Décision en vertu de l’article 6.1, 2019 CI 1
Août 2019
Sommaire
Une institution a présenté à la commissaire à l’information une demande d’autorisation pour ne pas donner suite à une demande d’accès à l’information en vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information (« la Loi »). L’institution allègue que la demande d’accès est vexatoire, constitue un abus du droit de faire une demande d’accès et est entachée de mauvaise foi.
L’institution a expliqué que le demandeur est un ancien employé qui a été congédié. Depuis, le demandeur a entrepris d’autres recours relativement à son congédiement. Le demandeur a également soumis plus d’une douzaine de demandes d’accès en vertu de la Loi et de la Loi sur la protection des renseignements personnels sur une période d’un an.
La demande d’accès est-elle vexatoire?
Le terme « vexatoire » n’est pas défini dans la Loi. Par « vexatoire », on entend généralement l’intention de contrarier, de harceler, d’embarrasser ou de causer un malaise. Toutefois, comme l’a mentionné le juge Stratas dans Canada c. Olumide, 2017 CAF 42, pour définir le terme « vexatoire », il est préférable d’éviter la précision; la conduite vexatoire prend des formes et des aspects multiples, et doit par conséquent être évaluée au cas par cas. De plus, pour être vexatoire, une demande d’accès doit être plus qu’une question de contrariété ou de désagrément pour l’institution (voir : Insurance Corporation of British Columbia (Re), [2002] B.C.I.P.C.D. No 57 (BC OIPC), au par. 4 (en anglais seulement)).
L’institution affirmait que la demande d’accès était vague; que la demande d’accès était floue et répétitive par rapport à des demandes d’accès précédentes; que le demandeur a utilisé un langage insultant; et qu’il y a des préoccupations relatives à la sécurité des employés de l’institution.
Caractère flou : La commissaire a conclu que, à première vue, la demande d’accès est suffisamment claire. Si la demande d’accès avait nécessité des précisions, l’institution aurait dû prendre des mesures raisonnables pour tenter d’obtenir des précisions sur la demande d’accès avant de demander l’autorisation de ne pas y donner suite au motif qu’elle est floue. L’institution n’a pas indiqué que de tels efforts avaient été déployés relativement à la demande d’accès qui nous intéresse.
Caractère répétitif : La commissaire a conclu que, à première vue, chacune des demandes d’accès du demandeur vise des renseignements différents, même s’ils se rapportent à des sujets semblables. L’institution n’a fourni aucune preuve comme quoi les renseignements demandés avaient été communiqués précédemment. Une demande d’accès est vexatoire seulement si l’institution fournit la preuve que tous les renseignements demandés faisaient l’objet de la demande d’accès précédente et qu’il n’y a eu aucun changement dans les circonstances influant sur la communication éventuelle de ces renseignements (voir, par exemple : Insurance Corporation of British Columbia (Re), [2002] B.C.I.P.C.D. No 57 (BC OIPC) (en anglais seulement)).
Langage insultant : L’institution soutient que la demande d’accès devrait être considérée comme vexatoire parce que les communications précédentes du demandeur comportaient des observations personnelles sur des décisions de l’institution qui pourraient être considérées comme inappropriées, insultantes, intimidantes, vulgaires et même péjoratives, notamment la mention de congédiement abusif ou injustifié et d’un désaccord non résolu.
La commissaire estime que les exemples fournis n’établissent pas selon la prépondérance des probabilités que le demandeur a été « insultant » dans ses communications avec l’institution. De plus, si l’institution considérait que la demande d’accès contenait du langage insultant, elle aurait pu, conformément à son obligation de prêter assistance, isoler le langage qu’elle considérait comme offensant de la description des documents recherchés et/ou demander au demandeur d’éviter d’utiliser un tel langage à l’avenir (voir, par exemple : Alberta Justice and Solicitor General (Re) (2015), AB OIPC référence de dossier F2015-16 (en anglais seulement)).
Sécurité : L’institution déclare également que ses employés ont exprimé des préoccupations au sujet du comportement du demandeur, en raison duquel « la sécurité a dû être rehaussée ». Toutefois, l’institution n’a donné aucun détail expliquant en quoi les préoccupations des employés concernant la sécurité sont liées à la demande d’accès et à son traitement.
La commissaire a conclu que l’institution n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la demande d’accès est vexatoire.
La demande constitue-t-elle un abus du droit de faire une demande d’accès à l’information?
