Décision en vertu de l’article 6.1, 2023 CI OIC 47
Date de la décision : Janvier 2024
Sommaire
Une institution a demandé à la Commissaire à l’information l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès à l’information en vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information. De l’avis de l’institution, cette demande était vexatoire et entachée de mauvaise foi, et constituait un abus du droit de faire une demande de communication. L’institution soutenait également qu’elle s’était acquittée de son obligation de prêter assistance à la personne qui a fait la demande d’accès avant de demander l’autorisation de ne pas y donner suite.
La Commissaire a conclu que l’institution avait démontré qu’elle s’était acquittée de son obligation de prêter assistance à la personne qui a fait la demande d’accès avant de demander l’autorisation de ne pas y donner suite. La Commissaire a également conclu que l’institution avait établi que la demande d’accès constitue un abus du droit de faire une demande de communication.
La demande d’autorisation est acceptée.
Demande d’autorisation
Paragraphe 6.1(1)
Le paragraphe 6.1(1) autorise le responsable d’une institution fédérale à demander l’autorisation écrite de la Commissaire pour ne pas donner suite à une demande d’accès si, à son avis, la demande est vexatoire ou entachée de mauvaise foi, ou constitue autrement un abus du droit de faire une demande de communication. Il incombe à l’institution de démontrer que la demande d’accès satisfait à l’un ou plusieurs des critères du paragraphe 6.1(1).
Le droit d’accès aux renseignements relevant d’une institution fédérale est reconnu comme étant de nature quasi constitutionnelle [Blood Tribe Department of Health c. Canada (Commissaire à la protection de la vie privée du Canada), 2006 CAF 334, au para 24; voir aussi : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, au para 40]. Dans cette optique, l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès ne peut être accordée que si l’institution s’appuie sur des preuves claires et convaincantes pour démontrer que la demande d’accès est vexatoire ou entachée de mauvaise foi ou constitue autrement un abus de faire une demande de communication. [Voir, par exemple : Saskatchewan (Advanced Education) (Re), 2010 CanLII 28547 (SK IPC), aux para 43-47; Northwest Territories (Public Body) (Re), 2017 CanLII 73304 (NWT IPC) – décisions en anglais seulement].
Si l’institution n’établit pas que l’un ou plusieurs des critères du paragraphe 6.1(1) s’appliquent, la Commissaire doit également évaluer si les circonstances justifient qu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire pour accorder à l’institution l’autorisation de ne pas donner suite à la demande d’accès.
La demande d’accès en cause
Le 23 octobre 2023, une institution m’a demandé l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès qu’elle a reçue le 27 juin 2023. La demande d’accès visait les renseignements suivants :
[Traduction]
- Deux institutions surveillent et examinent activement les déclarations d’événements indésirables associés à la vaccination contre la COVID-19 dans le cadre du Programme Canada Vigilance et du Système canadien de surveillance des effets secondaires suivant l’immunisation (SCSESSI). De plus, l’une d’entre elles reçoit et examine des déclarations d’événements indésirables associés à la vaccination (EIAV) de la part des provinces et territoires, qui ont été déclarés par les fournisseurs de soins de santé dans le cadre du SCSESSI. Toutes les déclarations sont surveillées et font l’objet d’une enquête.
- L’une de ces institutions continue d’examiner régulièrement les renseignements de sécurité provenant de différentes sources, y compris les données relatives à la sécurité des vaccins contre le COVID-19 fournis par le fabricant.
Pour la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022, veuillez fournir des copies de toutes les communications internes/externes (comme les courriels, les mémoires, les messages textes, les relevés de conversations téléphoniques, les notes de service, les ébauches, les documents, les communiqués de presse et les présentations) résultant de ou menant à « la surveillance » des événements indésirables suivant l’immunisation à l’extérieur du Canada relativement à des sources externes comme :
- le programme Yellow Card du Royaume-Uni;
- le système Vaccine Adverse Events Reporting System (VAERS) du CDC des États-Unis;
- le système de déclaration Eudravigilance de l’Union européenne.
Exclure les renseignements accessibles au public.
