Question d’accès : La difficulté d’accéder à notre mémoire collective
Enquête systémique sur Bibliothèque et Archives Canada
Rapport spécial présenté au Parlement
Le 26 avril 2022
Table des matières
- Message de la Commissaire
- Recommandations
- Thèmes
- Conclusion - Mot de la fin de la Commissaire
- Annexe - Réponse du ministre du Patrimoine canadien
Message de la Commissaire
Bibliothèque et Archives Canada (BAC) acquiert, traite, conserve et diffuse le patrimoine documentaire du Canada, en plus d’être la mémoire permanente de l’administration fédérale et de ses institutions.
BAC est de plus en plus la cible de vives critiques de la part de journalistes, d’universitaires et d’autres, qui dénoncent les délais d’attente excessifs et l’absence de réponse qui caractérisent la gestion des demandes d’accès au sein de cette institution. Ces dernières années, mon équipe a recueilli, dans le cadre de ses enquêtes sur des plaintes, des preuves qui confirment que BAC ne répond pas aux demandes d’accès dans les délais prescrits par la Loi sur l’accès à l’information. Un portrait plutôt alarmant se dessine : la direction de BAC ne prend pas de mesures concrètes pour régler les problèmes sous-jacents et la situation actuelle se complique en raison du déluge de nouvelles plaintes de retards durant la pandémie de COVID-19.
L’enquête systémique que j’ai récemment menée a révélé plusieurs problèmes qui nuisent à la capacité de BAC de communiquer l’information qui relève d’elle. L’enquête a permis de conclure que BAC ne respecte pas ses obligations en vertu de la Loi.
À titre de responsable de BAC, le ministre du Patrimoine canadien a été informé de mes conclusions et des 10 recommandations que j’ai formulées à l’issue de cette enquête, en janvier 2022.
Bien que le ministre ait accepté de mettre en œuvre la plupart de mes recommandations, je demeure déçue qu’il ne semble pas s’engager à apporter des améliorations concrètes et appréciables. La réponse du ministre se trouve en annexe du présent rapport spécial; mon évaluation de sa réponse à mes conclusions et à mes recommandations se trouve dans le compte rendu de l'enquête.
Compte tenu des nombreuses responsabilités assumées par le bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) de BAC, mes recommandations, si elles sont mises en œuvre, permettraient d’apporter des améliorations considérables au programme d’AIPRP de BAC, notamment le fait d’accorder une plus grande priorité à la dotation en ressources. Le leadership du ministre sera nécessaire pour améliorer l’état déplorable du programme d’accès à l’information de BAC et faire en sorte que le travail requis soit mené à bien.
En plus de révéler de nombreux problèmes propres à BAC, l’enquête me permet d’attirer l’attention du Parlement sur deux des difficultés auxquelles fait face le système d’accès à l’information du Canada dans son ensemble :
- la manière dont les consultations sur les demandes d’accès sont menées entre les institutions;
- l’absence de cadre pangouvernemental pour la déclassification des documents.
Ces deux problèmes créent des arriérés importants à BAC, compte tenu de son mandat unique, mais ils ont également une incidence sur l’accès à l’information dans de nombreuses institutions; j’ai d’ailleurs déjà signalé qu’il était nécessaire d’agir à cet égard. Alors que les délais de réponse continuent de se détériorer à l’échelle du système, il devient impossible d’ignorer les conséquences de l’inaction.
Ces problèmes, abordés plus à fond dans le présent rapport spécial, sont critiques et devraient être traités comme tels par le Parlement et l’ensemble des institutions fédérales assujetties à la Loi.
Caroline Maynard
Commissaire à l’information du Canada
Pendant la période visée par l’enquête, environ 80 % des demandes terminées par BAC ne respectaient pas les délais prescrits par la Loi.
Version textuelle
Infographie illustrant le fait que 80 % des demandes terminées par BAC étaient en retard, alors que 20 % étaient traitées à temps.
BAC ne peut pas régler seule toutes les difficultés auxquelles elle fait face. J’invite le gouvernement à adopter une approche plus large dans ses efforts pour améliorer l’accès à l’information et à trouver des solutions qui s’attaquent aux causes fondamentales des problèmes.
