Société canadienne d’hypothèques et de logement (Re), 2023 CI 33
Date : 2023-08-08
Numéro de dossier du Commissariat : 5820-00897
Numéro de dossier de l’institution : AF-2019-00042 / JMH
Sommaire
La partie plaignante allègue que la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu de l’alinéa 18a) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques du gouvernement), de l’alinéa 18b) (compétitivité des institutions fédérales, négociations des institutions fédérales), de l’alinéa 20(1)a) (secrets industriels de tiers), de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 21(1)a) (avis ou recommandations) et de l’alinéa 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou de délibérations) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à sa demande d’accès. Cette dernière vise à obtenir des documents relatifs aux changements de politiques importants apportés au Programme des obligations hypothécaires du Canada (Programme des OHC), ainsi qu’aux évaluations des risques pour le Programme des OHC et le Programme des titres hypothécaires émis en vertu de la Loi nationale sur l’habitation (Programme des TH LNH). La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi sur l’accès à l’information.
La portée de la plainte a été réduite afin d’en retirer les cas où l’alinéa 20(1)b) a été appliqué à certains renseignements de tiers.
Au cours de l’enquête, la SCHL a invoqué l’alinéa 68a) pour refuser la communication de certains renseignements de tiers mis en vente dans le public. Elle a aussi communiqué certains renseignements qu’elle avait refusé de communiquer en vertu des alinéas 18a), 18b), 21(1)a) et 21(1)b). La SCHL a démontré que les renseignements satisfaisaient à tous les critères de ces exceptions dans les cas où elle maintenait leur application.
Les tiers dont les renseignements sont en cause n’ont pas fourni d’observations, et la SCHL n’a pas pu démontrer que ces renseignements satisfaisaient à tous les critères de l’alinéa 20(1)b).
La Commissaire à l’information a ordonné à la SCHL de communiquer tous les renseignements en cause dont la communication a été refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b).
La SCHL a avisé la Commissaire qu’elle donnerait suite à l’ordonnance.
La plainte est fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu de l’alinéa 18a) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques du gouvernement), de l’alinéa 18b) (compétitivité des institutions fédérales, négociations des institutions fédérales), de l’alinéa 20(1)a) (secrets industriels de tiers), de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers), de l’alinéa 21(1)a) (avis ou recommandations) et de l’alinéa 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou de délibérations) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à sa demande d’accès. Cette dernière vise à obtenir des documents relatifs aux changements de politiques importants apportés au Programme des obligations hypothécaires du Canada (Programme des OHC), ainsi qu’aux évaluations des risques pour le Programme des OHC et le Programme des titres hypothécaires émis en vertu de la Loi nationale sur l’habitation (Programme des TH LNH). La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi sur l’accès à l’information.
[2] Au cours de l’enquête, la partie plaignante a décidé qu’il n’était plus nécessaire pour le Commissariat à l’information de mener une enquête sur les cas où l’alinéa 20(1)b) a été appliqué à des renseignements financiers de tiers, à des noms de tiers ou à des renseignements qui pourraient révéler l’identité de tiers.
Enquête
[3] Lorsqu’une institution refuse de communiquer des renseignements, y compris des renseignements relatifs à des tiers, il incombe aux tiers et/ou à l’institution de démontrer que le refus est justifié.
[4] Le 19 octobre 2022 et le 3 mai 2023, la SCHL a communiqué des renseignements supplémentaires, dont elle avait refusé la communication en vertu des alinéas 18a), 18b), 21(1)a) et 21(1)b) au moment de la réponse. Elle a précisé que ces communications supplémentaires ont eu lieu en raison du temps écoulé. La SCHL a continué de refuser la communication des renseignements restants en vertu des alinéas 18a), 20(1)a), 20(1)b), 21(1)a) et 21(1)b). Elle a également décidé d’invoquer l’alinéa 68a) pour refuser la communication des renseignements.
Alinéa 68a) : documents mis en vente
[5] Conformément à l’article 68, le droit d’accès aux documents prévu à la partie 1 de la Loi ne s’applique pas aux documents mis en vente dans le public.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[6] Au cours de l’enquête, la SCHL a invoqué l’alinéa 68a) pour refuser de communiquer les renseignements relatifs à Moody’s Investors Service, Inc. (Moody’s) qui figurent aux pages 601-602. Elle a confirmé que les renseignements avaient été copiés d’un outil exclusif de Moody’s; ces mêmes renseignements sont mis en vente dans le public.
