Santé Canada (Re), 2024 CI 36

Date : 2024-07-02
Numéro de dossier du Commissariat : 5822-06592
Numéro de la demande d’accès : A-2022-001028

Sommaire

La partie plaignante allègue que Santé Canada n’a pas répondu à une demande d’accès dans le délai de 30 jours prévu à l’article 7 de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des documents internes et externes mentionnés dans un résumé de l’étude d’impact de la réglementation concernant le Règlement modifiant le Règlement sur les produits du tabac. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Au cours de l’enquête, le Commissariat à l’information a été avisé que 20 250 pages de documents pertinents avaient été reçues. Le Commissariat a constaté que des lacunes dans la gestion de l’information ont causé le retard important dans le traitement de la demande. De plus, des consultations seraient requises au sein de Santé Canada, avec d’autres ministères ainsi qu’avec un certain nombre de tiers.

Santé Canada s’est engagé à répondre à la demande au plus tard le 17 juillet 2030.

Compte tenu du temps qui s’est déjà écoulé sans qu’il y ait de progrès significatif dans le traitement de la demande et du trop long échéancier d’approbation, la date de réponse proposée est jugée déraisonnable. La Commissaire a ordonné au ministre de la Santé de fournir une réponse complète à la demande d’accès au plus tard le 7 avril 2026.

Santé Canada a avisé la Commissaire qu’il donnerait suite à l’ordonnance.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que Santé Canada n’a pas répondu à une demande d’accès dans le délai de 30 jours prévu à l’article 7 de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise des documents internes et externes mentionnés dans un résumé de l’étude d’impact de la réglementation concernant le Règlement modifiant le Règlement sur les produits du tabac. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Enquête

Délais pour répondre aux demandes d’accès

[2]      L’article 7 exige que les institutions répondent aux demandes d’accès dans un délai de 30 jours, à moins qu’elles aient transmis la demande à une autre institution ou pris une prorogation de délai valide parce qu’elle satisfait aux critères de l’article 9. Lorsqu’une institution ne répond pas à une demande dans le délai de 30 jours ou dans le délai prorogé, elle est réputée avoir refusé de communiquer les documents en vertu du paragraphe 10(3).

[3]      L’institution est néanmoins tenue de fournir une réponse à la demande.

Qu’est-ce qu’une réponse?

[4]      La réponse à une demande d’accès doit être écrite et elle doit indiquer si l’institution communique les documents demandés, en tout ou en partie.

  • Lorsque la réponse de l’institution indique qu’elle communique les documents, en tout ou en partie, l’institution doit les communiquer.
  • Lorsque la réponse de l’institution indique qu’elle refuse de communiquer les documents, en tout ou en partie, l’institution doit expliquer que les documents n’existent pas ou qu’elle refuse de les communiquer, en tout ou en partie, en vertu d’une exception précise, et elle doit identifier cette disposition.

[5]      Dans des circonstances précises, l’institution peut refuser de confirmer ou de nier l’existence des documents, en vertu du paragraphe 10(2).

L’institution a-t-elle répondu dans les délais?

[6]      Santé Canada a reçu une demande d’accès le 26 août 2022. La demande originale a été séparée en deux. Aucune prorogation n’a été prise. L’échéance du délai de réponse de 30 jours prévu dans la Loi était donc le 26 septembre 2022.

[7]      Santé Canada n’avait pas répondu à la demande à cette date. Je conclus donc que Santé Canada n’a pas respecté son obligation de répondre à la demande dans le délai prorogé. Par conséquent, Santé Canada est réputé avoir refusé de communiquer les documents demandés en vertu du paragraphe 10(3).

[8]      Dans ses observations, Santé Canada a indiqué que 20 250 pages de documents pertinents avaient été reçues. Il a également indiqué qu’il y a plusieurs pages en double et que les repérer s’est avéré difficile, compte tenu du nombre de documents visés. Dans ses enquêtes, le Commissariat constate des difficultés sur le plan de la gestion de l’information, principalement la multiplication des documents, des doubles ainsi que des versions et des courriels sur plusieurs plateformes, ce qui rend le repérage des documents et le traitement des demandes ardus. À l’inverse, une fois les doubles repérés, s’il y en a un grand nombre, cela pourrait accélérer le traitement de la demande, car le nombre de pages à examiner s’en trouverait réduit.

