Transports Canada (Re), 2022 CI 08
Date : 2022-02-03
Numéro de dossier du Commissariat : 5820-04070
Numéro de dossier de l’institution : A-2020-00535
Sommaire
La partie plaignante allègue que la prorogation de délai prise par Transports Canada pour répondre à une demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’information est déraisonnable.
Transports Canada a avisé la partie plaignante qu’il lui faudrait 510 jours supplémentaires, en vertu des alinéas 9(1)a), 9(1)b) et 9(1)c), pour finir de traiter la demande.
Transports Canada a démontré que les prorogations de délai sont nécessaires et que les circonstances justifient leur durée.
La plainte est non fondée.
Plainte
[1] La partie plaignante allègue que la prorogation de délai prise par Transports Canada pour répondre à une demande en vertu de la Loi est déraisonnable.
Enquête
[2] Le 1er février 2021, Transports Canada a reçu une demande à l’égard de documents se rapportant à la mise en œuvre de nouvelles mesures relatives aux tests de dépistage et à la mise en quarantaine dans le cadre de voyages internationaux non essentiels par avion.
[3] Compte tenu de la date de réception de la demande et du fait que son traitement a été mis en suspens afin d’obtenir des précisions, le délai prévu par la Loi pour une réponse en temps opportun était le 11 mars 2021.
[4] Le 11 mars 2021, Transports Canada a avisé la partie plaignante qu’il lui faudrait 510 jours supplémentaires, en vertu des alinéas 9(1)a), 9(1)b) et 9(1)c), pour finir de traiter la demande. Si cette prorogation est valide, la nouvelle échéance serait fixée au 3 août 2022.
[5] Le Commissariat à l’information a reçu la plainte en question le 19 mars 2021.
Alinéa 9(1)a) : prorogation du délai en raison de la quantité de documents
[6] L’alinéa 9(1)a) permet aux institutions de proroger le délai de 30 jours dont elles disposent pour répondre à une demande d’accès lorsqu’elles peuvent démontrer ce qui suit :
- la demande vise un grand nombre de documents ou nécessite que l’institution fasse des recherches parmi un grand nombre de documents;
- l’observation du délai entraverait de façon sérieuse leur fonctionnement;
- la prorogation de délai doit être d’une période que justifient les circonstances.
La demande vise-t-elle un grand nombre de documents ou nécessite-t-elle d’effectuer des recherches parmi un grand nombre de documents?
[7] Les renseignements demandés s’appliquent à tous les documents de Transports Canada qui ont trait à son arrêté d’urgence visant certaines exigences relatives à l’aviation civile en raison de la COVID-19 et qui ont été rédigés pour ses cadres supérieurs ou par ceux-ci. La demande précise également que la réponse doit inclure l’ensemble des courriels, des notes d’information, des notes de service, des études d’impact, des évaluations de risques, des plans, des propositions, des rapports, des présentations, des documents d’information ministériels, des mémoires de communication, des décisions sollicitées, de la documentation en matière de politiques et de protection de la vie privée, des avis juridiques sur le cadre juridique ainsi que des procédures et directives opérationnelles. Les documents confidentiels du Cabinet et les ébauches sont exclus.
[8] Selon Transports Canada, la portée de la demande d’accès vise plus de 3 000 pages de documents.
[9] J’estime que ce nombre de documents est assez grand pour justifier une prorogation en vertu de l’alinéa 9(1)a).
L’observation du délai de 30 jours entraverait-elle de façon sérieuse le fonctionnement de l’institution?
[10] Transports Canada a confirmé que le processus de récupération des documents provenant de cadres supérieurs de l’institution exige un temps considérable, d’autant plus qu’il y a des documents classifiés « Secret » qui ne sont accessibles que sur place. Lorsque Transports Canada a évalué la demande et décidé de prendre une prorogation de délai (février et mars 2021), des décrets ordonnant de rester à domicile étaient toujours en vigueur, ce qui limitait de façon importante le nombre de personnes pouvant travailler sur place pour respecter les directives provinciales.
[11] Je suis d’avis que l’observation du délai initial de 30 jours pour répondre à la demande entraverait de façon sérieuse le fonctionnement à Transports Canada. Par conséquent, ce dernier a satisfait au deuxième critère requis pour proroger le délai dont il disposait afin de répondre à la demande en vertu de l’alinéa 9(1)a).
La durée de la prorogation est-elle raisonnable?
[12] En vertu de l’alinéa 9(1)a), Transports Canada a prorogé le délai de réponse de 330 jours. Les facteurs pris en considération pour en arriver à cette décision comprennent l’accès limité au lieu de travail, la capacité limitée des membres du personnel en raison des fermetures d’écoles et de garderies, les absences imprévues découlant des exigences en matière de tests de dépistage de la COVID-19 et d’isolement ainsi que le nombre de pages à traiter.
[13] Depuis avril 2020, j’ai régulièrement réitéré que le droit d’accès, un droit quasi constitutionnel, ne peut être suspendu en raison de la pandémie de COVID-19. Puisque la Loi n’autorise pas la suspension des fonctions d’accès à l’information durant une pandémie, les dirigeants du gouvernement doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à atténuer les répercussions de cette crise sanitaire sur le droit d’accès.
