Lettre au président du Conseil du Trésor – mes observations à la suite de rencontres avec divers ministres (juillet 2021)
L’honorable Jean-Yves Duclos, C.P., député
Président du Conseil du Trésor
90, rue Elgin, 8e étage
Ottawa, Ontario, K1A 0R5
8 juillet 2021
Monsieur le Ministre,
Dans votre lettre du 7 juillet 2020, dans laquelle vous m’invitiez à fournir des commentaires concernant l’examen de l’accès à l’information que venait d’entreprendre le gouvernement, vous souligniez à juste titre que le succès de cet examen dépend d’un échange significatif de points de vue. Dans cet esprit, en janvier dernier, j’ai formulé des observations et des recommandations initiales dans le cadre de cet examen et j’ai promis d’en fournir d’autres plus tard, au besoin.
Comme vous le savez, la pandémie n’a pas suspendu le droit d’accès. Au contraire, elle a fait en sorte que le besoin de transparence de la part du gouvernement s’est accru et une démarche en ce sens nécessite le leadership collectif de l’ensemble des membres du Cabinet.
C’est la raison pour laquelle, plus tôt cette année, j’ai communiqué avec les 16 ministres responsables des institutions au sujet desquelles le Commissariat a reçu le plus de plaintes. Mon but était de nouer un dialogue et de discuter de leurs responsabilités en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, et ce, même lorsque nous faisons face à une pandémie à l’échelle mondiale.
À ce jour, j’ai pu discuter avec 12 des 16 ministres avec lesquels j’ai communiqué en mars et en avril 2021; ARC, RCAANC, Services aux Autochtones, Justice, Santé Canada, Défense nationale, Sécurité publique, SPAC, Transports Canada, Patrimoine canadien, ECCC et IRCC. J’attends toujours des nouvelles du ministre des Finances, du ministre des Affaires mondiales, du ministre de ISDE, et du premier ministre, en sa qualité de ministre responsable du Bureau du Conseil privé.
Au cours de ces échanges initiaux, j’ai invité les ministres à donner l’exemple et à faire valoir l’importance de défendre le droit d’accès à l’information en assurant une gestion diligente de l’information et en divulguant celle-ci volontairement, de même qu’en répondant à toutes les demandes d’accès dans les délais prescrits. Vu la vulnérabilité du système, j’ai également souligné la nécessité de prendre des mesures immédiates et concrètes, plutôt que d’attendre des modifications législatives.
Afin de continuer à favoriser ce dialogue, je me permets de vous résumer certains points soulevés par vos collègues :
- La reconnaissance que les institutions doivent faire mieux – et que les problèmes existaient avant la pandémie;
- L’intention de faire preuve de leadership en faisant valoir à tous les employés l’importance de l’accès pour favoriser l’adoption de pratiques exemplaires axées sur l’ouverture et la transparence à l’échelle de leur ministère;
- La reconnaissance de l’importance de se doter d’un programme de déclassification. Les institutions commencent à envisager de concevoir un système de déclassification rapide et efficace ainsi que des protocoles pour le traitement des renseignements sensibles;
- La reconnaissance du principe d’ouverture par défaut, c’est-à-dire divulguer l’information volontairement, plutôt que d’attendre de recevoir des demandes;
- L’engagement à échanger avec les autres institutions des pratiques exemplaires qui pourraient aider à alléger le fardeau qui pèse sur le système d’accès.
On m’a également mentionné des points qui devraient être des sources de préoccupation pour vous, car ils illustrent l’état actuel du système dans son ensemble :
- L’importance de la Loi sur l’accès à l’information et des obligations législatives qui en découlent sont généralement méconnues et, en conséquence, le droit d’accès ne se voit pas attribuer le niveau de priorité qui lui revient.
- Les institutions reconnaissent qu’elles ont des arriérés considérables en matière d’accès.
- Les problèmes qui existaient déjà ont été exacerbés par la pandémie : plusieurs ministres ont reconnu que leurs institutions n’étaient pas bien équipées pour répondre aux demandes à distance.
- La pandémie a exercé une grande pression sur les institutions dont les systèmes de gestion de l’information sont archaïques. Par exemple, dans les institutions dont les systèmes reposent sur des documents papier, des employés devaient se rendre au bureau pour accéder aux documents.
- Le recrutement et le maintien en poste de ressources qualifiées pour traiter les demandes d’accès constituent des défis pour beaucoup d’institutions.
J’ai bon espoir que la bonne volonté exprimée par les ministres est un signe qu’ils réalisent de plus en plus l’ampleur des difficultés auxquelles est en proie le système et que cette réalisation mènera à des engagements concrets à réaliser de véritables changements. Je dois toutefois souligner que le rythme des changements m’inquiète, compte tenu de l’urgence de la situation. Cela fait maintenant près d’un an jour pour jour que votre examen a été lancé. Jusqu’à ce jour, celui-ci a produit peu de résultats pour la population canadienne, outre le lancement des consultations et un engagement à déposer un rapport en janvier 2022.
Depuis plus d’un an maintenant, j’observe et je signale au gouvernement et à la population canadienne que la pandémie a exacerbé les difficultés que connaissait déjà le système d’accès à l’information. Il importe de souligner que nombre de ces difficultés peuvent être réglées sans que des modifications législatives soient nécessaires. Dans ce contexte, je vous invite à prendre en considération les points soulevés dans la présente lettre de même que dans mon rapport annuel 2020-2021 et je vous incite à mobiliser vos collègues du Cabinet pour prendre des mesures immédiates favorisant la transparence, sans attendre que l’examen du système soit terminé.
Si vous souhaitez en discuter davantage, je serai heureuse de vous rencontrer.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, mes salutations distinguées.
Caroline Maynard
Commissaire à information du Canada