Mon engagement renouvelé en faveur de l'accès à l'information

Conférence annuelle de l’Association canadienne d’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels

Le 25 novembre 2024
Ottawa (Ontario)

(Le discours prononcé fait foi)


Bon après-midi,

En jetant un coup d’œil à l’ordre du jour, j’ai remarqué que le prochain interlocuteur sera Tom Cardoso, qui livrera une allocution qui traitera de la façon dont le système d’accès à l’information du Canada a cédé sous son poids. Même si le titre de l’allocution de Tom reflète parfaitement l’état actuel du système d’accès, vous conviendrez qu’il n’a rien de très réjouissant. J’ai donc pensé à un titre moins sombre pour mon allocution. Un titre qui offre une certaine lueur d’espoir, comme « Revaloriser l’accès à l’information grâce à un régime minceur ». Mon équipe m’a toutefois conseillée d’abandonner cette idée, car personne n’a envie de penser à un tel régime juste avant les Fêtes.

Il me paraît tout à fait approprié que ma première allocution, après le renouvellement de mon mandat à titre de Commissaire à l’information du Canada, s’adresse à l’Association canadienne d’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels. Alors que je me trouve parmi vous aujourd’hui, j’ai une pensée pour Wayne MacDonald, qui m’avait présentée l’an dernier et qui a joué un rôle si important au sein de notre collectivité. Il n’est pas parmi nous aujourd’hui, mais je pense à lui et à sa famille.

Depuis ma nomination initiale, et bien longtemps avant celle-ci, l’ACAP joue un rôle crucial pour ce qui est de réunir les spécialistes qui œuvrent dans le domaine fondamental de la transparence et de l’accès à l’information.

Soyons honnêtes : travailler dans ce domaine peut s’avérer ardu. Il semblerait, selon certains, que le fait d’avoir accepté avec grand honneur ce renouvellement de mandat témoigne d’une tendance masochiste de ma part. Après bientôt sept ans d’expérience, toute illusion que j’aurais pu avoir sur l’état du système d’accès s’est dissipée à tout jamais. Les difficultés éprouvées par les spécialistes de l’accès à l’information ces dernières années me sont très familières. Comme j’ai mentionné aux membres du Comité ETHI de la Chambre des communes, j’ai un immense respect pour toutes les personnes qui œuvrent dans le domaine de l’accès à l’information et qui font de leur mieux pour surmonter les nombreux obstacles qui surgissent. Voilà pourquoi j’ai décidé de prendre fait et cause pour les équipes de l’AIPRP chaque fois que j’en ai eu l’occasion, et j’ai bien l’intention de continuer sur cette lancée.

Au cours des sept dernières années, malgré les difficultés et les déceptions éprouvées, mon équipe et moi avons tout de même le sentiment d’avoir avancé. Grâce à nos efforts, les parties plaignantes et les institutions bénéficient maintenant d’un formulaire de plainte en ligne ainsi que d’un site Web riche en ressources. Cette précieuse source d’information donne accès à la façon dont le Commissariat à l’information mène ses enquêtes et interprète la Loi. Notre site renferme un vaste inventaire de rapports, de documents de référence et de documents d’orientation. Les mises à jour hebdomadaires dans notre base de données des décisions, dont les entrées se comptent désormais par centaines, ainsi que la publication des comptes rendus sur CanLII ont permis de constituer un recueil de jurisprudence relativement au système fédéral d’accès à l’information. Tout cela nous permet d’orienter toutes les parties à une plainte et à faciliter le déroulement de l’enquête.

Mesures prises dans le cadre des priorités établies

Quand j’ai été nommée à ce poste il y a près de sept ans, cette communauté ne me connaissait pas. J’étais en quelque sorte une personne de l’extérieur. Malgré mon expérience considérable de l’accès à l’information et des enquêtes sur les plaintes, je n’avais jamais travaillé ou même dirigé une unité d’accès à l’information. Or, ma croyance absolue en la valeur de la transparence, mon engagement à faire respecter la Loi et ma vision quant à l’exécution de mon mandat constituaient mes principaux atouts.

Je l’ignorais à l’époque, mais j’étais sur le point d’hériter d’un personnel dévoué au Commissariat à l’information, qui croyait au droit d’accès aussi fermement que moi et qui était prêt, dès le premier jour, à mettre ma vision en œuvre. Ainsi, animée d’un profond désir de servir les Canadiens et Canadiennes et d’une volonté inébranlable d’obtenir des résultats, je me suis mise au travail.

