2016-2018 Lettre au président du Conseil du Trésor sur le plan d'action pour le gouvernement ouvert 3.0

Le 12 juillet 2016

L’honorable Scott Brison, C.P., député
Président du Conseil du Trésor du Canada
90, rue Elgin, 8e étage
Ottawa ON  K1A 0R5

Monsieur le Ministre,

Veuillez trouver ci-joint mes commentaires sur la mise en œuvre du Plan d’action du Canada pour un gouvernement ouvert de 2016-2018.

Tout d’abord, permettez-moi de vous féliciter de votre engagement à l’égard d’un gouvernement ouvert, transparent et responsable. Votre objectif visant à rendre le gouvernement et l’information dont il dispose ouverts par défaut ne serait pas réalisable sans votre leadership. Le nouveau plan pour un gouvernement ouvert est ambitieux et constituera, s’il est mis en œuvre, une amélioration importante de l’ouverture du gouvernement.

Je suis particulièrement heureuse de constater que votre plan comprend deux fois plus d’engagements que le plan d’action de 2014-2016. Dans ce contexte, vos promesses de favoriser la création d’un environnement ouvert par défaut et de promouvoir la transparence fiscale sont remarquables, surtout en ce qui concerne les données budgétaires et les analyses économiques et financières, ainsi que les subventions et contributions. Je salue vos engagements à accroître l’accès aux données géospatiales, à promouvoir l’Institut des données ouvertes du Canada et à mettre en œuvre la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif. Les mesures que vous avez prises en vue de garantir la science ouverte, y compris en permettant aux scientifiques de parler librement de leurs recherches, sont également bien accueillies.

Mes observations porteront essentiellement sur six engagements.

Engagement 1 : Améliorer l’accès à l’information

Le gouvernement du Canada mettra en œuvre une première vague de propositions concrètes visant à améliorer la Loi sur l’accès à l’information à la lumière des observations du Parlement, du commissaire à l’information et des consultations auprès des Canadiens et des Canadiennes, puis effectuera par la suite un examen complet de la Loi en 2018 au plus tard.

 

Comme vous le savez, j’ai déposé en mars 2015 un rapport spécial au Parlement, « Viser juste pour la transparence », dans lequel je formulais 85 recommandations pour moderniser la Loi sur l’accès à l’information (la Loi). La législation canadienne en matière d’accès à l’information est désuète et des modifications doivent y être apportées afin de rétablir le juste équilibre entre le droit du public d’accéder à l’information et la nécessité du gouvernement de protéger certains renseignements. Les recommandations formulées dans mon rapport se fondent sur les normes les plus élevées et les pratiques exemplaires émanant de lois d’autres administrations, de lois types et de guides, ainsi que de rapports de haut niveau sur l’accès à l’information.

En février 2016, le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique (ETHI) a entrepris une étude de la Loi. J’ai été appelée à témoigner pour présenter mon point de vue sur les modifications à apporter à la Loi, ainsi que sur l’approche en deux phases du gouvernement pour améliorer le régime d’accès à l’information. J’ai également formulé des recommandations prioritaires au comité qui, si elles étaient mises en œuvre, auraient un impact majeur sur la transparence. Les voici :  

  • élargir la portée de la Loi à certaines institutions, notamment aux cabinets ministériels et aux institutions qui soutiennent le Parlement et les tribunaux;
  • établir une obligation légale exhaustive de documenter, avec des sanctions appropriées en cas de non-conformité;
  • remédier aux retards afin améliorer la rapidité de réponse;
  • abroger l’exclusion relative aux documents confidentiels du Cabinet et la remplacer par une exception obligatoire;
  • restreindre l’exception s’appliquant aux avis et aux recommandations ainsi que la nouvelle exception relative aux documents confidentiels du Cabinet de sorte qu’elles ciblent les intérêts en jeu;
  • créer une disposition de primauté de l’intérêt public applicable à l’ensemble des exceptions;
  • renforcer la surveillance du droit d’accès en adoptant un modèle exécutoire;
  • procéder à un examen périodique obligatoire de la Loi, le premier examen étant prévu en 2018.

