Exception à la divulgation : application de la loi, enquêtes et sécurité des établissements pénitentiaires

Table des matières

Critères : article 16

Critères : article 16
ExceptionBrève descriptionType d’exceptionTest de préjudiceDélai
16(1)a)Renseignements préparés ou obtenus par un organisme d’enquête au cours d’enquêtes licitesDiscrétionnaireNonLes documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès
16(1)b)Renseignements relatifs à des techniques d’enquête ou à des projets d’enquête licites particuliersDiscrétionnaireNonNon
16(1)c)Renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à l’application des lois fédérales ou provinciales ou au déroulement d’enquêtesDiscrétionnaireOuiNon
16(1)d)Renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la sécurité des établissements pénitentiairesDiscrétionnaireOuiNon
16(2)Renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de faciliter la perpétration d’une infractionDiscrétionnaireOuiNon
16(3)Renseignements obtenus ou préparés par la Gendarmerie royale du Canada dans l’exercice de fonctions de police provinciale ou municipaleObligatoireNonNon

Alinéas 16(1)a) à d) et paragraphe 16(2)

Les alinéas 16(1)a), b), c) et d) et le paragraphe 16(2) sont des exceptions discrétionnaires, c.-à-d. que pour les appliquer, les institutions doivent exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles communiquent ou non certains renseignements relatifs à l’application de la loi.

Dans certains cas, les institutions doivent uniquement démontrer que les renseignements font partie d’une catégorie précise. Par exemple, en vertu de l’alinéa 16(1)a), les institutions peuvent refuser la communication de certains renseignements obtenus ou préparés au cours d’enquêtes licites. En vertu de l’alinéa 16(1)b), les institutions peuvent refuser la communication de renseignements relatifs à des techniques d’enquête.

Dans d’autres cas, les institutions doivent démontrer que la communication des renseignements risquerait vraisemblablement de causer un préjudice précis. Par exemple, les institutions peuvent refuser la communication de renseignements en vertu de l’alinéa 16(1)c) lorsque celle-ci risquerait vraisemblablement de nuire au déroulement d’une enquête licite. Elles peuvent également refuser la communication de renseignements en vertu du paragraphe 16(2) lorsque celle-ci risquerait vraisemblablement de faciliter la perpétration d’une infraction.

Paragraphe 16(3)

Le paragraphe 16(3) est une exception obligatoire : lorsque certaines conditions sont remplies, les institutions sont tenues de refuser la communication de renseignements obtenus ou préparés par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans l’exercice de fonctions de police provinciale ou municipale. (Le terme « provinciale » renvoie également aux trois territoires du Canada.)

Analyse et évaluation requises au cours d’une enquête

Il incombe à l’institution d’établir que l’une ou plusieurs de ces exceptions s’appliquent aux documents. Le Commissariat à l’information du Canada examinera les documents en question et analysera les observations présentées par les parties afin d’évaluer si cette exception a été invoquée à bon droit par l’institution.

Lorsque c’est le cas, le Commissariat évaluera ensuite si l’institution a exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non l’information, sauf pour le paragraphe 16(3), qui est une exception obligatoire. Voir Exercice du pouvoir discrétionnaire.

Justification de l’article 16

La Cour suprême du Canada, lorsqu’elle a abordé l’objet de l’exception relative à l’application de la loi dans la loi ontarienne sur l’accès à l’information, dans l’affaire Criminal Lawyers’ Association, a déclaré que le principal objectif de l’exception est de protéger l’intérêt public envers l’exécution efficace de la loi. La Cour a expliqué que le refus de communiquer des renseignements dans le contexte de l’application de la loi, à savoir le fait de permettre à des institutions d’appliquer des exceptions à certains renseignements, peut renforcer la capacité des organismes d’application de la loi d’obtenir une exposition franche et complète des renseignements dans le contexte d’enquêtes ainsi que « contribuer à atteindre l’objectif consistant à découvrir la vérité sur ce qui s’est réellement passé ». Ces principes s’appliquent également à l’article 16 de la Loi sur l’accès à l’information.