- Selon la réponse à la question no 1448 au Feuilleton [traduction] : « Le Ministère surveille et considère également toute la gamme des renseignements disponibles et crédibles lorsqu’il évalue l’information relative aux risques associés aux produits. Il importe de noter que les déclarations d’événements indésirables associés à la vaccination, y compris ceux ayant eu une issue fatale, ne suggèrent pas nécessairement de rapport entre l’événement indésirable et le vaccin. » Plus loin dans la réponse, il est précisé ceci : « Cependant, ces déclarations (d’événements indésirables) ne mentionnent pas nécessairement qu’une relation de cause à effet entre l’événement et le vaccin a été établie, car il est possible que d’autres événements médicaux non liés au vaccin puissent se produire après la vaccination. »
Pour la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022, veuillez fournir des copies de toutes les communications internes/externes (comme les courriels, les mémoires, les messages textes, les relevés de conversations téléphoniques, les notes de service, les ébauches, les documents, les communiqués de presse et les présentations), les conclusions de recherche et les résultats relatifs à 1) la causalité (ou l’absence de celle-ci) entre les vaccins contre la COVID-19 et les décès consécutifs à la vaccination, et 2) la causalité (ou l’absence de celle-ci) entre les vaccins contre la COVID-19 et les événements indésirables graves (conformément à la définition de ceux-ci selon l’institution). Exclure les renseignements accessibles au public.
Selon l’institution, la demande d’accès était vexatoire, entachée de mauvaise foi et constituait un abus du droit de faire une demande de communication.
Respect du délai pour présenter une demande d’autorisation
La personne qui a fait la demande d’accès affirmait que, puisque l’institution a refusé de fournir une réponse ou de prendre une prorogation de délai valide dans les 30 jours suivant la réception de la demande d’accès, le 27 juin 2023, elle était en situation de présomption de refus de communication des documents demandés en date du 27 juillet 2023. Autrement dit, selon la personne qui a fait la demande, l’institution n’était donc pas en position, le 6 octobre 2023, de demander l’autorisation de ne pas donner suite à la demande d’accès en vertu du paragraphe 6.1(1), parce qu’elle était déjà en situation de présomption de refus. À l’appui de sa position, la personne renvoie à une décision rendue par la commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Alberta dans l’affaire Alberta Health Services (Re), 2021 CanLII 20390 (AB OIPC), (F2021-RTD-01) [décision en anglais seulement]. Bien que les décisions qui relèvent de la compétence des provinces ou territoires puissent être consultées pour trancher sur une affaire comme la présente, ces décisions ne lient pas la Commissaire.
De l’avis de la Commissaire, cette décision mentionnée par la personne qui a fait la demande d’accès et rendue par son homologue d’Alberta se distingue de la présente affaire et n’appuie pas l’affirmation selon laquelle cette demande d’autorisation en vertu du paragraphe 6.1(1) devrait être rejetée au motif que le délai pour la présenter était écoulé. Dans la décision Alberta Health Services (Re), supra, l’organisme public a présenté une demande d’autorisation de ne pas donner suite à une demande, en vertu de la Freedom of Information and Protection of Privacy Act de l’Alberta, après avoir déjà fourni une réponse à la demande d’accès et pendant que cette réponse faisait l’objet d’un examen par la commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Alberta. Ce n’est pas le cas en l’espèce.
Bien que je reconnaisse que l’article 6.1 prévoit que le délai dans lequel une institution doit répondre à une demande d’accès en vertu de la Loi est suspendu lorsque l’institution demande l’autorisation de la Commissaire de ne pas donner suite à la demande d’accès en vertu du paragraphe 6.1(1), il n’impose pas de délai dans lequel demander l’autorisation de la Commissaire. Bien qu’une demande d’autorisation à la Commissaire pour ne pas donner suite à une demande d’accès devrait généralement être faite dans les 30 premiers jours après la réception de la demande d’accès par l’institution, la Commissaire reconnaît que le moment auquel est faite la demande peut dépendre des circonstances de chaque cas. Bien que le moment auquel est faite une demande d’autorisation en vertu du paragraphe 6.1(1) n’empêche pas la Commissaire de la considérer, il est néanmoins un facteur dont elle peut tenir compte lorsqu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser l’autorisation en vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi.
Selon la preuve dont dispose la Commissaire, il est évident que, jusqu’au 1er septembre 2023, les deux parties ont tenté de préciser et/ou de réduire la portée la demande d’accès afin qu’elle soit plus facile à gérer et/ou de diminuer son incidence potentielle sur le fonctionnement de l’institution. À cette date, l’institution soutenait que la demande, telle que modifiée depuis le 27 juin 2023, « prendrait beaucoup de temps » à traiter. Trois semaines plus tard, l’institution a présenté sa demande d’autorisation en vertu du paragraphe 6.1(1) pour ne pas donner suite à la demande d’accès. La Commissaire conclut donc que l’institution a déployé, dans les délais prévus, des efforts pour porter assistance à la personne faisant la demande, comme il se doit, en essayant de préciser et/ou de réduire la portée de la demande afin qu’il soit possible d’y répondre sans qu’une pression indue ne soit exercée sur l’institution sur une longue période, au détriment des droits d’autres personnes.
