées par ou assignées à [l’auteur de l’article] concernant une ou plusieurs de ces « campagne(s) ».
[10] La partie plaignante allègue que la demande était claire et ne nécessitait pas de précisions. De plus, la partie plaignante a délibérément choisi d’utiliser la formulation de l’article annexé à la demande d’accès.
[11] Le MDN allègue que la partie plaignante a verbalement demandé de modifier la portée de la demande pour inclure toutes les campagnes de communications stratégiques, ce que nie la partie plaignante. Aucune preuve n’a été fournie au Commissariat pour démontrer que la portée de la demande a été modifiée; par conséquent, il analysera la demande telle qu’elle a été rédigée.
[12] Le MDN allègue qu’aucun document précis n’a été demandé, car la partie plaignante voulait des « campagnes de communications stratégiques », sans préciser la cible ou le support, et que [traduction] « le terme “campagne de communications stratégique” peut être interprété de façon libérale de sorte à inclure tout et son contraire ».
[13] Je suis d’avis qu’une demande sera généralement considérée comme « rédigée en des termes suffisamment précis pour permettre à un fonctionnaire expérimenté de l’institution de trouver le document sans problèmes sérieux » si elle contient une période et un sujet. De prime abord, cette demande vise des documents précis sur des campagnes de communications stratégiques relatives aux drones, depuis 2019; elle contient donc une période et un sujet.
[14] Le MDN allègue aussi qu’il serait plus approprié que la demande d’accès soit une demande de renseignements à l’intention de l’auteur de l’article de la Revue de l’Aviation royale canadienne cité dans la demande, car la partie plaignante semble vouloir les définitions de l’auteur de l’article.
[15] Je suis d’avis que la formulation de la demande d’accès n’indique pas que la partie plaignante souhaite les définitions de l’auteur de l’article de la Revue.
[16] Le MDN allègue aussi que la partie plaignante n’est pas rédigée en termes suffisamment précis pour permettre à un fonctionnaire expérimenté de trouver les documents sans problèmes sérieux, car le plan de communications stratégique mentionné dans le texte cité n’a pas été mis en œuvre au sein du MDN ou des Forces armées canadiennes (FAC). Par conséquent, selon le MDN, il serait impossible d’attribuer cette demande à un bureau de première responsabilité (BPR).
[17] Le MDN allègue que les parties 1 et 3-7 de la demande se rapportent à un plan de communications stratégique théorique qui figurait dans une étude universitaire, et qu’il ne relevait donc pas du ministère.
[18] Je suis d’avis que les parties 6 et 7 de la demande demeurent entièrement indépendantes du plan de communications stratégique cité dans l’article de la Revue et qu’elles se rapportent à toutes les campagnes de communications stratégiques visant à gérer les perceptions au sujet des drones depuis le 1er juillet 2019. En outre, bien que le passage de l’article affirmant qu’un « programme d’acquisition devra faire l’objet d’une campagne de communications stratégique très efficace afin que les perceptions négatives ne nuisent pas à la modernisation des FAC » puisse se rapporter à une campagne de communications stratégique théorique, il n’exclut pas l’existence d’une telle campagne. Si une telle campagne existait, elle relèverait certainement du ministère.
[19] Je suis d’avis que seul un BPR compétent aurait l’expertise en la matière pour évaluer si la campagne de communications stratégique citée dans le texte de référence a été mise en œuvre au sein du MDN ou des FAC. Ce BPR aurait donc pu être chargé de récupérer les documents pertinents se rapportant au texte cité et, s’il n’y avait pas de documents pertinents, il aurait pu donner une réponse en ce sens.
[20] Le MDN allègue également que la partie 2 de la demande se rapporte à une référence, dans l’article de la Revue, à une étude publiée par l’Université Queen’s, qui n’est pas disponible au sein du MDN/des FAC.
[21] Je suis d’avis que la partie 2 de la demande se rapporte clairement à des documents permettant d’identifier les « perceptions négatives » qui ont été cernées par le MDN/les FAC ou portées à leur attention relativement à des campagnes de communications stratégiques au sujet des drones. Rien n’indique que ces documents soient liés à l’Université Queen’s ou à l’étude universitaire citée dans l’article de la Revue.
[21] Pour les motifs ci-dessus, je suis d’avis que la demande satisfait aux critères de l’article 6 de la Loi et que le MDN aurait pu la traiter sans avoir besoin de précisions. La date d’échéance du délai de réponse demeure donc le 19 mai 2022. Par conséquent, la lettre envoyée à la partie plaignante le 21 juin 2022 ne constitue pas une réponse valide à la demande aux termes de l’article 7 et le MDN est en situation de présomption de refus en vertu du paragraphe 10(3).
Résultat
[23] La plainte est fondée.
Ordonnance
Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne à la ministre de la Défense nationale de fournir une réponse complète à la demande d’accès le 36e jour ouvrable suivant la date du compte rendu.
Le 14 février 2023, j’ai transmis à la ministre de la Défense nationale mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.
Le 15 février 2023, la chef des opérations de la Direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels m’a avisée qu’EDSC donnerait suite à mon ordonnance.
Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante et l’institution ont le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Celles-ci doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doivent signifier une copie de leur demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.