Services aux Autochtones Canada (Re), 2024 CI 23

Date : 2024-05-03
Numéro de dossier du Commissariat : 5822-04499
Numéro de la demande d’accès : ISC-A-2021-00059 / DM

Sommaire

La partie plaignante allègue que Services aux Autochtones Canada (SAC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers), de l’alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers) et de l’article 23 (secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise l’accord de règlement entre la Couronne et la Nation Squamish aux alentours de 2000 relativement à Kitsilano Point et à la région environnante ainsi que toutes les cartes connexes et annexes. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Ni SAC ni le tiers n’ont démontré que les renseignements satisfont aux critères des exceptions, particulièrement qu’il y a lien clair et direct entre la divulgation de renseignements précis et un risque de préjudice, que la divulgation des renseignements pourrait entraîner un risque vraisemblable d’entrave à des négociations, ou que les renseignements sont visés par le secret professionnel de l’avocat ou le privilège relatif à un litige. La Commissaire à l’information a ordonné à SAC de communiquer les documents dans leur intégralité. SAC a avisé la Commissaire qu’il ne communiquerait pas les documents.

Plainte

[1]    La partie plaignante allègue que Services aux Autochtones Canada (SAC), en réponse à une demande d’accès, a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 20(1)c) (pertes ou profits financiers d’un tiers), de l’alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers) et de l’article 23 (secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande vise l’accord de règlement entre la Couronne et la Nation Squamish aux alentours de 2000 relativement à des terres dans les basses-terres continentales de Vancouver, particulièrement Kitsilano Point et la région environnante, ainsi que toutes les cartes connexes et annexes.

[2]    L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Enquête

[3]   Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements, y compris les renseignements des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[4]   Le Commissariat à l’information a demandé des observations à la Nation Squamish (le tiers) et à SAC conformément à l’article 35 de la Loi. Les deux parties soutiennent que le refus de communiquer l’intégralité des documents pertinents dans le cadre de la demande était justifié en vertu des alinéas20(1)c) et d). SAC soutient également que le refus de communication est justifié en vertu de l’article

[5]   Conformément au paragraphe 36.3(1), le Commissariat a également avisé la Nation Squamish de mon intention d’ordonner à SAC de communiquer les renseignements en cause. Celle-ci n’a pas répondu.

 Alinéa 20(1)c) : pertes ou profits financiers d’un tiers

[6]   L’alinéa 20(1)c) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement d’avoir une incidence financière importante sur un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès) ou de nuire à sa compétitivité.

[7]   Pour invoquer cette exception relativement aux pertes ou profits financiers d’un tiers, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait causer des pertes ou profits financiers appréciables pour le tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[8]   Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à la compétitivité du tiers;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[9]   Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[10]   De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[11]   Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)c) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[12]   D’emblée, je note que l’accord de règlement et ses annexes sont de l’information qui est déjà, dans une certaine mesure, dans le domaine public. Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC) a notamment rendues publiques les fondements du règlement, dont le montant et les détails des revendications réglées (voir https://web.archive.org/web/20010422120754/http://www.ainc-inac.gc.ca/nr/prs/m-a2000/2-00144_f.html et https://web.archive.org/web/20060210120340/http://www.ainc-inac.gc.ca/nr/prs/m-a2000/00144bk_f.html). Au cours de l’enquête, il a aussi été confirmé que d’autres parties des documents ont été accessibles au public, à divers moments, et que certains documents le sont toujours.

[13]   Bien qu’une grande partie de l’information en cause soit accessible au public, la Nation Squamish et SAC soutiennent que les documents contiennent des renseignements qui ne sont pas publics et, par conséquent, que la divulgation des documents risquerait vraisemblablement de donner lieu au préjudice décrit à l’alinéa 20(1)c).

[14]   Bien que je convienne qu’il est possible que l’intégralité des documents pertinents ou que les renseignements qu’ils contiennent ne soient pas publics, aucune des parties n’a démontré en quoi la divulgation de certains renseignements particuliers dans les documents pertinents qui ne sont pas publics risquerait vraisemblablement de donner lieu au préjudice décrit à l’alinéa 20(1)c).

[15]   La Nation Squamish, pour sa part, alléguait que la divulgation de certains renseignements qui ne sont pas publics, qu’elle a mentionnés de façon générale sans les identifier précisément, risquerait vraisemblablement de donner lieu à un préjudice. Elle affirme également que la divulgation des documents causerait vraisemblablement un préjudice à sa position dans des négociations actuelles et futures, et pourrait entraîner des pertes financières appréciables en révélant des détails sur les concessions qu’elle a faites, mais elle n’a pas expliqué comment ce préjudice serait causé.