Compte tenu des circonstances susmentionnées, le temps qu’a pris l’institution pour présenter sa demande d’autorisation en vertu du paragraphe 6.1(1) n’était pas déraisonnable et ne serait donc pas un facteur défavorable dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire par la Commissaire pour autoriser la présente demande d’autorisation.
L’institution s’est-elle acquittée de son obligation de prêter assistance à la personne qui a fait la demande d’accès?
Avant de demande l’autorisation de la Commissaire, les institutions doivent faire tous les efforts raisonnables pour prêter assistance aux personnes qui font des demandes d’accès, conformément à l’obligation prévue au paragraphe 4(2.1).
Le paragraphe 4(2.1) prévoit une obligation générale de prêter assistance aux personnes qui font une demande d’accès. La portée de cette obligation est vaste et elle s’applique dans la mesure où il est raisonnable pour l’institution de prêter assistance. La question de savoir en quoi consistent « tous les efforts raisonnables » pour prêter assistance à une personne qui fait une demande dépend des faits pertinents et des circonstances. Par conséquent, la question de savoir si une institution s’est acquittée ou non de ses obligations en vertu du paragraphe 4(2.1) dépend des faits et doit être évaluée au cas par cas.
Pour étayer sa demande d’autorisation, l’institution a fourni des courriels qu’elle a échangés avec la personne qui a fait la demande d’accès. Ces communications montrent que l’institution l’a informée dès le début que la demande d’accès originale produirait un nombre extrêmement élevé de documents. L’institution a expliqué que, par conséquent, elle avait offert de l’assistance et des conseils à la personne pour l’aider à reformuler la demande d’accès et lui a donné plusieurs occasions d’en réduire la portée.
Des courriels ont été échangés au cours du mois de juillet 2023. Dans ces courriels, l’institution a informé la personne qui a fait la demande d’accès que répondre à celle-ci nécessiterait une longue prorogation de délai en raison du temps requis pour le traitement. L’institution a donc suggéré à la personne les options suivantes pour réduire la portée de la demande :
- préciser un niveau décisionnel pour les communications (p. ex. directeur général et niveaux supérieurs);
- limiter les courriels aux lignes indiquant l’expéditeur et le destinataire afin d’exclure les messages où le directeur général est en c.c., mais de sorte à inclure tout ce qui lui est envoyé aux fins d’approbation;
- préciser les types de documents recherchés;
- éliminer les ébauches;
- restreindre la période visée;
- cibler les événements indésirables et les examens particuliers qui l’intéressent;
- cibler des fabricants de vaccins en particulier.
En réponse à cette suggestion, la personne qui a fait la demande d’accès a indiqué qu’elle cherchait des examens de tout risque ayant été identifié comme étant causé par tout vaccin contre la COVID-19 utilisé au Canada. La personne a accepté de restreindre la période visée, du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022. et de se limiter à quatre fabricants. Cependant, elle a refusé de se limiter aux versions finales des mémoires et des notes de service et de limiter les communications au niveau de directeur, car selon elle, il pourrait y avoir « de l’information importante qui monte aux échelons supérieurs ».
Les échanges de courriels montraient également que l’institution avait fourni une liste de renseignements accessibles au public qui étaient pertinents dans le cadre de la demande d’accès et que la personne qui a fait la demande a ensuite accepté d’exclure ces renseignements de la demande.
L’institution a indiqué à la Commissaire que, malgré ses différentes tentatives de réduire la portée de la demande d’accès, les limites acceptées par la personne qui a fait la demande n’auraient pas réduit considérablement le nombre de documents pertinents.
L’institution a présenté des courriels montrant que, en août 2023, son bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP), de concert avec les secteurs de programme, avait proposé de nouvelles options. Le 13 septembre 2023, l’institution a informé la personne qui a fait la demande d’accès que celle-ci produirait environ 600 000 pages et a suggéré d’autres façons de réduire la portée de la demande afin de pouvoir fournir les documents en temps opportun :
- limiter la demande aux 19 événements indésirables les plus fréquents qui ont mené à des modifications de l’étiquetage, parmi les plus de 10 000 événements associés aux vaccins;
- limiter le type de documents aux examens internes et aux communications avec les fabricants concernant ces événements indésirables.