Dans son rapport de juin 2016, le comité a formulé 32 recommandations au gouvernement en vue d’améliorer le régime d’accès à l’information au Canada. Elles sont conformes à mes propres recommandations pour renforcer la transparence et la responsabilisation.

Je recommande que des modifications soient apportées à la Loi qui prendront en compte ces recommandations.    

Engagement 2 : Simplifier les demandes de renseignements personnels

Le gouvernement du Canada veillera à ce que les Canadiens et les Canadiennes puissent accéder plus facilement à leurs renseignements personnels détenus par le gouvernement fédéral.

 

La proposition ne permet pas de savoir clairement quel est l’objectif de cet engagement, puisque les Canadiens peuvent déjà présenter en ligne une demande d’accès à l’information ou une demande de communication de renseignements personnels sur un site Web central. De plus, la Loi sur l’accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoient toutes deux un délai de 30 jours pour répondre à une demande.

Cependant, la plateforme Web actuelle peut être améliorée. Lors de consultations sur de précédents plans pour un gouvernement ouvert, j’ai recommandé que l’on intègre à la plateforme actuelle une fonctionnalité permettant de soumettre une plainte. Si c’est bien ce que l’on envisage pour les demandes de renseignements personnels, l’engagement devrait s’appliquer également aux demandes d’accès à l’information.   

Engagement 4 : Fournir et préserver l’information ouverte

Le gouvernement du Canada mettra sur pied des initiatives, des plateformes et des outils à l’échelle du gouvernement afin que l’information ouverte soit repérable et accessible pour utilisation par les prochaines générations.

 

Dans sa Directive sur le gouvernement ouvert, le gouvernement a fait de l’amélioration de l’accès à des données et à de l’information de qualité une priorité. Cet engagement présente principalement des jalons en vue de fournir et préserver l’information. Selon moi, le plan devrait comporter des exigences supplémentaires pour la divulgation proactive de l’information, de même que pour la déclassification des documents gouvernementaux qui exposent le processus décisionnel du gouvernement.

Je recommande que le gouvernement prenne en compte les trois recommandations que j’ai formulées dans mon rapport spécial :

  • la mise en place d’une obligation légale de déclassifier systématiquement les documents gouvernementaux, y compris les documents confidentiels du Cabinet;
  • l’obligation, pour les institutions, de publier de façon proactive l’information qui est clairement d’intérêt public;
  • l’obligation, pour les institutions, de publier les documents pertinents des demandes d’accès à l’information traitées dans un délai de 30 jours après la fin de chaque mois, si les renseignements sont ou vont probablement être fréquemment demandés.  

Engagement 5 : Définir une approche de mesure du rendement pour un gouvernement ouvert

Le gouvernement du Canada intégrera des indicateurs de rendement relatifs à l’ouverture et à la transparence dans un Cadre de gestion du rendement pour un gouvernement ouvert.

 

Je suis d’accord qu’une meilleure observation de la Loi passe par un cadre de préparation de rapports plus robuste. Par expérience, je sais que les facteurs qui y contribuent le plus sont l’engagement des institutions à l’égard de la transparence et de la responsabilisation et du leadership aux échelons supérieurs des institutions.

À l’intérieur d’un cadre de gestion du rendement pour un gouvernement ouvert, le gouvernement doit établir des objectifs de rendement précis relativement au programme d’accès à l’information. En voici quelques-uns :  

  • un engagement à respecter la Loi en établissant des objectifs de rendement précis pour améliorer les délais;
  • un engagement à intégrer dans l’accord de rendement de tous les administrateurs généraux l’exigence d’atteindre les objectifs de rendement et de respecter les obligations de la Loi.

Engagement 6 : Développer les compétences relatives au gouvernement ouvert dans l’ensemble de la fonction publique fédérale

Le gouvernement du Canada appuiera la transition vers une transparence et une mobilisation accrues dans la fonction publique à l’aide de documents et de possibilités d’apprentissage à l’intention des fonctionnaires.