[16]   Les observations de SAC étaient différentes de celles de la Nation Squamish; SAC prétendait que, puisque l’accord de règlement ne comprenait pas la revendication de la Nation relativement aux terres du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP), la Nation Squamish pourrait subir des pertes lorsque la revendication contre le CFCP ferait l’objet d’un recours judiciaire. SAC n’a cependant pas expliqué de façon convaincante en quoi les renseignements dans les documents en cause pourraient avoir cet effet. Il n’a pas indiqué de litige particulier en instance qui risquerait vraisemblablement d’être touché par la divulgation des renseignements en cause ni indiqué dans quelle mesure les revendications de la Nation Squamish concernant les terres du CFCP ont déjà fait l’objet de recours judiciaires.

[17]   En outre, des mesures ont déjà été déterminées par la Cour suprême de la Colombie-Britannique, qui a conclu que l’intérêt du Canada dans la terre de 10,5 acres qui avait été expropriée par la compagnie de chemin de fer [traduction] : « revenait à la bande indienne, que ce soit Squamish, Musqueam ou Burrard, qui, dans d’autres actions judiciaires, est considérée comme y ayant droit » [voir Canada (A.G.) v. Canadian Pacific Ltd., 2000 BCSC 933 (CanLII), para 239; confirmée par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans Canada (Attorney General) v. Canadian Pacific Ltd., 2002 BCCA 478 (CanLII) – décisions en anglais seulement]. Entre-temps, comme il s’agit d’affaires entre les Premières Nations, la Cour fédérale a déjà statué que la concession originale des terres du CFCP à la Nation Squamish ne devrait pas être modifiée [voir Mathias v The Queen, 2001 FCT 480, 207 FTR 1]. Il ne semble donc pas y avoir actuellement des litiges en instance.

[18]   Comme ni SAC ni la Nation Squamish n’ont indiqué de lien clair entre la divulgation de renseignements précis et un risque de donner lieu au préjudice décrit à l’alinéa 20(1)c) qui soit bien au-delà de la simple possibilité ou conjecture, il n’a pas établi que l’exception s’applique [Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 197, 206].

[19]   Par conséquent, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)c).

Alinéa 20(1)d) : négociations d’un tiers

[20]   L’alinéa 20(1)d) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver les négociations contractuelles ou autres d’un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès).

[21]   Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • un tiers mène ou mènera des négociations en vue de contrats ou à d’autres fins;
  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à ces négociations;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[22]   Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

[23]   De plus, lorsque ces critères sont satisfaits, le paragraphe 20(6) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer les renseignements pour des raisons de santé publique ou de sécurité publique, ou pour protéger l’environnement, lorsque les deux circonstances suivantes (énumérées au paragraphe 20(6)) existent :

  • la divulgation des renseignements serait dans l’intérêt public;
  • l’intérêt public dans la divulgation est nettement supérieur à toute répercussion financière sur le tiers, à toute atteinte à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, à sa compétitivité ou à toute entrave aux négociations contractuelles ou autres qu’il mène.

[24]   Toutefois, les paragraphes 20(2) et 20(4) interdisent expressément aux institutions d’invoquer l’alinéa 20(1)d) pour refuser de communiquer des renseignements qui contiennent les résultats d’essais de produits ou d’essais d’environnement effectués par une institution fédérale ou en son nom, sauf si ces essais ont été effectués moyennant paiement pour un particulier ou un organisme autre qu’une institution fédérale.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[25]   La Nation Squamish et SAC soutiennent que le refus de communiquer les documents est justifié en vertu de l’alinéa 20(1)d). Je ne suis pas d’avis que les critères de l’exception sont satisfaits.

[26]   Le mot « entrave » à l’alinéa 20(1)d) signifie une « obstruction » ou un « empêchement » [voir, par exemple : Saint John Shipbuilding Ltd. c. Canada (Ministre des Approvisionnements et Services), 1990 CanLII 8108 (FCA); Conseil canadien des fabricants des produits du tabac c. Canada (Ministre du revenu national), 2003 CF 1037, para 133]. Une concurrence accrue découlant de la divulgation ne suffit pas [voir, par exemple : Société Gamma Inc. c. Canada (Secrétariat d’État), (1994) A.C.F. no 589, 79 F.T.R.].

[27]   Il faut démontrer que l’entrave aux négociations réelles du tiers risque vraisemblablement de se produire, ce qui signifie que c’est beaucoup plus qu’une simple possibilité. (Merck, supra) La crainte d’entrave à des négociations réelles, contractuelles ou autres, doit être plus qu’une simple conjecture. Elle doit être appuyée par une preuve convaincante et crédible.