Critères de chaque exception prévue à l’article 16

Alinéa 16(1)a) : renseignements relatifs à des enquêtes

L’alinéa 16(1)a) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements obtenus ou préparés par des organismes d’enquête spécifiques dans le cadre d’enquêtes.

Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès.

Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements ont été obtenus ou préparés par un organisme d’enquête mentionné à l’annexe I du Règlement sur l’accès à l’information;
  • les renseignements ont été obtenus ou préparés au cours d’une enquête licite qui relève des pouvoirs de l’organisme d’enquête;
  • les renseignements portent sur une enquête ayant trait à un des éléments suivants :
    • la détection, la prévention ou la répression du crime;
    • le respect des lois du Canada ou d’une province (y compris les règlements municipaux);
    • des activités soupçonnées de constituer des menaces envers la sécurité du Canada au sens de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.

N’importe quelle institution fédérale peut invoquer l’alinéa16(1)a) pour refuser la communication, pourvu que les renseignements aient été obtenus ou préparés par un organisme d’enquête énuméré à l’annexe I du Règlement.

Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

Il n’est pas nécessaire que l’institution démontre que la communication risquerait vraisemblablement de causer le préjudice.

Limite de vingt ans

Pour que cette exception s’applique, les documents qui contiennent les renseignements doivent avoir été créés moins de vingt ans avant la demande d’accès. Quand l’institution ne peut pas démontrer que c’est le cas, les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’exception et il n’est pas nécessaire d’approfondir l’analyse.

Organismes d’enquête auxquels l’exception s’applique

L’organisme qui a obtenu ou préparé les documents doit faire partie des huit organismes énumérés dans le Règlement sur l’accès à l’information :

  • Police militaire des Forces canadiennes;
  • Unité nationale de contre-ingérence des Forces canadiennes;
  • Service canadien du renseignement de sécurité;
  • Direction des enquêtes criminelles, Direction générale du secteur international, des grandes entreprises et des enquêtes, Agence du revenu du Canada;
  • Directeur des enquêtes et recherches, ministère de la Consommation et des Corporations (qui s’appelle maintenant le Commissaire de la concurrence, ministère de l’Industrie);
  • Direction des opérations relatives au renseignement et au ciblage, Agence des services frontaliers du Canada;
  • Direction de la sécurité préventive et du renseignement, Service correctionnel du Canada;
  • Gendarmerie royale du Canada.

Obtenus ou préparés au cours d’enquêtes licites

Sens du terme « enquête »

Pour que l’exception s’applique, l’organisme d’enquête doit avoir obtenu ou préparé le document qui contient les renseignements au cours d’une enquête licite.

Le terme « enquête » à l’alinéa 16(1)a) a un sens large. Dans Maydak, la Cour d’appel fédérale s’est fondée sur les définitions suivantes :

  • [TRADUCTION] Fait d'enquêter; fait d'effectuer une recherche ou une enquête; examen systématique; recherche minutieuse et précise. (Oxford English Dictionary);
  • [TRADUCTION] Suivre pas à pas dans le cadre d'une enquête minutieuse ou d'une observation patiente; suivre à la trace; rechercher; examiner et étudier avec soin et précision; trouver à la suite d'une recherche consciencieuse; examen; recueillir des éléments de preuve; enquête judiciaire. (Black’s Law Dictionary).
Sens du terme « licite »

L’enquête en question doit être licite.

Dans Schertzer, la Cour fédérale a déclaré qu’une enquête est « licite » lorsqu’elle porte sur une matière qui relève de la compétence de l’organisme d’enquête en cause. Selon le Manuel de l'accès à l'information du Secrétariat du Conseil du Trésor, le terme « licite » signifie que l’enquête « ne doit pas aller à l’encontre de la loi ».

Sens du terme « au cours de »

Les documents en question doivent avoir été obtenus ou préparés « au cours » d’une enquête licite.

Si les renseignements en question n’ont pas été obtenus par un organisme d’enquête au cours d’une enquête (p. ex. s’ils ont été volontairement envoyés à l’institution alors que celle-ci n’avait pas d’enquête en cours), l’institution pourrait ne pas satisfaire à ce critère. 

