Décision en vertu de l’article 6.1, 2023 CI 03

Date de la décision : Février 2023

Sommaire

Une institution a demandé à la Commissaire à l’information l’autorisation de refuser de donner suite à une demande d’accès à l’information en vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information. L’institution a affirmé que la demande d’accès est vexatoire et qu’elle constitue un abus du droit de faire une demande de communication. L’institution a également affirmé qu’elle s’était acquittée de son obligation de prêter assistance à la personne qui avait fait la demande d’accès.

La Commissaire a conclu que l’institution s’était acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que la demande d’accès constitue un abus du droit de faire une demande. Elle a également conclu que l’institution s’est acquittée de son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4(2.1) avant de demander l’autorisation de ne pas donner suite à la demande. Compte tenu de la conclusion de la Commissaire, il n’est pas nécessaire de déterminer si la demande d’accès était également vexatoire.

La demande d’autorisation est acceptée.

Demande d’accès

L’institution a reçu une demande d’accès à l’information visant : 1) tous les courriels et messages textes provenant des boîtes aux lettres de trois employés du Secteur des ressources humaines (RH), depuis le début de leur emploi, y compris les pièces jointes dans leur entièreté; et 2) tous les fichiers, documents et dossiers numériques sur les ordinateurs et les téléphones de ces employés, autant ceux sur les lecteurs locaux et que ceux sur les lecteurs partagés.

Discussion

Le paragraphe 6.1(1) autorise le responsable d’une institution fédérale à demander l’autorisation écrite de la Commissaire pour ne pas donner suite à une demande d’accès si, à son avis, la demande est vexatoire ou entachée de mauvaise foi, ou constitue autrement un abus du droit de faire une demande de communication. Il incombe à l’institution de démontrer que la demande d’accès respecte les exigences prévues au paragraphe 6.1(1) de la Loi.

Le droit de faire une demande de communication de documents relevant d’une institution fédérale est reconnu comme étant de nature quasi constitutionnelle [Blood Tribe Department of Health c. Canada (Commissaire à la protection de la vie privée du Canada), 2006 CAF 334, au para 24; voir aussi : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, au para 40]. Dans cette optique, l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès ne peut être accordée que si la demande d’autorisation est étayée par des preuves claires et convaincantes [voir, par exemple : Saskatchewan (Advanced Education) (Re), 2010 CanLII 28547 (SK IPC)), aux para 43-47; Northwest Territories (Public Body) (Re), 2017 CanLII 73304 (NWT IPC)].

En vertu du paragraphe 4(2.1), les institutions sont également tenues de prêter assistance aux personnes qui font des demandes d’accès. Tel qu’expliqué dans les documents d’orientation et de procédure publiés par le Commissariat à l’information concernant les demandes en vertu de l’article 6.1, les institutions devraient seulement demander à la Commissaire l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès après avoir fait tous les efforts raisonnables pour aider le demandeur.

Obligation de prêter assistance

La Commissaire est d’avis que l’institution a fait tous les efforts raisonnables pour aider la personne qui a fait la demande et qu’elle s’est donc acquittée de son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4(2.1) avant de demander l’autorisation de ne pas donner suite à la demande d’accès.

La portée de la demande était trop vaste et ne précisait pas la teneur des documents ou des renseignements recherchés. L’institution s’est acquittée de son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4(2.1), en faisant plusieurs efforts pour aider la personne qui a fait la demande. Elle a notamment fait les démarches suivantes : expliquer que des précisions sont nécessaires au sujet de la demande d’accès; proposer des façons de préciser et/ou de cibler la demande; informer la personne qui a fait la demande du nombre de documents estimé et du temps requis pour traiter des parties des documents demandés; offrir de lui fournir un exemple informel de la façon dont les documents seraient traités pour l’aider à comprendre quels renseignements elle peut s’attendre à recevoir en réponse à la demande d’accès telle que formulée; et offrir encore à la personne de l’aider à reformuler sa demande.

La personne, même si elle était originalement réceptive à certaines des propositions de l’institution, est revenue à la formulation originale de sa demande d’accès et a refusé de fournir des précisions. La personne qui fait la demande a l’obligation de fournir suffisamment de renseignements à l’institution; il est obligatoire pour les deux parties de collaborer.

Les demandes constituent-elles un abus du droit de faire une demande de communication?

