2010 Consultations à l’étranger par les pays-cibles
Comment les pays-cibles répondent-ils aux obligations que leur impose leur propre loi sur l’accès à l’information en ce qui a trait aux relations internationales? Cette question structure le chapitre qui suit et ouvre la voie à une comparaison systématique avec les façons de faire développées au MAECI, depuis l’entrée en vigueur de la loi de 1982 et l’édiction d’une directive en matière de consultation par le Secrétariat du Conseil du Trésor.
L’examen des procédures développées par ces cinq pays suppose au préalable un regard sur les dispositions législatives et réglementaires qui devraient encadrer le traitement des demandes d’accès susceptibles de soulever des questions en matière de relations internationales.
1. Le cadre législatif et réglementaire
Les États-Unis
La Loi de 1966 prévoit, à sa première exemption, l’exclusion des documents relatifs à la sécurité nationale et à la politique étrangère (Section 7, b, 1, A). Cette exemption, basée sur la cote de sécurité attribuée à ce type de documents, a fait l’objet d’un grand nombre de décisions des tribunaux.
La notion de consultation n’est pas explicitée dans le texte de loi; elle se dégage de l’interprétation logique de cette première exemption. De même, il n’existe pas de procédure ou règlement qui imposerait aux autres composantes de l’appareil gouvernemental l’obligation de consulter le State Department ou même de s’en remettre à ce ministère lorsqu’ils reçoivent des demandes d’accès avec incidences possibles sur les relations internationales des États-Unis.
L’Australie
La Loi de 1982 impose un traitement particulier en ce qui a trait aux documents relatifs aux relations internationales et aux questions liées à la défense et à la sécurité nationales (Art 33). De tels documents doivent être soustraits à l’accès si leur divulgation peut projet préjudice aux relations de l’Australie avec un autre État ou une organisation internationale. La même réserve vise les documents obtenus, sous le sceau de la confidentialité, d’un autre gouvernement ou d’une organisation internationale. La Loi ne prévoit pas le recours à une forme ou l’autre de consultation avec des gouvernements étrangers ou des organisations internationales.
Le gouvernement n’a pas établi, à l’intention des autres ministères ou organismes, une procédure qui impliquerait un transfert de dossier au ministère des Affaires étrangères et du Commerce (DFAT). Rien de prévu non plus en ce qui a trait à un type de consultation auprès de ce dernier, lorsque l’objet du document sollicité peut avoir incidence sur les relations étrangères de l’Australie.
La Nouvelle-Zélande
La Loi de 1982 comprend des dispositions précises en ce qui a trait aux documents relatifs aux relations internationales et aux questions relatives à la défense et à la sécurité nationales (Art 6 b). De tels documents doivent être soustraits à l’accès si leur divulgation devait porter préjudice aux relations de la Nouvelle-Zélande avec un autre pays ou une organisation internationale. La même réserve vise les documents obtenus, sous le sceau de la confidentialité, d’un autre gouvernement ou d’une organisation internationale.
L’Ombudsman - ou toute autre entité gouvernementale - n’a pas émis de directives à l’intention des autres ministères ou organismes qui seraient saisis de demandes d’accès qui impliqueraient l’un ou l’autre des aspects des relations internationales de la Nouvelle-Zélande. Aucune obligation de consultation auprès du ministère des Affaires étrangères et du Commerce (MFAT).
Le Royaume-Uni
A l’instar des législations en vigueur dans la plupart des autres pays, la Loi de 2000 du Royaume-Uni stipule (article 27) que certains documents en matière de relations internationales, tout comme en ce qui a trait à la sécurité nationale, peuvent être exemptés des demandes d’accès.
Disposition importante de la loi, un ministre peut signer un certificat qui « établit » l’existence de la possibilité d’un préjudice advenant la publication d’un document précis et ainsi soustraire ce document à l’accès et à l’intervention du commissaire.