[28]   SAC, à l’appui de l’application de l’alinéa 20(1)d), a fait valoir ce qui suit :

  • la Nation Squamish est actuellement en négociation avec le gouvernement fédéral et le gouvernement local concernant l’utilisation de terres dans la réserve Kitsilano no 6 et adjacentes à celle-ci;
  • la Nation Squamish a des demandes reconventionnelles de la part d’autres bandes autochtones souhaitant obtenir des règlements contre la Couronne;
  • la divulgation des documents fournirait des renseignements qui ne sont pas accessibles au public à des groupes qui pourraient souhaiter présenter des revendications supplémentaires contre la Nation Squamish et la Couronne.

[29]   La Nation Squamish, pour sa part, a fait valoir ce qui suit :

  • la divulgation des dispositions de l’accord de règlement entraverait les discussions relatives au développement en cours à Sen̓áḵw ainsi que sur les terres dans la réserve Kitsilano no 6 et adjacentes à celle-ci;
  • elle était en négociation avec plusieurs entités.

[30]   Ces observations ne suffisent pas pour établir que les critères de l’alinéa 20(1)d) sont satisfaits.

[31]   Ni SAC ni la Nation Squamish n’ont démontré en quoi la divulgation des documents ou de renseignements particuliers qu’ils contiennent pourrait causer un empêchement ou une obstruction à ces négociations, et encore moins établi qu’il y avait une attente raisonnable que ce résultat se produise.  

[32]   Les affirmations selon lesquelles les négociations de la Nation Squamish avec le gouvernement fédéral pourraient vraisemblablement être entravées sont certainement minées par le fait que la Nation Squamish et la Couronne sont déjà au courant de l’accord en tant que signataires du règlement. Il est difficile d’envisager toute entrave aux négociations impliquant des demandes reconventionnelles contre la Nation Squamish par d’autres groupes autochtones, puisque ces demandes semblent avoir été réglées avant que SAC reçoive la demande d’accès. Comme l’a souligné la Cour suprême de la Colombie-Britannique [traduction] :

Les nations Musqueam et Tsleil-Waututh ont également entrepris des recours au motif que le gouvernement fédéral n’a pas protégé ses intérêts lorsqu’il a attribué la réserve Kitsilano à la Nation. En 2000, la Nation a réglé son recours et reçu 92,5 millions de dollars. Les revendications des nations Musqueam et Tsleil-Waututh ont été rejetées en 2001. Par conséquent, la concession originale de terres à la Nation a été confirmée. [Kits Point Residents Association v Vancouver (City), 2023 BCSC 1706]

[33]   Enfin, les préjudices allégués découlant de la divulgation sont encore plus difficiles à envisager, compte tenu de la mesure dans laquelle les renseignements concernant le règlement et les annexes de celui-ci sont déjà dans le domaine public.

[34]   Comme ni SAC ni la Nation Squamish n’ont démontré que la communication des renseignements entraverait vraisemblablement les négociations, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)d).

Article 23 : secret professionnel de l’avocat et privilège relatif à un litige

[35]   L’article 23 permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire lorsque l’information concerne des avis juridiques donnés à un client. L’article 23 permet aussi aux institutions de refuser de communiquer des renseignements protégés par le privilège relatif au litige lorsque l’information a été préparée ou recueillie aux fins d’un litige.

[36]   Pour invoquer cette exception relativement au secret professionnel de l’avocat, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • l’information consiste en une communication entre un avocat ou un notaire et son client;
  • cette communication concerne directement les consultations ou les avis juridiques, y compris tous les renseignements nécessaires échangés en vue de l’obtention d’avis juridiques;
  • les communications et les conseils sont destinés à être confidentiels.

[37]   Pour invoquer cette exception relativement à un litige, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements ont été préparés ou recueillis dans le but principal d’un litige;
  • le litige est en cours ou peut être raisonnablement appréhendé.

[38]   Le privilège relatif au litige prend fin généralement lorsque le litige est terminé, sauf lorsqu’un litige connexe est en instance ou est raisonnablement appréhendé.

[39]   Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions (à qui appartient le privilège) doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[40]   SAC alléguait que les documents pertinents sont également protégés par le secret professionnel de l’avocat et/ou le privilège relatif à un litige, et sont donc visés par l’article 23. Après avoir examiné les documents en cause et les observations de SAC, j’estime que ni le secret professionnel de l’avocat ni le privilège relatif au litige ne s’applique.

[41]   SAC, pour appuyer son allégation selon laquelle les documents sont protégés par le secret professionnel de l’avocat, soutient que ceux-ci contiennent des renseignements qui consistent en des conseils fournis à SAC par le ministère de la Justice Canada concernant des promesses mutuelles incluses dans l’accord de règlement.