Par « abus », on entend généralement un usage excessif ou inapproprié.

L’abus du droit de faire une communication doit être examiné au cas par cas et, dans certaines situations, peut être établi d’après une combinaison de facteurs. Dans Crocker v. British Columbia (Information and Privacy Commissioner), 1997 CanLII 4406 (BC SC), la Cour suprême de la Colombie-Britannique a conclu qu’une demande qui porte atteinte au droit d’accès d’autres demandeurs et/ou diminue la capacité de l’institution d’assumer ses autres fonctions et responsabilités peut constituer un abus du droit d’accès.

L’institution alléguait que la demande d’accès était « invasive », au sens qu’elle visait tous les documents que les trois employés des RH ont accumulés au cours de leur emploi au sein de l’institution; qu’elle visait un grand nombre de dossiers transmis aux échelons supérieurs et dossiers prioritaires concernant des personnes, en raison de la nature de leur travail; que la personne qui a fait la demande a déclaré souhaiter trouver des preuves à l’appui d’allégations de harcèlement contre d’autres employés, même si on lui a dit qu’il s’agissait de renseignements personnels d’autres personnes.

L’institution a présenté plusieurs observations concernant le temps et les coûts nécessaires pour traiter la demande, y compris des estimations détaillées du nombre de pages visées et le temps nécessaire pour les examiner.

L’institution a également présenté des observations concernant les répercussions négatives de la demande d’accès sur ses fonctions de RH et d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (AIPRP). Plus précisément, la récupération et le traitement des documents pertinents entraveraient de façon sérieuse la prestation des services essentiels par les RH et nuiraient à la capacité de l’AIPRP de répondre aux autres demandes, ce qui priverait d’autres personnes de leur droit d’accès.

L’institution a également allégué qu’il ne s’agit pas d’une demande visant des documents identifiables dans l’esprit de la loi, et que la personne qui a fait la demande a été informée des répercussions de la demande, mais a tout de même refusé de la préciser ou d’en modifier la portée.

La personne nie que la demande constitue un abus du droit de faire une demande, puisque l’institution n’a pas fourni de preuve que la demande est malveillante ou entachée de mauvaise foi. La personne qui a fait la demande conteste également le temps et les coûts qui seraient nécessaires pour traiter la demande selon l’institution, et soutient que ceux-ci sont grandement exagérés et se fondent sur de mauvais calculs.

La personne qui a fait la demande déclare également que la nature de la demande est délibérément vaste; elle allègue que les personnes qui détiennent les documents se sont rendues coupables d’écarts de conduite et que réduire la portée de la demande pourrait permettre de cacher des « éléments de preuve potentiellement incriminants ».

La Commissaire, après avoir examiné les observations et documents à l’appui fournis par les parties, a conclu que la demande d’accès est trop vaste, qu’elle imposait un fardeau indu à l’institution et qu’elle entravait les droits d’autres personnes; elle constitue donc un abus du droit de faire une demande. Pour en arriver à cette conclusion, la Commissaire a déclaré que l’institution avait établi, entre autres, ce qui suit :

  • la demande d’accès ne fixait aucune restriction pour ce qui est de la teneur des documents ou des renseignements recherchés;
  • [bien que les calculs utilisés par l’institution pour estimer le nombre de documents répondant à la demande puissent être plus élevés que le nombre réel] un nombre extraordinairement élevé de documents répondraient à la demande;
  • compte tenu de la portée de la demande d’accès, le temps et les efforts nécessaires pour repérer, récupérer et traiter les documents y répondant imposeraient un fardeau considérable à l’institution;
  • une quantité excessive de ressources serait requise pour répondre à la demande d’accès, au détriment des autres obligations de l’institution, y compris celles de l’AIPRP envers les autres personnes qui font des demandes en vertu de la Loi;
  • même si elle été informée de l’énormité de la tâche que représente la réponse à la demande d’accès telle qu’elle est formulée et de ses répercussions négatives sur la capacité de l’institution de remplir ses autres obligations, la personne qui a fait la demande a refusé de préciser celle-ci.

Étant donné que la Commissaire a conclu que la demande d’accès constitue un abus du droit de faire une demande de communication, il n’est pas nécessaire de se demander si elle était également vexatoire.

Résultat

La Commissaire a accepté la demande d’autorisation.

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