- Commissaire à l’information du Canada
Recommandations
La Commissaire à l’information a formulé les 10 recommandations qui suivent.
Le compte rendu de l’enquête se trouve ici.
- Exiger des responsables de l’AIPRP à BAC qu’ils utilisent leur pouvoir délégué pour répondre immédiatement à toutes les demandes d’accès pour lesquelles des consultations sont en cours.
- Exiger des responsables de l’AIPRP à BAC, en ce qui concerne les nouvelles demandes d’accès nécessitant des consultations, qu’ils établissent un processus rigoureux pour déterminer la durée des consultations et répondre aux demandes avant la date d’échéance de la prorogation, avec ou sans la contribution des institutions consultées.
- Traiter immédiatement toutes les demandes d’accès en cours visant des documents classifiés « Très secret », même si la mise en œuvre et la certification de la nouvelle infrastructure ne sont pas terminées.
- Répondre à l’arriéré de demandes d’accès découlant de la suspension par BAC de ses activités d’AIPRP durant la pandémie.
- Mettre en œuvre une infrastructure entièrement fonctionnelle qui permettra aux responsables de l’AIPRP de traiter efficacement les documents « Secret » et « Très secret ».
- Veiller à ce que les représentants de l’AIPRP aient accès au réseau et aux logiciels de traitement des documents de BAC en tout temps, afin d’être toujours en mesure de répondre aux demandes d’accès.
- Exiger des institutions qu’elles examinent et, lorsque c’est possible, déclassifient ou déclassent les documents avant de les transférer à BAC.
- Négocier un financement adéquat pour le bureau de l’AIPRP de BAC, à l’appui des nouveaux programmes mis sur pied par d’autres institutions.
- Examiner et ajuster le financement permanent affecté aux différentes unités du bureau de l’AIPRP afin de refléter leur charge de travail.
- Publier les résultats concrets obtenus dans la mise en œuvre des présentes recommandations sur le site Web de BAC d’ici la fin de 2022 et fournir des mises à jour trimestrielles.
Thèmes
Aux fins du présent rapport spécial, deux problèmes ayant une incidence sur BAC, mais également sur l’ensemble du système d’accès à l’information du Canada, sont abordés sous les thèmes suivants :
- La longueur des consultations retarde l’accès
- L’absence d’un système de déclassification nuit à la transparence
La longueur des consultations retarde l’accès
Lorsqu’elle répond à une demande d’accès, une institution peut en consulter une autre au sujet de la communication de documents la concernant, et ce, pour différentes raisons, par exemple afin d’appliquer les exceptions nécessaires et d’exercer correctement le pouvoir discrétionnaire de ne pas communiquer l’information.
En vertu de l’article 7 de la Loi, les institutions sont tenues de répondre aux demandes d’accès dans les 30 jours suivant leur réception. Selon la Loi, les institutions peuvent proroger le délai de réponse lorsque des consultations sont nécessaires pour répondre à la demande et qu’il n’est pas possible de le faire dans le délai de 30 jours, pourvu que la durée de la prorogation soit raisonnable dans les circonstances.
Une institution peut en consulter une autre au sujet de la communication de documents la concernant, mais elle n’est pas obligée de le faire.
Pourquoi les consultations peuvent-elles être problématiques ?
La Loi ne prévoit pas de délai pour répondre à la consultation d’une autre institution. C’est une raison majeure pour laquelle les institutions ont tendance à accorder la priorité aux demandes d’accès qui leur sont adressées, plutôt qu’aux demandes de consultation. Cela entraîne des retards.
BAC joue un rôle unique, car elle détient des documents qu’elle n’a pas créés
Les consultations entraînent des retards dans l’ensemble du système, mais elles sont particulièrement problématiques à BAC.
