Santé Canada (Re), 2024 CI 01
Date : 2024-01-24
Numéro de dossier du Commissariat : 5819-03081
Numéros de dossier de l’institution : A-2014-00280 (EDIMS) A-2014-01444 (FLOW)
Sommaire
La partie plaignante allègue que Santé Canada a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et de l’alinéa 21(1)a) (avis ou recommandations), de même que de l’article 23 (secret professionnel de l’avocat) de la Loi sur l’accès à l’information en réponse à une demande d’accès. Cette dernière vise à obtenir des documents relatifs à Dukoral, excepté les monographies du produit. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.
Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat à l’information de mener une enquête sur l’application du paragraphe 19(1) pour refuser la communication de renseignements ou de quelconque renseignement se rapportant au processus de production ou à la composition de Dukoral.
L’institution et le tiers n’ont pas démontré que les renseignements non communiqués en vertu des alinéas 20(1)b) ou 20(1)c) satisfaisaient aux critères de ces exceptions.
De plus, certains renseignements ne satisfaisaient pas aux critères de l’alinéa 21(1)a), dont les renseignements factuels contenus dans les courriels.
L’institution a démontré que les renseignements non communiqués en vertu de l’article 23 satisfaisaient à tous les critères de cette exception.
La Commissaire à l’information a ordonné à Santé Canada de communiquer des renseignements précis non communiqués en vertu des alinéas 21(1)a), 20(1)b) et 20(1)c).
Santé Canada a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance.
La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que Santé Canada a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu du paragraphe 19(1) (renseignements personnels), de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers) et de l’alinéa 21(1)a) (avis ou recommandations), de même que de l’article 23 (secret professionnel de l’avocat) de la Loi sur l’accès à l’information en réponse à une demande d’accès. Cette dernière vise à obtenir des documents relatifs à Dukoral, excepté les monographies du produit.
[2] Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat à l’information de mener une enquête sur l’application du paragraphe 19(1) pour refuser la communication de renseignements ou de quelconque renseignement se rapportant au processus de production ou à la composition de Dukoral.
Enquête
[3] Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.
[4] Au cours de l’enquête, le Commissariat est arrivé à la conclusion préliminaire que des exceptions n’avaient pas été appliquées correctement pour refuser de communiquer les renseignements en cause. De ce fait, le Commissariat a demandé à Santé Canada et à Valneva de présenter des observations.
[5] Valneva a consenti à la communication supplémentaire des dates qui figurent dans l’ensemble du document. L’entreprise a aussi consenti à la communication des ébauches d’étiquettes de carton et de notices, des listes de références accessibles au public, des informations de base de l’entreprise en matière de sécurité et de certaines sections de l’examen préliminaire et de l’examen approfondi effectués par Santé Canada sur les présentations réglementaires. Les pages qui suivent sont visées par la plainte, et Valneva a décidé qu’elles pouvaient être communiquées dans leur intégralité : 82-86, 429, 601-611, 635-638, 796-797, 804-806, 831-850, 958-970, 973-981, 1008-1013, et 1016. Valneva a par la suite consenti à la communication de certaines sections des pages 45, 53-54, 798, 829-830, et 971.
[6] Dans ses observations, Valneva a aussi fait valoir la confidentialité de ses présentations. Les articles 62 à 64 de la Loi énoncent les exigences de confidentialité du Commissariat de même que les circonstances dans lesquelles je suis autorisée à communiquer des renseignements dont j’ai pris connaissance dans l’exercice de mes fonctions. Le présent compte rendu ne contient que les renseignements nécessaires pour motiver mes conclusions et mon ordonnance.
[7] Santé Canada a mentionné dans ses observations qu’il prendrait en considération la communication des pages auxquelles Valneva a donné son accord, bien qu’il ait maintenu que les renseignements satisfaisaient au départ aux critères des exceptions invoquées.
[8] Conformément à l’article 36.3, le Commissariat a avisé Valneva de mon intention d’ordonner à Santé Canada de communiquer certaines sections des renseignements en cause. Dans sa réponse, Valneva a réaffirmé ce qu’elle a mentionné dans ses observations présentées au cours de l’enquête.
Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers
[9] L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).
[10] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
- les renseignements sont de nature confidentielle;
- le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
- le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.
[11] Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.
