Document d’information – Comparution devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones
Renseignements généraux
De la fin des années 1800 jusqu’aux années 1990, le gouvernement fédéral et plusieurs églises chrétiennes ont géré un réseau de pensionnats autochtones.
- Plus de 150 000 enfants inuits, métis et des Premières Nations ont fréquenté ces pensionnats; dans bien des cas, ils ont été forcés de quitter leur famille et ont été maltraités, mal nourris et victimes d’abus.
En 2006, à la suite d’une action en justice intentée par les membres des Premières Nations ayant survécu aux pensionnats, la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens (CRRPI) a été conclue entre les survivants des pensionnats, les représentants de l’Assemblée des Premières Nations, les Inuits, les entités religieuses et le gouvernement du Canada.
- La CRRPI prévoyait entre autres la création de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR).
- La CVR a constaté qu’un tiers des décès d’élèves n’étaient pas consignés par le gouvernement ou l’administration des pensionnats, que la cause du décès n’était pas consignée dans la moitié des cas et que le taux de mortalité des pensionnaires était nettement supérieur à celui des enfants non autochtones.
En 2015, le Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR) a été créé grâce à un accord entre la CVR et l’Université du Manitoba.
- Le CNVR conserve les déclarations, les documents et autres éléments recueillis, par la CVR, auprès des survivants des pensionnats.
En 2015, la CVR a présenté 94 appels à l’action, dont cinq concernent les enfants disparus ainsi que les tombes et les sépultures anonymes. Ces appels à l’action ont trait à différents éléments, dont les suivants :
- l’accès aux documents des bureaux des coroners se rapportant aux décès d’enfants;
- le financement, par le gouvernement du Canada, du Registre national de décès des élèves des pensionnats indiens;
- la création d’un registre des cimetières des pensionnats;
- le repérage et la protection des cimetières.
En juin 2022, Kimberly Murray a été nommée interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes en lien avec les pensionnats indiens pour un mandat de deux ans par le ministre de la Justice et procureur général du Canada.
- Son mandat consiste à définir les mesures nécessaires et à formuler des recommandations en vue de l’élaboration d’un nouveau cadre juridique fédéral garantissant le traitement respectueux et culturellement approprié des tombes et des lieux de sépulture anonymes des enfants en lien avec d’anciens pensionnats.
Le travail du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones
Le 19 juillet 2023, le Comité sénatorial des peuples autochtones a publié un rapport provisoire intitulé « Honorer les enfants qui ne sont jamais rentrés auprès des leurs : vérité, éducation et réconciliation » basé sur le travail du Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR) et de l’interlocutrice spéciale.
Le rapport provisoire
- Il donne un aperçu de la réunion du Comité du 21 mars 2023, au cours de laquelle ont témoigné Kimberly Murray, interlocutrice spéciale indépendante, Stephanie Scott, directrice générale du CNVR, et Barbara Cameron, aînée et survivante des pensionnats.
- Il comprend une liste des gouvernements et des organismes du Canada qui se sont engagés à transmettre les documents des pensionnats au CNVR. Toutefois, on ignore encore à quel moment les documents seront transférés.
- Il formule des recommandations axées sur le soutien aux survivants des pensionnats, à leurs familles et à leurs communautés. Les deux premières recommandations portent sur les documents non divulgués par les institutions fédérales :
- Que Bibliothèque et Archives Canada et Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada accélèrent le transfert de tous les dossiers relatifs aux pensionnats au Centre national pour la vérité et la réconciliation et fournissent un rapport d’étape au comité d’ici décembre 2023 et que le gouvernement du Canada prenne toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les gouvernements des provinces et des territoires ainsi que toutes les organisations et entités n’ayant pas divulgué certains dossiers au Centre national pour la vérité et la réconciliation les communiquent promptement.
- Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones tienne à l’automne 2023 une audience avec les organisations et entités n’ayant pas divulgué certains dossiers au Centre national pour la vérité et la réconciliation.
