2010 Sommaire

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) éprouve de sérieuses difficultés à s’acquitter de ses obligations en matière d’accès à l’information à l’intérieur des délais imposés par la Loi sur l’accès à l’information. Parmi les problèmes relevés par la commissaire à l’information dans son rapport Hors délai, soumis au Parlement, ce printemps, figurent les consultations menées par le ministère auprès des gouvernements étrangers et des organisations internationales pour les demandes d’accès qui lui parviennent et pour le compte de plusieurs ministères et organismes. De telles consultations sont engagées lorsque les documents sollicités peuvent avoir un impact sur les relations internationales du Canada ou s’il s’agit de documents provenant d’un gouvernement étranger ou d’une organisation internationale.

Cette recherche comparative vise d’abord à comprendre l’impact de ces consultations sur la gestion de l’accès au MAECI et sur les ministères et organismes qui doivent s’en remettre au ministère, conformément à une directive du Secrétariat du Conseil du Trésor. Elle a également comme objectif de dégager des pistes et perspectives qui permettraient au MAECI d’envisager un allégement des procédures mises en place pour assumer cette démarche de consultation à l’étranger.

Ce type de consultation représente environ 10 % de l’ensemble des dossiers d’accès traités par le MAECI. La majeure partie de ces consultations est menée pour le compte des ministères et organismes du gouvernement fédéral. Des demandes d’accès reçues par le ministère, à peine 3 % font l’objet de consultations.

Un examen sommaire de ces consultations, au cours des exercices financiers 2008-2009 et 2009-2010, aboutit à des résultats éloquents. Ainsi, une trentaine de gouvernements étrangers font l’objet de telles consultations par le Canada. Au premier rang de ceux-ci, les États-Unis qui reçoivent la grande majorité des avis de consultation. Le délai moyen en ce qui a trait à la réception de la décision arrêtée par un gouvernement étranger a été respectivement de 83 et 151 jours, pour chacune de ces deux années. Des consultations engagées en 2008-2009, l’attente de réponses en provenance de gouvernements étrangers accusait, en juin 2010, un retard moyen de 574 jours, soit plus de 19 mois.

L’impact du processus de consultation est lourd aussi bien pour le citoyen en attente d’une réponse que pour les directions de l’accès à l’information du MAECI et des ministères et organismes de l’appareil fédéral impliqués dans ce processus. L’accumulation des délais affecte inévitablement les résultats que peut afficher le MAECI en matière d’accès à l’information.

Cinq pays ont été retenus aux fins de comparaison avec le Canada en ce qui a trait à la façon de prendre en charge les dispositions relatives aux relations internationales dans les demandes d’accès aux documents. Pareille disposition figure dans les lois d’accès des États-Unis, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et du Mexique. Ces cinq pays partagent avec le Canada plusieurs caractéristiques constitutionnelles et administratives qui justifient cette étude comparative.

Rien dans les législations de ces 5 pays, ni au Canada, n’impose le lancement de telles consultations; il s’agit d’une notion implicite qui se dégage de l’obligation faite à chacun de ces pays d’assurer le maintient de bonnes relations diplomatiques avec les pays concernés par des demandes d’accès. Au Canada, une directive émise par le Secrétariat du Conseil du Trésor confère au MAECI le mandat exclusif d’engager de telles consultations avec les pays étrangers au sujet des demandes d’accès dont il est le récipiendaire, tout autant que pour le compte des autres ministères et organismes. Ces consultations empruntent les canaux diplomatiques classiques et visent uniquement les ministères des Affaires étrangères des pays concernés.

De cette recherche structurée autour des démarches et procédures privilégiées par ces cinq pays de référence, on peut dégager deux pistes à explorer en vue d’alléger le problème tel que vécu depuis plusieurs années au MAECI.