Sujet de l’enquête

L’enquête en question doit avoir trait à un ou plusieurs des sujets suivants :

  • la détection, la prévention et la répression du crime [sous-alinéa 16(1)a)(i)];
  • les activités destinées à faire respecter les lois fédérales ou provinciales, [sous-alinéa 16(1)a)(ii)];
  • les activités soupçonnées de constituer des menaces envers la sécurité du Canada au sens de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité [sous-alinéa 16(1)a)(iii)].
Détection, prévention et répression du crime [sous-alinéa 16(1)a)(i)]

Au Canada, les « crimes » sont des infractions à une loi fédérale. Les provinces ne peuvent pas appliquer la législation criminelle. La détection, la prévention et la répression du crime peuvent seulement être effectuées en vertu d’une loi fédérale.

Pour qu’une loi soit considérée comme relevant du droit criminel, elle doit contenir une interdiction assortie d’une peine (Hydro-Québec).

Activités destinées à faire respecter les lois fédérales ou provinciales [sous-alinéa 16(1)a)(ii)]

Les enquêtes sur les activités interdites en vertu de lois fédérales ou provinciales (y compris les lois municipales) sont liées à l’application de ces lois.

Ces enquêtes ne doivent donc pas nécessairement avoir trait à une affaire criminelle pour que le sous-alinéa 16(1)a)(ii) s’applique. Par exemple, une vérification fiscale en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu constitue une enquête relative à l’application d’une loi fédérale (Agence du revenu du Canada).

Menaces envers la sécurité du Canada [sous-alinéa 16(1)a)(iii)].

Le sous-alinéa 16(1)a)(iii) concerne les menaces envers la sécurité du Canada. Celles-ci sont définies ainsi à l’article 2 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité :

  • (a) l’espionnage ou le sabotage visant le Canada ou préjudiciables à ses intérêts, ainsi que les activités tendant à favoriser ce genre d’espionnage ou de sabotage;
  • (b) les activités influencées par l’étranger qui touchent le Canada ou s’y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts, et qui sont d’une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque;
  • (c) les activités qui touchent le Canada ou s’y déroulent et visent à favoriser l’usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d’atteindre un objectif politique, religieux ou idéologique au Canada ou dans un État étranger;
  • (d) les activités qui, par des actions cachées et illicites, visent à saper le régime de gouvernement constitutionnellement établi au Canada ou dont le but immédiat ou ultime est sa destruction ou son renversement, par la violence.

La présente définition ne vise toutefois pas les activités licites de défense d’une cause, de protestation ou de manifestation d’un désaccord qui n’ont aucun lien avec les activités mentionnées aux alinéas a) à d). 

Alinéa 16(1)b) : techniques ou projets d’enquêtes

L’alinéa 16(1)b) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements relatifs à des techniques d’enquête ou à des projets d’enquête licites particuliers.

L’institution n’a pas besoin de démontrer qu’un préjudice pourrait vraisemblablement découler de la communication.

Techniques d’enquête

Pour invoquer cette exception relativement aux techniques d’enquête, les institutions doivent démontrer que les renseignements portent sur des techniques d’enquête.

La Cour fédérale a conclu que cette exception pourrait par exemple s’appliquer à des techniques de vérification, y compris un outil d’évaluation des risques que l’Agence du revenu du Canada utilise dans l’application de l’article 94.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Agence du revenu du Canada).

En vertu de la loi ontarienne sur l’accès à l’information, les types d’information suivants sont considérés comme des techniques d’enquête :

  • renseignements sur la manière dont la police obtient et exécute les mandats de perquisition (ordonnance MO-1633-I – en anglais seulement);
  • les paramètres précis des caméras assurant le respect des feux rouges de la ville (ordonnance MO-2715 – en anglais seulement).

Cependant, en vertu de la même loi, on distingue les techniques d’exécution de la loi des techniques d’enquête et les premières ne sont pas visées par l’exception (ordonnance MO-2730 – en anglais seulement). Par exemple, les documents décrivant l’utilisation des dispositifs acoustiques à longue portée aux fins de maîtrise des foules ne sont pas considérés comme des techniques d’enquête.

