Comparution de la Commissaire à l’information devant le comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique
Le 18 avril 2024
Ottawa (Ontario)
(Le discours prononcé fait foi)
Je vous remercie de m’avoir invitée afin de pouvoir répondre à vos questions sur le budget principal des dépenses du Commissariat à l’information.
Depuis mon entrée en fonction à titre de Commissaire à l’information, j’ai toujours accueilli les occasions de vous parler des activités du Commissariat et de l’état de l’accès à l’information dans son ensemble.
C’est avec satisfaction que je vous annonce qu’en 2023-2024, le Commissariat a réglé plus de plaintes qu’il n’en a enregistrées. Ce résultat découle en grande partie d’une diminution du nombre de plaintes déposées comparativement aux deux exercices financiers précédents, qui soit dit en passant étaient des exercices records.
Cela nous a permis de réaliser des progrès notables dans notre arriéré de plaintes.
Afin de résorber l’arriéré de plaintes, j’ai présenté plus tôt cette année une demande de financement temporaire supplémentaire auprès du ministre de la Justice. Malheureusement, cette demande n’a pas été accordée.
De plus, je me trouve aujourd’hui devant une situation particulièrement difficile. Alors que nous entamons un nouvel exercice financier, je suis aux prises avec un déficit structurel.
En guise de contexte, le Commissariat a reçu un financement permanent supplémentaire pour 27 enquêteurs en décembre 2020.
Compte tenu de la façon dont le Secrétariat du Conseil du Trésor a calculé le financement des nouvelles conventions collectives de l’année dernière, je n’ai pas reçu de fonds pour couvrir les augmentations salariales de ces 27 enquêteurs.
Il s’agit d’une réduction budgétaire de 2 à 3 pour cent, ce qui représente une coupure d’environ 375 000 dollars par année.
Pour une petite organisation comme la mienne, la pression subie est immense. Chaque membre du personnel joue un rôle essentiel : le fait de perdre quelques employés peut avoir de profondes conséquences sur la capacité du Commissariat à s’acquitter du mandat qui m’a été confié. Voilà pourquoi je continuerai à plaider en faveur d’un modèle de financement indépendant pour le Commissariat, conformément à la recommandation de votre comité.
À la suite du budget présenté cette semaine, je crains aussi que les unités chargées de l’accès à l’information au sein des institutions fédérales pourraient se retrouver à court de personnel pour cause d’attrition, si les employés qui quittent leur poste ne sont pas remplacés.
En septembre dernier, j’ai fait une mise en garde dans des articles d’opinion publiés dans le Globe and Mail et dans Le Devoir. Les dirigeants du gouvernement doivent se rappeler que l’accès à l’information n’est pas un service.
L’accès à l’information est à la fois un droit quasi constitutionnel et une obligation légale, et il faut le traiter ainsi.
Autrement dit, les unités d’accès doivent bénéficier de ressources leur permettant de s’acquitter – je le répète – d’une obligation légale.
Au cours de la dernière année, j’ai constaté beaucoup trop de cas où les institutions ignorent leurs obligations en matière d’accès à l’information.
En fait, je me trouve aujourd’hui dans une situation qui ne devait pas se produire. C’est du moins ce que l’on m’avait indiqué lors de la réforme législative de 2019.
Avant que le pouvoir de rendre des ordonnances ne soit ajouté à la Loi sur l’accès à l’information, j’avais proposé des modifications en matière de conformité. On m’a répondu que ces modifications n’étaient pas nécessaires, car mes ordonnances seraient juridiquement contraignantes. Dans ce cadre, les institutions pouvaient soit se conformer à mes ordonnances, soit les contester devant les tribunaux.
J’ai vite compris que cette thèse était illusoire.
En effet, plutôt que de choisir entre se conformer à mes ordonnances ou les contester devant les tribunaux, certaines institutions décident de ne faire ni l’un ni l’autre.
En ignorant mes ordonnances, ces institutions enfreignent la Loi.
Concrètement, cela veut dire que les Canadiennes et Canadiens doivent attendre plus longtemps avant de recevoir les renseignements demandés et auxquels ils ont droit.
Le respect de la Loi est au cœur de mon mandat. C’est la raison pour laquelle j’ai été contrainte d’intenter moi-même des procédures judiciaires contre des institutions qui ont décidé d’ignorer mes ordonnances.
Ainsi, jusqu’à présent, j’ai pris l'initiative de quatre procédures de mandamus devant la Cour fédérale afin de veiller au respect de mes ordonnances et d’assurer qu’une réponse est finalement transmise aux demandeurs.
Cette situation entraîne la mobilisation de mes ressources au même titre que celles des institutions appelées à déployer leurs propres ressources juridiques pour mener à bien ce type d’instances.
Je ne peux que m’imaginer le coût d’une telle intransigeance pour les institutions.
Le recours à de telles démarches n’est nullement nécessaire. Et vu le contexte économique actuel, je suis persuadée que la population canadienne s’accorderait à dire que ce type de dépense n’est pas nécessaire.
Il s’avère que la culture du secret compromet non seulement notre démocratie, mais qu’elle entraîne aussi des dépenses non négligeables.
Merci.