Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (Re), 2024 CI 02
Date : 2024-01-17
Numéro de dossier du Commissariat : 5822-06528
Numéro de dossier de l’institution : CIRNAC-A-2021-00119
Sommaire
La partie plaignante allègue que Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (RCAANC) n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à une demande d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Cette demande visait toutes les communications, y compris la correspondance, les notes de breffage, les courriels écrits ou électroniques, concernant la revendication territoriale de la Première Nation Wood Mountain (Lakota), de 2000 à 2020.
L’enquête du Commissariat à l’information a confirmé que RCAANC a répondu à la demande en fournissant des documents datés de 2017 à 2020, mais aucun document daté d’avant 2017. Le Commissariat a demandé à RCAANC des renseignements concernant les secteurs de programmes chargés de chercher les documents et les paramètres de la recherche. Initialement, RCAANC soutenait qu’aucun document datant d’avant 2017 n’avait pu être trouvé.
Le Commissariat a noté qu’il semblait manquer des documents allant de la revendication initiale de la Première Nation Wood Mountain, en 2009, au rejet de la revendication, en 2012. En réponse, après avoir effectué d’autres recherches, RCAANC a informé le Commissariat que davantage de documents avaient été trouvés.
La Commissaire à l’information a ordonné à RCAANC de finir de récupérer les documents considérés comme pertinents dans le cadre de la demande et de fournir une nouvelle réponse à la partie plaignante au plus tard 60 jours après la date de prise d’effet de l’ordonnance. RCAANC a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance.
La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (RCAANC) n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à une demande d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Cette demande visait toutes les communications, y compris la correspondance, les notes de breffage, les courriels écrits ou électroniques, concernant la revendication territoriale de la Première Nation Wood Mountain, qui s’appelle aussi Première Nation Wood Mountain Lakota. Le dépôt initial a été fait en 2000, jusqu’au règlement, qui a eu lieu en 2020.
[2] La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Enquête
Recherche raisonnable
[3] RCAANC est tenu d’effectuer une recherche raisonnable pour les documents visés par la demande d’accès, c’est-à-dire qu’un ou des employés expérimentés de l’institution ayant une connaissance du sujet de la demande d’accès doivent avoir fait des efforts raisonnables pour repérer et localiser tous les documents raisonnablement liés à la demande.
[4] Une recherche raisonnable correspond au niveau d’effort attendu de toute personne sensée et juste à qui l’on demande de chercher les documents pertinents à l’endroit où ils sont susceptibles d’être conservés.
[5] Il n’est pas nécessaire que cette recherche soit parfaite. Une institution n’est donc pas tenue de prouver hors de tout doute qu’il n’existe pas d’autres documents. Les institutions doivent toutefois être en mesure de démontrer qu’elles ont fait des démarches raisonnables pour repérer et localiser les documents pertinents.
L’institution a-t-elle effectué une recherche raisonnable de documents?
[6] Environ 3 100 pages étaient considérées comme pertinentes dans le cadre de la demande et ont été traitées. Une réponse, contenant des documents fortement caviardés, a été fournie à la partie plaignante en janvier 2023. Dans sa plainte, la partie plaignante alléguait que les documents datant d’avant 2017 n’avaient été fournis.
[7] Après avoir procédé à un examen préliminaire de la copie de travail des documents en cause, le Commissariat à l’information est arrivé à la même conclusion : les documents traités dataient de 2017 et d’années ultérieures.
[8] Le Commissariat a posé des questions détaillées à RCAANC afin d’essayer de comprendre pourquoi aucun document datant d’avant 2017 n’avait été trouvé. RCAANC n’a toutefois pas fourni d’observations utiles concernant la recherche de documents.
[9] Le 19 mai 2023, le Commissariat a envoyé à RCAANC une demande d’observations afin d’obtenir des preuves quant à la recherche effectuée pour trouver tous les documents pertinents. Le 15 juin 2023, RCAANC a répondu qu’aucun document datant d’entre 2000 et 2016 n’avait été trouvé, et a accepté d’effectuer d’autres recherches. Le 5 juillet 2023, RCAANC a avisé le Commissariat que la personne experte en la matière était convaincue qu’aucun autre document n’existait.