Les techniques d’enquête se distinguent également des faits révélés par l’enquête. Lorsque la divulgation de ces faits ne révélerait pas la manière dont ils ont été obtenus, ils ne sont pas protégés par l’alinéa 16(1)b) (Sherman).

Projets d’enquêtes licites particuliers

Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer que les renseignements portent sur des projets liés à des enquêtes licites particulières et non des enquêtes en général.

En plus de correspondre aux définitions des termes « enquête » et « licite » établies dans la section sur l’alinéa 16(1)a) du présent guide, l’enquête doit s’inscrire dans l’une des catégories énumérées au paragraphe 16(4).

Cette exception a été considérée comme s’appliquant à un outil d’évaluation des risques utilisé pour évaluer et gérer les risques associés à une enquête précise en cours (Agence du revenu du Canada).

Terme « se rapporter à »

Les renseignements en question doivent se rapporter à la technique ou au projet d’enquête.

Les tribunaux ontariens ont statué que le terme « se rapportant à » dans la loi sur l’accès à l’information de l’Ontario signifie seulement qu’il doit y avoir « un certain lien » entre les documents et le dossier en question (Toronto Star – décision en anglais seulement).

Alinéa 16(1)c) : préjudice au déroulement d’enquêtes

L’alinéa 16(1)c) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à l’application des lois fédérales ou provinciales ou au déroulement d’enquêtes [par exemple, des renseignements sur l’existence d’une enquête qui révéleraient l’identité d’une source confidentielle ou qui ont été obtenus au cours d’une enquête, comme le prévoient les sous-alinéas 16(1)c)(i) à (iii)].

Pour invoquer cette exception relativement à l’application des lois fédérales ou provinciales, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à l’application de toute loi du Canada ou d’une province;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

Pour invoquer cette exception relativement au déroulement des enquêtes, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements pourrait nuire au déroulement d’enquêtes licites, c’est-à-dire d’enquêtes qui relèvent des pouvoirs d’une institution et qui correspondent à l’une des situations suivantes :
    • elles sont menées pour appliquer une loi fédérale ou sont autorisées en vertu d’une telle loi;
    • elles font partie d’une catégorie d’enquête décrite à l’annexe II du Règlement sur l’accès à l’information.

Application de toute loi du Canada ou d’une province

Les enquêtes sur des activités interdites en vertu de lois fédérales ou provinciales (y compris les règlements municipaux) sont des enquêtes relatives à l’application de ces lois.

En vertu de l’alinéa 16(1)c), il n’est pas nécessaire que l’enquête porte sur une affaire criminelle. Par exemple, une vérification fiscale en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu est considérée comme une enquête relative à l’application d’une loi du Canada (voir Agence du revenu du Canada).

Déroulement d’enquêtes licites

Les enquêtes en vertu de l’alinéa 16(1)c) doivent s’inscrire dans l’une des catégories énumérées au paragraphe 16(4).

Sens des termes « enquête » et « licite »

Le sens des termes « enquête » et « licite » sont les mêmes qu’en vertu de l’alinéa 16(1)a).

Renseignements qui pourraient être visés par l’exception

L’alinéa 16(1)c) contient trois sous-alinéas énumérant les catégories de renseignements qui pourraient être visés par l’exception :

  • renseignements relatifs à l’existence ou à la nature d’une enquête déterminée [sous-alinéa 16(1)c)(i)];
  • renseignements qui permettraient de remonter à une source de renseignements confidentielle [sous-alinéa 16(1)c)(ii)];
  • renseignements obtenus ou préparés au cours d’une enquête [sous-alinéa 16(1)c)(iii)].

Lorsque les renseignements demandés s’inscrivent dans l’une de ces trois catégories, ce facteur penchera en faveur de l’exception. Cela ne signifie cependant pas que les renseignements sont automatiquement visés par l’exception prévue à l’alinéa 16(1)c). L’institution doit tout de même fournir une preuve suffisante pour établir que la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à l’application d’une loi du Canada ou d’une province ou au déroulement d’enquêtes licites.