[7] La SCHL a démontré que les renseignements sont les mêmes que ceux mis en vente dans le public. Par conséquent, je conclus que les renseignements sont exclus suivant l’alinéa 68a) de la Loi.
[8] Puisque les renseignements satisfont aux critères de cette exception, le Commissariat n’a pas examiné les autres exceptions ayant été appliquées à ces mêmes renseignements par la SCHL. Tout particulièrement, il n’est pas nécessaire d’examiner l’application de l’alinéa 20(1)a) à ces renseignements.
Alinéa 18a) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques du gouvernement
[9] L’alinéa 18a) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques qui appartiennent au gouvernement du Canada ou à une institution fédérale et qui ont, ou sont susceptibles d’avoir, une valeur importante.
[10] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
- les renseignements appartiennent au gouvernement du Canada ou à l’une de ses institutions;
- les renseignements ont une valeur marchande importante plutôt que modique ou peuvent vraisemblablement en avoir une ultérieurement.
[11] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[12] Je conviens que les renseignements en cause sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques et appartiennent au gouvernement du Canada. Toutefois, j’ai cherché à savoir si tous les renseignements en cause ont une valeur marchande importante ou peuvent vraisemblablement en avoir une ultérieurement. D’après les observations de la SCHL, je suis d’avis qu’une grande partie de ces renseignements ont effectivement une telle valeur marchande. Tout particulièrement, je conviens que les renseignements tels que les modèles utilisés par la SCHL pour fixer les commissions de garantie ainsi que les renseignements relatifs à la propension de la SCHL à prendre des risques satisfont aux critères de l’exception.
[13] Je conclus que les renseignements qui continuent de faire l’objet d’un refus de communication satisfont aux critères de l’alinéa 18a).
L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?
[14] Étant donné que les renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 18a), la SCHL devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non l’information. Pour ce faire, la SCHL devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.
[15] La décision prise par une institution de ne pas communiquer l’information doit être transparente, intelligible et justifiée. L’explication de l’institution est suffisante lorsque cette dernière précise comment la décision a été prise et que les documents relatifs au processus décisionnel permettent de comprendre pourquoi l’institution a procédé comme elle l’a fait.
[16] La SCHL a fourni des détails dans ses observations quant aux facteurs qu’elle a pris en considération pour décider de communiquer ou non les renseignements en vertu de l’alinéa 18a). Entre autres facteurs, elle a pris en considération la manière dont la communication de renseignements susceptibles de révéler les niveaux futurs des commissions pourrait avoir une incidence sur la demande de financement ainsi que des préjudices précis que la communication de sa propension à prendre des risques pourrait causer à son activité d’assurance de prêts.
[17] Je conclus que la SCHL a pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’elle a décidé de ne pas communiquer les renseignements. Par conséquent, l’exercice du pouvoir discrétionnaire par la SCHL était raisonnable.
Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers
[18] L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).
[19] Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
- les renseignements sont de nature confidentielle;
- le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
- le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[20] La SCHL refuse de communiquer les renseignements restants relatifs à trois tiers en vertu de l’alinéa 20(1)b) : Cornerstone Capital (Cornerstone), Andrew Kalotay Associates, Inc. (AKA) et Moody’s. Le Commissariat a demandé des observations aux trois tiers conformément à l’alinéa 35(2)c). Bien que Moody’s ait répondu à la demande d’observations, ni Cornerstone ni AKA n’ont présenté d’observations. La SCHL a invoqué l’exclusion prévue à l’alinéa 68a) après que le Commissariat a demandé des observations conformément à l’alinéa 35(2)c). Étant donné que j’estime que les renseignements relatifs à Moody’s sont exclus de la Loi, il n’est pas nécessaire d’analyser ses observations.
[21] Comme l’exige l’article 36.3, le Commissariat a avisé les deux tiers concernés, soit Cornerstone et AKA, de mon intention d’ordonner à la SCHL de communiquer certains des renseignements en cause. Ni l’un ni l’autre n’a répondu.
