Pêches et Océans Canada (Re), 2025 CI 3

Date : 2025-01-28
Numéro de dossier du Commissariat : 5823-01182
Numéro de la demande d’accès : A-2022-01091

Sommaire

La partie plaignante allègue que Pêches et Océans Canada (le MPO), en réponse à une demande d’accès, ont erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des données analysées dans le rapport Réponse des Sciences sur les poux de mer (2022/045) de janvier 2022 à juin 2022. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Ni le MPO ni les tiers auxquels les renseignements se rapportent n’ont pu démontrer que ceux-ci satisfaisaient à tous les critères de cette exception, notamment que les renseignements étaient objectivement confidentiels ou que certains renseignements avaient été fournis par un tiers. L’un des tiers a invoqué une nouvelle exception l’article 26 (renseignements à être publiés), mais n’a pas démontré que les critères de cette exception étaient satisfaits non plus.

La Commissaire à l’information a ordonné au MPO de communiquer les documents dans leur intégralité. Le MPO a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance. La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que Pêches et Océans Canada (le MPO), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des données analysées dans le rapport Réponse des Sciences sur les poux de mer (2022/045) de janvier 2022 à juin 2022. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Enquête

[2]      Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[3]      Les documents pertinents sont cinq feuilles de calcul Excel. Parmi celles-ci, quatre contiennent seulement des données sur la température et la salinité de l’eau. Au cours de l’enquête, le MPO a reconnu que les données sur la température et la salinité fournies par son bureau de la région du Pacifique pouvaient être communiquées.

[4]      Le MPO a aussi indiqué qu’il pouvait communiquer la plupart des colonnes dans la cinquième feuille de calcul contenant des données sur les poux de mer (colonnes A-D, F, H, J et L-AK), sauf les quatre colonnes qui permettraient de calculer le nombre de poissons par pisciculture/compartiment à poisson à un moment précis (colonnes E, G, I et K). Bien que le MPO ait indiqué qu’il soutient seulement que les critères de l’exception sont satisfaits en ce qui concerne les colonnes E, G, I et K de la cinquième feuille de calcul, qui contient des données sur les poux de mer, il n’a pas encore communiqué les autres feuilles de calcul et les colonnes A-D, F, H, J et L-AK. Par conséquent, mon analyse visant à établir si les critères sont satisfaits comprend les renseignements dont la communication n’est pas visée par une exception, comme l’a reconnu le MPO.

[5]      Le MPO a identifié trois tiers auxquels se rapportent les renseignements : Cermaq Canada (Cermaq), Mowi Canada West (Mowi) et Grieg Seafood British Columbia (Grieg Seafood). Le Commissariat à l’information a demandé des observations aux trois tiers, conformément à l’alinéa 35(2)c). Aucun d’entre eux n’a répondu aux demandes d’observations du Commissariat. Ce dernier leur a fait parvenir un avis en vertu de l’article 36.3 et a reçu une réponse seulement de la part de Mowi. Les autres tiers n’ont pas répondu aux avis.

[6]      Les données se rapportant à Mowi et à Grieg Seafood sont exclusivement des données sur la température et la salinité, et le MPO reconnaît qu’elles peuvent être divulguées.  

[7]      Les données sur les populations et les poux de mer se rapportent seulement à Cermaq. Cermaq n’a pas fourni d’observations et n’a pas répondu à l’avis transmis en vertu de l’article 36.3. Le MPO a également reconnu que, à part les colonnes E, G, I et K, ces données pouvaient aussi être divulguées.  

[8]      Le MPO a indiqué qu’il attendait ma décision avant de divulguer des renseignements. 

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[9]      L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers.

[10]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[11]    Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[12]    De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[13]    Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)b) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[14]    Le MPO a refusé de communiquer plusieurs colonnes dans les documents pertinents en vertu de l’alinéa 20(1)b).

[15]    Je conviens que les renseignements dont la communication a été refusée sont de nature technique et/ou scientifique et qu’ils satisfont donc au premier critère de l’exception.

[16]    Pour satisfaire au deuxième critère, à savoir que les renseignements sont confidentiels, les renseignements doivent répondre aux trois conditions suivantes :

  • les renseignements ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès;
  • les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou autrement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt public. [Voir : Air Atonabee Ltd. (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. no 453.]

[17]    Il semble y avoir des données accessibles au public qui sont de nature similaire aux renseignements dont la communication a été refusée.

[18]    Des renseignements pertinents ont été trouvés sur l’Internet [en anglais seulement] :

[19]    Après avoir examiné les renseignements accessibles au public, je conviens que ceux-ci ne sont pas les mêmes que ceux dont la communication a été refusée. Puisque la communication révélerait des renseignements auxquels le public n’a pas accès, les renseignements satisfont à la première condition de confidentialité objective.