Le Black’s Law Dictionary (10e éd.) définit le mot « abuse » (abus) ainsi : « qui déroge de l’utilisation légale ou raisonnable, un mauvais usage » [Traduction]. Dans Crocker v. British Columbia (Information and Privacy Commissioner), 1997 CanLII 4406 (en anglais seulement), la Cour suprême de la Colombie-Britannique a conclu qu’une demande qui porte atteinte au droit d’accès d’autres demandeurs et/ou diminue la capacité de l’institution d’assumer ses autres fonctions et responsabilités peut constituer un abus du droit d’accès.
L’institution affirmait que la demande d’accès constituait un abus du droit d’accès pour les raisons suivantes :
- le nombre de demandes d’accès à l’information traitées en 2018-2019 a augmenté d’un tiers comparativement à l’année précédente;
- l’augmentation du nombre de demandes d’accès reçues est principalement en raison du nombre de demandes d’accès formulées par le demandeur;
- les délais de traitement des demandes d’accès à l’information ont augmenté légèrement en raison des demandes du demandeur;
- plus de 2 000 pages ont été communiquées au demandeur en réponse à ses multiples demandes d’accès.
L’institution n’a pas expliqué en quoi la demande d’accès porte atteinte aux droits des autres demandeurs; par exemple, elle n’a pas indiqué que la demande d’accès l’avait empêchée de traiter d’autres demandes d’accès ou de répondre à ces demandes dans les délais prescrits par la Loi. L’institution n’a pas non plus mentionné l’incidence de la demande d’accès sur ses autres fonctions et responsabilités. Enfin, 2 000 pages à traiter ne constituent pas un nombre excessif de pages, surtout compte tenu du nombre de demandes d’accès.
La commissaire a conclu que l’institution n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la demande d’accès constitue un abus du droit de faire une demande d’accès en vertu de la Loi.
La demande d’accès est-elle entachée de mauvaise foi?
Le Black’s Law Dictionary, (10e éd.) définit le terme « bad faith » (mauvaise foi) ainsi : « dans une intention ou un but malhonnête » [Traduction]. De façon générale, une demande d’accès faite à des fins illégitimes, malhonnêtes ou inappropriées est considérée comme étant entachée de mauvaise foi.
Dans certains cas, une demande d’accès a été considérée comme entachée de mauvaise foi lorsque le demandeur avait un objectif inapproprié autre que l’intention d’utiliser l’information à des fins légitimes (voir, par exemple : Conseil scolaire public de district du Centre-Sud-Ouest (Re), CanLII 56386 (ON IPC) (en anglais seulement)).
L’institution soutient que la véritable motivation du demandeur pour faire sa ou ses demande(s) d’accès était d’appuyer son hypothèse selon laquelle il a injustement été congédié et que, si l’hypothèse du demandeur était valide, les renseignements qui lui ont été fournis dans le cadre de ses autres demandes d’accès « auraient pu être portés à l’attention des instances administratives ou judiciaires appropriées ».
Les demandeurs ont le droit d’explorer et d’épuiser les recours juridiques qui s’offrent à eux pour s’opposer à une institution. Par conséquent, la preuve attestant que le demandeur a exercé des recours administratifs ou juridiques contre une institution ne démontre pas que ces demandes d’accès en particulier ont été faites de mauvaise foi Waterloo (Regional Municipality) (Re), 2016 CanLII 1758 (ON IPC) (en anglais seulement); Sunnybrook Health Sciences Centre (Re), 2015 CanLII 10867 (ON IPC) (en anglais seulement)).
La commissaire a conclu que l’institution n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que la demande d’accès est entachée de mauvaise foi.
L’institution a-t-elle respecté son obligation de porter assistance au demandeur?
Bien que l’institution affirme qu’elle a fourni au demandeur un appui « qui répond aux 10 principes d’assistance aux demandeurs » (annexe C, Directive provisoire concernant l’administration de la Loi sur l’accès à l’information), elle n’a pas précisé comment l’appui fourni les respectait. L’institution n’a fourni aucune preuve comme quoi elle a prêté assistance au demandeur relativement à sa demande d’accès avant de demander l’autorisation pour ne pas donner suite à la demande d’accès.
La commissaire a conclu que l’institution n’a pas établi qu’elle avait respecté son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4(2.1) avant de demander l’autorisation pour ne pas donner suite à la demande d’accès.
Résultat
La commissaire à l’information a refusé la demande d’autorisation et l’institution est tenue de traiter la demande d’accès.