[22] Seuls quelques renseignements de tiers correspondent visiblement aux définitions courantes de renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, de sorte à satisfaire au premier critère de l’exception. Le Commissariat a demandé aux tiers d’indiquer les renseignements qui correspondent exactement à ces catégories et d’expliquer en quoi ils possèdent ces caractéristiques. Compte tenu de l’absence d’observations à l’appui du premier critère de l’exception, il n’était pas nécessaire d’établir si les autres critères avaient été satisfaits.
[23] Ni la SCHL ni les tiers n’ont présenté d’observations à l’appui de l’application de l’alinéa 20(1)b) aux renseignements non communiqués concernant Cornerstone et AKA. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les renseignements non communiqués ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)b).
Alinéas 21(1)a) et 21(1)b) : avis ou recommandations et comptes rendus de consultations ou de délibérations
[24] L’alinéa 21(1)a) permet aux institutions de refuser la divulgation d’avis ou de recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre.
[25] Pour invoquer l’exception prévue à l’alinéa 21(1)a), les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- les renseignements sont des avis ou des recommandations;
- les renseignements ont été créés pour une institution fédérale ou un ministre.
[26] L’alinéa 21(1)b) permet aux institutions de refuser de communiquer des comptes rendus de consultations ou de délibérations auxquelles ont participé des employés du gouvernement, des ministres ou leur personnel.
[27] Pour invoquer l’exception prévue à l’alinéa 21(1)b), les institutions doivent démontrer ce qui suit :
- les renseignements sont un compte rendu, c’est-à-dire un rapport ou une description;
- le compte rendu concerne des consultations ou des délibérations;
- au moins un dirigeant, administrateur ou employé de l’institution ou un ministre ou un membre de son personnel a pris part aux consultations ou aux délibérations.
[28] De plus, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.
[29] Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?
[30] Je conviens que les renseignements qui continuent de faire l’objet d’un refus de communication par la SCHL correspondent à des recommandations adressées à la direction dans le cadre de présentations et de rapports créés par des employés de cette institution moins de 20 ans avant la demande et qu’aucun de ces renseignements ne s’inscrit dans le cadre du paragraphe 21(2).
[31] Par conséquent, je conclus que les renseignements restants en cause dont la communication a été refusée satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)a).
L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?
[32] Étant donné que les renseignements satisfont aux critères de l’alinéa 21(1)a), la SCHL devait exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non l’information. Pour ce faire, la SCHL devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.
[33] La SCHL a présenté des observations sur les facteurs qu’elle a pris en considération dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, et ceux-ci semblent pertinents. Le Commissariat a toutefois cherché à savoir pourquoi la SCHL a exercé son pouvoir discrétionnaire de communiquer les renseignements qui figurent aux pages 268-277, alors qu’elle a refusé de communiquer des renseignements très semblables qui figurent aux pages 262-267 et 918-933. La SCHL a expliqué que cette incohérence découlait d’une erreur et que les renseignements auraient dû être refusés uniformément, y compris sa façon d’exercer son pouvoir discrétionnaire à l’égard de ces renseignements. J’accepte que cette incohérence ne témoigne pas d’un exercice déraisonnable du pouvoir discrétionnaire.
[34] Je conclus que la SCHL a pris en considération tous les facteurs pertinents lorsqu’elle a décidé de ne pas communiquer les renseignements. Par conséquent, l’exercice du pouvoir discrétionnaire par la SCHL était raisonnable.
[35] Puisque les renseignements satisfont aux critères de cette exception, je n’ai pas examiné les autres exceptions ayant été appliquées à ces mêmes renseignements par la SCHL.
Résultat
[36] La plainte est fondée.
Ordonnance
Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne à la présidente de la Société canadienne d’hypothèques et de logement de communiquer tous les renseignements relatifs à Cornerstone et AKA dont la communication a été refusée en vertu de l’alinéa 20(1)b).
Le 12 juillet 2023, j’ai transmis à la présidente de la Société canadienne d’hypothèques et de logement mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.
Le 31 juillet 2023, la SCHL a confirmé qu’elle communiquerait les renseignements de tiers restants après l’expiration du délai obligatoire, à la suite de la réception de mon compte rendu.
J’ai aussi fait parvenir le présent compte rendu à Moody’s.
Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante et l’institution ont le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Celles-ci doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. La personne qui exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.