L’institution a expliqué que son intention était d’aider la personne qui a fait la demande d’accès à établir des priorités et à choisir les événements indésirables qui l’intéressaient. Elle pourrait ensuite lui fournir les documents internes, les rapports d’examen et toutes les communications avec les fabricants concernant les problèmes de sécurité potentiels susceptibles de l’intéresser.
La personne qui a fait la demande d’accès a informé l’institution qu’elle ne s’intéressait pas seulement aux 19 événements indésirables les plus fréquents, mais à l’ensemble des plus de 10 000 événements indésirables associés à ces vaccins.
Dans sa réponse à la demande d’autorisation de l’institution, la personne qui a fait la demande d’accès a également déclaré qu’elle hésitait à accepter seulement des documents au sujet des 19 événements indésirables les plus fréquents qui ont mené à des changements dans l’étiquetage, puisqu’il y avait beaucoup plus de problèmes de sécurité que ceux-ci. Elle a expliqué qu’elle s’attendait à ce que l’institution fournisse une liste de tous les événements indésirables parmi laquelle elle aurait été disposée à choisir. Cependant, aucune preuve ne suggère que la personne en a informé l’institution de cette volonté avant que l’institution ne présente sa demande d’autorisation, même si elle lui avait demandé si c’était possible en septembre 2023.
Reconnaissant que la demande d’accès pourrait produire un grand nombre de pages, la personne qui l’a faite a recommandé à l’institution de la diviser en quatre parties et de fournir les documents dans le cadre de communications provisoires. Bien qu’une analyste subalterne de l’AIPRP ait suggéré de diviser la demande, l’institution a refusé parce que cela n’aurait pas réduit le nombre total de pages. L’institution a aussi indiqué à la personne qui a fait la demande qu’en faisant des communications provisoires, il serait difficile de faire le suivi des documents fournis par les secteurs de programme, de ceux qui sont pertinents, de ceux qui ont déjà été traités, de ceux qui sont en double et de ceux qui devaient être envoyés à des tiers aux fins de consultation. Enfin, l’institution a répété qu’il faudrait beaucoup de temps pour répondre à la demande d’accès.
La personne qui a fait la demande d’accès affirme avoir participé de bonne foi aux nombreuses discussions avec l’institution et la Commissaire n’a aucune raison d’en douter. Cependant, la personne n’était pas disposée, en septembre 2023, à réduire la portée de la demande d’accès aux 19 événements indésirables les plus fréquents ayant entraîné des modifications à l’étiquetage et à choisir les événements auxquels elle voulait accorder la priorité. La personne recherchait également toutes les communications internes et externes (comme les courriels, les mémoires, les messages textes, les relevés de conversations téléphoniques, les notes de service, les ébauches, les documents, les communiqués de presse et les présentations).
La Commissaire conclut que, en offrant, à deux occasions, plusieurs options pour reformuler la demande d’accès, l’institution a fait tous les efforts raisonnables pour prêter assistance à la personne qui a fait la demande. La Commissaire conclut que l’institution a établi qu’elle s’était acquittée de son obligation de prêter assistance à la personne qui a fait la demande d’accès avant de demander d’autorisation de ne pas y donner suite.
La demande constitue-t-elle un abus du droit de faire une demande de communication?
La Loi prévoit un important droit d’accès aux documents relevant des institutions fédérales. Cependant, tous les droits s’accompagnent de responsabilités. Il ne faut pas abuser de ce droit d’accès.
Il y a abus lorsqu’une personne qui fait une demande d’accès utilise son droit de manière abusive ou inappropriée.
C’est par exemple le cas lors qu’une demande d’accès vise un objectif autre que la communication de documents ou de renseignements. C’est également le cas lorsqu’une demande d’accès est contraire à l’intérêt public parce qu’elle constitue un fardeau excessif pour l’institution, parce qu’elle empêche d’autres personnes de faire valoir leur droit d’accès et/ou parce qu’elle augmente indûment les coûts et le temps consacré par une institution au respect de ses obligations en vertu de la Loi.