Il est compréhensible que BAC consulte d’autres institutions pour obtenir leurs recommandations au sujet de la communication d’information. Dans la plupart des cas, BAC n’a pas créé les documents qu’elle détient. Il faut cependant reconnaître l’expertise de BAC en ce qui a trait à la valeur historique et à la signification des documents placés sous sa garde. Les archivistes de BAC organisent des collections de documents historiques, étudient les évènements décrits dans ceux-ci, publient des articles et écrivent des livres sur ces évènements et ces sujets. Plutôt que de reconnaître cette expertise et de l’utiliser pour appliquer les exceptions nécessaires, BAC attend de recevoir une réponse à la demande de consultation avant de répondre – comme le font la plupart des institutions dans cette situation, selon différentes enquêtes menées par le Commissariat à l’information.
Lorsque BAC consulte, elle ne précise pas nécessairement la nature des conseils qu’elle souhaite recevoir ou les renseignements sur lesquels ceux-ci devraient porter. Cette analyse préliminaire, en vue de cibler les consultations, permettrait aux institutions consultées de répondre dans un délai plus raisonnable. Les institutions doivent toutes exercer leur pouvoir d’appliquer les exceptions ou de communiquer les documents en vertu de la Loi, sans prolonger le délai en tenant des consultations qui ne sont pas nécessaires.
Au-delà de l’enquête systémique sur Bibliothèque et Archives Canada
Puisque les consultations ne sont pas obligatoires et qu’aucun délai n’est imposé pour celles-ci, les responsables de l’AIPRP doivent être prêts à répondre aux demandes d’accès sans avoir reçu les recommandations de l’institution consultée, si celle-ci ne les fournit pas dans un délai raisonnable.
Dans les observations et recommandations qu’elle a formulées en janvier 2021 dans le cadre de l’examen du système d’accès au sein du gouvernement du Canada, la Commissaire a souligné que ses enquêtes avaient révélé que :
- Bien que la Directive provisoire concernant l’administration de la Loi sur l’accès à l’information du Secrétariat du Conseil du Trésor prévoie que les institutions doivent accorder la même importance aux consultations qu’aux demandes d’accès, les institutions consultées privilégient généralement les réponses aux demandes d’accès qu’elles reçoivent au détriment des réponses aux demandes de consultation des autres institutions.
- Les institutions établissent entre elles des normes globales pour répondre aux demandes de consultation. De façon générale, ces normes sont uniquement fondées sur le nombre de pages qui font l’objet de la consultation. La mise en place de ces normes fait en sorte que les institutions ne tiennent pas compte du type d’exceptions, de la sensibilité de l’information, du contenu ou de l’âge des documents pour établir un délai raisonnable de réponse aux demandes de consultation.
De l’avis de la Commissaire, la Directive provisoire devrait refléter davantage le fait que les consultations ne sont pas obligatoires en vertu de la Loi. La Directive provisoire doit être renforcée en précisant que des consultations ne devraient être tenues que lorsque cela est nécessaire. Elle devrait aussi aider les institutions à déterminer la nécessité d’une consultation.
La Commissaire réitère ce qu’elle a déclaré dans ses observations et recommandations dans le cadre de l’examen du système d’accès :
Lorsqu’une institution décide de tenir une consultation, la Loi sur l’accès à l’information devrait mieux encadrer ce processus et prévoir la durée maximale des consultations qui sont nécessaires pour donner suite à une demande d’accès. Ainsi, le fait d’imposer aux institutions et aux parties consultées l’obligation de répondre dans un délai prescrit contribuerait à diminuer les délais de traitement des demandes d’accès.
L’absence d’un système de déclassification nuit à la transparence
L’information est classifiée pour protéger les intérêts, les personnes et les biens du Canada. La mise en œuvre de mesures pour veiller à ce que l’information classifiée ne soit pas divulguée par inadvertance est coûteuse, mais essentielle au bon fonctionnement du gouvernement fédéral.
Cependant, une fois que l’information est classifiée, il n’y a aucune obligation légale de revoir cette classification – et donc de déclasser ou déclassifier les documents lorsque la protection n’est plus requise.
Pourquoi la déclassification est-elle importante ?