À mon arrivée au Commissariat, je me suis immédiatement employée à mettre en œuvre les changements législatifs, à faire en sorte que le travail quotidien du Commissariat soit transparent, à améliorer la collaboration avec les intervenants afin d’éliminer les obstacles systémiques et à éliminer l’arriéré de plaintes du Commissariat.

En examinant l’important arriéré de 3 500 plaintes, dont certaines remontaient à plus de cinq ans, j’étais étonnée de constater l’absence de réponses et le peu de moyens dont je disposais pour obtenir réparation, étant donné que je pouvais seulement recommander la communication des renseignements. N’oublions pas que nous nous trouvions à une époque où le pouvoir de rendre des ordonnances n’avait pas encore été conféré au poste de commissaire à l’information. Ce n’est qu’en 2019, à la suite de la réforme de la Loi, que j’ai été investie d’un tel pouvoir.

Dès le premier jour, je me suis donc efforcée de veiller à l’efficacité de nos opérations, et ce, en dépit des obstacles auxquels nous devions souvent faire face. Le Commissariat à l’information ne dispose pas toujours des ressources nécessaires pour répondre au nombre croissant de demandes et nous n’avons aucun contrôle sur le nombre de plaintes reçues. Est-ce que tout cela vous semble familier? Devant de tels défis, je savais qu’il serait essentiel d’accélérer et de simplifier le processus d’enquête.

J’ai travaillé fort afin de promouvoir une culture axée sur l’amélioration continue au sein du Commissariat, laquelle se maintient encore aujourd’hui. Les résultats obtenus au cours des sept dernières années parlent d’eux-mêmes : il nous a été possible de suivre le rythme du nombre croissant de plaintes. Nous avons même fermé plus de dossiers de plainte que nous en avons reçus, ce qui a entraîné une diminution constante de notre inventaire, lequel s’établit maintenant à 2 600 dossiers de plainte, soit 1 000 de moins qu’à mon arrivée. La grande majorité de ces dossiers de plainte datent des deux dernières années, et nous continuons à les attribuer à l’équipe des Enquêtes et à les fermer à un rythme accéléré. D’ici la fin de l’année financière, je suis convaincue que nous aurons un inventaire dans lequel les dossiers de plainte les plus anciens ne remonteront pas au-delà de deux ans. Bien que nous progressions, cela ne suffit manifestement pas. Nous avons encore du travail à accomplir. Le fait de disposer d’un inventaire de plaintes liées à des questions récentes nous a permis de traiter les plaintes avec plus d’efficacité et de fournir aux parties plaignantes les renseignements pertinents auxquels elles ont droit.

Avec un peu de recul, je peux dire que je suis satisfaite de mon bilan par rapport à chacune de mes priorités, comme en témoignent les rapports annuels que j’ai présentés depuis mon entrée en fonction. Hormis quelques difficultés en cours de route, j’estime que le Commissariat a réalisé d’immenses progrès et qu’il est bien placé pour les mettre à profit à l’avenir.

Même si j’attends avec impatience mon prochain mandat, je ne voudrais surtout pas m’emballer. En effet, la nouvelle du renouvellement de mon mandat est encore très récente — n’ayant été confirmée que la semaine dernière — et mon équipe et moi avons beaucoup de planification à faire d’ici le mois de mars, période qui marquera officiellement le début de mon nouveau mandat. La bonne nouvelle par contre tient au fait que, cette fois-ci, je bénéficierai d’une longueur d’avance. J’ai une très bonne vue d’ensemble du système fédéral d’accès à l’information et j’ai quelques idées pour la suite des choses, que je vous présenterai un peu plus tard. Avant cela, j’aimerais vous faire part de quelques observations sur ce qui s’est passé au cours de la dernière année, soit depuis la dernière fois que je me suis adressée à vous.

Regard rétrospectif sur les activités depuis novembre dernier

Au cours des douze derniers mois, le Commissariat a été extrêmement occupé à relever de nombreux défis et à faire avancer de façon considérable ses travaux relativement aux priorités établies, en s’appuyant comme toujours sur le Plan stratégique et ses trois piliers, à savoir « Investir et soutenir nos ressources », « Innover et transformer nos opérations » ainsi que « Maintenir et renforcer notre crédibilité ».