La liste de facteurs ci-dessus n’est pas exhaustive; d’autres facteurs pertinents peuvent être pris en considération selon les circonstances propres à chaque cas. Il faut donc évaluer chaque demande d’accès au cas par cas pour établir s’il s’agit ou non d’un abus du droit de faire une demande de communication.
Fardeau imposé à l’institution et entrave au fonctionnement
L’institution soutenait que la demande d’accès constituait un abus du droit de faire une demande de communication, parce qu’y répondre entraverait sérieusement le fonctionnement des secteurs de programmes et de son bureau de l’AIPRP.
L’institution a expliqué que, selon une estimation prudente, la demande d’accès produirait 700 000 pages. Elle a évalué qu’à peu près 625 988 de ces pages proviendraient d’une direction générale, réparties ainsi entre des secteurs de programme de cette direction générale :
- Première direction : 560 000 pages (121 000 courriels et documents consécutifs à l’autorisation)
- Bureau du sous-ministre adjoint : 35 388 pages (5 700 documents)
- Deuxième direction : 11 000 pages (2 900 documents)
- Troisième direction : 19 600 pages de documents scientifiques
L’institution a expliqué que les documents sont complexes, ce qui pourrait allonger le délai requis pour les traiter. De plus, un grand nombre des documents sont des courriels. Bien qu’il serait relativement facile de les chercher, les employés de la direction générale (environ 70 personnes) auraient besoin de beaucoup de temps pour remplir les documents, les nettoyer et les examiner pour en déterminer la pertinence – le tout avant de fournir les documents au bureau de l’AIPRP.
En 2021 et 2022, la première direction a examiné environ 125 documents consécutifs à l’autorisation concernant des vaccins contre la COVID-19 soumis par des détenteurs d’autorisation de mise en marché. Ces documents pourraient contenir chacun moins de 100 pages ou jusqu’à 8 000 pages. Chacun des rapports internes de la direction représente entre 30 et 200 pages de plus. Selon une estimation prudente, ces 125 documents consécutifs à l’autorisation et leurs examens respectifs, à eux seuls, totaliseraient 40 000 pages.
L’institution a déclaré que ces documents nécessiteraient de vastes consultations avec des tiers et d’autres gouvernements, ce qui ajouterait à la complexité et au délai de traitement.
L’institution soutenait également que la demande d’accès ferait en sorte que la direction serait submergée par la récupération des documents et le bureau de l’AIPRP serait submergé par leur traitement.
Selon l’institution, la portée de la demande d’accès aurait ajouté une couche de complexité à la recherche, puisqu’elle englobait pratiquement tous les documents que détiennent les secteurs de programme. Le sujet de la demande d’accès concerne le travail quotidien de chacun des 70 employés qui sont supposés détenir des documents pertinents et couvre la majorité des documents que ceux-ci ont créés durant la totalité de la période visée.
La direction générale devrait temporairement réaffecter des employés à cette demande d’accès, ce qui aurait une incidence majeure sur les activités réglementaires quotidiennes et d’autres priorités opérationnelles. Le tout pourrait empêcher l’institution de respecter des échéances.
L’institution a aussi expliqué que la première direction serait particulièrement affectée par cette demande d’accès, puisqu’elle détient environ 90 % des documents potentiellement pertinents. Cette direction surveille la sécurité des vaccins contre la COVID-19 et exigence des fabricants qu’ils soumettent leurs rapports de sécurité (à diverses fréquences, comme mensuelle, bimensuelle ou semestrielle), et de déclarer les événements indésirables et les évaluations concernant les nouveaux renseignements relatifs à la sécurité qui pourraient avoir une incidence sur le profil risques-avantages de ces vaccins. La direction examine les événements indésirables associés à la vaccination signalés dans le cadre du Programme Canada Vigilance tout en considérant également les renseignements dans le Système canadien de surveillance des effets secondaires suivant l’immunisation, ainsi que les données provenant de partenaires internationaux. La demande d’accès vise toutes les communications, tous les documents soumis par des détenteurs d’autorisation de mise en marché et tous les événements indésirables – à savoir l’ensemble du travail accompli par la direction en 2021 et en 2022.
La direction compte environ 300 employés, dont 45 participeraient à la récupération et au traitement des documents dans le cadre de la demande d’accès. Pendant que ces employés seraient affectés à ces tâches, ils ne seraient pas en mesure de remplir leurs fonctions normales (la réglementation, l’évaluation et la surveillance des risques pour la santé des produits comme les vaccins).
