Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (Re), 2024 CI 37
Date : 2024-07-09
Numéro de dossier du Commissariat : 5823-01760
Numéro de la demande d’accès : A-2022-00034
Sommaire
La partie plaignante allègue que Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (RCAANC) n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à une demande d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des documents du bureau du sous-ministre concernant le financement ou la gestion budgétaire de l’Assemblée des Premières Nations du 1er janvier 2016 au 1er avril 2019.
L’enquête a révélé des lacunes dans la recherche et a établi que Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada n’avait pas effectué une recherche raisonnable de documents.
La Commissaire à l’information a ordonné à Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada d’effectuer une nouvelle recherche de documents et de fournir une nouvelle réponse à la partie plaignante au plus tard 36 jours ouvrables après la date du compte rendu.
Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance.
La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (RCAANC) n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents en réponse à une demande d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des documents du bureau du sous-ministre concernant le financement ou la gestion budgétaire de l’Assemblée des Premières Nations (APN) du 1er janvier 2016 au 1er avril 2019. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Enquête
[2] RCAANC est tenu d’effectuer une recherche raisonnable pour les documents visés par la demande d’accès, c’est-à-dire qu’un ou des employés expérimentés de l’institution ayant une connaissance du sujet de la demande d’accès doivent avoir fait des efforts raisonnables pour repérer et localiser tous les documents raisonnablement liés à la demande.
[3] Une recherche raisonnable correspond au niveau d’effort attendu de toute personne sensée et juste à qui l’on demande de chercher les documents pertinents à l’endroit où ils sont susceptibles d’être conservés.
[4] Il n’est pas nécessaire que cette recherche soit parfaite. Une institution n’est donc pas tenue de prouver hors de tout doute qu’il n’existe pas d’autres documents. Les institutions doivent toutefois être en mesure de démontrer qu’elles ont fait des démarches raisonnables pour repérer et localiser les documents pertinents.
L’institution a-t-elle effectué une recherche raisonnable de documents?
[5] Au début de l’enquête, le Commissariat à l’information a communiqué avec la partie plaignante pour tenter d’obtenir des éléments de preuve qui corroborent l’allégation selon laquelle la recherche qu’a effectuée RCAANC était déraisonnable. En réponse, la partie plaignante a fourni des éléments de preuve concernant 57 notes de breffage créées au sein de RCAANC qui contiennent le terme « Assemblée des Premières Nations », dont plusieurs étaient destinées à l’administrateur général. Selon les renseignements accessibles au public sur le Portail du gouvernement ouvert, les secteurs concernés par ces notes de breffage seraient notamment Politiques et orientation stratégique (POS), Traités et gouvernement autochtone et la Région du Yukon. La partie plaignante a également fourni un document envoyé par courriel à l’APN le 29 novembre 2021, cosigné par le sous-ministre de RCAANC, Daniel Quan-Watson, concernant les modalités de financement pour soutenir l’APN. Bien que les documents fournis par la partie plaignante ne datent pas de la période visée par la plainte, ils démontrent que des documents similaires devraient exister pour la période visée.
[6] Le Commissariat a demandé à RCAANC de fournir des renseignements sur la recherche de documents pertinents. En réponse, RCAANC soutenait que sa recherche était raisonnable. Le bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) de RCAANC a déclaré qu’il avait considéré toutes les responsabilités au sein de chaque secteur et région, et avait conclu que les deux seuls secteurs qui détiendraient des documents seraient le Secrétariat du Ministère et le Dirigeant principal des finances (DPF). Le bureau de l’AIPRP a ajouté qu’il avait confirmé que POS ne détenait en fait aucun document concernant les modalités de financement de l’APN, contrairement à ce qui était affiché dans la section du Portail du gouvernement ouvert portant sur les notes de breffage, et a affirmé que ce secteur ne devrait pas être chargé de chercher des documents, car il n’en détient pas.
[7] Cependant, lorsqu’il a été chargé de chercher des documents, le DPF a fait remarquer que la demande ne le concernait pas, et le Secrétariat du Ministère a recommandé que l’ensemble des secteurs et des régions soient consultés, parce que bien que le Secrétariat puisse détenir certains documents pertinents, il n’est pas le bureau de première responsabilité (BPR) pour cette question.
[8] De plus, le bureau du sous-ministre (BSM) a suggéré que POS soit chargé de chercher des documents, puisque ce secteur était responsable des modalités en matière de financement de l’APN. En outre, comme la demande mentionne des audits, le BSM a suggéré que le Secteur de la vérification et de l’évaluation soit également chargé de chercher des documents.
[9] Le bureau de l’AIPRP n’a pas expliqué pourquoi l’ensemble des secteurs et des régions n’ont pas été chargés de chercher des documents, contrairement à la recommandation du Secrétariat du Ministère et malgré la preuve selon laquelle des notes de breffages précédentes destinées au sous-ministre et provenant des secteurs Traités et gouvernement autochtone ainsi que Région du Yukon. De plus, le bureau de l’AIPRP n’a pas fourni d’explication quant au secteur qui serait l’auteur des notes de breffage à l’intention du sous-ministre concernant l’APN qui ont été attribuées à POS, ou quel secteur aurait vraisemblablement conservé des notes de breffage similaires concernant l’APN, destinées au sous-ministre, pour la période visée par la demande.