(1) La première piste vise les modalités techniques de consultation. A la lumière de ce que pratiquent d’autres ministères des Affaires étrangères, les responsables des consultations au MAECI devraient, en collaboration avec leurs missions à l’étranger, repérer la meilleure porte d’entrée pour solliciter une consultation auprès d’un autre État. Est-il préférable de toujours utiliser le canal habituel du ministère des Affaires étrangères? Dans certains cas, ne serait-il pas plus efficace, de faire transiter cette demande par l’ambassade du pays en question dans la capitale fédérale? La question mérite examen lorsqu’il s’agit d’un pays qui n’a pas encore fait l’objet d’une telle démarche ou qui a été fort peu sollicité au cours des dernières années. Cette façon de faire pourrait bonifier la relation entre l’ambassade et le MAECI et même produire des dividendes inattendus.

Devant l’ampleur, d’ailleurs croissante, des consultations menées réciproquement entre Ottawa et Washington au titre de l’accès à l’information, il y aurait lieu de songer à une tentative de simplification des procédures en place. Les responsables de la direction de l’accès à l’information au State Department et au MAECI y gagneraient à engager une discussion à ce propos.

A un niveau plus élémentaire, le ministère aurait aussi tout intérêt à privilégier les procédures d’acheminement les plus rapides en ce qui a trait aux documents que ses missions devront remettre au ministère des Affaires étrangères en vue d’une consultation. Il y aurait lieu d’examiner la possibilité de faire parvenir ces documents en utilisant la valise diplomatique la plus rapide, selon chaque poste de destination.

(2) La seconde hypothèse à envisager implique une réflexion plus substantielle sur la pratique suivie depuis plus de deux décennies par le MAECI et sur les principes à la base même des consultations auprès des gouvernements étrangers.

A la lumière des informations glanées sur les pratiques suivies dans quatre des pays retenus aux fins de cette comparaison, cette interrogation se justifie. Ainsi, il y aurait lieu d’imaginer la possibilité de permettre à certains ministères ou organismes d’engager directement des consultations à l’étranger, selon des modalités à définir. Il s’agirait des ministères qui entretiennent des relations importantes et suivies avec leurs homologues étrangers, ministères ou organisations internationales, grâce à des liens et procédures bien établis.

Procéder ainsi correspondrait d’ailleurs à l’une des pistes envisagées, il y a un bon moment, par le Secrétariat du Conseil du Trésor : « Des consultations directes auront lieu seulement s’il y a déjà en place un système de liaison et de consultation établi. Le ministère des Affaires étrangères devrait être avisé de ces canaux de consultation »Note de bas de page 1. Le Ministry of Justice, qui joue, au Royaume-Uni, un rôle analogue au Secrétariat du Conseil du Trésor en matière d’accès à l’information, a tout récemment souscrit au même principe.

On pourrait imaginer une procédure en deux temps. Un ministère ou un organisme devrait tout d’abord établir à l’intention du MAECI la nature et l’importance des liens entretenus avec ses homologues étrangers. Lors d’une demande d’accès, le ministère ou l’organisme devrait soumettre au MAECI la formulation de l’avis sollicité à l’étranger et la justification de la décision envisagée. Le MAECI disposerait alors de dix jours ouvrables pour transmettre à l’entité concernée ses commentaires et suggestions, voire même son refus catégorique.

Cette procédure allégerait la démarche de consultation en évitant les délais de transmission aller-retour de documents aux Affaires étrangères des deux pays concernés. Elle permettrait aussi de réduire les délais considérables qu’entraine l’actuelle façon de faire.

Cette réflexion devrait mobiliser aussi bien le MAECI que le Secrétariat du Conseil du Trésor en raison des responsabilités que ce dernier exerce au chapitre de la mise en œuvre de la Loi sur l’accès à l’information.

Ces pistes et perspectives devraient aussi retenir l’attention de la commissaire à l’information. Elle pourrait envisager inviter ses collègues commissaires dans les autres pays à se pencher sur cette question et peut-être favoriser le cheminement vers un cadre commun en vue d’harmoniser et de simplifier les consultations à l’étranger.

Il s’agit là de pistes qui visent avant tout à permettre au citoyen d’obtenir accès aux documents sollicités dans des délais convenables, conformément aux dispositions et à l’esprit de la Loi de 1982.

Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Secrétariat du Conseil du Trésor (1993). Chapitre 2 – 7 (exceptions - général), Section 9 (Consultation), Ottawa, 1 décembre. 

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