Atteinte au droit de faire une demande de communication d’autres personnes
L’institution a informé la Commissaire qu’en plus de détourner les employés de leurs fonctions normales, le traitement d’un grand nombre de documents complexes qui seraient pertinents dans le cadre de la demande d’accès aurait une incidence sur la capacité de la direction générale de répondre à d’autres demandes d’accès.
Le travail du bureau du contrôle de la qualité serait également affecté. Ce bureau est responsable du contrôle de la qualité des documents récupérés et accomplit les tâches suivantes :
- s’assurer que les documents ne sont pas protégés par un mot de passe;
- repérer et fournir les pièces jointes intégrées;
- vérifier l’intégrité des documents;
- éliminer les documents en double;
- s’assurer que les documents sont dans des formats acceptables;
- supprimer les pages blanches;
- extraire les courriels des dossiers PDF et les convertir.
L’institution estime que les 12 employés à temps plein du bureau peuvent examiner environ 250 pages par jour, pour un total de 3 000. Le contrôle de la qualité des 700 000 pages qu’on estime être pertinentes dans le cadre de la demande d’accès nécessiterait donc environ 233 jours (ou 208 jours pour 625 988 pages), si tous les employés travaillaient à ce dossier à temps plein.
L’institution a aussi expliqué que cette demande d’accès aurait de sérieuses répercussions sur le fonctionnement du bureau de l’AIPRP. Le bureau compte 104 employés, dont 13 se consacrent aux demandes d’accès liées à la COVID-19. Cette équipe traitait déjà 537 demandes d’accès, pour un total de 3,3 millions de pages, lorsqu’elle a reçu la demande d’accès faisant l’objet de la présente demande d’autorisation. Ce nombre comprenait 29 autres demandes d’accès présentées par la même personne depuis le début de 2023. L’institution a indiqué qu’une réponse a été fournie à 5 de ces demandes et qu’elle s’attendait à ce que les 24 autres produisent un total de 531 249 pages. Au moins 9 analystes traitent ces pages. Au cours de l’exercice 2022-2023, l’équipe a examiné 500 362 pages relatives à des demandes d’accès. L’ajout de la dernière demande d’accès à cette charge de travail ferait plus que doubler le nombre de pages que le bureau de l’AIPRP devrait traiter.
Par conséquent, selon l’institution, le traitement de la demande d’accès faisant l’objet de la présente demande d’autorisation alourdirait le fardeau déjà important qui incombe à cette équipe et entraverait à son fonctionnement, ce qui empêcherait d’autres personnes de faire valoir leur droit de faire une demande de communication.
Discussion
Une grande partie de la réponse de la personne qui a fait la demande d’accès à la demande d’autorisation de l’institution portait sur l’importance fondamentale et la quasi-constitutionnalité du droit d’accès à l’information et sur les raisons pour lesquelles les renseignements demandés seraient extrêmement importants et pertinents pour toute la population canadienne. Selon la personne, ces renseignements aideraient les chercheurs canadiens à examiner la pandémie de COVID-19 et contribueraient à formuler des recommandations à la suite de l’intervention du Canada relativement à la pandémie.
La personne qui a fait la demande d’accès n’a pas contesté l’argument de l’institution selon lequel la demande était vaste, et qu’y répondre entraverait son fonctionnement et empêcherait d’autres personnes de faire valoir leur droit de faire une demande de communication. Cependant, la personne a affirmé que la Commissaire ne devrait pas accorder beaucoup de poids aux arguments de l’institution concernant la complexité et le nombre de documents pertinents, puisque le principal motif du refus de communication était les préoccupations de l’institution au sujet des conséquences de la divulgation des renseignements. La personne a également déclaré que, de toute façon, le nombre de documents pertinents n’était pas une raison suffisante en soi pour accorder l’autorisation.
La personne qui a fait la demande d’accès affirmait que l’institution semblait davantage préoccupée par les conséquences, y compris les conséquences juridiques, de la divulgation des renseignements que par le nombre de documents. Bien que des notes prises durant une rencontre entre la direction générale et le bureau de l’AIPRP suggèrent qu’un employé de la direction avait exprimé des préoccupations au sujet d’un litige si les documents étaient divulgués, la Commissaire n’est pas convaincue que c’est la raison pour laquelle l’institution a présenté une demande d’autorisation.