Parlant de crédibilité, je prends mon rôle de conseillère auprès des parlementaires très au sérieux. À une époque où des changements sociétaux et technologiques surviennent, où nous sommes aux prises avec des systèmes désuets, une mauvaise gestion de l’information et une diminution de la confiance du public envers les institutions publiques, je me suis efforcée d’être une source fiable d’information et d’expertise pour les parlementaires en ce qui a trait au domaine de l’accès à l’information.

Depuis novembre dernier, j’ai été invitée à comparaître devant des comités parlementaires à sept reprises, un record soit dit en passant. Ces comparutions permettaient non seulement de discuter de questions cruciales et de plaider en faveur des changements nécessaires, mais aussi de souligner l’importance de la transparence et la nécessité d’une réforme législative.

L’une des principales initiatives entreprises au cours de la dernière année a été le lancement d’une enquête systémique concernant l’application ArriveCAN, à la lumière d’allégations relatives à la destruction de documents et de lacunes relevées par la vérificatrice générale en matière de tenue de documents et de gestion de l’information. En apprenant l’existence de ces problèmes, j’ai constaté que ce cas reflétait bien la mise en garde que j’avais adressée au gouvernement au début de la pandémie, soit en avril 2020, et faisait allusion à la nécessité de consigner les décisions et les mesures prises, même dans des circonstances extraordinaires.

En plus de l’enquête concernant l’application ArriveCAN, nous avons déposé un rapport spécial sur une enquête systémique concernant l’accès aux renseignements relatifs à l’immigration. Ce rapport aborde une question que j’avais examinée pour la première fois en 2021 et fait la lumière sur les personnes qui cherchent à obtenir des renseignements sur leur dossier d’immigration au moyen de demandes d’accès à l’information. Il souligne aussi les domaines dans lesquels des améliorations s’imposent de façon urgente, notamment la communication des renseignements par d’autres moyens. J’ai bon espoir que les recommandations découlant de cette enquête donneront lieu à des mesures concrètes, comme la création d’un portail pour les clients, ce qui permettra d’éliminer ces demandes du système d’accès.

En juin dernier, j’ai eu le privilège de participer à la Conférence internationale des commissaires à l’information, qui s’est tenue à Tirana, en Albanie. Cette conférence était une excellente occasion d’échanger des idées et des pratiques exemplaires avec mes homologues venant des quatre coins du monde ainsi qu’avec des représentants du Carter Centre et de l’UNESCO, qui sont à l’avant-garde de la promotion du droit d’accès dans divers pays du monde.

Lors de la Semaine du droit à l’information cette année, j’ai publié une déclaration réaffirmant notre engagement à promouvoir le droit d’accès à l’information. Dans cette déclaration, j’ai fait valoir l’importance de la transparence pour renforcer la confiance du public envers le gouvernement. J’ai également souligné que des réformes législatives sont nécessaires afin que notre système d’accès soit robuste et capable de répondre aux exigences de l’ère numérique.

Tout au long de l’année, je me suis efforcée de contribuer à l’amélioration de la vitalité du système d’accès à l’information. Comme je m’y suis engagée en novembre dernier, je continue de rencontrer la direction et le personnel d’institutions assujetties à la Loi pour les encourager à promouvoir un changement de culture, un meilleur rendement en vertu de la Loi.

De plus, je n’ai pas hésité à inciter les institutions à agir au moyen de mes ordonnances. Néanmoins, dans la mesure du possible, je privilégie d’abord de régler les plaintes sans y avoir recours. Enfin, lorsque c’est nécessaire, je n’hésite pas à avoir recours aux tribunaux pour assurer le respect de mes ordonnances. Je ne m’étendrai pas sur ce sujet, puisque plus tard aujourd’hui, l’un des avocats de mon équipe, Patrick Levesque, s’adressera à vous au sujet des litiges ayant une incidence sur l’accès à l’information.

Stratégie en matière de confiance et de transparence

Avant d’aborder le travail qui m’attend durant mon nouveau mandat, j’aimerais en profiter pour parler de la Stratégie en matière de confiance et de transparence publiée par le gouvernement en mai dernier.

