Mot de bienvenue
Conférence Transparence pour le 21e siècle
par Suzanne Legault, commissaire à l'information du Canada
Le 22 mars 2017 Ottawa (Ontario)
(Le discours prononcé fait foi)
Merci beaucoup M. Guy Berthiaume pour vos commentaires et pour votre hospitalité dans cette pièce magnifique dont je me souviendrai toujours à partir de maintenant comme la salle du Savoir.
Je tiens également à remercier nos partenaires pour cette conférence. Guy les a déjà mentionnés, mais je tiens à vous remercier personnellement. Sans vous, cette conférence n’aurait pas été possible.
J’offre une accolade spéciale à nos délégués internationaux :
- David Ferriero des États-Unis
- Biljana Božić et Radenko Lacmanović du Montenegro
- Gitanjali Gutierrez des Bermudes
- Esperanza Zambrano de l’Espagne
- Joel Salas du Mexique
- L’Ambassadeur de la Suède Per Sjögren
- Sanjay Pradhan de l’initiative de partenariat pour un gouvernement ouvert par vidéo
- Elizabeth Denham par Internet, Mark MacKinnon et James Bridge de la Grande-Bretagne
Un grand merci à tous mes collègues commissaires, et à vous tous qui avez traversé ce grand et magnifique pays pour vous joindre à nous.
Pendant ces quelques minutes qui sont consacrées aux procédures d’ouverture, je tiens à vous transmettre ma vision pour la Conférence sur la transparence pour le 21e siècle, que j’ai organisée autour de cinq points principaux.
D’abord, je suis bien heureuse d’avoir rassemblé en un seul endroit toute votre expertise et votre dévouement pour la transparence du gouvernement. Chacun d’entre vous travaille de différentes façons afin de maximiser l’accès à l’information. Les experts en accès à l’information, les défenseurs du gouvernement ouvert, les architectes des données ouvertes, les experts en gestion de l’information, les archivistes, les historiens, les journalistes, et les défenseurs des droits autochtones, des libertés civiles et des droits de la personne doivent se rencontrer et mettre à profit leurs leçons apprises et leurs plans pour l’avenir. Ce travail est trop important, et beaucoup trop urgent, pour continuer à travailler dans la mentalité du chacun-pour-soi.
Ensuite, je souhaite qu’ensemble nous puissions élaborer un consensus concernant le droit à l’accès à l’information du domaine public et ancrer ce droit dans sa pierre angulaire. L’accès à l’information est un droit humain fondamental.
Au Canada, l’accès à l’information a été judicieusement interprété comme étant quasi constitutionnel, et est également indissociable de l’article 2(b) de la Charte canadienne des droits et libertés. L’alinéa 2(b) protège notre liberté fondamentale de pensée, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de presse. Pourtant, le concept d’ancrer l’accès à l’information du domaine public dans un paradigme de droits de la personne est souvent accueilli avec scepticisme dans ce pays.
Laissez-moi vous raconter l’une de mes expériences personnelles.
Il y a cinq ans, j’ai vécu une expérience qui m’a vraiment transformée lorsque j’ai visité l’Inde. Les activistes de la société civile m’ont montré et m’ont appris l’incidence profonde de la transparence sur la vie des citoyens.
À cet endroit, la transparence des comptes publics permet à sa population d’avoir un accès à leurs rations de nourriture et de constater que les écoles où elle envoie leurs enfants sont bâties avec les matériaux requis. Elle fait en sorte que leurs enfants sont en sécurité dans les écoles, puisque celles qui sont construites inadéquatement risquent de s’écrouler sous des conditions climatiques extrêmes.
Au Canada, on me dit encore que cette comparaison ne peut être faite dans notre société avancée.