Les ministères et organismes, saisis de demandes d’accès qui tombent sous l’emprise de l’article 27, n’ont pas l’obligation formelle de s’en rapporter au Foreign and Commonwealth Office. Toutefois, le ministère de la Justice, dans une circulaire récente, encourage ces derniers à solliciter un tel avis avant de consulter directement un autre gouvernement ou une organisation internationaleNote de bas de page 23.
Le Mexique
La Loi de 2002 prévoit l’exemption des documents qui ont trait aux relations internationales du gouvernement mexicain (art 13). Cette exemption s’impose s’il s’agit de documents obtenus de façon confidentielle de gouvernements étrangers ou d’organisations internationales. Même obligation si la divulgation des documents sollicités peut nuire au développement des relations internationales du Mexique.
Aucune disposition particulière n’est inscrite dans la Loi quant à la mise en œuvre de cette exemption en matière de relations internationales. La notion de consultation n’est pas reprise dans les notes directrices publiées par l’IFAI – ou par toute autre entité gouvernementale.
2. La pratique des consultations
Ces dispositions légales et le contexte réglementaire mis en place dans chacun des cinq pays de la comparaison tissent la toile de fond sur laquelle vont éventuellement se pratiquer les consultations auprès des gouvernements étrangers et des organisations internationales.
Les États-Unis
Aux États-Unis, la plupart des consultations auprès des gouvernements étrangers et des organisations internationales sont enclenchées par le State Department. Ce fait s’explique en raison à la fois de l’expérience du Département d’État dans le domaine et aussi de la complexité ou de la sensibilité des documents ciblés par cette démarche.
Les autres ministères et entités gouvernementales pratiquent, à l’occasion, des consultations directes auprès de leurs homologues étrangers : rien ne les en empêche. Il revient aux responsables de l’accès à l’information dans ces ministères et organismes de recourir, ou non, aux services et aux conseils du State Department avant de s’engager dans cette voie. Règle générale, ces responsables disposent d’une réelle marge de manœuvre qui leur permet de lancer des consultations à l’étranger dans un objectif d’efficacité.
Règle générale, le State Department transmet directement ses demandes de consultation à l’ambassade à Washington du pays concerné. Les consultations menées par le State Department visent un bon nombre de pays, dont le Canada. Elles s’encadrent dans des délais relativement importants, délais considérés comme inévitables.
En contrepartie, ce ministère reçoit aussi un certain nombre de demandes de consultation en provenance de gouvernements étrangers, au premier rang desquels se trouve le CanadaNote de bas de page 24
L’Australie
Le Department of Foreign Affairs and Trade (DFTA) est l’auteur d’un certain nombre de consultations menées auprès de quelques gouvernements étrangers et organisations internationales.
Dans les autres ministères et organismes, la décision de consulter ou non les Affaires étrangères au sujet d’une demande précise incombe au responsable de l’accès à l’information, sans aucune obligation si ce n’est une forme de prudence. Dans la plupart des cas, ces ministères et organismes s’adressent, sans intermédiaire, à leur contrepartie étrangère.
L’ensemble des consultations, amorcées par le ministère des Affaires étrangères ou transmises à ce dernier par un pays étranger, s’est élevé à 30 durant l’année financière 2008-2009. De ce nombre, une dizaine provenait des États-Unis, du Royaume-Uni et du Canada.
La Nouvelle-Zélande
Le Ministry of Foreign Affairs and Trade (MFAT) peut, à l’occasion, engager, des consultations à l’étranger, même si rien dans la loi ou les textes règlementaires ne le lui impose. Décision est prise en fonction de la nécessité perçue d’une telle démarche ou encore pour des motifs diplomatiques.
Un nombre appréciable d’autres entités gouvernementales procèdent à de telles consultations directement auprès d’homologues étrangers avec qui ils entretiennent des relations; c’est le cas du Premier ministre et du cabinet, du New Zealand Security Intelligence Information, de la New Zealand Police, de la New Zealand Defence Force. Ces consultations sont menées à l’extérieur du « parapluie diplomatique » du ministère des Affaires étrangères.