[20]    Le MPO a indiqué que les renseignements demandés ont été fournis volontairement par des tiers avec l’assurance qu’ils demeureraient confidentiels. Le MPO a expliqué que cette affirmation se fonde sur des consultations antérieures auprès de tiers auxquels se rapportaient des renseignements similaires. Je ne suis pas d’accord avec le fait de s’appuyer sur l’expérience passée pour présumer que les tiers avaient une attente raisonnable de confidentialité lorsque les renseignements ont été communiqués. Il semble que ce type de données est régulièrement publié avec des rapports scientifiques. Cela semblerait diminuer l’attente de confidentialité. Mowi a indiqué que le MPO a besoin de sa permission pour divulguer ce type de renseignement, mais n’a fourni aucune preuve en ce sens. Ni Mowi ni le MPO ne se sont acquittés du fardeau qui leur incombait de fournir des éléments de preuve attestant qu’il y avait un tel accord concernant les renseignements non communiqués [voir : Brainhunter (Ottawa) Inc. c. Canada (Procureur général), 2009 CF 1172, au para 25].

[21]    Quant au troisième critère de l’exception, je ne suis pas convaincue que tous les renseignements ont été fournis au MPO par des tiers. L’un des bureaux de première responsabilité au MPO a indiqué que les données sur la température et la salinité ont été mesurées par des employés du ministère lors de visites sur les lieux. La jurisprudence ayant trait à l’alinéa 20(1)b) a régulièrement fait la distinction entre des renseignements fournis par un tiers et des observations indépendantes [voir, p. ex. : Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 152-158; Canada (Transports) c. Air Transat A.T. Inc., 2019 CAF 286, para 71-81]. Je note que le MPO a indiqué qu’il ne soutient plus que les critères de l’alinéa 20(1)b) sont satisfaits en ce qui a trait aux données sur la température et la salinité. 

[23]    Dans ses observations, Mowi a indiqué qu’il avait toujours traité les renseignements non communiqués comme étant confidentiels. Comme je n’ai trouvé aucun élément de preuve à l’effet du contraire, je conviens que le dernier critère de l’exception est satisfait en ce qui a trait aux renseignements se rapportant à Mowi.

[24]    Puisqu’aucune observation n’a été fournie pour appuyer l’affirmation selon laquelle les deux autres tiers ont toujours traité les renseignements comme en tant confidentiels, je conclus que le dernier critère de l’exception n’est pas satisfait pour les renseignements se rapportant à Cermaq et à Grieg Seafood.

[25]    Comme je l’ai noté, le MPO a reconnu que les données sur la température et la salinité dans les quatre premières feuilles de calcul et dans les colonnes A-D, F, H, J et L-AK de la cinquième feuille de calcul contenant des données sur les poux de mer pouvaient être communiquées. Je conclus également que ces renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)b).

[26]    Quant aux colonnes E, G, I et K, qui, selon le MPO, devraient être soustraites à la communication, je ne suis pas d’avis que le MPO et les tiers se sont acquittés de leur fardeau. Je conclus que les renseignements dans les colonnes E, G, I et K de la cinquième feuille de calcul ne satisfont pas non plus aux critères de l’alinéa 20(1)b).

Article 26 : renseignements à être publiés

[27]    L’article 26 permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements que le gouvernement du Canada publiera dans un avenir rapproché.

[28]    Pour invoquer l’exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • il y a des motifs raisonnables de croire que les renseignements seront publiés par une institution fédérale, un mandataire du gouvernement du Canada ou un ministre, autrement que dans le cadre de la divulgation proactive au titre de la partie 2 de la Loi sur l’accès à l’information;
  • la publication aura lieu dans les 90 jours suivant la demande d’accès ou dans le délai qui serait nécessaire à l’impression ou à la traduction.

[29]    Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[30]    Le MPO n’a pas appliqué l’article 26 aux documents ni fourni d’observations expliquant en quoi cet article s’appliquerait aux renseignements demandés. Cependant, Mowi a soulevé cette exception dans ses observations. Mowi a indiqué qu’il y avait lieu de croire que les données non communiquées seront publiées dans le cadre d’un article scientifique qui est préparé en vue d’une publication dans le Nature Scientific Data Journal.

[31]    L’article 26 est une exception discrétionnaire qui peut être utilisée pour protéger des renseignements qui seront publiés dans les 90 jours suivant la présentation d’une demande d’accès. Il est évident que, depuis que la demande a accès a été présentée en 2023, le délai de 90 jours pour que l’article 26 s’applique est déjà écoulé et les documents n’ont pas été publiés.

[32]    Par conséquent, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’article 26.

Résultat

[33]    La plainte est fondée :

  • Il n’a pas été démontré que les renseignements se rapportant aux tiers étaient objectivement confidentiels ou fournis par un tiers et/ou qu’une partie de ceux-ci a été fournie par un tiers, et il n’a pas été démontré que les tiers les ont toujours traités comme étant confidentiels.
  • Il n’a pas été démontré que le gouvernement avait l’intention de publier les renseignements dans les 90 jours suivant la présentation de la demande d’accès.

Ordonnance

J’ai ordonné à la ministre des Pêches et des Océans de communiquer les documents dans leur intégralité.

Rapport et avis de l’institution

Le 20 janvier 2025, j’ai transmis à la ministre des Pêches et Océans mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 22 janvier 2025, le directeur intérimaire, Division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels, m’a avisée que le MPO donnerait suite à mon ordonnance et communiquerait l’intégralité des renseignements à la partie plaignante.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. La partie plaignante et/ou l’institution doivent exercer un recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. Quiconque exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, toute ordonnance rendue prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

Autres destinataires du compte rendu

Conformément au paragraphe 37(2), le présent compte rendu a été envoyé à Mowi.

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