L’accès aux documents
Les peuples autochtones doivent trouver et examiner des documents pour reconstituer l’emplacement des cimetières ou des lieux de sépulture anonymes où leurs enfants sont peut-être enterrés. Il peut s’agir de certificats de décès ou de documents faisant état de maladies ou de transferts vers d’autres établissements.
- Les documents attendus sont détenus par les coroners et les bureaux de l’état civil des différents gouvernements ainsi que par les églises. Le gouvernement fédéral possède lui aussi des documents susceptibles de constituer des sources d’information importantes pour les familles à la recherche d’enfants disparus. Il s’agit de rapports de coroners et de certificats de décès provenant de plusieurs provinces et territoires, notamment des Territoires du Nord-Ouest, de l’Ontario, du Québec, du Manitoba et de la Saskatchewan, ainsi que de documents détenus par des entités de l’Église catholique.
- Le CNVR et le gouvernement du Canada ont mis en place un Comité consultatif sur les documents relatifs aux pensionnats, chargé de recenser tous les documents pertinents et de les transmettre au CNVR. Les sources d’information permettant de localiser les enfants disparus et les tombes anonymes comprennent les documents liés à la CRRPI et ceux portant sur la disposition des terres après la fermeture d’un pensionnat.
Les documents qui n’ont pas encore été transmis
Le tableau suivant contient une liste des documents qui n’ont pas encore été transmis, laquelle a été produite par le CNVR. Au fur et à mesure que les recherches du Centre progressent, d’autres organisations et documents pourront être répertoriés.
Entité | Documents qui n’ont pas encore été transmis |
---|---|
Bibliothèque et Archives Canada (BAC) | Documents relatifs aux externats (qui ne sont pas visés par la CRRPI) et images en mouvement et documents sonores (exigés pour répondre aux obligations énoncées dans la CRRPI). |
Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (RCAANC) | Un comité consultatif sur les documents a été créé et des travaux sont en cours pour déterminer le volume des documents dans l’ensemble des ministères fédéraux. Les documents qui n’ont pas encore été transmis comprennent des éléments liés à la CRRPI : les documents du Processus d’évaluation indépendante non liés à une demande (conformément à une ordonnance d’un tribunal); les dossiers du Paiement d’expérience commune qui documentent l’expérience vécue dans les pensionnats. |
Les entités suivantes liées aux oblats :
| Les documents qui n’ont pas encore été transmis relativement à l’histoire de l’administration et du fonctionnement des pensionnats sont nécessaires pour respecter les obligations prévues par la CRRPI. Le CNVR n’a reçu qu’un petit nombre de documents. |
Sœurs de la Charité | Documents relatifs au pensionnat indien de Shubenacadie. |
Sœurs de Sainte-Anne, documents détenus par le Musée royal et les Archives de la Colombie-Britannique |
Les audiences tenues après le dépôt du rapport provisoire
Le Comité sénatorial des peuples autochtones organise des audiences à l’automne 2023 avec les organisations et entités qui n’ont pas divulgué les documents.
RCAANC (6 décembre 2023)
Témoins : Valerie Gideon, sous-ministre, et Mary-Luisa Kapelus, sous-ministre adjointe principale, Politiques et orientation stratégique
- RCAANC est moins impliqué dans les initiatives et les programmes de prestation de services directs.
- RCAANC n’existait pas lorsque la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens a été conclue.
Services aux Autochtones Canada (SAC) (29 novembre 2023)
Témoins : Lori Doran, directrice générale, Affaires individuelles, et John Gordon, registraire des Indiens, Affaires individuelles
- Le Registre des Indiens, tenu par SAC, est le registre officiel des personnes inscrites en vertu de l’article 6 de la Loi sur les Indiens. Entre 1951 et 1985, il s’agissait d’un système d’enregistrement sur papier.
