Les droits de recherche et de préparation pour les documents électroniques
Présentation à la Conférence de l'Association canadienne d'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels
par Megan Regnier, enquêteure et Diane Therrien, avocate
30 novembre 2015
Ottawa (Ontario)
(Le discours prononcé fait foi)
Version PowerPoint de la présentation
Droits de recherche et de préparation autorisés
La Loi :
- 11(2) Le responsable de l’institution fédérale à qui la demande est faite peut en outre exiger, avant de donner communication ou par la suite, le versement d’un montant déterminé par règlement, s’il faut plus de cinq heures pour rechercher le document ou pour en prélever la partie communicable.
- L’alinéa 77(1)d) donne au gouverneur en conseil (c.-à-d., le Cabinet) le pouvoir de prendre un règlement déterminant le mode de calcul de ces droits.
Le Règlement :
- 7(2) Lorsque le document demandé…n’est pas informatisé, le responsable de l’institution fédérale en cause peut … exiger le versement d’un montant de 2,50 $ la personne par quart d’heure pour chaque heure en sus de cinq passée à la recherche et à la préparation.
Un bref aperçu de l’application des droits aux documents informatisés
- La Loi et son règlement relatif aux droits de recherche et de préparation ont été rédigés au début des années 1980, à un moment où les ordinateurs personnels n’étaient pas généralement utilisés au sein des institutions fédérales. Depuis ce temps, les documents papier ont cédé la place aux documents électroniques. Les ordinateurs personnels, les ordinateurs portatifs et les tablettes sont maintenant utilisés à grande échelle au sein du gouvernement fédéral.
- Les commissaires à l’information précédents n’ont pas établi de distinction entre les documents informatisés et les documents qui ne le sont pas dans leurs enquêtes sur les droits de recherche et de préparation.
- Par exemple, dans le cadre d’une enquête décrite dans le rapport annuel de 2006-2007, le commissaire de l’époque a conclu qu’une institution fédérale pouvait facturer des droits de recherche, conformément au paragraphe 7(2) du Règlement, relativement à la récupération de courriels archivés.
Genèse de l’interprétation de la commissaire
- L’actuelle commissaire à l’information en est arrivée à son opinion quant à savoir quels documents sont informatisés à la suite d’une enquête concernant une plainte dont elle a fait mention dans son rapport annuel de 2011-2012. L’enquête portait sur l’application de droits de recherche et de préparation relativement à des documents électroniques, comme des courriels et des fichiers de traitement de texte, par le MAÉCI.
- Au cours de cette enquête, le MAÉCI a fait valoir que les droits pouvaient être facturés pour des documents électroniques.
- La commissaire a rendu compte de ses conclusions au ministre des Affaires étrangères et du Commerce international en novembre 2011 : À son avis, en se fondant sur le sens ordinaire de celle-ci, l’expression « qui ne sont pas informatisés » s’appliquait aux documents qui n’étaient pas stockés dans un ordinateur ou en format électronique. Elle a recommandé au MAÉCI de cesser d’exiger des droits pour la recherche et la préparation de documents électroniques.
- Le MAÉCI a indiqué que tant que le régime des droits ne serait pas modernisé, il maintiendrait l’application du Règlement actuel qui, de l’avis du ministre, autorisait la pratique courante consistant à évaluer et à facturer les droits de recherche et de préparation en cas de traitement de documents volumineux.
L’enquête qui a donné lieu au renvoi devant la Cour
- La même question a été soulevée relativement à une plainte au sujet de droits de recherche de plus de 4 000 $ facturés par Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) pour rechercher des documents en réponse à une demande de manuels de l’utilisateur concernant une base de données et l’interface utilisateur-ordinateur utilisé de même que le contenu du journal des changements du réalisateur relativement au système de base de données.
- La commissaire a conclu que la plainte concernant l’application par RHDCC de droits de recherche relativement à des documents informatisés était fondée et elle a recommandé à RHDCC de cesser de facturer des droits pour la recherche et la préparation de documents électroniques.