Lorsque les renseignements ne s’inscrivent pas dans l’une des trois catégories énumérées, l’exception peut quand même s’appliquer si l’institution fournit une preuve suffisante pour établir que la divulgation pourrait causer un préjudice.

L’institution peut invoquer ou non l’un des sous-alinéas 16(1)c)(i) à (iii) quant aux renseignements.

Préjudice

L’exception prévue à l’alinéa 16(1)c) ne vise pas seulement les enquêtes en cours. Elle peut également s’appliquer quand une institution établit que la communication risquerait vraisemblablement de nuire aux enquêtes futures ou au processus d’enquête en général (Lavigne).

Il incombe à l’institution d’établir que l’exception s’applique aux documents. L’institution doit démontrer qu’il y a une attente raisonnable que le préjudice soit causé si les renseignements étaient divulgués. Autrement dit, l’institution doit prouver qu’il y a un lien clair et direct entre la divulgation de renseignements précis et le préjudice à l’application de la loi. La preuve du préjudice ne doit pas reposer sur des suppositions et doit être bien au-delà d’une simple possibilité (Elizabeth Fry, Imai).

Par ailleurs, l’institution n’est pas tenue d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le préjudice se produira effectivement en conséquence de la divulgation (Imai).

La simple existence d’une enquête ne suffit pas pour établir que la divulgation de renseignements pourrait nuire à celle-ci. L’institution doit faire la preuve d’un lien entre la communication et le risque vraisemblable de préjudice probable (Elizabeth Fry).

Paragraphe 16(4)

Contrairement à celles visées par l’alinéa 16(1)a), les enquêtes visées par les alinéas 16(1)b) et c) doivent s’inscrire dans l’un des alinéas du paragraphe 16(4) :

  • (a) se rapportent à l’application d’une loi fédérale;
  • (b) sont autorisées sous le régime d’une loi fédérale;
  • (c) font partie d’une catégorie d’enquêtes précisée dans le Règlement sur l’accès à l’information.

Alinéas 16(4)a) et b)

En vertu des alinéas 16(4)a) et b), il n’est pas nécessaire que l’enquête porte sur une affaire criminelle. Par exemple, une vérification fiscale en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu constitue une enquête relative à l’application d’une loi fédérale (Agence du revenu du Canada).

Dans Rubin, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’un examen d’un transporteur aérien à la suite d'un accident d’aéronef, entrepris sous la direction d’un haut fonctionnaire de Transports Canada et sous le régime de la Loi sur l’aéronautique, est considéré comme une enquête en vertu du paragraphe 16(4).

Alinéa 16(4)c)

En vertu de l’alinéa 16(4)c), l’enquête doit s’inscrire dans l’une des cinq catégories d’enquêtes énumérées dans le Règlement sur l’accès à l’information :

  • Les enquêtes menées par une commission d’enquête sur les faits, constituée par le ministère des Transports afin de vérifier le contrôle de la circulation aérienne exercé dans les cas où il est allégué qu’en raison d’une défaillance du système, la sécurité aérienne a pu être menacée ou des avions ont pu se rapprocher l’un de l’autre à une distance inférieure à la distance minimale autorisée;
  • Les enquêtes menées par le Comité de révision des stations d’information de vol, formé par le ministère des Transports pour enquêter sur des incidents touchant la sécurité aérienne qui ont été déclarés, lors desquels les procédures ou les mesures adoptées, ou l’absence de telles procédures ou mesures, une défaillance mécanique, ou d’autres causes ont remis en question la fiabilité de la station d’information de vol ou du système des stations d’information de vol;
  • Les enquêtes sur les accidents des Forces canadiennes touchant la sécurité aérienne, sauf les enquêtes menées par des commissions d’enquête et les enquêtes sommaires menées en vertu de la Loi sur la défense nationale;
  • Les enquêtes menées par le Commissaire des incendies ou sous sa direction en vue de déterminer la cause d’un incendie, sauf les enquêtes menées par des commissions d’enquête et les enquêtes sommaires menées en vertu de la Loi sur la défense nationale;
  • Les enquêtes menées par l’Unité des enquêtes spéciales du Bureau de l’inspecteur général du Service correctionnel du Canada.