[12] De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :
- la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
- l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[13] L’alinéa 20(1)b) a été appliqué pour refuser de communiquer les renseignements suivants :
- Dates
- Ordres du jour et enjeux précis
- Sommaires de téléconférence
- Procès-verbaux des réunions des dirigeants
- Diapositives de présentations
- Examens préliminaires
- Notes de service de Santé Canada
- Renseignements liés à des changements à déclaration obligatoire
- Renseignements sur la composition (y compris les ingrédients non médicinaux)
- Document certifié d’information sur le produit
- Certificat d’analyse
- Motifs justifiant la présentation du formulaire de déclaration de médicament
- Certification de la présentation
- Rapports périodiques de pharmacovigilance, annexes et documents connexes, y compris l’examen effectué par Santé Canada
[14] Comme il a été mentionné précédemment, le processus de production et la composition de Dukoral ne sont pas en cause dans le cadre de cette plainte.
[15] Je conviens que la plupart des renseignements non communiqués sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, ce qui satisfait au premier critère de l’exception. Les détails administratifs, tels que les dates ou l’emplacement de renseignements à l’intérieur des documents, ne satisfont toutefois pas à ce critère [voir AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 189, para 73 (AstraZeneca)]. Dans ses observations, Valneva a donné son accord pour que les dates soient communiquées.
[16] Concernant le deuxième critère, afin que l’alinéa 20(1)b) s’applique, les renseignements doivent être confidentiels. Dans l’affaire Air Atonabee Limited c. Canada (1989), 27 A.C.F. 194 (C.F. 1re inst.), la Cour fédérale a souligné trois sous-critères précis qui doivent être satisfaits pour que les renseignements soient considérés comme confidentiels :
- les renseignements ne doivent pas être disponibles auprès de sources autrement accessibles au public;
- les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
- la relation entre le gouvernement et le tiers n’est pas contraire à l’intérêt public, et l’échange confidentiel des renseignements doit favoriser cette relation dans l’intérêt du public.
[17] Il semblerait que certains des renseignements non communiqués étaient accessibles au public au moment où la demande avait été traitée. Ces renseignements consistent en une liste d’effets indésirables et une liste de cas publiés. Comme l’a fait remarquer la Cour suprême du Canada : « le simple renvoi à une étude accessible au public ou une description de son contenu dans une présentation n’est pas, de façon générale, un renseignement confidentiel » [Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 149 (Merck Frosst)]. Dans le cas qui nous occupe, ni Santé Canada ni Valneva n’ont démontré que ce type de renseignements ne pouvaient être considérés comme accessibles au public en raison du contexte dans lequel ils se trouvent. De plus, Valneva a donné son accord pour que ces renseignements soient communiqués. Par conséquent, dans le cas de certains des renseignements en cause, le premier critère de confidentialité n’a pas été satisfait.
[18] Il n’a pas non plus été démontré que la totalité des renseignements non communiqués en vertu de l’alinéa 20(1)b) avait été transmis à Santé Canada avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seraient pas divulgués. Comme l’a fait remarquer la Cour fédérale :
[u] ne partie qui cherche à obtenir une approbation du gouvernement, tout comme celles qui cherchent à obtenir des fonds ou des contrats du gouvernement, ne peut s’attendre à jouir du même degré de confidentialité qu’une partie qui aide le gouvernement. Et surtout lorsque l’approbation en question est liée à la santé et au bien-être physique des gens. (Voir AstraZeneca, para 76.)
[19] Le fait que certains documents comportaient une mention de confidentialité n’établit pas nécessairement que les renseignements devaient avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seraient pas divulgués [voir Brookfield Lepage Johnson Controls Facility Management Services c. Canada (Ministre des travaux publics et des services gouvernementaux), 2003 CFPI 254, para 12-19, confirmé dans 2004 CAF 214]. Par conséquent, en ce qui concerne les renseignements en cause, je suis d’avis que le deuxième critère de confidentialité n’a pas été satisfait.
[20] En ce qui concerne le troisième critère de confidentialité, je ne suis pas convaincue que les renseignements en cause aient été communiqués dans le cadre d’une relation d’intérêt public favorisée par la confidentialité des renseignements.
[21] Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que les trois critères de confidentialité n’ont pas été satisfaits pour ce qui est de l’ensemble des renseignements en cause.
[22] Quant au troisième critère de l’alinéa 20(1)b), même s’il semble que Valneva ait fourni une bonne partie des renseignements en question à une institution fédérale en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, les renseignements créés par Santé Canada et ses représentants ne satisfont pas à ce critère. Parmi ces renseignements figurent les examens effectués par Santé Canada, les procès-verbaux qu’il a préparés ou les commentaires qu’il a fournis. Comme il est précisé dans l’affaire AstraZeneca, au para 74 :
Les renseignements qui reflètent les points de vue, les opinions ou les commentaires de fonctionnaires du gouvernement ne sont pas des renseignements émanant de tiers. AstraZeneca ne détient pas un droit de propriété qui l’autorise à savoir comment le gouvernement a traité sa PDN. Ce n’est que dans la mesure où ces opinions ou ces commentaires divulguent les renseignements proprement dits que le tiers a fournis qu’il faut alors évaluer les renseignements en question par rapport aux autres critères de la Loi.