Une demande d’accès peut être faite pour n’importe quel document qui relève d’une institution, quelle que soit sa classification. Pour refuser de communiquer l’information, l’institution se fonde sur les exceptions prévues dans la Loi et non sur sa classification de sécurité.
Toutefois, si un document est hautement classifié, son traitement en vertu de la Loi est lourd et coûteux, car il requiert une infrastructure sécurisée et des processus rigides. Par ailleurs, seuls des employés ayant la cote de sécurité appropriée peuvent le traiter.
En déclassifiant les documents lorsqu’il est raisonnable de le faire, les institutions pourraient plus facilement communiquer l’information qui n’est plus sensible, car il est plus facile de traiter des documents déclassifiés.
En plus de contribuer à la transparence, à la responsabilisation et à un gouvernement ouvert, la déclassification et la diffusion de documents historiques importants sur la sécurité nationale et le renseignement au Canada atténueraient la pression exercée sur le système d’accès.
En quoi l’absence de système de déclassification a-t-elle une incidence sur BAC ?
Ce n’est pas la désignation de sécurité d’un document qui fait en sorte qu’on doit refuser sa communication en vertu, par exemple, de l’article 13 (renseignements obtenus à titre confidentiel d’organismes gouvernementaux) ou de l’article 15 (affaires internationales, sécurité nationale et défense) de la Loi. Cependant, elle joue pour beaucoup dans le fait que les institutions invoquent trop souvent ces exceptions par excès de prudence. En outre, la désignation de sécurité d’un document prolonge le temps requis pour traiter les demandes d’accès et consulter les autres institutions, en raison des strictes exigences de sécurité qui alourdissent considérablement chaque étape du processus.
Les institutions ne sont pas tenues par la loi d’examiner, de déclassifier ou de déclasser des documents classifiés avant de les transférer à BAC. Par conséquent, même si la communication du contenu des documents n’a plus d’incidence sur le plan de la sécurité, l’absence de programme de déclassification contribue aux retards lorsque BAC reçoit des demandes d’accès visant ces documents.
Le Canada, l’Australie, la Nouvelle‑Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis forment le Groupe des cinq, une alliance de renseignement. Le Canada est le seul membre qui ne dispose pas de programme national de déclassification.
Quelques progrès ont été observés
Au cours de l’enquête systémique, le Commissariat a appris qu’un groupe de travail interministériel sur la déclassification lancera un projet pilote de déclassification des documents du Comité mixte du renseignement datant de 1943 à 1960 et détenus par différentes institutions.
De plus, Sécurité publique Canada, en collaboration avec la collectivité de la sécurité nationale et du renseignement, BAC et le Secrétariat du Conseil du Trésor, dirige des initiatives de déclassification. Il reste à voir si ce travail donnera des résultats tangibles. Cela dit, ces initiatives, tout comme les autres mesures principales prévues en matière d’accès, sont un pas dans la bonne direction.
Dans la situation actuelle, le traitement de l’information classifiée est un processus extrêmement long et compliqué. Toute initiative visant à déclassifier ou à déclasser les documents facilitera le traitement des demandes d’accès et améliorera l’accès en général.
Afin de faire respecter le droit d’accès, il importe que le gouvernement fédéral adopte une approche normalisée de la déclassification dans l’ensemble des institutions pour rendre les documents plus facilement accessibles.
Au-delà de l’enquête systémique sur Bibliothèque et Archives Canada
La Commissaire à l’information a tiré la sonnette d’alarme au sujet du besoin d’un système de déclassification digne de ce nom au Canada à plus d’une reprise, notamment au Sommet mondial du Partenariat pour un gouvernement ouvert de 2019, lors duquel elle animait une discussion d’experts sur la déclassification. En février 2020, le Commissariat a publié une stratégie de déclassification rédigée par Wesley Wark, qui a agi comme rapporteur du groupe d’experts. Cette stratégie présente 15 recommandations que le Canada pourrait mettre en œuvre pour se doter de son propre système de déclassification.
Dans l’avant-propos du document, la Commissaire déplore le fait que le Canada ne dispose pas d’un système de déclassification des documents historiques liés à la sécurité nationale et au renseignement. Le système d’accès ne dispose pas des ressources pour assurer la révision de facto du degré de sensibilité des documents historiques liés à la sécurité nationale et au renseignement.