Comme mentionné ci-dessus, il y a abus lorsqu’une personne qui fait une demande d’accès utilise son droit de manière abusive ou inappropriée. C’est par exemple le cas lorsqu’une demande d’accès impose un fardeau indu à une institution, entrave sérieusement son fonctionnement ou empêche d’autres personnes de faire valoir leur droit d’accès.
Dans le cas qui nous occupe, la personne qui a fait la demande d’accès voulait essentiellement toutes les communications, internes ou externes, quel qu’en soit le support, y compris les examens, les rapports et les ébauches :
- résultant de ou menant à « la surveillance et l’examen des déclarations d’événements indésirables associés à la vaccination contre la COVID-19 »;
- résultant de ou menant à « l’examen régulier des renseignements de sécurité provenant de différentes sources, y compris les données relatives à la sécurité des vaccins contre le COVID-19 fournis par le fabricant »;
- résultant de ou menant à « la surveillance » des événements indésirables suivant l’immunisation à l’extérieur du Canada relativement à des sources externes;
- relatifs à la causalité (ou l’absence de celle-ci) entre les vaccins contre la COVID-19 et les décès consécutifs à la vaccination, et à la causalité (ou l’absence de celle-ci) entre les vaccins contre la COVID-19 et les événements indésirables graves.
La Commissaire estime que la demande d’accès, telle qu’elle est formulée, est très vaste. Après avoir examiné les preuves fournies par l’institution, la Commissaire est d’avis que la demande produirait probablement le nombre estimé de documents.
La question de savoir en quoi consiste une entrave sérieuse au fonctionnement d’une institution repose sur une évaluation objective des faits. Elle varie selon la nature de la demande d’accès, la taille et le type d’activités, le travail requis pour donner suite à la demande et les répercussions sur le fonctionnent.
Compte tenu des observations de l’institution, la Commissaire est d’avis que la demande d’accès entraverait sérieusement le fonctionnement de la direction générale, particulièrement celui de la première direction, puisque c’est elle qui détient la plupart des documents pertinents. La Commissaire peut voir en quoi la vaste portée de la demande d’accès serait très chronophage pour les employés et pourrait entraver leurs activités normales en modifiant leurs obligations opérationnelles ainsi que leurs obligations envers d’autres personnes demandant de l’information au sujet des vaccins contre la COVID-19 et d’autres produits sanitaires.
L’institution a également expliqué de façon convaincante en quoi le temps et les efforts requis pour chercher, repérer, récupérer et traiter les documents pertinents entraverait sérieusement le fonctionnement du bureau de l’AIPRP et du bureau du contrôle de la qualité. Selon l’institution, cette entrave aurait également des répercussions sur le droit de faire une demande de communication d’autres personnes. Pendant qu’ils traiteraient ce dossier, les secteurs de programme et le bureau de l’AIPRP ne pourraient pas donner suite aux demandes d’accès d’autres personnes. La Commissaire est d’avis que, en effet, consacrer autant d’efforts et de temps à une seule demande d’accès entraverait sérieusement le fonctionnement de l’institution.
La Commissaire est d’accord avec la personne qui a fait la demande d’accès que le sujet des documents demandés est d’intérêt public et elle ne conteste pas l’importance des renseignements au sujet des vaccins contre la COVID-19. Cependant, l’article 6.1 vise à protéger l’intention et le fonctionnement prévus de la Loi et à prévenir les abus afin que d’autres puissent également exercer leur droit quasi constitutionnel de demander de l’information. Le droit d’accès à l’information n’est pas absolu et les personnes qui font des demandes d’accès doivent éviter de faire des demandes dont la portée est trop vaste. De plus, il y a une limite raisonnable au temps et aux efforts que les institutions peuvent consacrer à répondre à une seule demande.
La Commissaire est également consciente que le temps et les ressources disponibles pour répondre aux demandes d’accès ne sont pas infinis, et que la personne qui a fait cette demande d’accès n’est pas la seule qui attend une réponse. La Commissaire conclut que le temps et les efforts requis pour chercher, repérer, récupérer et traiter les documents pertinents aurait des répercussions négatives sur le droit de faire une demande de communication d’autres personnes.
Enfin, comme l’a souligné l’institution, les 24 autres demandes en cours de la part de la même personne risquent de produire des documents en double, parce qu’elles portent aussi sur la COVID-19 et les vaccins contre celle-ci.
La personne qui a fait la demande d’accès a nié l’affirmation de l’institution selon laquelle il y a de la répétition entre les demandes d’accès simplement parce que toutes les demandes concernent la COVID-19 et les vaccins contre celle-ci. En particulier, la personne a indiqué que cette affirmation ne constitue pas la preuve claire et convaincante requise pour prouver que des demandes d’accès sont répétitives.