La Nouvelle-Zélande engage peu de consultations auprès des gouvernements étrangers, d’une année à l’autre. De même, elle ne reçoit que de rares demandes de consultation de la part des pays étrangers.
Le Royaume-Uni
En l’absence d’obligation formelle, l’unité responsable de la FOIA au Foreign and Commonwealth Office limite le nombre de consultations auprès des gouvernements étrangers et des organisations internationales. Une telle consultation n’intervient que si le ministère a tranché en faveur de la remise du document et veut, par respect des usages diplomatiques, obtenir l’aval du gouvernement étranger concerné par cette démarche.
Le Foreign Office opte en faveur de l’efficacité dans ses consultations dans l’espoir avoué de respecter les échéances établies par le FOIA. C’est ainsi qu’il intervient soit directement auprès de l’ambassade ou du Haut Commissariat, sur la place de Londres, ou encore utilise les canaux diplomatiques classiques en passant par sa mission diplomatique dans le pays concerné.
De même, certains ministères et organismes se chargent eux-mêmes de ce type de consultations lorsqu’ils le jugent à propos. En respectant les « bonnes pratiques », favorisées par le ministère de la Justice, ils sollicitent à l’occasion l’avis du Foreign and Commonwealth Office.
Depuis l’entrée en vigueur du FOIA, en 2005, les consultations à l’étranger ont été peu nombreuses; de même le ministère reçoit un nombre relativement restreint de demandes de consultation de la part des gouvernements étrangers.
Le Mexique
Au Mexique, les consultations à l’étranger, aussi bien auprès des gouvernements tiers que des organisations internationales, sont peu fréquentes. La loi n’y incite pas, seul un jugement de prudence peut amener, à l’occasion le Secretaria de Relacion Exteriores (SRE) à engager de telles démarches.
Les autres composantes de l’appareil gouvernemental fédéral peuvent également frapper à la porte de leurs interlocuteurs habituels à propos de demandes d’accès qui impliquent ces derniers. Pour sa part, le SRE n’intervient que si le document visé et son contenu concernent directement le mandat du ministère.
Le nombre de consultations à l’étranger demeure très marginal. De la même façon, le SRE n’a que peu de demandes de consultation en provenance de pays étrangers ou d’organisations internationales.
Bref, en l’absence de dispositions dans leur loi sur l’accès à l’information au sujet des consultations à l’étranger, les cinq pays retenus aux fins de cette comparaison, ont recours à des procédures similaires. Dans chacun des cas, le ministère ou l’organisme saisi d’une demande d’accès qui peut avoir un impact sur les relations internationales entre directement en contact avec son homologue étranger visé par la requête en question (Graphique 2). Cette procédure n’exclut pas la possibilité d’une consultation préalable auprès du ministère des Affaires étrangères.
Version texte
Le graphique 2 illustre les étapes de consultations auprès de gouvernements étrangers menées par les ministères et organismes des pays-cibles. Le processus des consultations suit les étapes suivantes :
- Les ministères et organismes des pays-cibles font une consultation initiale avec les ministères et organismes du pays consulté.
- Les ministères et organismes du pays consulté peuvent possiblement consulter le ministère des Affaires étrangères du pays consulté.
- Les ministères et organismes des pays-cibles peuvent possiblement consulter le ministère des Affaires étrangères des pays-cibles.
- Les ministères et organismes du pays consulté transmettent le résultat de la consultation aux ministères et organismes des pays-cibles.
Notes de bas de page
- Note de bas de page 23
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Ministry of Justice (2008). Freedom of Information Guidance – Exemptions guidance: Section 27: International Relations, London, 14 Mai : page 11.
- Note de bas de page 24
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Ainsi, en 2008, des 101 demandes de consultation reçues par le State Department, 77 provenaient du MAECI. En 2009, cette proportion est encore plus importante : sur un total de 206 consultations, exactement 172 émanaient d’Ottawa.