Par conséquent, de nombreux documents classifiés liés à la sécurité nationale et au renseignement demandés dans le cadre de demandes d’accès font l’objet de plaintes au Commissariat – et les enquêtes sur ce type de documents nécessitent énormément de travail.
Durant les deux années écoulées depuis que cette stratégie a été présentée au Groupe consultatif sur la transparence de la sécurité nationale, la situation n’a pas beaucoup changé au Commissariat. En effet, 20 % des 5 000 dossiers dans l’inventaire portent toujours sur des plaintes concernant ce type de documents.
La Commissaire réitère ce qu’elle a déclaré dans ses observations et recommandations dans le cadre de l’examen du système d’accès :
Force est de constater que, bien souvent, la sensibilité des documents relatifs à la sécurité nationale diminue avec le temps. Un système de déclassification adéquat, basé sur des examens périodiques et le consensus d’experts, permettrait aux chercheurs et à d’autres personnes d’avoir accès aux documents n’étant plus sensibles du point de vue de la sécurité nationale, grâce à des mécanismes autres que laLoi. Cela allégerait la pression sur le système d’accès à l’information et permettrait d’obtenir un meilleur résultat pour tous les intervenants.
Conclusion
Mot de la fin de la Commissaire
Le non-respect du droit d’accès par une institution, peu importe laquelle, est inacceptable. Lorsque le mandat de cette institution est de permettre d’accéder à la mémoire collective du Canada, il est d’autant plus urgent de s’attaquer au problème. L’incapacité de BAC de s’acquitter de ses obligations en matière d’accès à l’information l’empêche également de bien remplir son mandat.
Cela dit, certains des problèmes soulevés dans le cadre de cette enquête ne pourront pas être réglés par BAC seule. C’est pour cette raison que, dans le présent rapport, j’ai mis l’accent sur les conclusions de l’enquête qui confirment des constatations que j’ai faites par le passé :
Les consultations entre les institutions entraînent constamment des retards dans le traitement des demandes d’accès. Il est nécessaire d’adopter un système rigoureux et strict de consultation à l’échelle du gouvernement fédéral. Ce système pourrait être appliqué et respecté par toutes les institutions afin de faciliter le traitement des demandes d’accès en temps opportun.
Le Canada a un besoin urgent d’un système de déclassification. Un bon programme de déclassification devrait viser à rendre les documents accessibles autrement qu’au moyen du système d’accès à l’information. La création d’un tel système nécessitera la participation active de plusieurs institutions.
Le ministre du Patrimoine canadien s’est engagé à s’assurer que BAC fournisse des mises à jour deux fois par année concernant les résultats réalisés à la suite de la mise en œuvre de mes recommandations. Je suivrai ces mises à jour avec intérêt et j’espère sincèrement que mes recommandations amélioreront l’accès pour la population canadienne.
Je m’attends à ce que des modifications à la Loi soient proposées à l’issue de l’examen de l’accès à l’information. Toutefois, si l’on veut que le système d’accès fonctionne correctement, il est essentiel de régler immédiatement des problèmes urgents comme ceux abordés dans le présent rapport spécial. Ceux-ci requièrent l’attention des responsables des institutions fédérales dès maintenant, y compris celle de la présidente du Conseil du Trésor, dont le secrétariat est responsable de fournir des directives et des orientations aux institutions fédérales sur l’application de la Loi et l’interprétation des politiques connexes.
J’incite le gouvernement et tous les parlementaires à accorder l’attention nécessaire aux questions que j’ai soulevées dans le présent rapport.
Caroline Maynard
Commissaire à l'information du Canada
J’espère sincèrement que les parlementaires accorderont l’attention nécessaire à l’état lamentable du système d’accès à BAC et dans de nombreuses autres institutions.
- Commissaire à l’information du Canada
Lettre du ministre du Patrimoine canadien reçue le 14 février 2022 par le Commissariat à l’information du Canada. Cette lettre donne suite aux conclusions de la Commissaire et fait le point sur les mesures prises par BAC.