Lorsqu’elle a examiné les demandes d’accès, la Commissaire a conclu qu’il y aurait probablement un certain dédoublement. Par exemple, dans la demande d’accès en cause (A-2023-000439), les renseignements suivants sont recherchés :
[Traduction]
Pour la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022, veuillez fournir des copies de toutes les communications internes/externes (comme les courriels, les mémoires, les messages textes, les relevés de conversations téléphoniques, les notes de service, les ébauches, les documents, les communiqués de presse et les présentations) résultant de ou menant à « de l’examen régulier des renseignements de sécurité provenant de différentes sources, y compris les données relatives à la sécurité des vaccins fournies par le fabricant » (Pfizer/BioNTech, Moderna, AstraZeneca, J&J) susmentionné.
La demande d’accès A-2023-000230, présentée par la même personne, se lit ainsi :
[Traduction]
Tous les documents soumis par BioNTech Manufacturing Company GmbH ou Pfizer dans le cadre de l’examen réglementaire qui a donné lieu au sommaire de décision réglementaire du 16 septembre 2021, concernant le vaccin Comirnaty (auparavant le vaccin de Pfizer-BioNTech contre la COVID-19).
Ces deux demandes d’accès concernent les communications externes envoyées par Pfizer et BioNTech dans le cadre de l’examen de leurs vaccins et elles visent la même période.
La personne qui a fait la demande d’accès soutenait que le nombre de demandes présentées par une seule personne ne devrait pas être le seul motif pour conclure à un abus. C’est vrai, mais le fait que la demande d’accès en cause chevauche d’autres demandes d’accès laisse penser qu’elle est répétitive, ce qui est un facteur qui contribue à en faire un abus du droit de faire une demande de communication.
Pour toutes les raisons susmentionnées, la Commissaire conclut que la demande d’accès constituait un abus du droit de faire une demande de communication, parce que son traitement entraverait sérieusement le fonctionnement de l’institution et empêcherait d’autres personnes de faire valoir leur droit de faire une demande de communication.
Puisque la Commissaire a conclu que la demande d’accès constituait un abus du droit de faire une demande de communication, il n’est pas nécessaire qu’elle examine si elle était également vexatoire ou entachée de mauvaise foi.
Décision
L’institution a établi que la demande d’accès constituait un abus du droit de faire une demande de communication et satisfaisait aux critères du paragraphe 6.1(1) :
La demande d’accès originale était trop vaste. Malgré les efforts déployés par l’institution et la personne qui a fait la demande pour en réduire la portée, elle demeure très vaste. La personne demandait toujours toutes les communications internes et externes, quel que soit le support, y compris les examens, les rapports et les ébauches, au cas où il y aurait « de l’information importante qui monte aux échelons supérieurs ».
La personne qui a fait la demande d’accès n’a pas accepté les options proposées par l’institution, qui auraient considérable diminué le nombre de pages produites par la demande. Le nombre prévu de documents aurait pu être diminué en se concentrant sur des événements indésirables précis et en collaborant avec l’institution pour trouver des façons de réduire la portée des renseignements recherchés pour certains événements indésirables, et en ciblant mieux les types de communications que la personne souhaitait obtenir.
Le traitement de la demande d’accès, si elle comprenait le nombre prévu de documents, surchargerait la direction générale (et particulièrement la première direction), ce qui entraverait sérieusement son fonctionnement.
L’entrave au fonctionnement aurait pour conséquence principale que les employés de ces bureaux devraient abandonner leurs tâches régulières pendant des mois pour consacrer tout leur temps à répondre à cette demande d’accès, ce qui ferait que les bureaux auraient de la difficulté à s’acquitter de leurs fonctions principales, y compris celles liées aux vaccins.
S’il fallait traiter cette demande volumineuse, la capacité du bureau de l’AIPRP, du bureau du contrôle de la qualité et de la première direction de répondre à d’autres demandes d’accès, qu’elles proviennent de la même personne ou d’autres personnes, serait considérablement réduite, ce qui empêcherait ces personnes de faire valoir leur droit d’accès.
Dans les circonstances, il est justifié que la Commissaire accorde son autorisation à l’institution de ne pas donner suite à la demande d’accès en cause.
La demande d’autorisation est donc acceptée.