[23] Quant au dernier critère de l’alinéa 20(1)b), compte tenu du but de la présentation des documents à Santé Canada, des circonstances dans lesquelles les documents ont été recueillis et communiqués, et des observations présentées par Valneva, je conviens que les renseignements en cause ont toujours été traités comme étant confidentiels par cette dernière, de sorte que ce critère a été satisfait.
[24] Comme il a été mentionné précédemment, il n’a pas été démontré que l’ensemble des renseignements satisfaisait aux premier, deuxième et troisième critères de l’exception. Par conséquent, je conclus que ce ne sont pas tous les renseignements qui satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)b).
[25] Puisque les renseignements ne satisfont pas aux critères de cette exception, j’ai aussi examiné si Santé Canada avait correctement appliqué l’alinéa 20(1)c) relativement à ces mêmes renseignements pour en refuser la communication.
Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers
[26] L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.
[27] Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
- il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.
[28] Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
- il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.
[29] Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.
[30] De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :
- la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
- l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[31] L’alinéa 20(1)c) a été appliqué pour refuser de communiquer les mêmes renseignements non communiqués en vertu de l’alinéa 20(1)b), ainsi que certaines autres dates, l’objet d’une téléconférence et des renseignements relatifs à des réunions.
[32] L’alinéa 20(1)c) exige la présentation d’éléments de preuve démontrant comment la communication pourrait causer des pertes financières appréciables à Valneva et/ou nuire à sa compétitivité, ainsi que le degré de probabilité de cette répercussion. Santé Canada et/ou Valneva doivent démontrer l’existence d’un lien clair et direct entre la communication de renseignements précis et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité [Merck Frosst, para 197, 206].
[33] La jurisprudence établie sous le régime de la Loi indique clairement qu’une partie qui s’oppose à une communication en se fondant sur l’alinéa 20(1)c) a le fardeau d’établir, d’une manière qui dépasse le cadre général, l’existence d’une attente raisonnable qu’un préjudice probable décrit à cet alinéa se produise si les renseignements sont communiqués [voir Les Viandes du Breton Inc. c. Canada (Ministère de l’Agriculture), 2000 CanLII 16764 (CF), au para 12]. Cela nécessite que la partie qui s’oppose à la communication démontre que le préjudice est vraisemblablement probable et doit être établi en fonction des faits et des documents particuliers en cause dans une demande d’accès [voir Samsung Electronics Canada Inc. c. Canada (Santé), 2020 CF 1103, au para 113].
[34] J’accepte l’affirmation de Valneva selon laquelle la communication de certaines sections des renseignements en cause, comme les renseignements sur la fabrication ou la stratégie de réglementation, pourrait faire en sorte qu’un concurrent utilise ces renseignements à son avantage, ce qui nuirait à sa propre compétitivité. Toutefois, ni Valneva ni Santé Canada n’ont fourni d’explications détaillées qui démontrent comment les autres renseignements non communiqués risqueraient vraisemblablement de causer un préjudice prévu à l’alinéa 20(1)c).
[35] Comme il a été indiqué dans l’analyse de l’alinéa 20(1)b), certains renseignements non communiqués étaient accessibles au public au moment où la demande avait été traitée, ce qui suggère qu’il est peu probable que la communication de ces renseignements cause un préjudice sur le plan financier ou nuit à sa compétitivité [voir Merck Frosst, para 208-210].
[36] En ce qui concerne les dates contenues dans le document se rapportant aux présentations de médicaments et à leurs résultats, Santé Canada communique régulièrement ce type de renseignements sur son site Web. Je ne suis pas convaincue que la communication de ces renseignements contenus dans les documents risquerait vraisemblablement de causer le type de préjudice prévu à l’alinéa 20(1)c).