Alinéa 16(1)d) : préjudice à la sécurité des établissements pénitentiaires

L’alinéa 16(1)d) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la sécurité des établissements pénitentiaires.

Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation de ces renseignements pourrait nuire à la sécurité des établissements pénitentiaires;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

Établissement pénitentiaire

La Loi ne définit pas le terme « établissement pénitentiaire ». Cependant, au paragraphe 2(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le terme « pénitencier » est défini ainsi : « Établissement — bâtiment et terrains — administré à titre permanent ou temporaire par le Service pour la prise en charge et la garde des détenus ainsi que tout autre lieu déclaré tel aux termes de l’article 7 ».

Préjudice

Il incombe à l’institution d’établir que l’exception s’applique aux documents. L’institution doit démontrer qu’il y a une attente raisonnable que le préjudice soit causé si les renseignements étaient divulgués. Autrement dit, l’institution doit prouver qu’il y a un lien clair et direct entre la divulgation de renseignements précis et l’attente raisonnable que la sécurité des établissements pénitentiaires soit compromise. La preuve du préjudice ne doit pas reposer sur des suppositions et doit être bien au-delà d’une simple possibilité (Elizabeth Fry, Imai).

Par ailleurs, l’institution n’est pas tenue d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le préjudice se produira effectivement en conséquence de la divulgation (Imai).

Le simple fait que les établissements pénitentiaires ont mis en place des mesures de sécurité ne suffit pas pour établir qu’un préjudice peut leur être causé dans l’éventualité où des renseignements seraient divulgués. L’institution doit faire la preuve d’un lien entre la communication et le risque vraisemblable de préjudice probable (Elizabeth Fry).

Paragraphe 16(2) : faciliter la perpétration d’une infraction

Le paragraphe 16(2) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de faciliter la perpétration d’une infraction.

Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation des renseignements [par exemple, des renseignements sur les méthodes ou les techniques criminelles, ou des détails techniques sur les armes, comme le prévoient les alinéas 16(2)a) à c)], pourrait faciliter la perpétration d’une infraction;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

Sens du terme « faciliter »

Le terme « faciliter » doit être interprété selon son sens usuel. Le Petit Robert de la langue française le définit ainsi : « Rendre facile, moins difficile ». Dans un contexte criminel, la Cour suprême du Canada a statué que « “faciliter” s’entend notamment du fait d’aider à provoquer la perpétration et de la rendre plus facile ou plus probable » (Legare).

Sens du terme « infraction »

La Loi ne définit pas le terme « infraction ». On peut donc supposer qu’il faut lui donner un sens large – à savoir ne pas se limiter aux infractions énumérées dans le Code criminel et y inclure toutes les infractions prévues par les lois fédérales et provinciales.

Renseignements qui pourraient être visés par l’exception

Le paragraphe 16(2) énumère trois catégories de renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement de causer un préjudice :

  • renseignements sur les méthodes ou techniques utilisées par les criminels [alinéa 16(2)a)];
  • renseignements techniques concernant des armes actuelles ou futures [alinéa 16(2)b)];
  • renseignements portant sur la vulnérabilité de certains bâtiments ou ouvrages ou de réseaux ou systèmes divers, y compris des réseaux ou systèmes informatisés ou de communications, ou portant sur les méthodes employées pour leur protection [alinéa 16(2)c)].

Lorsque les renseignements demandés s’inscrivent dans l’une de ces trois catégories, ce facteur penchera en faveur de l’exception. Cela ne signifie cependant pas que les renseignements sont automatiquement visés par l’exception prévue au paragraphe 16(2). L’institution doit toujours fournir une preuve suffisante pour établir que la divulgation risquerait vraisemblablement de faciliter la perpétration d’une infraction.

Lorsque les renseignements ne s’inscrivent pas dans l’une des trois catégories énumérées, l’exception peut quand même s’appliquer si l’institution fournit une preuve suffisante pour établir que la divulgation pourrait causer un préjudice.