Annexe
Réponse du ministre du Patrimoine canadien
Numéro de dossier du Commissariat : 5820-03262
Madame Caroline Maynard
Commissaire à l’information du Canada
Commissariat à l’information du Canada
30, rue Victoria
Gatineau (Québec)
K1A 1H3
Madame,
La présente donne suite à votre premier rapport du 14 janvier 2022, qui a été délivré en vertu de l’alinéa 37(1)a de la Loi sur l’accès à l’information et qui porte sur l’obligation de Bibliothèque et Archives Canada de donner accès aux documents sous son contrôle en temps opportun. Je tiens à vous remercier pour votre rapport ainsi que vos recommandations sur cette question très importante. J’apprécie que vous reconnaissiez que le processus d’enquête ait été coopératif.
Bibliothèque et Archives Canada est une ressource incontournable pour tous les Canadiens qui veulent mieux se connaître eux-mêmes, individuellement et collectivement. Étant la mémoire permanente de l’administration fédérale et de ses institutions, il vise à donner aux Canadiens l’accès à notre patrimoine documentaire et demeure déterminé à soutenir ce droit d’accès capital. Comme vous le signalez si bien dans votre rapport, Bibliothèque et Archives Canada a aussi la responsabilité de donner accès aux documents dont les Canadiens ont besoin dans le cadre d’un recours collectif ou d’une convention de règlement.
Le droit d’accès est une question importante que nous prenons au sérieux. Comme le montre votre rapport, au cours des dernières années, il y a eu une hausse considérable du nombre et de la complexité des demandes d’accès à l’information présentées à Bibliothèque et Archives Canada. Cela a créé une pression considérable sur l’institution pour qu’elle s’acquitte de ses responsabilités en matière de respect du droit d’accès pour la population canadienne. Votre rapport identifie plusieurs sujets de préoccupation que je partage. Bibliothèque et Archives Canada établira un plan d’action afin de mesurer ses progrès, en fonction des recommandations formulées :
- Améliorer les processus que l’institution utilise pour répondre aux demandes d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels, notamment en ayant davantage recours aux pouvoirs délégués et en adoptant une approche systématique pour déclassifier les documents;
- Mettre en place une infrastructure adéquate pour traiter les demandes d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels, particulièrement pour les documents cotés Secret et Très secret;
- Obtenir les fonds et les ressources nécessaires de façon à ce qu’ils correspondent bien à la charge de travail actuelle et qu’ils soutiennent les différents secteurs d’activités associés aux fonctions liées aux demandes d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels.
Bibliothèque et Archives Canada élaborera des processus en vue de mieux exercer ses pouvoirs délégués, y compris dans la formation de son personnel. Le recours approprié aux consultations se poursuivra lorsque des connaissances approfondies du demandeur sont requises, mais l’institution envisagera la communication partielle d’information, si possible. Elle collaborera également avec ses organisations clientes afin d’améliorer le processus de consultation, y compris l’établissement de normes de service claires pour les suivis systématiques et la priorisation des demandes. Bibliothèque et Archives Canada évaluera l’ensemble de ses flux de travail actuels pour élaborer un cadre axé sur le risque qui fournira des directives sur le moment et la manière dont les pouvoirs délégués peuvent être appliqués afin de réduire les consultations. Parallèlement, l’institution continuera à faire du recrutement et à développer l’expertise interne dont elle a besoin pour utiliser ses pouvoirs délégués afin de prendre des décisions sans consultation et de réduire le temps de réponse.