- Il contient des renseignements personnels qui ne doivent être divulgués qu’avec le consentement écrit de la personne concernée. Il ne contient pas de renseignements sur la fréquentation des pensionnats ni sur la cause du décès.
- SAC suggère tout au long de son témoignage que même sans les limitations de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le Registre des Indiens serait peu utile aux chercheurs, car il ne contient que des informations ancestrales et des données personnelles sur les personnes inscrites comme Indien au Canada.
- Le Registre des Indiens a été utilisé comme source secondaire, en combinaison avec d’autres documents, pour recenser des individus et faciliter l’identification d’enfants disparus.
- SAC fait partie du Comité consultatif sur les documents relatifs aux pensionnats. Ce groupe en est encore à ses débuts, et le Registre des Indiens pourrait collaborer avec lui.
- SAC affirme que la demande d’accès à l’information du groupe Shingwauk [en anglais seulement] portait sur l’ensemble du Registre des Indiens et que la Loi sur la protection des renseignements personnels a limité sa capacité à le divulguer.
- Les discussions sur la gestion de l’information, la protection des renseignements personnels et l’accès à l’information dans le cadre du Registre des Indiens révèlent un cloisonnement au sein de l’organisation. La directrice générale des Affaires individuelles ne peut pas s’exprimer sur la portée de la Loi sur la protection des renseignements personnels / de la Loi sur l’accès à l’information.
- Certains documents de nature généalogique se trouvent à SAC et d’autres, à BAC. Les spécialistes en recherche généalogique et d’archives savent où accéder à l’information.
- La question de la durée de conservation des informations après le décès d’une personne est fréquemment soulevée.
- L’état des archives historiques est un facteur. SAC travaille à la numérisation des documents en vue de leur conservation.
BAC (19 septembre 2023)
Témoins : Edward G. Sadowski, chercheur indépendant, et Ryan Shackleton, chef de la direction de Know History, groupe de recherche historique et généalogique
- Sadowski : Les structures coloniales empêchent l’accès à l’information; les droits de propriété intellectuelle autochtones n’ont pas été cédés au titre d’aucun traité.
- Sadowski : Le Commissariat à l’information refuse de publier les comptes rendus, y compris des rapports accablants à l’encontre du ministère de la Justice (MDN) pour avoir refusé de transmettre les documents.
- Shackleton : Les documents médicaux ainsi que les documents tenus par les communautés, les municipalités et les églises doivent être transmis. Dans certains cas, le MDN doit également transmettre des documents – des cas où des champs de tir se trouvaient à côté de pensionnats, des accusations d’enfants tués à ces endroits. La crainte d’une procédure judiciaire pour atteinte à la vie privée peut aussi être à l’origine de la réticence à transmettre les documents.
- Sadowski : La Loi sur la protection des renseignements personnels permet au ministre de transmettre des documents aux groupes autochtones. La législation fonctionne telle quelle. Peu d’entre eux feront usage de leur pouvoir pour transmettre les documents.
Témoin : Jasmine Bouchard, sous-ministre adjointe, Secteur de l’expérience des usagers et mobilisation, BAC
- BAC est en bonne voie pour fournir un rapport d’étape au Comité sénatorial des peuples autochtones d’ici décembre 2023.
- BAC a repéré et transféré 40 000 pages de la série de dossiers relatifs aux écoles au CNVR, 32 documents audiovisuels du gouvernement
- BAC est en train de repérer et de numériser jusqu’à six millions de pages de documents gouvernementaux relatifs aux externats.
- Pour BAC, le principal problème réside dans le volume.
Témoin : Garima Dwivedi, sous-ministre adjoint, Résolution et partenariats, RCAANC
- RCAANC a recensé 13 millions de documents qui relèvent du mandat du CNVR, 23 millions dans l’ensemble des ministères et organismes du gouvernement.
- Il y a 14 ministères qui détiennent des documents relatifs aux pensionnats.