L’institution peut invoquer ou non l’un des alinéas 16(2)a) à c) quant aux renseignements.

Préjudice

Il incombe à l’institution d’établir que l’exception s’applique aux documents. L’institution doit démontrer qu’il y a une attente raisonnable que le préjudice soit causé si les renseignements étaient divulgués. Autrement dit, l’institution doit prouver qu’il y a un lien clair et direct entre la divulgation de renseignements précis et le fait de faciliter la perpétration d’une infraction. La preuve du préjudice ne doit pas reposer sur des suppositions et doit être bien au-delà d’une simple possibilité (Elizabeth Fry, Imai).

Par ailleurs, l’institution n’est pas tenue d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le préjudice se produira effectivement en conséquence de la divulgation (Imai).

La simple existence d’une enquête ne suffit pas pour établir que la divulgation de renseignements pourrait nuire à celle-ci. L’institution doit faire la preuve d’un lien entre la communication et le risque vraisemblable de préjudice probable (Elizabeth Fry).

Paragraphe 16(3) : fonctions de police provinciale ou municipale 

Le paragraphe 16(3) est une exception obligatoire. Les institutions doivent refuser de communiquer les renseignements que la GRC a obtenus ou préparés dans l’exercice de certaines fonctions de police.

Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements ont été obtenus ou préparés par la GRC dans l’exercice de fonctions de police provinciale ou municipale;
  • ces services ont été rendus conformément à une entente conclue en vertu de l’article 20 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada;
  • le gouvernement du Canada a accepté, à la demande de la province ou de la municipalité, de ne pas divulguer les renseignements.

L’article 20 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada permet au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de conclure, avec toute municipalité ou province, des arrangements pour l’utilisation de la GRC, ou d’un élément de celle-ci, en vue de l’administration de la justice dans la municipalité ou la province.

L’institution n’a pas besoin de démontrer qu’un préjudice pourrait vraisemblablement découler de la communication.

Confidentialité

Pour que le paragraphe 16(3) s’applique, la province ou la municipalité doit avoir demandé au gouvernement du Canada d’assurer la confidentialité des renseignements en question. Le gouvernement du Canada doit également y avoir consenti.

Exercice du pouvoir discrétionnaire

Dans tous les cas où des renseignements sont visés par les alinéas 16(1)a) à d) et le paragraphe 16(2), les institutions doivent raisonnablement exercer leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles devaient les communiquer ou non.

Même si une institution établit que les renseignements satisfont aux critères de l’une de ces dispositions, elle a le pouvoir discrétionnaire de les communiquer. C’est le cas même pour les exceptions fondées sur des critères subjectifs [alinéas 16(1)c) et d) et paragraphe 16(2)] : lorsqu’une institution établit qu’il y a une attente raisonnable que le préjudice décrit soit causé, elle peut quand même exercer son pouvoir discrétionnaire et décider de divulguer les renseignements.

L’exercice du pouvoir discrétionnaire doit être évalué en faisant preuve de déférence envers l’institution. Par « faire preuve de déférence », on entend faire preuve de retenue et de respect à l’égard de l’institution lors de l’évaluation d’une décision que cette institution a le pouvoir de prendre en vertu de la Loi

Pour évaluer l’exercice du pouvoir discrétionnaire, il convient de se pencher sur les questions suivantes :

  • L’institution s’est-elle penchée sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?
  • L’institution a-t-elle pris en compte tous les facteurs pertinents dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?
  • La décision de l’institution d’exercer son pouvoir discrétionnaire est-elle justifiée, transparente et intelligible?

1. L’institution s’est-elle penchée sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?

Le Commissariat doit être convaincu que l’institution a compris qu’elle avait un pouvoir discrétionnaire et qu’elle a exercé ce pouvoir. Pour tirer une telle conclusion, le Commissariat doit s’appuyer sur la preuve et les observations dont il dispose. 

2. L’institution a-t-elle pris en compte tous les facteurs pertinents dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?

Les facteurs pertinents qui doivent être pris en compte comprennent :

  • l’objet de la Loi;
  • l’objet de l’exception invoquée;
  • l’intérêt public dans la communication;
  • le risque de préjudice découlant de la communication.