 

Pour avoir des effets profonds et durables dans toute l’administration gouvernementale et dans l’intérêt des Canadiens, je crois que le plan doit faire en sorte que l’ensemble des systèmes, des instruments de politique, des directives, de même que la formation, le personnel et surtout la mentalité soient alignés sur les objectifs du gouvernement ouvert. Cet engagement est un pas dans la bonne direction.

Il m’apparaît important de veiller à ce que le gouvernement élabore une vision intégrée pour un gouvernement ouvert afin que toutes les politiques étroitement liées au gouvernement ouvert qui sont mises en œuvre, telles les politiques de communication, de gestion de l’information et d’accès à l’information, puissent fonctionner ensemble sans heurts.

Lors des consultations de 2014-2016 pour le second plan d’action, j’ai recommandé plusieurs engagements permettant au gouvernement d’être mieux armé pour mettre en œuvre une vision intégrée. Les voici :

  • nommer au sein des institutions des dirigeants principaux du gouvernement ouvert;
  • adopter une approche ouverte autour de laquelle les politiques, les programmes, les initiatives et les propositions législatives sont conçues et appliquées;
  • mettre en place des formations afin de veiller à ce que tous les employés fédéraux concernés par la Loi sur l’accès à l’information l’interprètent en faveur d’une divulgation maximale.

Engagement 20 : Permettre le dialogue ouvert et l’élaboration de politiques ouverte

Le gouvernement du Canada favorisera une participation accrue des citoyens grâce à une plus grande collaboration et à la co-création avec le public et les intervenants dans le cadre des initiatives gouvernementales et entre elles.

 

Pour réaliser cet engagement, je crois que le gouvernement doit mettre plus d’information à la disposition du public concernant ses décisions et ses priorités clés.

L’élaboration des politiques et la prise de décisions sont des processus essentiels du gouvernement. Dans l’intérêt du public, il est important de fournir aux Canadiens les renseignements dont ils ont besoin pour participer à ces activités, de même que pour établir un dialogue constructif avec le gouvernement et pour lui demander de rendre des comptes sur ses décisions. Or, actuellement, en vertu de l’actuelle exception s’appliquant aux avis et aux recommandations et de l’exclusion des documents confidentiels du Cabinet, l’information sur les priorités, les politiques et les décisions est largement soustraite à toute divulgation.

Dans mon rapport spécial au Parlement, je propose une série de recommandations qui limiteraient l’application des exceptions et des exclusions de sorte qu’elles ne protègent que l’intérêt qui doit être protégé. Celles-ci comportent des modifications à la Loi visant à :  

  • assortir l’exception s’appliquant aux avis et aux recommandations d’un critère relatif au risque vraisemblable de préjudice;
  • abroger l’actuelle exclusion relative aux documents confidentiels du Cabinet et la remplacer par une exception obligatoire;
  • inclure une disposition de primauté de l’intérêt public applicable à l’ensemble des exceptions, qui s’accompagnerait de l’obligation de prendre en compte une liste non exhaustive de facteurs, y compris les objectifs du gouvernement ouvert.

Je constate que le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique a formulé des recommandations semblables dans son rapport de juin 2016.

Je souhaiterais clore en félicitant le gouvernement de faire du gouvernement ouvert une priorité dans son programme et d’élaborer un plan d’action national ambitieux, mais réalisable avec un bon leadership et un changement de culture au sein des institutions fédérales. Les comportements doivent évoluer pour que l’accès à l’information devienne facile, et que la réception d’une demande de renseignements soit perçue comme quelque chose de positif, étant donné que cela contribue à la transparence, à la responsabilisation et à la participation des citoyens, qui sont au cœur même Partenariat pour un gouvernement ouvert (lien en anglais seulement).

Le Commissariat serait heureux de collaborer avec votre secrétariat sur les initiatives relatives au gouvernement ouvert.

Cordialement,

Suzanne Legault
Commissaire à l'information du Canada

c.c. : Yaprak Baltacioglu, secrétaire du Conseil du Trésor du Canada

         Équipe du gouvernement ouvert, secrétaire du Conseil du Trésor du Canada

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