Comme vous le savez, cette stratégie comprend un Plan d’action pour la modernisation de l’accès à l’information. La première chose que j’ai remarquée était qu’il n’y avait aucun signe des changements législatifs nécessaires. Une grande partie des mesures proposées sont axées sur l’orientation, l’échange d’information et la formation. Et la plupart d’entre elles sont déjà en cours.

J’ai aussi remarqué que le gouvernement a l’intention d’offrir de la formation aux fonctionnaires sur l’incidence qu’a l’obligation de documenter sur l’accès à l’information. Même si je me réjouis de cette initiative, je crois que cette formation devrait être obligatoire pour tous les fonctionnaires. Elle devrait également souligner que l’accès est la responsabilité de tous les fonctionnaires, et non pas seulement de l’unité de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels. Je continue également de croire que l’obligation de documenter devrait être inscrite dans la loi.

Je dirais que, dans l’ensemble, ce « plan » ne m’a pas impressionnée. Je demeure d’avis qu’en 2024, la meilleure façon d’améliorer le service offert aux Canadiens et aux Canadiennes dans le domaine de l’accès, ce sont des changements visant à moderniser la Loi sur l’accès à l’information, qui n’a pas évolué depuis les années 80, et l’adapter aux réalités et aux besoins du 21e siècle.

En bref, je ne crois pas que la Stratégie mise de l’avant par le Secrétariat du Conseil du Trésor suffira à changer la culture du secret qui perdure au sein de certaines institutions et les retards constants dans la réponse aux demandes d’accès. J’attends donc impatiemment le début du prochain examen législatif.

Plans pour la suite des choses

Parlons maintenant de la suite des choses, Je ne plaisantais pas quand, il y a quelques semaines, j’ai dit à un membre du Comité ETHI que les sept dernières années ont passé à toute vitesse. C’est peut-être le sentiment d’avoir encore des affaires à régler, plutôt que le masochisme, qui m’a poussée à accepter le renouvellement de mon mandat comme commissaire à l’information. Je ne me fais pas d’illusion quant à l’ampleur du défi qui m’attend – qui nous attend tous. Néanmoins, mon engagement envers la transparence et le droit d’accès demeure inébranlable, parce que je demeure optimiste.

Alors que je commence à réfléchir au travail qui m’attend durant mon nouveau mandat, je suis stimulée par la perspective des possibilités excitantes et des solutions potentielles. Comme tous les dirigeants de la fonction publique, la question de l’intelligence artificielle m’intéresse beaucoup, et mon équipe devra examiner les répercussions des technologies émergentes et de l’intelligence artificielle sur le système d’accès. Après tout, l’intégration de l’intelligence artificielle au système d’accès à l’information pourrait révolutionner la façon dont nous gérons l’information et traitons les demandes d’accès à l’information, et ainsi rendre le processus plus efficace, plus transparent et mieux adapté aux besoins du public.

J’estime que nous pouvons poursuivre sur notre lancée. Je crois qu’il y a des solutions aux maux qui rongent le système d’accès à l’information. À titre d’exemple, je suis contente de voir que mes enquêtes systémiques ont une incidence au-delà de l’institution visée. J’ai maintenant une demi-douzaine de ces enquêtes à mon actif, une septième est en cours et d’autres sont prévues. Ces enquêtes ont permis de recommander de nombreuses solutions que le gouvernement devrait et peut mettre en œuvre. Je me réjouis à la perspective de soumettre mes recommandations à la considération du gouvernement et du Parlement dans le cadre du prochain examen législatif, lorsque j’aurai l’occasion de le faire. En 2018, lorsque le projet de loi C-58 a été déposé, je ne pouvais pas me fonder sur l’expérience que j’ai acquise au cours des dernières années, dans le cadre de milliers d’enquêtes. 

En terminant, après presque sept ans, je ne suis plus une inconnue. Vous savez qui je suis et ce que je représente. Nous attendons tous avec impatience les changements qui permettront au Canada de reprendre la place qui lui revient parmi les nations de premier plan dans le domaine de la transparence gouvernementale et de l’accès à l’information. Alors que j’entame la prochaine phase de mon mandat, vous pouvez compter sur moi pour continuer de défendre le droit d’accès ainsi que les personnes qui assurent son respect chaque jour. 

Merci.

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