- RHDCC est resté d’avis qu’en se fondant sur une analyse contextuelle reflétant l’intention du législateur au moment de l’adoption de la loi, des droits de recherche devraient être facturables pour les documents en question, lesquels seraient considérés comme n’étant pas informatisés.
- La commissaire a choisi de saisir la Cour fédérale de l’affaire, au moyen d’un renvoi, avant de transmettre les résultats de l’enquête au plaignant.
Le renvoi
Demande déposée devant la Cour fédérale le 27 février 2013 par la commissaire à l’information
- Un renvoi est un type d’instance dans lequel un décideur administratif demande à la Cour de se prononcer sur une question de droit, de juridiction ou de procédure.
- La commissaire avait indiqué au ministre, dans le cadre de l’enquête visant RHDCC, que si elle ne mettait pas en œuvre ses recommandations, elle avait l’intention de demander à la Cour fédérale des orientations quant à l’interprétation du Règlement.
- Le 27 février 2013, la commissaire a présenté une demande de renvoi conformément à l’article 18.3 de la Loi sur les Cours fédérales, disposition qui permet un tel mécanisme. La partie défenderesse était le procureur général du Canada.
- C’était la première fois qu’un commissaire à l’information utilisait le processus de renvoi.
- Dans cette affaire, il s’agissait de savoir si les documents électroniques comme les courriels ou les documents Word pouvaient être considérés comme des documents qui « ne sont pas informatisés »
- La question faisant l’objet du renvoi a été formulée en ces termes :
- [traduction] Les documents électroniques sont-ils des documents qui ne sont pas informatisés en vue de l’application des droits de recherche et de préparation qu’autorisent le paragraphe 11(2) de la Loi sur l’accès à l’information (la Loi) et le paragraphe 7(2) du Règlement sur l’accès à l’information (le Règlement)?
La requête en radiation de la demande de renvoi de la commissaire
- Le procureur général a fait valoir que l’une des conditions pour que la Cour puisse entendre le renvoi n’avait pas été respectée : il doit s’agir d’une question pour laquelle la solution pourrait mettre fin au différend dont a été saisi la commissaire.
- Le 6 février 2014, la Cour a rejeté la requête en radiation (2014 CF 133).
- La Cour a conclu que l’argument du procureur général ne tenait pas compte de la dernière étape de l’obligation prévue par la loi de la commissaire – à savoir, rendre compte au plaignant, ce que celle-ci n’avait pas encore fait.
- La Cour a de plus souligné que si elle devait accepter l’argument du procureur général selon lequel la commissaire n’exerce pas une fonction qui consiste à trancher des litiges ou à en disposer, celle-ci ne pourrait jamais présenter de renvoi.
- La Cour a conclu que l’on pouvait certainement avancer que le législateur avait l’intention de conférer aux organismes dont les fonctions sont de nature consultative, comme la commissaire à l’information, le droit de renvoyer à la Cour pour qu’elle les tranche, des questions de droit soulevées dans le cours de l’accomplissement de leurs tâches.
Positions dans la demande de renvoi
- Selon la commissaire, les documents sous forme électronique sont effectivement informatisés et, par conséquent, ne sont pas visés par l’application des droits de recherche et de préparation.
- Le procureur général a fait valoir qu’il faudrait effectuer une analyse contextuelle qui tiendrait compte du fait que la plupart des documents sont maintenant sous forme électronique et que les documents Word et les courriels sont des documents « qu’il est possible de produire sans devoir programmer un ordinateur pour les créer ».
- VIA Rail Canada, l’Administration canadienne de la sûreté du transport (ACST) et la Banque de développement du Canada (BDC) sont intervenus dans le renvoi en tant que groupe. Ils ont souligné que l’application de droits est utile, car ceux-ci peuvent servir de mesure dissuasive pour les demandeurs et peuvent aider à alléger la situation financière des institutions, dont certaines sont soumises à des contraintes budgétaires ou autres et n’ont pas les moyens nécessaires pour répondre aux demandes d’accès.