Bibliothèque et Archives Canada s’est également engagé à réduire sérieusement son arriéré de demandes d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels. Les opérations ont été suspendues temporairement en raison des mesures de santé et de sécurité liées à la pandémie, et comme les documents gouvernementaux sont principalement sur papier, les opérations exigent la présence du personnel sur place pour une partie de chaque demande. Il est important de noter que Bibliothèque et Archives Canada doit continuer à respecter les recommandations en matière de santé et de sécurité des administrations où il exerce ses activités. Tout le personnel d’accès à l’information disponible (c’est-à-dire qui ne s’occupe pas de demandes liées à un litige ou d’autres demandes urgentes de clients) s’efforce maintenant de réduire l’arriéré, et Bibliothèque et Archives Canada fera du recrutement ciblé et mettra en œuvre de nouveaux flux de travail pour accroître sa capacité. Il met sur pied une unité chargée expressément de répondre aux plaintes, unité qui sera fonctionnelle en avril 2022. Conformément à la Loi sur l’accès à l’information, Bibliothèque et Archives Canada répondra à ces demandes dans l’ordre selon lequel elles ont été reçues.
Dans votre rapport, vous soulevez le problème des documents à accès restreint et de leur déclassification, et recommandez que les institutions du gouvernement soient tenues d’examiner et, dans la mesure du possible, de déclassifier ou d’abaisser la cote de sécurité de leurs documents avant de les transférer à Bibliothèque et Archives Canada.
Puisque le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada est responsable de l’établissement et de l’application des politiques et pratiques en matière de gestion de l’information au sein du gouvernement du Canada, j’ai présenté votre rapport à mon collègue, le président du Conseil du Trésor. Bibliothèque et Archives Canada contribue actuellement aux efforts pangouvernementaux continus sur le déclassement ou l’abaissement des cotes de sécurité des documents dans l’ensemble des institutions gouvernementales. Bibliothèque et Archives Canada tiendra le Commissariat au courant de l’évolution de la situation.
Bibliothèque et Archives Canada a pris de mesures pour améliorer son infrastructure axée sur le traitement des documents cotés Secret. En octobre 2021, il a mis en œuvre une nouvelle solution informatique pour aider à traiter les documents cotés Très secret. Toutefois, nous savons qu’il reste du travail à faire. Bibliothèque et Archives Canada prend des mesures en vue d’améliorer le traitement de ces documents et prévoit avoir une capacité accrue de traitement des documents cotés Très secret en 2023, parallèlement au recrutement continu et à la formation du personnel pour s’occuper des réponses aux demandes d’accès à des documents cotés Très secret. L’institution est déterminée à traiter ces demandes en suspens le plus rapidement possible et, conformément à la Loi sur l’accès à l’information, dans l’ordre selon lequel elles ont été reçues.
Votre rapport reconnaît que, étant donné la charge de travail accrue, Bibliothèque et Archives Canada nécessitait un financement adéquat pour soutenir les divers secteurs d’activités associés à ses fonctions liées à l’accès à l’information et à la protection des renseignements personnels. Pour répondre à ces préoccupations, Bibliothèque et Archives Canada consulte activement avec les ministères impliqués afin de s’assurer que ses besoins en matière de ressources sont pris en considération lorsque de nouveaux programmes gouvernementaux ou des règlements de litige nécessiteront l’accès aux documents gouvernementaux qu’il détient. Cet enjeu me tient particulièrement à cœur.
Vous demandé [sic] que Bibliothèque et Archives Canada publie sur son site Web des mises à jour concernant les résultats concrets qu’il a réalisés quant à la mise en œuvre de vos recommandations. Je demande à l’institution de rédiger un plan d’action complet en réponse à votre rapport et à vos recommandations. Elle fera le point sur les progrès deux fois par année, en commençant à la fin de 2022.
Je vous remercie pour votre appui et votre engagement soutenus sur cet enjeu important. Mon ministère continuera de travailler en étroite collaboration avec Bibliothèque et Archives Canada pour veiller à ce que les demandes d’accès soient traitées plus rapidement et plus efficacement. L’ouverture et la transparence demeurent des priorités pour notre gouvernement et je m’engage à respecter ces valeurs.
J’ai pris la liberté d’ajouter en copie conforme à ma réponse la bibliothécaire et archiviste du Canada, Leslie Weir, à titre d’information et à des fins de suivi.
Veuillez agréer, Madame, l’assurance de mes meilleurs sentiments.
L’honorable Pablo Rodriguez, C.P., député
c.c. Madame Leslie Weir, Bibliothécaire et Archiviste du Canada