C’est faux. Si vous lisez le livre de Charlie Angus, « Children of the Broken Treaty », vous allez comprendre pour quelles raisons l’accès à l’information du domaine public doit être revendiqué comme un droit humain au Canada également. M. Angus a recueilli de nombreux renseignements venant d’une multitude de demandes d’accès à l’information pour analyser les fonds publics qui sont dépensés sur les réserves. C’est une quête sans fin et il est déterminé à faire en sorte que les enfants autochtones dans ce pays aient l’accès à des habitations sécuritaires, à des écoles adéquatement financées et sécuritaires, et surtout, à de l’eau potable propre à la consommation. Il travaille afin de revendiquer les droits des autochtones qui sont, en fait, des droits fondamentaux de la personne.
Troisièmement, nous devons faire en sorte que nos programmes de transparence établissent le bon équilibre entre la transparence et les différents intérêts, tels que la protection des renseignements personnels, les intérêts commerciaux et la sécurité nationale. Les initiatives de gouvernement ouvert ne peuvent atteindre leurs objectifs si cet équilibre n’est pas rétabli. Or, souvent, nous ne sommes même pas en mesure d’évaluer si cet équilibre est effectivement rencontré parce que nous évoluons dans un environnement marqué par une profonde culture du secret.
Notre recherche de méthodes de protection appropriées nous mène sur des chemins mystérieux et inconnus. D’un côté, nous avons les législateurs qui estiment utiliser le droit à l’oubli, alors que de l’autre, nous avons des légions de défenseurs et de représentants du gouvernement qui sont aux prises avec le problème d’établir des normes élevées en matière de transparence. Ils se concentrent sur les enjeux compliqués qui sont associés aux obligations de documenter, au droit de se souvenir et au besoin que les gouvernements rendent leurs comptes. D’une façon ou d’une autre, nous devons trouver le moyen de trouver le bon équilibre.
Les révélations faites récemment à travers les Panama Papers, Wikileaks, les enquêtes de Robyn Doolittle et de Mark McKinnon, entre autres, nous révèlent que cet équilibre n’existe pas et qu’il y a un intérêt public de grande importance dans ces divulgations. Il est grand temps de rétablir cet équilibre. Le statu quo n’est plus acceptable.
En quatrième lieu, je tiens à parler de la quatrième révolution industrielle. Son arrivée est imminente. L’Internet a vu le jour vers la fin des années 60. En 1983, le Time Magazine a nommé l’ordinateur comme l’homme de l’année. Ce fut également l’année où la Loi sur l’accès à l’information est entrée en vigueur au Canada. Aujourd’hui, nous sommes sur le point de vivre – non, nous la vivons déjà – une révolution technologique qui va fondamentalement modifier notre façon de vivre, de travailler, et de tisser des liens entre nous et avec les gouvernements.
Grâce aux appareils mobiles, nous avons, aujourd’hui, des milliards de personnes qui bénéficient d’un pouvoir de traitement, d’une capacité de stockage et d’un accès aux connaissances inégalés. Imaginez un peu les possibilités sans précédent que cette réalité entraîne.
De nouvelles technologies et plateformes offrent des possibilités pour les citoyens d’ouvrir le dialogue avec le gouvernement, d’exprimer leurs opinions, et de coordonner leurs efforts. Déjà, les gouvernements subissent des pressions pour suivre ces changements en modernisant les stratégies qui visent à obtenir la participation du public et à concevoir des politiques. Nous faisons face au besoin urgent de revoir nos programmes de transparence.
Cinquièmement – nous devons tourner notre regard vers l’horizon pour être à l’affût de la prochaine grande révélation. Nous devons anticiper comment, nous, en tant que champions de l’accès à l’information, pouvons rester au fait de la transformation rapide de nos économies et sociétés.
Prenons, par exemple, Uber. C’est une entreprise de transport qui fonctionne sans posséder une seule voiture. Tesla est en train de concevoir une voiture sans chauffeur. Mon fils travaille actuellement avec son professeur d’université pour inventer un algorithme d’intelligence artificielle pour épurer les documents. Ces changements et autres percés changent le monde d’une façon que nous ne pouvons pas encore concevoir ici et maintenant.
Nous avons un travail important à accomplir. Essayons de trouver le moyen d’aller de l’avant ensemble.
J’ai bien hâte de recevoir vos réflexions.
Merci.