[10] Le 7 août 2023, le Commissariat, n’étant toujours pas convaincu que les documents n’existaient pas, a envoyé des questions détaillées à RCAANC en fonction de sa propre recherche concernant la revendication territoriale Wood Mountain/Lakota. Le Commissariat a souligné que la revendication particulière de la Première Nation Wood Mountain/Lakota avait été présentée au Canada le 31 août 2009 et qu’elle avait été déposée auprès du ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien (AANC à l’époque) le 8 octobre 2009. Selon la revendication, le Canada aurait violé ses obligations fiduciales envers la Première Nation en ne respectant pas les conditions d’un engagement unilatéral à fournir certaines terres, en Saskatchewan, comme terres de réserve pour la Première Nation. Initialement, le Canada estimait qu’il n’avait aucune obligation légale envers la Première Nation à cet égard et il a informé la Première Nation de sa position dans une lettre datée du 24 août 2012.
[11] En février 2014, la Première Nation a déposé une déclaration de revendication auprès du Tribunal des revendications particulières.
[12] À AANC, un avis juridique supplémentaire a été demandé et celui-ci a révélé un risque juridique élevé que le Tribunal valide la revendication de la Première Nation. Le dossier a de nouveau fait l’objet de négociations et, conformément aux recommandations découlant d’un avis juridique supplémentaire et de la déclaration de revendication soumise par la Première Nation, les parties ont convenu que la revendication concerne l’aliénation d’environ 5 600 acres de terres de la réserve de la Première Nation et que l’indemnisation devrait correspondre à la valeur marchande actuelle des terres revendiquées, sans égard aux améliorations qui ont pu y être apportées entre-temps, et à la perte de jouissance des terres revendiquées.
[13] Un règlement semble avoir été conclu en 2019.
[14] Le Commissariat a constaté que les documents qui manquent sont ceux allant de la revendication initiale, en 2009, jusqu’au rejet de la revendication, en 2012. Il y a ensuite un « écart » de deux ans lorsque la Première Nation a déposé une revendication auprès du Tribunal des revendications particulières, de 2014 à 2016. Les documents initialement traités en réponse à la demande commencent en 2017 et concernent la manière dont le gouvernement donnera suite au règlement.
[15] En fonction de ses recherches, le Commissariat a posé des questions supplémentaires au sujet de la période de la revendication initiale, de 2009 à 2012, de la demande d’avis juridique et de tout calendrier de destruction/d’élimination de ces documents, s’ils ne sont pas trouvés.
[16] En réponse, après avoir effectué d’autres recherches, RCAANC a informé le Commissariat que davantage de documents avaient été trouvés et que ceux-ci seraient examinés pour voir s’ils sont pertinents, puis traités. RCAANC n’a pas précisé de délai pour cet examen ni le moment où il serait en mesure de fournir une réponse subséquente à la partie plaignante.
[17] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que RCAANC n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à la demande d’accès.
Résultat
[18] La plainte est fondée.
Ordonnance
J’ordonne au ministre de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada ce qui suit :
- Finir de récupérer tous les documents pertinents dans le cadre de la demande;
- Traiter toutes les pages de documents supplémentaires localisées à la suite des recherches supplémentaires;
- Fournir une nouvelle réponse à la demande d’accès le 60e jour ouvrable suivant la date du compte rendu;
- Communiquer à la partie plaignante les documents pertinents dans le cadre de la demande, à moins que leur communication puisse être refusée, en tout ou en partie, en vertu d’une ou de plusieurs dispositions de la partie I de la Loi. Le cas échéant, nommer la ou les dispositions invoquée(s);
- Si aucun des documents supplémentaires n’est pertinent dans le cadre de la demande, l’indiquer dans la réponse.
Rapport et avis de l’institution
Le 8 janvier 2024, j’ai transmis au ministre de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance. Le 10 janvier 2024, la directrice, Direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels, m’a avisée que RCAANC donnerait suite à l’ordonnance au plus tard le 31 janvier 2024.
Révision devant la Cour fédérale
Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. Quiconque exerce un recours en révision doit le faire dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, toute ordonnance rendue prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.