[42]   Comme il a été mentionné précédemment, les documents en cause consistent en un accord de règlement (ainsi que les annexes et autres documents connexes), entre deux parties distinctes, à savoir la Nation Squamish et la Couronne. Bien que l’essentiel du contenu de l’accord puisse reposer sur les conseils reçus par les conseillers juridiques respectifs de parties, aucune partie de l’accord ne consiste en des communications entre un avocat ou un notaire et son client échangées en vue de l’obtention d’avis juridiques. Il semble également que l’accord de règlement n’était pas destiné à être une information confidentielle entre un avocat ou notaire et son client, car il a été communiqué et conclu par des parties distinctes ayant des intérêts opposés. Les critères du secret professionnel de l’avocat relativement aux conseils juridiques ne sont donc pas satisfaits.

[43]   Pour ce qui est du privilège relatif à un litige, l’article 23 n’englobe pas les « négociations en vue d’un règlement » [voir : Bande des Blood c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) (C.F.), 2003 CF 1397, para 55]. Il est donc difficile de voir en quoi le privilège relatif à un litige viserait un accord de règlement mutuellement convenu par deux parties opposées. L’objet de ce privilège est de donner la possibilité aux parties de « préparer leurs arguments en privé, sans ingérence de la partie adverse et sans crainte d’une communication prématurée » [Blank c. Canada (Ministre de la Justice), 2006 CSC 39]. Il vise à faciliter le processus contradictoire en créant une « zone de confidentialité » pour préparer le procès. Un accord de règlement convenu mutuellement par deux parties opposées ne contribue aucunement à l’atteinte de ces objectifs.

[44]   En outre, le privilège relatif à un litige prend fin lorsque le litige qui lui a donné lieu est terminé (Blank, ibid, para 36). Même si un accord de règlement pourrait être interprété comme ayant été préparé dans le but principal d’un litige, en l’espèce, SAC n’a pas établi qu’un tel litige ou un litige connexe était en instance ou pourrait raisonnablement être appréhendé au moment de répondre à la demande. L’accord de règlement présente ce dont les parties ont convenu quant au règlement entier et final des poursuites, des revendications particulières et des autres revendications, tels que ces termes sont définis dans l’accord, qui ont pris fin en 2000 quand l’accord de règlement a été signé. Le tout s’est produit bien avant le privilège allégué par SAC au moment de répondre à la demande d’accès à l’information.

[45]   SAC prétendait que le privilège se poursuit en raison de revendications actuelles ou possibles contre la Couronne, des sociétés d’État et d’autres entités. Cependant, les « litiges connexes » auxquels le privilège pourrait s’étendre comprennent nécessairement « les mêmes parties ou des parties liées et qui découlent de la même cause d’action […] ou d’une cause d’action connexe » (Blank, ibid, para 39). Il faut également qu’il y ait une attente raisonnable, plutôt qu’une simple possibilité. SAC n’a pas fourni d’observations détaillées ou de preuve pour démontrer que les litiges connexes à celui aux fins duquel l’accord de règlement a été conclu étaient en instance ou raisonnablement appréhendés au moment de répondre à la demande. Comme mentionné ci-dessus, la portée du privilège relatif à un litige n’est pas absolue et sa durée n’est pas illimitée. Le principe de la « pérennité des privilèges » ne s’applique donc pas (Blank, ibid, para 37).

[46]   Enfin, même si je concluais que le privilège relatif à un litige aurait pu être appliqué à un moment donné à des parties des documents en cause, le fait que ces derniers ont été échangés par des parties opposées et, dans certains cas, rendus accessibles au public, rendrait nul tout privilège potentiel invoqué.

[47]   Par conséquent, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’article 23.

Résultat

[48]   La plainte est fondée.

Ordonnances et recommandations

J’ordonne à la ministre des Services aux autochtones de communiquer les documents dans leur intégralité.

Rapport et avis de l’institution

Le 14 mars 2024, j’ai transmis à la ministre des Services aux Autochtones mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

L’institution ne donnera pas suite aux ordonnances

Le 22 avril 2024, la ministre des Services aux Autochtones m’a avisée que SAC ne donnerait pas suite à mon ordonnance. La ministre a déclaré que la divulgation des renseignements aurait une incidence considérable sur la relation entre le Canada et la Nation Squamish, et qu’elle nuirait à la capacité de tenir des discussions confidentielles et non préjudiciables. La ministre a ajouté que la communication des renseignements indiquerait à la Nation Squamish ainsi qu’à tous les peuples autochtones qu’ils ne peuvent pas être assurés que l’information qu’ils communiquent au Canada de nation à nation, de façon confidentielle, sera traitée telle quelle.

Je dois rappeler à la ministre que, si elle n’a pas l’intention de donner entièrement suite à mes ordonnances, elle doit exercer un recours en révision devant la Cour fédérale dans le délai suivant.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. La partie plaignante et/ou l’institution doivent exercer un recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. Quiconque exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

Autres destinataires du compte rendu

Conformément au paragraphe 37(2), le présent compte rendu a été envoyé à la Nation Squamish.

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