[10] Au cours de l’enquête, le bureau de l’AIPRP de RCAANC a chargé POS de chercher des documents pertinents dans le cadre de la demande. POS a indiqué que son système de données avait changé en 2017 et que la permission d’accéder aux données datant d’avant 2017 était limitée et, par conséquent, les documents de 2016 à 2017 ne sont plus accessibles.
[11] La Loi prévoit un droit d’accès aux documents relevant des institutions fédérales. RCAANC n’a pas expliqué pourquoi l’accès aux documents datant d’avant 2017 était limité ni pourquoi la partie plaignante n’avait pas le droit d’y accéder. RCAANC n’a pas non plus présenté d’observations expliquant pourquoi il n’y a aucun document de POS datant de 2018 à 2019.
[12] POS a recommandé de charger le bureau du sous-ministre adjoint principal (BSMAP) de chercher des documents, ce qui a été fait, mais celui-ci n’a pas trouvé de documents pour la période indiquée dans la demande. Le BSMAP a recommandé que le BSM soit chargé de chercher des documents pertinents. Celui-ci a été chargé de faire une recherche et une recherche a aussi été faite au bureau du sous-ministre adjoint, mais aucun autre document n’a été trouvé.
[13] RCAANC a indiqué que le BSM ne conserve pas de document, y compris ceux signés par le sous-ministre. Ces documents seraient soit conservés dans le système de gestion des documents ministériel, qui est géré par le Secrétariat du Ministère, soit sauvegardés dans GCDocs par le BPR. Le BSM a indiqué que quand il reçoit des demandes d’accès à des documents qui ne proviennent pas de lui et qui n’ont pas été sauvegardés par lui, il les dirige vers le bureau de l’AIPRP de RCAANC afin que celui-ci demande au(x) BPR concerné(s) de produire les documents. Le BSM a ajouté qu’il ne sait pas si des courriels sont détenus par d’anciens employés du BSM pour la période en question, car il n’a pas accès aux courriels de ceux-ci.
[14] Le droit d’accès, qui est de nature quasi constitutionnelle, se fonde sur la consignation de leurs activités et de leurs décisions par les institutions. Conformément à la Politique sur les services et le numérique, les administrateurs généraux sont tenus de veiller à ce que les décisions et les processus décisionnels soient consignés. De même, la Directive sur les services et le numérique exige que tous les employés de la fonction publique consignent leurs activités et leurs décisions ayant une valeur opérationnelle.
[15] Les documents communiqués en réponse à la demande d’accès indiquent que le sous-ministre a pris part aux discussions avec l’APN concernant le financement et que RCAANC collaborait avec Services aux Autochtones Canada à une entente de financement conjointe avec l’APN. Pourtant, seulement deux pages de documents ont été repérées et communiquées en réponse à la demande. RCAANC n’a pas expliqué pourquoi il y avait si peu de documents et, à mon avis, il est invraisemblable qu’il n’y ait pas davantage de documents ayant une valeur opérationnelle produits par le bureau du sous-ministre.
[16] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que RCAANC n’a pas effectué une recherche raisonnable de documents.
Résultat
[17] La plainte est fondée.
Ordonnances et recommandations
J’ordonne au ministre des Relations Couronne-Autochtones ce qui suit :
- Effectuer une nouvelle recherche de documents pertinents dans le cadre de la demande d’accès, en tenant compte des lacunes soulignées dans mon rapport;
- Fournir une nouvelle réponse à la partie plaignante une fois la recherche terminée, au plus tard 36 jours ouvrables après la date du compte rendu;
- Communiquer tous les autres documents pertinents supplémentaires, à moins que leur communication puisse être refusée, en tout ou en partie, en vertu d’une ou plusieurs dispositions de la partie I de la Loi. Le cas échéant, nommer la ou les dispositions invoquée(s);
- Si aucun document pertinent supplémentaire n’est localisé durant la recherche, indiquer, dans la réponse, comment et où la recherche a été effectuée et pourquoi aucun document n’a été repéré.
Rapport et avis de l’institution
Le 22 mai 2024, j’ai transmis au ministre des Relations Couronne-Autochtones mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances.
L’institution donnera suite aux ordonnances
Le 3 juillet 2024, la secrétaire ministérielle de RCAANC m’a avisée que RCAANC donnerait suite aux ordonnances. J’ai été informée qu’une recherche supplémentaire de documents pertinents est en cours et qu’une nouvelle réponse sera fournie à la partie plaignante au plus tard 36 jours ouvrables après la date du compte rendu.
Révision devant la Cour fédérale
Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. Quiconque exerce un recours en révision doit le faire dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, toute ordonnance rendue prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.