[9]      Santé Canada a indiqué qu’il était en train de déterminer les consultations nécessaires concernant cette demande et de les préparer. La priorité actuelle de Santé Canada est de repérer les pages qui nécessiteront une consultation auprès de son unité des services juridiques ministériels (USJM) et, pour le moment, il prévoit que cette consultation contiendra environ 6 000 pages.

[10]    Quant aux autres consultations, Santé Canada a ciblé 10 autres ministères jusqu’à maintenant et prévoit de mener à bien une consultation par mois. Santé Canada pourrait décider que d’autres consultations sont nécessaires au fur et à mesure qu’il poursuit son examen approfondi des documents. Il a également conclu qu’il serait nécessaire de consulter de 25 à 30 tiers. Santé Canada a indiqué que les consultations n’avaient pas encore été entreprises; cependant, celles-ci auront lieu en même temps que la consultation auprès de l’USJM.

[11]    Santé Canada prévoit que le premier examen des documents, y compris la consultation auprès de l’USJM, aura lieu au cours des deux prochaines années.

[12]    Il incombe à Santé Canada de veiller à ce que les demandes d’accès soient traitées conformément aux exigences de la Loi concernant les documents qui relèvent de lui. Bien que je reconnaisse que, dans certaines circonstances, il peut être approprié qu’une institution en consulte une autre en vue de répondre à une demande, c’est à l’institution qui a reçu la demande qu’il incombe de veiller à ce que le processus de consultation ne retarde pas indûment l’accès.

[13]    Santé Canada a indiqué qu’il était possible qu’il y ait d’autres retards, car, en raison de la classification de certains documents, il sera probablement nécessaire de travailler avec des copies papier pour la consultation auprès de l’USJM. En outre, en raison de la complexité des documents, le processus d’examen final et d’approbation devrait se faire au niveau du directeur adjoint et, selon les estimations, il devrait durer six mois.

[14]    Compte tenu du travail qu’il reste à faire dans le dossier, de la complexité de celui-ci et de la charge de travail de l’unité de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels, Santé Canada s’est engagé à répondre à la demande au plus tard le 17 juillet 2030.

[15]    La partie plaignante attend maintenant une réponse à sa demande d’accès depuis plus d’un an et demi. Chaque jour supplémentaire pris pour répondre à cette demande représente un jour de plus où les droits d’accès de la partie plaignante lui sont refusés. Cette absence de réponse contrevient clairement aux obligations de Santé Canada en vertu de la Loi et mine la crédibilité du système d’accès.

[16]    Bien qu’il y ait un grand nombre de documents à examiner et que des consultations auprès de tiers soient nécessaires, compte tenu du temps qui s’est déjà écoulé sans qu’il y ait de progrès significatif dans le traitement de la demande et du trop long échéancier d’approbation, je suis d’avis que la date de réponse proposée est déraisonnable

Résultat

[17]    La plainte est fondée.

Ordonnance

J’ordonne au ministre de la Santé de fournir une réponse complète à la demande d’accès au plus tard le 7 avril 2026.

Rapport et avis de l’institution

Le 21 mai 2024, j’ai transmis au ministre mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 19 juin 2024, la directrice exécutive de la Division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels m’a avisée que Santé Canada donnerait suite à mon ordonnance. Santé Canada réorganisé les priorités relatives aux charges de travail afin de se concentrer sur cette demande et il est possible qu’il ne puisse pas mener à bien toutes les consultations nécessaires, ce qui pourrait donner lieu à l’application de davantage d’exceptions. De plus, Santé Canada a indiqué que les consultations auprès de tiers seront menées, mais il ne sait pas si l’un ou plusieurs de ceux-ci invoqueront leur droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale en vertu de l’article 44 de la Loi.

Je rappelle au ministre qu’il incombe à Santé Canada de veiller à ce que les demandes d’accès soient traitées conformément aux exigences de la Loi concernant les documents qui relèvent de lui. Santé Canada doit s’assurer de procéder à une analyse exhaustive et rigoureuse, et de tenir des consultations au besoin sur des éléments précis. Que des consultations discrétionnaires soient tenues ou non, les exceptions au droit d’accès devraient être limitées et précises, comme le prévoit la Loi.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. Quiconque exerce un recours en révision doit le faire dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ce délai, l’ordonnance prend effet le 36e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

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