[37] De même, je ne suis pas d’avis que les renseignements en cause devraient faire l’objet d’un refus de communication au motif qu’ils pourraient être mal compris ou pris hors contexte par le public, ce qui risquerait de nuire à la réputation de Valneva. Dans l’affaire Merck Frosst, la Cour suprême du Canada a conclu que la communication de renseignements susceptibles de donner une impression erronée quant à l’innocuité d’un produit ne peut, sauf dans un cas inhabituel, donner lieu à l’attente raisonnable nécessaire en matière de préjudice. Refuser de communiquer des renseignements par crainte que le public les comprenne mal compromettrait l’objet fondamental de la Loi. La jurisprudence établit aussi que la connaissance de la manière dont fonctionne le processus réglementaire correspond au genre de renseignements que la Loi vise à fournir (Merck Frosst, para 217, 218 et AstraZeneca, para 94). Rien n’empêche Santé Canada de fournir des explications supplémentaires à la partie plaignante s’il craint que les renseignements soient mal compris ou pris hors contexte. Santé Canada n’a pas abordé la question du risque d’une interprétation erronée dans ses observations.
[38] Compte tenu de ce qui précède, je n’accepte pas que la communication de renseignements accessibles au public, qui pourraient être mal compris ou qui fournissent des renseignements généraux sur le processus réglementaire, puisse nuire à sa compétitivité ou causer des pertes financières.
[39] Par conséquent, je conclus que ce ne sont pas tous les renseignements qui satisfont aux critères de l’alinéa 20(1)c).
L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?
[40] Étant donné que Santé Canada était d’avis que les renseignements satisfaisaient aux critères des alinéas 20(1)b) et 20(1)c), il était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement.
[41] Santé Canada a expliqué qu’il avait pris en considération l’intérêt public au moment de traiter les documents et avait conclu que l’intérêt public général ne l’emportait pas sur les répercussions sur le tiers.
[42] Dans la mesure où les renseignements sont visés aux alinéas 20(1)b) et/ou 20(1)c), je conclus que les circonstances décrites au paragraphe 20(6) n’existaient pas lorsque Santé Canada a répondu à la demande d’accès. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner la question du pouvoir discrétionnaire.
Alinéa 21(1)a) : avis ou recommandations
[43] L’alinéa 21(1)a) permet aux institutions de refuser la divulgation d’avis ou de recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre.
[44] Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.
[45] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- les renseignements sont des avis ou des recommandations;
- les renseignements ont été créés pour une institution fédérale ou un ministre.
[46] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
[47] Toutefois, le paragraphe 21(2) interdit expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 21(1)a) pour refuser de communiquer ce qui suit :
- des documents qui contiennent les motifs ou les comptes rendus de décisions qui touchent les droits d’une personne prises par les institutions dans l’exercice de leurs pouvoirs discrétionnaires ou dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires ou quasi judiciaires;
- des rapports établis par des consultants ou des conseillers qui n’étaient pas, au moment où ces rapports ont été établis, des administrateurs, des dirigeants ou des employés d’une institution ou des membres du personnel du ministre.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[48] Tant l’alinéa 21(1)a) et les alinéas 20(1)b) et 20(1)c) ont été appliqués aux pages 48-50, 71-73, 77-78, 81, 962 et 1425.
[49] Les documents en question ont été créés par Santé Canada ou pour ce dernier. Ils ont aussi été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.
[50] En ce qui concerne les pages 48-50, 71-73, 77-78, 81, Santé Canada a expliqué quelles sections de chaque page contenaient des avis ou des recommandations étant donné que ces pages contenaient aussi des renseignements factuels ne satisfaisant pas aux critères de l’alinéa 21(1)a), ainsi que des renseignements de tiers non communiqués en vertu des alinéas 20(1)b) et 20(1)c). Il n’a pas expliqué quelles sections des pages 962 ou 1425, le cas échéant, contenaient des avis ou des recommandations.
[51] Bien que la Loi ne définisse pas les termes « avis » et « recommandations », les tribunaux ont donné des indications quant à leur signification. Dans l’affaire Canada (Commissariat à l’information) c. Canada (Premier ministre), 2019 CAF 95, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’une « recommandation » désigne une ligne de conduite suggérée qui peut ou non être adoptée. Par contre, les « avis » ne préconisent pas nécessairement une ligne de conduite précise, mais peuvent englober un éventail d’options comportant des avantages et des inconvénients. Les tribunaux ont affirmé de façon répétée que les renseignements de nature essentiellement factuelle ou objective ne relèvent pas de l’exception prévue à l’alinéa 21(1)a), à moins que les faits soient inextricablement liés à l’avis et aux recommandations, ou qu’ils les révèlent. Par ailleurs, ils ont établi une distinction entre donner un « avis » et « informer » quelqu’un d’un fait.
