Pêches et Océans Canada (Re), 2023 CI 42
Date : 2023-12-18
Numéro de dossier du Commissariat : 5820-03625
Numéro de dossier de l’institution : A-2020-01054/NA
Sommaire
La partie plaignante allègue que Pêches et Océans Canada (MPO) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 13(1)c) (renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux), du paragraphe 16(2) (méthode de protection), de l’alinéa 16(2)c) (faciliter la perpétration d’une infraction), du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) et de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information en réponse à une demande d’accès aux documents portant sur le projet de stabilisation de talus de la rivière Laval, au kilomètre 680. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
L’application du paragraphe 16(2) et celle du paragraphe 19(1) aux signatures lorsque le nom du signataire était indiqué juste en dessous pour refuser de communiquer les documents n’est plus visée par la plainte.
La Commissaire à l’information a conclu que les renseignements non communiqués en vertu du paragraphe 19(1) satisfaisaient aux critères de l’exception.
Le MPO n’a pas démontré que l’information satisfaisait à tous les critères de l’alinéa 13(1)c), notamment le critère de confidentialité.
Ni le MPO ni le tiers n’ont démontré que les renseignements satisfaisaient aux critères de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)c).
La Commissaire à l’information a ordonné au MPO de communiquer tous les renseignements qui n’étaient pas communiqués auparavant au titre des alinéas 13(1)c) et 20(1)c), à l’exception des renseignements retenus en vertu du paragraphe 19(1).
L’institution a avisé la Commissaire qu’elle donnerait suite à l’ordonnance.
La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que Pêches et Océans Canada (MPO) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 13(1)c) (renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux), du paragraphe 16(2) (méthode de protection), de l’alinéa 16(2)c) (faciliter la perpétration d’une infraction), du paragraphe 19(1) (renseignements personnels) et de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information en réponse à une demande d’accès aux documents portant sur le projet de stabilisation de talus de la rivière Laval, au kilomètre 680. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
[2] Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat de mener une enquête sur l’application des paragraphes 16(2) et 19(1) aux signatures lorsque le nom du signataire était indiqué juste en dessous.
Enquête
[3] Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements, y compris les renseignements des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.
[4] Au cours de l’enquête, le Commissariat a fait parvenir au tiers, Les Excavations A. Savard Inc., une demande d’observations sur l’application de l’alinéa 20(1)c) en vertu de l’alinéa 35(2)c). Les Excavations A. Savard Inc. n’y ont pas répondu. Conformément au paragraphe 36.3(1) de la Loi, j’ai donné avis aux Excavations A. Savard Inc. de mon intention d’ordonner à MPO la communication de renseignements. Les Excavations A. Savard Inc. n’ont pas répondu.
Paragraphe 13(1) : renseignements confidentiels d’organismes gouvernementaux
[5] Le paragraphe 13(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements obtenus à titre confidentiel d’organismes gouvernementaux.
[6] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- Les renseignements ont été obtenus de l’un des organismes gouvernementaux suivants :
- un gouvernement ou un organisme d’un État étranger;
- une organisation internationale d’États ou un de ses organismes;
- un gouvernement ou un organisme provincial;
- une administration ou un organisme municipal ou régional;
- un gouvernement ou un conseil autochtone mentionné au paragraphe 13(3).
- Les renseignements ont été obtenus de l’organisme gouvernemental à titre confidentiel, c’est-à-dire qu’il était entendu qu’ils seraient traités comme étant confidentiels.
[7] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes existent :
- l’organisme gouvernemental d’où les renseignements ont été obtenus consent à leur communication;
- l’organisme gouvernemental les a déjà rendus publics.
[8] Lorsque l’une ou l’autre de ces circonstances ou les deux existent, le paragraphe 13(2) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[9] Le MPO a appliqué l’exception prévue à l’alinéa 13(1)c) à la majorité des pages des documents, qui consistent en des lettres, courriels, présentations et études. Cette exception a été appliquée simultanément à celle prévue à l’alinéa 20(1)c) aux pages 313 à 316 des documents.
[10] Le MPO a expliqué que le projet de stabilisation de Talus-Rivière Laval était un projet sous la juridiction du gouvernement du Québec et que les renseignements étaient obtenus du Ministère de l’Environnement et de la lutte contre les changements climatiques du Québec, du Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec ou du MTQ.
[11] Cependant, certains renseignements semblent provenir du MPO, et non de la province de Québec tel qu’indiqué dans mon rapport initial. : pages 10-11, 60-61, 71, 73-74, 119-120, 125-127, 136, 293-303, 317-318, 321-323, 326-327, 335, 347, 351, 376-377, 384-386, 427-440, 526-531, 533, 535, 540 et 543. Il en est de même pour certains renseignements du MPO retranscrits dans des documents provenant du MTQ, aux pages 129-132.
[12] Le MPO a indiqué que les renseignements obtenus des ministères impliqués dans ce projet, qui était sous la juridiction du gouvernement du Québec, sont sujets à un niveau de confidentialité qui peut être implicite. Le MPO a expliqué que la confidentialité implicite signifie que les informations peuvent être traitées en confidence même si, lors de leur transmission, un gouvernement (province) n’identifie pas clairement qu’elles doivent l’être. Il a précisé que cette confidentialité implicite protège le partenariat et la collaboration dans le cadre des relations intergouvernementales.