La liste précédente n’est pas exhaustive. L’existence d’autres facteurs pertinents dépendra des circonstances propres à chaque cas.

Le Commissariat doit être convaincu, selon la preuve et les observations dont il dispose, que tous les facteurs pertinents ont été pris en compte. Une déclaration standard de l’institution selon laquelle tous les facteurs pertinents ont été pris en compte ne serait pas suffisante pour convaincre le Commissariat. Cependant, il n’est pas nécessaire de fournir une analyse détaillée de chaque facteur et de la manière dont ils ont été soupesés les uns en fonction des autres (décision Premier ministre de la Cour d’appel fédérale).

Autrement dit, l’institution n’est pas tenue d’expliquer en détail qu’elle a pris en compte les facteurs x, y et z, qu’elle a accordé un poids particulier à chacun de ces facteurs, et qu’elle a ensuite exercé son pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non des renseignements. 

Cependant, le Commissariat peut inférer de la preuve dont il dispose que l’institution a pris en compte des facteurs pertinents même si elle n’en a pas expressément fait mention dans ses observations.

Des facteurs non pertinents ou inappropriés, dont l’embarras que pourrait subir l’institution, ne peuvent pas être pris en compte lors de l’exercice du pouvoir discrétionnaire.

3. La décision de l’institution d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire est-elle justifiée, transparente et intelligible?

Le Commissariat peut conclure par inférence que la décision de l’institution d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire est justifiée, transparente et intelligible en s’appuyant sur la preuve et les observations dont il dispose. Pour qu’une décision soit justifiée, transparente et intelligible, il faut notamment que :

  • le raisonnement quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire soit discernable, rationnel et logique dans les circonstances;
  • des éléments de preuve soient présentés relativement à la personne ayant exercé le pouvoir discrétionnaire et à son pouvoir à le faire;
  • l’on sache quels facteurs ont été pris en compte;
  • les raisons pour lesquelles la décision a été prise soient fournies, comme a conclu la Cour d’appel fédérale dans la décision Premier ministre.

Il faut évaluer la décision de l’institution dans son ensemble en tenant compte du raisonnement qui la sous-tend et de son résultat.

Références

3412229 Canada Inc. c. Canada (Agence du revenu), 2020 CF 1156 (CanLII) (Agence du revenu du Canada)

Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry c. Canada (Sécurité publique), 2010 CF 470 (CanLII), [2011] 3 RCF 309 (Elizabeth Fry)

Canada (Ministre de la sécurité publique et de la protection civile) c. Maydak, 2005 CAF 186 (CanLII) (Maydak)

Hamilton (City) (Re), 2012 CanLII 18877 (ON IPC) (Ordonnance MO-2715, en anglais seulement)

Imai c. Canada (Affaires étrangères), 2021 CF 1479 (CanLII) (Imai)

Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), 2002 CSC 53 (CanLII), [2002] 2 RCS 773 (Lavigne)

Ministry of Attorney General and Toronto Star, 2010 ONSC 991 (CanLII) (Toronto Star, décision en anglais seulement)

Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c. Criminal Lawyers' Association, 2010 CSC 23 (CanLII), [2010] 1 RCS 815 (Criminal Lawyers’ Association)

c. Hydro-Québec, 1997 CanLII 318 (CSC), [1997] 3 RCS 213 (Hydro-Québec)

c. Legare, 2009 CSC 56 (CanLII), [2009] 3 RCS 551 (Legare)

Rubin c. Canada (Ministre des Transports) (C.A.), 1997 CanLII 6385 (CAF), [1998] 2 CF 430 (Rubin)

Schertzer c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 233 (CanLII) (Schertzer)

Sherman c. Canada (Ministre du Revenu National), 2004 CF 1423 (CanLII) (Sherman)

Toronto Police Services Board (Re), 2012 CanLII 25516 (ON IPC) (Ordonnance MO-2730, en anglais seulement)

Waterloo Regional Police Services Board (Re), 2003 CanLII 53732 (ON IPC) (Ordonnance MO-1663-I, en anglais seulement)

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