[14] Transports Canada n’a pas cessé ses activités. Il a continué de traiter les demandes d’accès. En ce qui concerne la demande en cause, Transports Canada a conclu qu’il était nécessaire de prendre un plus long délai que ce qui serait normalement raisonnable, vu le caractère évolutif de la situation pandémique.
[15] Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que Transports Canada a fait preuve de suffisamment de rigueur et de logique pour déterminer de manière sérieuse la durée de la prorogation du délai et que le délai de 330 jours est raisonnable et justifié dans les circonstances. Par conséquent, Transports Canada a satisfait au troisième critère requis pour proroger le délai dont il disposait afin de répondre à la demande en vertu de l’alinéa 9(1)a).
Alinéa 9(1)b) : prorogation du délai aux fins de consultations
[16] L’alinéa 9(1)b) permet aux institutions de proroger le délai de 30 jours dont elles disposent pour répondre à une demande d’accès lorsqu’elles peuvent démontrer ce qui suit :
- elles doivent mener des consultations au sujet des documents demandés;
- ces consultations rendent pratiquement impossible l’observation du délai de 30 jours;
- la prorogation de délai doit être d’une période que justifient les circonstances.
Les consultations étaient-elles nécessaires?
[17] Dans ses observations, Transports Canada a mentionné que la majorité des documents doivent faire l’objet de consultations auprès de cinq institutions fédérales : le ministère de la Justice Canada, l’Agence de la santé publique du Canada, Affaires mondiales Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada et Sécurité publique Canada. Comme il l’explique, la tenue de ces consultations lui permettra d’obtenir le consentement de ces institutions pour communiquer les renseignements à la personne qui a fait la demande ou de mieux exercer son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.
[18] Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que les consultations sont nécessaires.
Les consultations rendraient-elles pratiquement impossible l’observation du délai de 30 jours?
[19] Selon Transports Canada, il ne pourrait raisonnablement terminer les consultations dans le délai initial de 30 jours étant donné le nombre de documents et la classification de sécurité de ceux-ci de même que certaines de ces institutions ont, elles aussi, une capacité limitée pour examiner les documents.
[20] Je suis donc d’avis que les consultations ne pourraient raisonnablement être terminées dans un délai de 30 jours.
La durée de la prorogation est-elle raisonnable?
[21] En vertu de l’alinéa 9(1)b), Transports Canada a prorogé le délai de réponse de 120 jours supplémentaires. La durée de cette prorogation repose sur le nombre de pages devant faire l’objet d’une consultation ainsi que la complexité et la nature délicate des documents. De plus, Transports Canada reconnaît que, du point de vue des institutions, la classification de sécurité des renseignements à examiner compliquerait le processus de consultation.
[22] Je suis donc d’avis que la durée de la prorogation en vertu de l’alinéa 9(1)b) est raisonnable.
Alinéa 9(1)c) : prorogation du délai pour consulter un tiers
[23] L’alinéa 9(1)c) permet aux institutions de proroger le délai de 30 jours dont elles disposent pour répondre à une demande d’accès lorsqu’elles peuvent démontrer ce qui suit :
- les circonstances où elle a l'intention de communiquer des documents qui pourraient contenir des renseignements de tiers (définis à l’art. 20);
- la prorogation de délai doit être d’une période que justifient les circonstances.
Les consultations étaient-elles nécessaires?
[24] Transports Canada a identifié au moins trois compagnies aériennes qui ont fourni certains des renseignements contenus dans les documents.
[25] Compte tenu du fait que les institutions sont tenues d’aviser les tiers de leur intention de communiquer des documents et qu'elles doivent donc leur donner la possibilité de présenter des observations, je suis d’avis que ces consultations sont nécessaires.
[26] En vertu de l’alinéa 9(1)c), Transports Canada a prorogé le délai de réponse de 60 jours supplémentaires, soit le délai prescrit par la Loi.
La prorogation de délai était-elle valide?
[27] Pour proroger le délai, les institutions doivent, dans un délai de 30 jours suivant la réception de la demande d’accès, aviser la personne qui a fait la demande :
- qu’elles prennent une prorogation de délai, tout en précisant l’alinéa ou les alinéas invoqués [9(1)a), 9(1)b) et 9(1)c)];
- de la durée de celle-ci;
- qu’elle a le droit de déposer une plainte auprès de la Commissaire à l’information à propos de la prorogation.
[28] J’estime que Transports Canada a satisfait aux trois critères afin de proroger le délai. Il a donné avis à la personne en fournissant l’information requise dans le délai imparti.
[29] L’échéance du délai de réponse prorogé demeure donc le 3 août 2022. Cela étant dit, j’espère que Transports Canada fera tout ce qu’il peut afin de respecter cette prorogation ou de procéder à la communication avant cette date, étant donné que la personne attend maintenant depuis plus d’un an pour les documents.
Résultat
[30] La plainte est non fondée.
L’article 41 de la Loi confère à la partie plaignante qui reçoit le présent compte rendu le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. La partie plaignante doit exercer ce recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu et doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43.