[13] Le MPO a admis qu’il est possible que le caractère confidentiel des informations n’ait pas été un facteur au moment de leur communication. Il estime cependant que les circonstances particulières de ce dossier et l’importance de maintenir de bonnes relations fédéro-provinciales justifient l’application de l’alinéa 13(1)c).
[14] Le MPO n’a pas été en mesure d’établir que les renseignements ont donné lieu à une attente qu’ils soient traités comme étant confidentiels.
[15] Il incombait au MPO d’établir que la communication était de nature confidentielle au moment de la transmission des renseignements. Or, il n’a pas démontré que c’était le cas.
[16] Par ailleurs, le MPO a évoqué, au cours de l’enquête, la confidentialité implicite de renseignements techniques pouvant avoir un impact sur la sécurité publique. Il n’a cependant pas précisé de quels renseignements il s’agissait lorsqu’il fut invité à le faire, et n’a pas établi en quoi la divulgation desdits renseignements aurait un impact sur la sécurité publique.
[17] Compte tenu de ce qui précède, le MPO n’a pas démontré que le critère de confidentialité est satisfait pour l’ensemble des renseignements visés. Je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 13(1)c).
[18] Il n’est donc pas nécessaire d’examiner si le MPO a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements lorsqu’une ou plusieurs des circonstances énoncées au paragraphe 13(2) existaient.
Paragraphe 19(1) : renseignements personnels
[19] Le paragraphe 19(1) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements personnels.
[20] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit:
- les renseignements concernent une personne, c’est-à-dire un être humain, et non une société;
- il y a de fortes possibilités que la divulgation de ces renseignements permette d’identifier cette personne;
- les renseignements ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels » (p. ex. les coordonnées professionnelles des fonctionnaires).
[21] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors se demander si les circonstances suivantes existent:
- la personne concernée par les renseignements consent à leur divulgation;
- les renseignements sont accessibles au public;
- la communication des renseignements serait conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
[22] Lorsqu’une ou plusieurs de ces circonstances existent, le paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[23] L’exception prévue au paragraphe 19(1) a été appliquée simultanément à celle prévue à l’alinéa 13(1)c) à des mentions de congés, à des coordonnées d’individus, et à des signatures.
[24] MPO a démontré que les renseignements concernent des personnes, que leur divulgation permettrait de les identifier, et qu’ils ne sont pas assujettis à une des exceptions prévues aux alinéas 3j) à 3m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels applicables à la définition de « renseignements personnels ».
[25] Je conclus que les renseignements satisfont aux critères de l’exception.
L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?
[26] En vertu du paragraphe 19(2), le MPO devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non l’information, lorsqu’au moins l’une des circonstances décrites à ce paragraphe existait au moment de la réponse.
[27] En vertu de l’alinéa 19(2)a), le MPO était tenu de déterminer si le consentement avait été donné en déployant des efforts raisonnables pour obtenir le consentement des personnes dont les renseignements personnels figurent dans les dossiers. Je suis d’accord avec le MPO qu’il serait déraisonnable de demander aux individus leur consentement à divulguer ces renseignements.
[28] En ce qui concerne l’alinéa 19(2)b), le MPO était tenu de déterminer raisonnablement si les renseignements personnels étaient accessibles au public. L’enquête a révélé que les renseignements ne sont pas accessibles au public. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de déterminer si le pouvoir discrétionnaire a été déclenché en vertu de l’alinéa 19(2)b).
[29] Le pouvoir discrétionnaire est également déclenché en vertu de l’alinéa 19(2)c) lorsque la divulgation serait conforme au paragraphe 8(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. L’enquête a révélé que la divulgation ne serait pas conforme au paragraphe 8(2) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de déterminer si le pouvoir discrétionnaire a été déclenché en vertu de l’alinéa 19(2)c).
[30] Je conclus que les circonstances énoncées au paragraphe 19(2) n'existaient pas lorsque le MPO a répondu à la demande d’accès. Il n’y a donc pas lieu d’examiner la question du pouvoir discrétionnaire de décider divulguer ou non les renseignements.
Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers
[31] L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.
[32] Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
- il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.
[33] Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
- il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.
[34] Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[35] Le MPO a appliqué simultanément les exceptions prévues aux alinéas 20(1)c) et 13(1)c) à un document intitulé « Méthodes de travail » et à un document adjoint provenant des Excavations A. Savard Inc., aux pages 313 à 316.
[36] Les Excavations A. Savard Inc. et le MPO n’ont pas démontré que la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes financières aux Excavations A. Savard Inc. ou nuirait à leur compétitivité, ni qu’il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)c).
Résultat
[37] La plainte est fondée.
Ordonnances et recommandations
J’ordonne à la ministre des Pêches et Océans de communiquer tous les renseignements qui n’étaient pas communiqués auparavant au titre des alinéas 13(1)c) et 20(1)c) de la Loi sur l’accès à l’information, à l’exception des renseignements retenus en vertu du paragraphe 19(1).
Rapport et avis de l’institution
Le 20 septembre 2023, j’ai transmis à la ministre des Pêches et Océans mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.
Le 10 novembre 2023, le directeur par intérim, Secrétariat, Accès à l’information et protection des renseignements personnels m’a avisée que Pêches et Océans Canada donnerait suite à mon ordonnance. Toutefois, l’avis ne précise pas les mesures concrètes que l’institution a prises ou qui seront prises pour mettre en œuvre l’ordonnance.
Révision devant la Cour fédérale
Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. Quiconque exerce un recours en révision doit le faire dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, toute ordonnance rendue prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.