[52] La page 962 contient des renseignements qui semblent être des réponses factuelles. Aucune observation n’a été reçue pour expliquer en quoi ces réponses consistent en des avis ou des recommandations. La page 962 fait partie des pages auxquelles Valneva a donné son accord pour qu’elles soient communiquées.
[53] La page 1425 est un courriel envoyé par une personne travaillant à Santé Canada; il contient des renseignements factuels. La conclusion du courriel contient des termes qui renforcent davantage le fait que le document ne contient pas d’avis ou de recommandations.
[54] En ce qui concerne les pages 962 et 1425, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 21(1)a).
[55] En ce qui concerne les autres pages, je conclus que les renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)a).
L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?
[56] Étant donné que Santé Canada était d’avis que des parties du document satisfaisaient aux critères de l’alinéa 21(1)a), il était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements. Pour ce faire, il devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.
[57] Santé Canada n’a pas à fournir une analyse détaillée de chaque facteur considéré ni expliquer comment ils ont été mesurés les uns par rapport aux autres. Cependant, une déclaration générale selon laquelle il a exercé son pouvoir discrétionnaire et tenu compte de tous les facteurs pertinents ne suffit pas.
[58] Santé Canada a expliqué comment il a exercé son pouvoir discrétionnaire pour refuser de communiquer les renseignements, mais s’est également déclaré prêt à réexaminer l’application de l’alinéa 21(1)a) pour certaines pages en raison du temps écoulé.
[59] Je conclus que Santé Canada a pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’il a décidé de ne pas communiquer les renseignements. Par conséquent, l’exercice du pouvoir discrétionnaire par Santé Canada était raisonnable.
Article 23 : secret professionnel de l’avocat
[60] L’article 23 permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire lorsque l’information concerne des avis juridiques donnés à un client. L’article 23 permet aussi aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le privilège relatif au litige lorsque l’information a été préparée ou recueillie aux fins d’un litige.
[61] Pour invoquer cette exception relativement au secret professionnel de l’avocat, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- l’information consiste en une communication entre un avocat ou un notaire et son client;
- cette communication concerne directement les consultations ou les avis juridiques, y compris tous les renseignements nécessaires échangés en vue de l’obtention d’avis juridiques;
- les communications et les conseils sont destinés à être confidentiels.
[62] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions (à qui appartient le privilège) doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[63] L’article 23 a été appliqué aux pages 1422 et 1434 pour refuser de communiquer la majeure partie de deux courriels.
[64] Il est manifeste que ces échanges s’inscrivaient dans le cadre de communications confidentielles entre Santé Canada et son conseiller juridique.
[65] Par conséquent, je conclus que les renseignements satisfont aux critères de l’article 23.
L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?
[66] Étant donné que Santé Canada était d’avis que les renseignements satisfaisaient aux critères de l’article 23, il était tenu d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements. Pour ce faire, il devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.
[67] Dans ses observations, Santé Canada a expliqué comment il avait exercé son pouvoir discrétionnaire à l’égard des renseignements non communiqués en vertu de l’article 23.
[68] Je conclus que Santé Canada a pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’il a décidé de ne pas communiquer les deux courriels. Par conséquent, l’exercice du pouvoir discrétionnaire par Santé Canada était raisonnable.
Résultat
[69] La plainte est fondée.
Ordonnance
Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne au ministre de la Santé de communiquer les renseignements suivants :
- Communiquer tous les renseignements non divulgués en vertu des alinéas 20(1)b) ou 20(1)c) qui se trouvent aux pages suivantes : 19, 29, 30, 82-86, 429, 601-611, 635-638, 796-797, 804-806, 831-850, 958-970, 973-981, 1008-1013, 1425;
- Communiquer les sections des pages suivantes auxquelles Valneva a donné son accord pour qu’elles soient divulguées : 45, 53-54, 798, 829-830, 971, 1114;
- Communiquer les dates non divulguées en vertu des alinéas 20(1)b) ou 20(1)c) qui figurent dans l’ensemble des documents;
- Communiquer les renseignements de la page 81 qui correspondent aux renseignements déjà divulgués de la page 87;
- Communiquer tous les renseignements non divulgués en vertu de l’alinéa 21(1)a) qui se trouvent aux pages 962 et 1425.
Rapport et avis de l’institution
Le 13 octobre 2023, j’ai transmis au ministre de la Santé mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.
Le 11 novembre 2023, Santé Canada m’a avisée qu’il donnerait suite à mon ordonnance.
J’ai fait parvenir le présent compte rendu à Valneva.
Révision devant la Cour fédérale
Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante et l’institution ont le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Celles-ci doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, Valneva peut exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. La personne qui exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.