La décision
2015 CF 405, 31 mars 2015
Comme la Cour l’a dit
- La Cour partage l’avis de la commissaire à l’information selon lequel le sens ordinaire de « document qui n’est pas informatisé » est la juste interprétation à donner à l’expression :
« En langage ordinaire, les messages électroniques, les documents Word et les autres documents produits sous forme électronique sont des documents informatisés. »
- Les documents produits sous forme électronique sont des documents informatisés et, par conséquent, ils ne sont pas visés par l’application des droits de recherche et de préparation en vertu du Règlement.
- S’il n’y a pas de règlement les autorisant, des droits ne peuvent pas être exigés.
La Cour fédérale a constaté qu’« [i]l y a un peu de Lewis Carroll dans la position de ceux qui s’opposent à la commissaire à l’information :
Quand j’emploie un mot dit Humpty Dumpty avec un certain mépris, il signifie ce que je veux qu’il signifie, ni plus ni moins.
La question est de savoir, dit Alice, si vous pouvez faire que les mots signifient tant de choses différentes.
La question est de savoir, dit Humpty Dumpty, qui est le maître – c’est tout. »
À la suite de la décision de la Cour
Résultat pour les dossiers de plainte existants du CIC
Plan d’enquête
Version texte
Ce diagramme circulaire représente l'inventaire des plaintes relatives aux droits en juin 2015. Trois types de plaintes, avec le nombre de plaintes pour chacun, sont représentés dans le graphique comme suit :
- En grande partie des documents électroniques (27)
- Un mélange de documents électroniques et papier (12)
- Complexe (9)
Questions relatives au traitement des plaintes, à l’interprétation et aux conclusions
- Que faire dans le cas d’un dossier qui a été officiellement fermé par l’institution?
- La décision de la Cour s’applique-t-elle à la fois à la recherche et à la préparation de documents?
- Nous avons des copies imprimées et électroniques des mêmes documents. Pouvons-nous facturer des droits pour la recherche et la préparation des copies papier?
- Le classement de la plainte est-il flexible?
Actuellement
Jusqu’à maintenant, 42 dossiers ont été réglés : Quarante (40) étaient fondés; Deux (2) ont été abandonnés.
- Bon nombre d’entre eux ont été réglés rapidement, avec des ententes de traitement des demandes sans facturation de droits supplémentaires ou sans que l’on exige le paiement de droits
- Dans les rares cas où des droits ont été payés, les plaignants ont été remboursés
- Certains plaignants ont modifié leurs demandes afin de recevoir uniquement les documents électroniques, tranchant ainsi la question de savoir si des droits devraient être perçus
Répercussions de la décision : Prochaines étapes
- La commissaire à l’information diffusera un avis sur les droits exigés. On a consulté la collectivité de l’AIPRP pour obtenir des commentaires sur une ébauche de cet avis et nous vous remercions de votre contribution.
- http://www.oic-ci.gc.ca/fra/inv-inv_advisory-notices-avis-information.aspx
- Les institutions ne doivent pas facturer des droits pour rechercher et préparer des documents électroniques.
- Les droits exigés pour la recherche et la préparation de documents électroniques ne sont pas permis en vertu de la Loi, entraînant le dépôt d’une plainte fondée.
- Le paragraphe 7(3) ne peut être utilisé pour justifier la facturation de droits qui sont, tout compte fait, des droits de recherche et de préparation de documents électroniques.
- Des droits ne peuvent être exigés pour dissuader les demandeurs ou à des fins de recouvrement de coûts. Un tel recours au paragraphe 7(3) – ou à tout autre article – est interdit en vertu de la Loi et entraînera le dépôt d’une plainte fondée.
Rappel
Les droits peuvent être supprimés ou remboursés
- Le paragraphe 11(6) de la Loi prévoit que les droits peuvent être supprimés ou remboursés par le responsable d’une institution (ou la personne à laquelle le pouvoir est délégué). Cette disposition confère au responsable d’une institution (ou à la personne à laquelle le pouvoir est dûment délégué) un large pouvoir discrétionnaire en matière de suppression ou de remboursement des droits en toute circonstance jugée appropriée.